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12/09/2018 | FRANCE | N°16/12214

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 12 septembre 2018, 16/12214


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2018



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/12214



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 15/01224





APPELANTE :



Société OMNIUM DE GESTION ET FINANCEMENT prise en la per

sonne de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentée par Me Stéphane X..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0075





INTIMÉ :



Monsieur Jean-Pierre Y...

né le [...] à...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2018

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/12214

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 15/01224

APPELANTE :

Société OMNIUM DE GESTION ET FINANCEMENT prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentée par Me Stéphane X..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

INTIMÉ :

Monsieur Jean-Pierre Y...

né le [...] à PARIS

demeurant [...]

Représenté par Me Françoise Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : A0866

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Bruno BLANC, Président

M. Olivier MANSION, Conseiller

Mme Soleine A... B..., Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Bruno Blanc dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Clémentine VANHEE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bruno BLANC, Président et par Clémentine VANHEE, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. Y... (le salarié) a été engagé à compter du 22 mai 2006 par contrat à durée indéterminée en qualité de responsable gestion des contrat de prévoyance funéraire, statut cadre, par la société Omnium de gestion et de financement (l'employeur).

Il a été licencié pour faute grave le 22 octobre 2014.

Estimant ce licenciement infondé, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 2 juin 2016, a dit ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes.

L'employeur a interjeté appel le 29 septembre 2016, après notification du jugement le 27 septembre 2016.

Il conclut à l'infirmation du jugement, à son annulation pour défaut de motivation sur les heures supplémentaires, au rejet des demandes adverses et sollicite paiement de 3 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié demande la confirmation partielle du jugement et sollicite, pour le surplus, paiement des sommes de :

- 55 820,50 € de rappel d'heures supplémentaires ;

- 5 582 € de congés payés afférents ,

- 74 037 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 61 697,15 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale,

- 18 509,25 € de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

- 37 018,50 € de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, le 30 janvier 2015.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux dernières conclusions des parties échangées par RPVA.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

1°) La lettre de licenciement datée du 22 octobre 2014 reproche au salarié une faute grave consistant au refus d'extension de son secteur d'activité dans la région Nord-Est en dépit d'une clause de mobilité contenue dans son contrat de travail, refus matérialisé dans plusieurs mails et une lettre du 2 juin 2014 et consistant en l'absence de missions sur l'extension du secteur, le tout s'analysant en une insubordination caractérisée.

Le salarié soutient que la clause est illicite, mais également que l'employeur y a eu recours de façon abusive.

Pour être valable, une clause de mobilité doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, être proportionnée au but recherché compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé, être justifiée par la nature de la tâche à accomplir, enfin elle doit définir la zone géographique dans laquelle elle s'applique.

Depuis 2014, la jurisprudence admet que la clause puisse viser le territoire français dans son ensemble.

La mise en oeuvre de cette clause nécessite un délai de prévenance raisonnable et doit s'effectuer de façon loyale.

Lorsque la mise en oeuvre de la clause de mobilité porte atteinte à la vie personnelle et familiale du salarié, cette atteinte doit être justifiée par la tâche à accomplir et être proportionnée au but recherché.

En l'espèce, le contrat de travail du 10 février 2011, prévoit en son article 4 intitulé périmètre d'intervention que : 'le salarié exerce son activité sur une zone déterminée par sa hiérarchie. Les parties rappellent que cette zone d'activité n'est pas un élément essentiel de son contrat de travail.

Il est expressément convenu que le nombre de collaborateurs de l'équipe commerciale confiée, leur répartition géographique, ainsi que la zone d'activité confiée, ne constituent pas un élément essentiel du contrat de travail du salarié.

Cette répartition pourra être modifiée à tout moment à l'initiative de l'entreprise, en fonction des nécessités de l'organisation. La société se réserve donc le droit de modifier à tout moment le territoire de la zone d'activité sur laquelle le salarié exercera ses missions et - ne lui accordant aucune exclusivité- d'y installer les collaborateurs qu'il jugera nécessaires'.

L'article 12, intitulé clause de mobilité, stipule : 'Compte tenu de la nature de ses fonctions, le salarié pourra faire l'objet, au cours de sa carrière, d'un certain nombre de mutations qu'il est réputé avoir accepté. Ces mutations peuvent intervenir sur l'ensemble de la France métropolitaine, soit pour l'amélioration et le développement de ses connaissances professionnelles, soit dans l'intérêt de l'entreprise pour les besoins propres à OGF Courtage'.

Le secteur géographique étant déterminé, la clause n'est pas illicite.

Par lettre du 12 mai 2014, la mise en oeuvre de la clause de mobilité est confirmée avec une affectation à la direction déléguée Nord-Est. Le secteur géographique confié présente une superficie plus grande, même s'il contient une partie commune à l'ancienne zone couverte.

Si le salarié invoque une atteinte à sa vie personnelle et familiale, cet argument repose sur ses seules affirmations. Il en va de même pour une éventuelle modification de sa part de rémunération variable.

En revanche, l'employeur ne justifie pas avoir respecté un délai de prévenance alors que l'extension de la zone géographique était conséquente : ajout des régions de Laon, Reims, Metz, Troyes, Bar-le-Duc, Auxerre, Dijon, Nancy-Epinal et Strasbourg.

En conséquence, la faute grave précitée ne peut être valablement reprochée au salarié, ce qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé sur les montants de l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, et le rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire.

Le jugement a fixé les dommages et intérêts pour licenciement abusif à 43 400 €.

Le salarié demande, à hauteur d'appel, la somme de 74 037 €.

Au regard de l'ancienneté du salarié et de la durée de ses recherches pour retrouver un emploi, le montant des dommages et intérêts sera évalué à 62 000 €.

2°) Le salarié ne démontre aucune circonstance vexatoire ou brutale du licenciement, ce qui entraîne le rejet de sa demande de dommages et intérêts et la confirmation du jugement sur ce point.

3°) De même, il n'est pas établi que l'employeur ait exécuté de façon déloyale le contrat de travail, les échanges de mails n'étant pas probants sur ce point.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les heures supplémentaires :

1°) Le salarié a bénéficié d'un forfait-jour, selon le contrat de travail, de 216 jours par an plus la journée de solidarité prévue par la loi du 30 juin 2004, soit un total de 217 jours.

Il soutient que ce forfait est privé d'effet et que l'employeur lui doit le paiement d'heures supplémentaires car l'employeur n'aurait pas appliqué la convention collective prévoyant un forfait-jour d'une durée maximale de 215 jours et aurait omis d'assurer un suivi et un contrôle de la durée du temps de travail.

L'employeur répond que le forfait-jour prévu au contrat est valable sous l'égide de la convention collective applicable et qu'à défaut, relevant de la catégorie des cadres dirigeants, il ne pouvait bénéficier des dispositions relatives aux heures supplémentaires.

Il convient de relever que le forfait jour a été établi alors que le contrat de travail était régi par la convention collective des entreprises de courtage, d'assurances et/ou de réassurances puis après transfert du contrat de travail et à l'issue de la période de survie de la première convention collective, par la convention collective nationale des pompes funèbres, dont l'article 9 de l'accord du 16 février 2000 relatif à la réduction du temps de travail à 35 heures, prévoit que les cadres classés au niveau V 1 et 2 et VI position 1 pourront se voir proposer de conclure une convention de forfait en jours dont la durée maximale annuelle est de 215 jours.

Si la disposition conventionnelle est plus favorable à la disposition contractuelle, elle doit s'appliquer sans que pour autant la stipulation contractuelle soit privée d'effet si le quota de 215 jours n'a pas été dépassé.

L'article 7 de ce même accord prévoit la mise en place d'un système permettant de contrôler la durée journalière, hebdomadaire et annuelle du travail.

Au sein de l'entreprise, un accord du 22 mars 2012 (pièce n°30) a prévu, outre un forfait-jour de 216 jours, un décompte des journées travaillées sur la base de l'auto-déclaration avec remise à la fin de chaque mois civil au responsable hiérarchique.

Les bulletins de paie font apparaître un niveau de classification de 6.1, ce qui est admis par les parties.

L'employeur ne démontre pas que le plafond maximal de 215 jours a été respecté ni qu'un contrôle a été instauré pour vérifier l'application de ce forfait-jour.

Il en résulte que la convention de forfait-jour ne peut produire effet et que le salarié est bien fondé à obtenir paiement d'heures supplémentaires dont il appartient à la cour de vérifier l'existence et le nombre.

Sur ce point, l'employeur affirme que, puisque la convention collective nationale des pompes funèbres est devenue applicable qu'à compter du 16 mai 2013, soit 15 mois après le transfert du contrat de travail le 16 février 2012, le salarié ne pourrait réclamer des heures supplémentaires qu'à compter du 16 mai 2013 et jusqu'au 20 septembre 2014.

Toutefois, il n'existe pas plus de vérification par l'employeur de l'application de la convention de forfait avant et après le 16 mai 2013, de sorte que la durée sur laquelle porte la demande, dans la limite de la prescription, est recevable.

Le salarié produit la copie d'une partie de ses agendas (pièce n°41) ainsi que de nombreux échanges de mails (pièces n°39 et 40) montrant une grande amplitude horaire.

Cependant, il n'est pas possible de retenir de façon certaine une moyenne de 15 heures supplémentaires par semaine, ce qui implique que le jugement, qui n'encourt pas l'annulation pour défaut de motivation, doit être confirmé en ce qu'il a retenu la somme de 35 000 € à ce titre, y inclus les congés payés afférents, sans qu'il soit nécessaire de préciser le détail du calcul pour obtenir ce résultat.

2°) Le salarié réclame, au titre du travail dissimulé, une somme forfaitaire en application des dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail.

L'absence de contrôle de l'application de la convention de forfait-jour ne vaut pas, ipso facto, caractérisation de l'intention frauduleuse requise pour retenir un travail dissimulé.

En l'espèce, une telle intention n'est pas démontrée ce qui justifie de rejeter la demande et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur les autres demandes :

1°) Les intérêts dus sur les sommes accordées au salarié courront à compter du prononcé de la décision d'appel en application de l'article 1231-7 du code civil.

2°) Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'employeur et le condamne à payer au salarié la somme de 1 500 €.

L'employeur supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

- Confirme le jugement du 2 juin 2016 sauf en ce qu'il condamne la société Omnium de gestion et de financement à payer à M. Y... la somme de 43 400 € (quarante-trois mille quatre cents euros )de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Statuant à nouveau sur ce chef :

- Condamne la société Omnium de gestion et de financement à payer à M. Y... la somme de 62 000 € (soixante-deux mille euros) de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant :

- Dit que les sommes que la société Omnium de gestion et de financement doit payer à M. Y... en exécution de cette décision produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;

- Rejette les autres demandes ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Omnium de gestion et de financement et la condamne à payer à M. Y... la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) ;

- Condamne la société Omnium de gestion et de financement aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 16/12214
Date de la décision : 12/09/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°16/12214 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-12;16.12214 ?
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