La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/09/2018 | FRANCE | N°16/15367

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 11 septembre 2018, 16/15367


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 11 Septembre 2018

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/15367



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 10/00904





APPELANTE

Madame Simone X...

[...]

née le [...] à MARSEILLE (13)

représentée par Me Marc G..., avocat au ba

rreau de PARIS, toque : J152 substitué par Me Vanessa Y..., avocat au barreau de PARIS







INTIMEE

SAS CELLVAX

[...]

N° SIRET : 438 163 511 00035

représentée par Me Christelle...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 11 Septembre 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/15367

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 10/00904

APPELANTE

Madame Simone X...

[...]

née le [...] à MARSEILLE (13)

représentée par Me Marc G..., avocat au barreau de PARIS, toque : J152 substitué par Me Vanessa Y..., avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SAS CELLVAX

[...]

N° SIRET : 438 163 511 00035

représentée par Me Christelle Z..., avocat au barreau d'ESSONNE substitué par Me Corinne A..., avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Christophe BACONNIER, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvie HYLAIRE, présidente

Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller

Madame Jacqueline LESBROS, conseillère

Greffier : Mme Caroline GAUTIER, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Sylvie HYLAIRE, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société anonyme Cellvax a employé Madame Simone X..., née [...], par contrat de travail «'nouvelle embauche », désigné ci-après CNE, à compter du 11 octobre 2006 en qualité de chercheur.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

La rémunération mensuelle brute de Mme X... s'élevait à la somme de 2.633,68 € pour 151,67 heures par mois.

Par lettres datées du 27 avril 2007 et du 9 mai 2007, la société Cellvax a mis fin au CNE et le contrat de travail s'est interrompu le 8 juin 2007 après exécution d'un préavis d'un mois.

A la date de la rupture, Madame X... avait une ancienneté de 7 mois.

Contestant la légitimité de la rupture de son contrat de travail et réclamant divers rappels de salaires et indemnités, Madame X... a saisi le conseil de prud'hommes de Évry qui, par jugement du 27 septembre 2011 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- condamné la société Cellvax à verser à Madame X... les sommes de :

* 807,22 € au titre du complément d'indemnité de rupture du CNE,

* 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du prononcé du présent jugement,

- débouté Madame X... du surplus de ses demandes,

- mis les dépens à la charge de la société Cellvax.

Madame X... a relevé appel de ce jugement par déclaration du 20 octobre 2011.

L'affaire a fait l'objet d'une radiation le 5 novembre 2014 et a été rétablie à la demande de Madame X... le 4 novembre 2016.

Par arrêt du 30 janvier 2018, la cour a rejeté l'exception de péremption d'instance soulevée par la société Cellvax.

L'affaire a été appelée à l'audience du 8 juin 2018.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, Madame X... demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'Évry le 27 septembre 2011 en ce qu'il a condamné la société Cellvax à verser à Madame X... la somme de 807,22 € au titre de l'indemnité de rupture du CNE, de l'infirmer pour le surplus, de débouter la société Cellvax de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer les sommes suivantes :

* Rappel de salaires pour la période du 1er septembre 2006 au 10 octobre 2006 : 3.502,79€,

* Congés payés afférents : 352,08 €,

* Rappel de salaires relatif à la différence entre les bulletins de paie et les sommes versées: 1.585,19 €,

* Rappel de salaires pour les heures supplémentaires : 12.641,72 €,

* Congés payés afférents : 1.264,17 €,

* Dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail : 18.671,94 €,

* Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 18.671,94 €,

* Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 18.671,94 €,

* Complément d'indemnité de rupture de contrat nouvelle embauche : 1.291,52 €

* Article 700 du code de procédure civile : 5.000 €.

Mme X... demande également à la cour d'ordonner la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Assedic et de bulletins de paie conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 150 € par jour de retard pour chacun de ces documents.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, la société Cellvax demande à la cour de':

A titre principal,

- constater le bien-fondé de la rupture du contrat nouvelle embauche de Madame X... intervenue le 27 avril 2009,

- constater la carence de Madame X... dans l'administration de la preuve en matière de harcèlement moral,

- constater la carence de Madame X... dans l'administration de la preuve d'heures supplémentaires,

- constater l'absence de travail dissimulé,

- constater que le mois de septembre 2017 n'est pas dû à Madame X...,

- constater que le rappel de salaire demandé par Madame X... a déjà été réglé,

- et en conséquence, débouter Madame X... de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- constater la cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat et en conséquence débouter Madame X... de sa demande de dommages et intérêts ;

A titre infiniment subsidiaire,

- limiter le montant des dommages et intérêts pour rupture abusive au préjudice subi soit au maximum 15802,02 € ;

En tout état de cause,

- condamner Madame X... à payer une somme de 3.000 € à la société Cellvax sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame X... aux entiers dépens.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le rappel de salaire du mois de septembre 2006

Madame X... sollicite les sommes de 3 502,79 € à titre de rappel de salaires pour la période du 1er septembre 2006 au 10 octobre 2006 et de 352,08 € au titre des congés payés afférents ; à l'appui de cette demande, elle fait valoir qu'elle a travaillé en réalité à compter du 1er septembre 2006 et produit des courriers électroniques antérieurs à son embauche officielle le 11 octobre 2006 (pièce n° 16 salarié) pour le démontrer.

La société Cellvax s'oppose à cette demande et fait valoir à l'appui de sa contestation que les éléments de preuve produits, à savoir quelques courriers électroniques envoyés depuis son adresse personnelle par Madame X... à des laboratoires, ne sauraient être considérés comme des preuves du travail commandé par son employeur et ne suffisent de toute façon pas à prouver que Madame X... a travaillé un mois et demi à temps plein avant d'être embauchée.

A l'examen des pièces produites (pièce n° 16 salarié) et des moyens débattus, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour retenir que Madame X... a travaillé à partir du 1er septembre 2006 pour la société Cellvax.

En effet, la pièce 16 est composée de 5 courriers électroniques datés des 4, 11 et 29 septembre 2006 et des 3 et 6 octobre 2006 adressés par Madame X... depuis sa messagerie personnelle :

- la teneur du courrier électronique du 4 septembre est exclusivement amicale, sans aucune mention professionnelle ;

- les quatre autres courriers électroniques sont relatifs à une demande d'utilisation du département d'expérimentation animale de l'hôpital Saint Louis à Paris pour un perfectionnement concernant l'injection intracardiaque chez la souris formulée par Madame X... en vue du travail qu'elle devait accomplir pour la société Cellvax dés sa prise de fonction ; dans le dernier courrier électronique du 6 octobre, Madame X... indique à son interlocuteur qu'elle commence la semaine prochaine l'injection en intracardiaque sur les souris, en sorte que la cour retient que Madame X... établit avoir rédigé quatre courriers électroniques pour préparer sa prise de fonction le 11 octobre 2006, ce qui ne saurait suffire à prouver qu'elle a commencé à travailler pour la société Cellvax dés le 1er septembre 2006.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Madame X... de cette demande.

Sur le rappel de salaires relatif à la différence entre les bulletins de paie et les sommes versées

Madame X... sollicite la somme de 1.585,19 € à titre de rappel de salaires relatif à la différence entre les bulletins de paie et les sommes versées et fait valoir, à l'appui de cette demande que ses bulletins de salaire d'octobre 2006 à avril 2007 mentionnent un salaire net total de 14.397,20 € alors que sur la même période, la société Cellvax ne lui a versé que 12.807,10 €; une somme nette de 1.585,19 € lui resterait donc due.

La société Cellvax s'oppose à cette demande et fait valoir, à l'appui de sa contestation qu'elle a consenti des avances comme cela ressort des bulletins de salaire des mois d'octobre et novembre 2006, et de février et mars 2007 (pièce n° 6 salarié).

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Madame X... est bien fondée dans sa demande au motif d'une part que les quatre avances de 1.000 € faites par la société Cellvax en octobre et novembre 2006 et en février et mars 2007 ont bien été prises en considération par Madame X... dans son décompte qui est donc exact et au motif que la preuve du paiement du salaire incombe à l'employeur ; or cette preuve ne peut procéder du seul bulletin de paie qui ne constitue qu'un commencement de preuve et, en cas de contestation, l'employeur qui veut établir s'être libéré de son obligation de payer le salaire dû, doit notamment produire des pièces comptables ou les relevés bancaires de l'entreprise qui permettre de justifier que le salaire a bien été versé, ce que la société Cellvax ne fait pas alors qu'elle soutient avoir acquitté tous les salaires dus.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande de rappel de salaires relatif à la différence entre les bulletins de paie et les sommes versées et, statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne, dans les limites de la demande, la société Cellvax à payer à Madame X... la somme nette de 1.585,19 € à titre de rappel de salaires relatif à la différence entre les bulletins de paie et les sommes versées.

Sur les heures supplémentaires

Madame X... demande à la cour de lui allouer les sommes de 12.641,72 € au titre de heures supplémentaires et de 1.264,17 € au titre des congés payés afférents.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié'; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, Madame X... expose qu'elle était amenée à effectuer de très nombreuses heures supplémentaires, qu'elle arrivait à 9 heures le matin et ne quittait jamais le travail avant 20 heures soit, avec une heure de pause déjeuner, 11 heures de travail quotidien et 20 heures supplémentaires par semaine ; elle ajoute qu'il lui arrivait même de travailler bien après 20 heures comme différents courriels le prouvent.

Pour étayer ses dires, Madame X... produit notamment deux pièces, sa pièce 14 composée de l'attestation de Mme B... ainsi rédigée en ce qui concerne les horaires de travail de Madame X... : «'j'atteste des horaires effectués par Mlle X... lorsqu'elle était en poste au sein de la société Cellvax. En effet, nous avons partagé pendant un mois mon appartement et je peux donc attester des horaires de Melle X.... Nos deux sociétés étaient hébergées à la même adresse ainsi qu'au même étage. Nous partions tous les matins à 8h00 pour arriver à nos sociétés à 9 heures. Je quittais ma société à 18 heures mais, Mlle X... rentrait toujours plus tard. Elle ne rentrait jamais avant 21 h et parfois il arrivait qu'elle rentre à 23 h ».

La pièce 17 est composée de quatre courriels adressés depuis sa messagerie personnelle: dans le premier, elle indique être partie du travail la veille à 21h, les autres mentionnent les heures d'envoi de 23h22, de 21h51 et de 00h36 et sont adressés à son employeur.

Le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.

En défense, la société Cellvax expose que les éléments de preuve produits par Madame X... sont «'fantaisistes'», rien n'indiquant qu'elle se rendait effectivement au travail ou était encore au travail au moment de l'envoi de ces courriers électroniques et qu'en outre Madame X... était «'coutumière des retards'» arrivant parfois à 11h30 ou midi.

Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que Madame X... a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées ouvrant droit à la majoration de 25 %, à hauteur de 1.000 €, étant précisé que la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour retenir qu'il y a eu des semaines où la durée du travail de Madame X... a excédé 40 heures.

Il y donc lieu de faire droit à la demande de Madame X... formée à hauteur de 1.000€ et de 100 € au titre des congés payés afférents.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Madame X... de ses demandes formées au titre des heures supplémentaires, et, statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Cellvax à payer à Madame X...':

- la somme de 1.000 € au titre des heures supplémentaires,

- la somme de 100 € au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de l'article L. 8223-1 du code du travail

Madame X... sollicite la somme de 18.671,94 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ; la société Cellvax s'y oppose en soutenant que la volonté délibérée de dissimuler les heures litigieuses n'est pas établie.

Il résulte de l'article L. 8223-1 du code du travail que le salarié dont le travail a été dissimulé par l'employeur a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié est notamment caractérisé par le fait pour l'employeur de mentionner intentionnellement sur les bulletins de paie, un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que Madame X... n'apporte pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir que la dissimulation d'une partie de son travail était intentionnelle de la part de la société Cellvax; il convient donc de rejeter la demande de Madame X... formée au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de l'article L.'8223-1 du code du travail.

Le jugement déféré est donc confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de rupture du CNE

Madame X... sollicite la somme de 807,22 € au titre de l'indemnité de rupture du CNE (confirmation du jugement pour cette partie de l'indemnité) et un complément d'indemnité de rupture du CNE de 1.291,52 € ; elle fait valoir, à l'appui de cette demande, que cette indemnité est égale à 8 % de la rémunération versée et qu'elle doit être calculée aussi sur les sommes accordées par la cour étant précisé qu'elle a déjà perçu 777,96 € au titre des salaires versés en 2007.

La société Cellvax s'oppose à cette demande dans le dispositif de ses conclusions sans articuler de moyens.

La cour retient que Madame X... est partiellement fondée dans sa demande dès lors que l'indemnité de 8 % n'a été versée que sur les salaires de 2007 et non sur ceux de 2006 et doit encore être versée pour les créances salariales octroyées précédemment par la cour; Madame X... a déjà perçu 777,96 € pour les salaires versées en 2007, il lui reste 807,22 € à percevoir pour les salaires versées en 2006, montants non critiqués et, il convient de rajouter 214,80 € au titre des créances salariales octroyées par la cour (rappels de salaires et heures supplémentaires).

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Cellvax à verser à Madame X... la somme de 807,22 € au titre de l'indemnité de rupture du CNE et, statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Cellvax à payer à Madame X... la somme de 1.022,02 € au titre de l'indemnité de rupture du CNE

Sur la rupture du contrat

Madame X... sollicite la somme de 18.671,94 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ; elle soutient que les conditions de rupture de son contrat de travail sont abusives au motif que les deux lettres de rupture de son CNE (pièces n° 3 et 4 salarié) ne comportent ni l'une ni l'autre de motif de licenciement, que le défaut d'énonciation d'un motif précis équivaut à une absence de motif et que cette absence emporte l'illégitimité du licenciement ; elle invoque un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 1er juillet 2008, pourvoi n° 07-44.124.

La société Cellvax soutient que les conditions de rupture du contrat de travail de Madame X... ne sont pas abusives et correspondaient au règles de droit alors applicables qui permettaient de rompre le CNE, dans les deux années suivant sa conclusion, sans se conformer aux règles de droit applicables pour un licenciement ; en outre, en raison du principe de non rétroactivité, du principe de sécurité juridique ainsi que de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, cet arrêt du 1er juillet 2008, postérieur à la rupture du CNE de Madame X... en 2007, ne peut lui être opposé, au même titre que la loi du 25 juin 2008 qui a supprimé le dispositif du Contrat Nouvelle Embauche.

La cour retient que la sécurité juridique, invoquée par la société Cellvax sur le fondement du principe de non rétroactivité et de prééminence du droit et du droit au procès équitable, pour contester l'application d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de la jurisprudence, ne peut permettre de consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée dès lors que la société Cellvax, qui s'en prévaut, n'est pas privée du droit à l'accès au juge auquel il n'appartient pas de limiter les effets rétroactifs d'une décision d'annulation, cette compétence relevant du pouvoir législatif.

Il est constant que par lettres datées du 27 avril 2007 et du 9 mai 2007, la société Cellvax a mis fin au CNE et que le contrat de travail a pris fin le 8 juin 2007 après exécution d'un préavis d'un mois.

La cour constate que ni l'une ni l'autre de ces lettres ne comporte l'énonciation d'un motif de rupture ; par suite, Madame X... est bien fondée à soutenir que la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que le défaut d'énonciation d'un motif précis équivaut à une absence de motif et que cette absence de motif emporte l'illégitimité du licenciement.

Par ailleurs, c'est en vain que la société Cellvax allègue devant la cour l'insuffisance professionnelle de Madame X... dès lors que c'est dans la lettre de rupture que les motifs doivent être formulés si l'employeur veut qu'ils puissent être discutés devant le juge.

Il est constant qu'à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant la rupture du contrat, Madame X... n'avait pas au moins deux ans d'ancienneté ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1235-5 du code du travail dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié égale au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Madame X..., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Madame X... doit être évaluée à la somme de 5.000€.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et, statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Cellvax à payer à Madame X... la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

Sur le harcèlement moral

Madame X... demande à la cour de condamner la société Cellvax à lui payer la somme de 18.671,94 à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.,1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Madame X... soutient avoir été victime d'un véritable harcèlement de la part de M. C..., dirigeant de la société Cellvax et de Mme D..., une de ses collègues de travail.

Elle verse notamment aux débats les pièces suivantes :

- l'attestation de Mme B... (pièce n° 14 salarié) qui mentionne en ce qui concerne le harcèlement moral : «'à certaines occasions, j'ai entendu des cris provenant de la société Cellvax, signe de la mésentente de la part de Delphine D..., la collègue de Madame X..., envers celle-ci'» ;

- l'attestation de Mme E... (pièce n° 15 salarié) qui déclare : «'Simone X... était toujours de bonne humeur. Son humeur restait égale malgré les crises de colère et d'hystérie de notre collègue Delphine D..., recruter en mars 2600 qualité de chercheurs poste doctoral. Ces crises nous touchaient tous, Mr F... le directeur, moi mais surtout Simone X....

Simone X... a toujours essayé de passer outre les différends personnels avec Delphine D..., prenant même sa défense quand Mr F... demandait à Simone s'il devait virer Delphine. Simone X... était appréciée par tous à la pépinière d'entreprises, elle avait un sourire un mot gentil. Elle m'a d'ailleurs consolé plus d'une fois après les remontrances de Delphine D....

De plus, Simone X... a évité la perte d'un contrat important pour laboratoire. Il s'agissait d'une étude pour la société Wittycell.

Cependant les problèmes de Simone X... ont pris de l'ampleur après l'obtention des financements par OSEO et les expériences réussies pour le projet de Wittycell. En effet Delphine D... avaient raté plusieurs fois ces expérience sans jamais y arriver. Elle était folle de rage.

Mr F... n'est jamais intervenu pour gérer ses crises.

Il m'a même demandé à plusieurs reprises si je devais ou non renvoyer Simone. Je lui ai répondu que je n'étais qu'une assistante de direction en alternance et que je ne comprenais pas pourquoi il me posait ces questions. Il a agi avec moi comme il l'a fait quelques mois avant avec Simone concernant Delphine. Je lui ai cependant dit que j'appréciais beaucoup Simone et qu'il devait la garder (il avait oublié tout ce qu'elle avait fait en six mois).

Simone X... était traquée par Delphine D... ainsi que par Ming F... qui trois mois avant ne jurait que par elle. Simone X... paraissait de plus en plus fatiguée, stressée, usée. Puis début avril elle s'est effondrée.'» ;

- des pièces médicales (pièces n° 11 et 12 salarié) qui établissent que Madame X... a souffert de troubles anxio-dépressifs.

Madame X... établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

En défense, la société Cellvax fait valoir que la relation conflictuelle entre Madame X... et Madame D... provenait d'une incompatibilité d'humeur consécutive aux difficultés de Madame X... à faire bien son travail (pièces n° 15, 16,18 employeur) et que l'employeur a essayé d'apaiser les tensions entre elles en organisant des actions communes (pièce n° 17 employeur).

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Cellvax échoue à démontrer que les faits matériellement établis par Madame X... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ou ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ; en effet, les pièces produites par la société Cellvax (pièces 15 à 18) ne suffisent pas à prouver que la relation conflictuelle entre Madame X... et Madame D... provenait d'une incompatibilité d'humeur consécutive aux difficultés de Madame X... à faire bien son travail et que l'employeur a essayé d'apaiser les tensions entre elles en organisant des actions communes, la pièce 17 ne prouvant aucunement l'intervention prêtée à l'employeur et les autres pièces prouvant seulement que Madame D... se plaignait du travail de Madame X....

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus, compte tenu du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'il a eu pour Madame X..., que l'indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 3.000 euros.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Cellvax à payer à Madame X... la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur la délivrance de documents

Madame X... sollicite la remise de documents (certificat de travail, bulletins de paie, attestation destinée à Pôle Emploi) sous astreinte.

Il est constant que les documents demandés lui ont déjà été remis ; il est cependant établi qu'ils ne sont pas conformes ; il est donc fait droit à la demande de remise de documents formulée par Madame X....

Rien ne permet de présumer que la société Cellvax va résister à la présente décision ordonnant la remise de documents ; il n'y a donc pas lieu d'ordonner une astreinte.

Le jugement déféré est donc infirmé sur ce point, et, statuant à nouveau, la cour ordonne à la société Cellvax de remettre Madame X... le certificat de travail, les bulletins de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision, dans les deux mois de la notification de la présente décision.

Sur les autres demandes

La cour condamne la société Cellvax aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Cellvax à payer à Madame X... la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement' en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Cellvax à payer à Madame X... les sommes de :

- 1.585,19 € à titre de rappel de salaires relatif à la différence entre les bulletins de paie et les sommes versées,

- 1.000 € au titre des heures supplémentaires,

- 100 € au titre des congés payés afférents,

- 1.022,02 € au titre de l'indemnité de rupture du contrat Nouvelle Embauche,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Ordonne à la société Cellvax de remettre Madame X... le certificat de travail, les bulletins de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision, dans les deux mois de la notification de la présente décision,

Condamne la société Cellvax à payer à Madame X... la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société Cellvax aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 16/15367
Date de la décision : 11/09/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°16/15367 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-11;16.15367 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award