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06/09/2018 | FRANCE | N°16/08497

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 06 septembre 2018, 16/08497


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 6 - Chambre 5





ARRÊT DU 06 Septembre 2018


(n° , 1 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/08497





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/09693








APPELANT :





M. Bertrand X...


né le [.

..] à SAINT AMAND MONTROND


demeurant au [...]


comparant en personne, assisté de Me Thibaut SAINT SERNIN,, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525





INTIMÉE :





Société CREDIT AGRICOLE


sise [...]


représentée par Me Ca...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 06 Septembre 2018

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/08497

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/09693

APPELANT :

M. Bertrand X...

né le [...] à SAINT AMAND MONTROND

demeurant au [...]

comparant en personne, assisté de Me Thibaut SAINT SERNIN,, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525

INTIMÉE :

Société CREDIT AGRICOLE

sise [...]

représentée par Me Catherine LE MANCHEC , avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

INTIMÉE :

Société SODICA

sise [...]

N° SIRET : 422 069 021

représentée par Me Catherine LE MANCHEC , avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 Mai 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Stéphane MEYER, Président

Mme Isabelle MONTAGNE, Conseillère

Mme Emmanuelle BESSONE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Clémentine VANHEE, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

- signé par Stéphane MEYER, Président, et par Clémentine VANHEE, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

A compter du 1er janvier 2005 avec une reprise d'ancienneté au 1er octobre 1994, Bertrand X... a été engagé par la société Crédit Agricole qui l'a mis à disposition de sa filiale, la société Sodica, à compter du 1er janvier 2005 pour y exercer la fonction de 'responsable d'affaires fusions-acquisitions'.

Les fonctions exercées en dernier lieu au sein de la société Sodica sont litigieuses.

Le 15 juillet 2014, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et paiement d'indemnités consécutives, formée à l'encontre de la société Sodica.

Les 29 août et 9 septembre 2014, il a été convoqué par la société Sodica à un entretien préalable à un licenciement fixé et tenu le 11 septembre 2014.

Puis par lettre du 18 septembre 2014, la société Sodica lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse, étant précisé qu'il a été dispensé d'exécuter le préavis de trois mois qui lui a été payé.

La lettre de licenciement lui reprochait d'avoir revendiqué la qualité de directeur du pôle conseil sans jamais en justifier au moyen de pièces, une défaillance et des absences aux réunions, d'avoir manipulé frauduleusement un dossier informatique Ressources humaines (Rh) le 26 juin 2014 pour y faire intégrer une description de poste n'ayant jamais figuré à son dossier personnel, d'avoir organisé le départ d'une collaboratrice auprès d'un des plus importants partenaires commerciaux sans en informer quiconque en interne, de n'avoir accordé que quelques minutes à un candidat à l'occasion d'un entretien d'embauche le 7 juillet 2014, d'avoir directement pris attache auprès d'un vendeur dans le cadre d'une négociation pour un client et un manque d'investissement dans son travail et de communication fluide avec les autres équipes.

Le 31 octobre 2014, Bertrand X... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de paiement d'indemnités et rappel de salaire au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, formée à l'encontre de la société Crédit Agricole.

Le conseil de prud'hommes a joint les deux instances ; le dernier état des demandes était le suivant :

Demandes à l'encontre de la société Sodica

Résiliation judiciaire du contrat de travail, subsidiairement licenciement sans cause réelle et sérieuse

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 484.506,00 euros

Dommages et intérêts pour condition vexatoire 161.500,00 euros

Bonus 2013 (reliquat) 17.000,00 euros

Congés payés afférents 1.700,00 euros

Bonus 2014 170.000,00 euros

Congés payés afférents 17.000,00 euros

Demandes à l'encontre de la société Crédit Agricole

A titre principal : juger que la lettre du 7 octobre 2014 adressée par la société Crédit Agricole vaut rupture du contrat de travail et prononcer la nullité de la rupture et sa réintégration

Indemnité de réintégration correspondant aux salaires échus 430.672,00 euros

Congés payés afférents 43.067,20 euros

A titre subsidiaire :

Indemnité compensatrice de préavis 80.751,00 euros

Indemnité compensatrice de préavis sur congés payés 8.075,10 euros

Indemnité de licenciement conventionnelle 221.100,00 euros

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 680.000,00 euros

Dommages et intérêts pour préjudice lié aux conditions vexatoires 161.500,00 euros

Demandes à l'encontre des sociétés Sodica et Crédit Agricole

Dommages et intérêts pour harcèlement moral 161.502,00 euros

Article 700 du code de procédure civile 5.000,00 euros

Exécution provisoire

Capitalisation des intérêts

Par jugement prononcé le 27 mai 2016, notifié le 7 juin 2016, le conseil de prud'hommes, après avoir joint les deux instances et fixé la moyenne des salaires à 26.917,00 euros, a condamné la société Sodica à payer à Bertrand X... les sommes suivantes :

* 139.090,90 euros au titre du bonus 2014,

* 13.909,10 euros au titre des congés payés afférents,

* 700,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et aux dépens, et a rejeté le surplus des demandes.

Le 13 juin 2016, Bertrand X... a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Suivant conclusions du 31 mai 2018 reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement sauf sur le principe du bonus 2014 et les sommes allouées à ce titre, condamner la société Sodica à lui payer les sommes de 30.909,00 euros (170.000 - 139.091) à titre de reliquat de bonus 2014 et 3.090,00 euros au titre des congés payés y afférents, et juger qu'il existe deux contrats de travail distincts avec la société Sodica et la société Crédit Agricole, ses demandes étant identiques à celles formées devant le conseil de prud'hommes sauf sur les montants des sommes suivantes qui sont augmentésainsi qu'il suit :

A l'encontre de la société Sodica

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 509.994,00 euros

Dommages et intérêts pour conditions vexatoires de la rupture 170.000,00 euros

A l'encontre de la société Crédit Agricole

A titre principal :

Ordonner sa réintégration et indemnité de réintégration

(salaires entre le 7 octobre 2014 et le 31 mai 2018) 1.218.319,00 euros

A titre subsidiaire :

Indemnité compensatrice de préavis 85.000,00 euros

Congés payés afférents 8.500,00 euros

Indemnité conventionnelle de licenciement 222.044,00 euros

A l'encontre des deux sociétés

Dommages et intérêts pour harcèlement moral 170.000,00 euros

Dommages et intérêts pour violation de l'obligation

de prévention (demande nouvelle) 170.000,00 euros

Article 700 du code de procédure civile 10.000,00 euros chacune

Suivant conclusions du 22 mai 2018 reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, les sociétés intimées demandent à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a alloué des sommes au titre du bonus et de l'article 700 du code de procédure civile, débouter l'appelant de ses demandes et le condamner à leur payer à chacune la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur les relations de travail avec les sociétés Sodica et Crédit Agricole

L'appelant fait valoir qu'à l'issue du licenciement par la société Sodica, le 18 septembre 2014, il aurait dû retrouver son poste de travail au sein de la société Crédit Agricole en application des dispositions de l'article L.8241-2 du code du travail.

Les sociétés intimées font valoir que le contrat de travail du salarié avec la société Crédit Agricole aurait été légalement transféré le 1er janvier 2014 à la société Sodica, de sorte que les demandes formées contre la société Crédit Agricole ne pourraient prospérer.

L'article L.1224-1 du code du travail dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Le transfert légal des contrats de travail prévu par l'article L.1224-1 est soumis à la double condition de l'existence d'une unité économique autonome et au maintien de l'identité et la poursuite de l'activité de l'entité économique.

En premier lieu, il n'est pas contesté que les sociétés Crédit Agricole et Sodica font partie d'une unité économique et sociale (Ues) dotée d'une représentation du personnel commune et d'un même statut collectif ; que la société Crédit Agricole, organe central veillant au bon fonctionnement du réseau, représentant le groupe au sein des autorités bancaires, coordonnant les stratégies des différents métiers présents dans le groupe, regroupant les fonctions supports et garantissant l'unité financière du groupe en qualité de banque centrale, n'est dotée d'aucune fonction opérationnelle ; que sa filiale Sodica est spécialisée dans les opérations de fusions acquisitions et d'ingénierie financière et boursière de taille moyenne (mid-caps) et petite (small-caps) qui intervient en support de l'activité des réseaux bancaires et des filiales du groupe Crédit Agricole.

Il ressort de l'argumentation et des pièces produites par les sociétés intimées que les contrats de travail des salariés dédiés au lancement d'activité de Sodica n'ont pas été transférés dès la filialisation de l'activité afin de ne pas exposer les salariés à la crainte de voir leur contrat de travail rompu en raison d'une cession de l'activité tant que l'activité de Sodica n'était pas assez pérenne et ne nécessitait plus le recours à l'expertise de collaborateurs d'une autre société ; que l'adoption en 2011 de la directive européenne dite Aifm (Alternative Investment Funds Managers) qui a pour objectif de réguler les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et de surveiller et limiter les risques systémiques, transposée en droit français le 22 juillet 2013, a entraîné la nécessité de réorganiser l'activité d'opérations de fusions-acquisitions, d'ingénierie financière et boursière ; que toute cette activité a alors dû être localisée au sein d'une entité juridiquement distincte de celle de la société Crédit Agricole pour qu'il soit ensuite distingué les activités de placement (M&A et Ecm) et d'investissement (Capital investissement) ; que la séparation des activités des deux entités a conduit au transfert légal des contrats de travail des salariés dédiés à cette activité dont celui de Bertrand X..., étant précisé que les salariés ont conservé l'intégralité de leur contrat de travail et de leur statut collectif, conclus au niveau de l'Ues ; que l'activité s'est bien poursuivie, grâce au même personnel, dans les mêmes conditions et avec la clientèle de la société Crédit Agricole.

Les sociétés intimées produisent en particulier les procès-verbaux de réunions tenues les 20 décembre 2012 et 21 février 2013 avec le comité d'entreprise commun de l'Ues Crédit Agricole, dont il ressort que celui-ci a été informé et consulté sur le projet de transfert des contrats de travail vers la société Sodica dans le cadre des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, que sur les 108 salariés en activité sur la structure Sodica, 55 relèvent du statut Crédit Agricole mis à disposition de Sodica et sont concernés par ce transfert, et que 'les éléments du contrat de travail que vous aviez à CA S.A. sont transférés à l'identique chez votre nouvel employeur qui devient Sodica S.A.' ; il est précisé que l'accord du salarié n'est pas nécessaire compte tenu du mécanisme de transfert automatique mais qu'au regard des demandes exprimées d'avoir des garanties sur les indemnités conventionnelles de licenciement en cas de sortie de l'Ues, il sera soumis à la signature des collaborateurs concernés un avenant destiné à lui assurer cette garantie s'il le souhaite ; que le 21 février 2013, la commission économique a constaté l'engagement de la direction d'offrir au personnel transféré des garanties d'emploi et de statut à l'instar de ce qui a été fait pour 'Ca-Cp' avec un maintien de l'emploi et de la totalité des effectifs sans mobilité géographique contrainte, reprise de tous les éléments individuels du contrat de travail et maintien intégral de toutes les caractéristiques de la rémunération, contractualisation des indemnités conventionnelles de licenciement, selon les modalités de calcul prévues dans l'accord collectif Crédit Agricole appliquées en fonction de l'ancienneté acquise par le salarié à la date de sortie éventuelle de l'Ues, maintien de la société dans l'Ues Crédit Agricole et de l'ensemble des dispositions et accords collectifs, en cas de sortie de l'Ues pour survenance d'un événement majeur comme une évolution capitalistique, maintien du système de prévoyance/santé pendant une année, maintien de l'ancienneté, de la rémunération et de la qualification acquise dans l'Ues et engagement de la direction de négocier un nouveau statut de niveau équivalent pour les collaborateurs de Sodica.

Les sociétés intimées font valoir que la démarche de rationalisation des activités s'est par la suite poursuivie et a conduit Sodica dans le cadre de la directive Aifm à autonomiser son activité de gestion des investissements afin d'obtenir l'agrément des marchés financiers, en créant une filiale, Idia Capital Investissement à laquelle l'ensemble des activités de capital investissement ont été transférées ainsi que les contrats de travail des salariés dédiés à cette activité.

Bertrand X... prétend que les conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail n'auraient pas été réunies en l'absence de modification de la situation juridique de l'employeur et que l'argument de la mise en conformité à la directive Aifm alléguée est inopérant au motif que le pôle conseil en fusions acquisitions qu'il dirigeait n'aurait pas été soumis à cette directive.

Cependant, les sociétés intimées explicitent de manière argumentée et cohérente les raisons juridiques pour lesquelles le volet social de la filialisation de l'activité dédiée aux activités de fusions-acquisitions a été mis en oeuvre une fois que cette activité est devenue pérenne, ce qui établit la modification originelle de la situation juridique de l'employeur et permet de retenir que les conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail sont réunies.

Par ailleurs, les sociétés intimées justifient que le pôle conseil auquel était rattaché Bertrand X... a deux champs d'activité : la gestion des fonds et le conseil aux entreprises et qu'ainsi, alors que l'objet de la directive Aifm est la régulation des gestionnaires de fonds d'investissement, le pôle conseil de Sodica était directement concerné par l'application de la directive ; en effet, il ressort du procès-verbal du comité d'entreprise du 20 décembre 2012 que dans l'activité conseil, outre des expertises dédiées pour des entreprises de taille intermédiaire ou petite, se trouve également 'des activités dédiées à des opérations totalement financières puisqu'il s'agit pour nous d'accompagner une entreprise dans des opérations d'introduction en bourse, donc dans la mise sur les marchés du capital d'une entreprise'. La cour relève ici que Bertrand X... se plaindra lui-même en juin 2014 dans un courriel au directeur général de la société Sodica, Christophe Y... de ce que : 'l'activité Ecm déjà sortie de mon périmètre récupère l'activité levée de fonds (non publiques) au détriment de l'activité qui me reste', ce dont il se déduit que le périmètre de ses activités incluait des opérations financières.

Il résulte de tout ce qui précède que, nonobstant l'absence de signature par Bertrand X... de l'avenant à son contrat de travail relatif au calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement, son contrat de travail a été légalement transféré à la société Sodica à compter du 1er janvier 2014, ce qu'il ne pouvait ignorer du fait de son niveau de responsabilités au sein de la société Sodica et comme il en a été de toutes les façons personnellement informé par lettre conjointe datée du 19 décembre 2013, signée par François Q..., président de la société Sodica et de Pierre Z..., directeur des ressources humaines Groupe.

Par conséquent, l'appelant n'est pas fondé en ses demandes formées à l'encontre de la société Crédit Agricole tant principalement au titre de la réintégration, de l'indemnité de réintégration avec congés payés, que subsidiairement au titre de l'indemnité compensatrice de préavis avec congés payés afférents, indemnité de licenciement conventionnelle, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dommages et intérêts pour préjudice lié aux conditions vexatoires.

Sur les bonus 2013 et 2014

L'appelant fait valoir qu'une prime variable annuelle lui aurait été versée régulièrement depuis 2010 ; que cependant, en 2013, cette prime aurait été amputée de 17.000 euros par rapport aux années précédentes et qu'en 2014, elle ne lui aurait pas été versée sans motif légitime.

Les société intimées font valoir que les montants des primes étaient à la discrétion de l'employeur sans critères fixés, que les montants versés variaient annuellement et que la demande au titre des bonus 2013 et 2014 ne serait pas fondée.

Il ressort des bulletins de paie et des notifications de primes que Bertrand X... a perçu une rémunération variable à hauteur des montants suivants :

150.000 euros au titre de l'exercice 2010 versée en février 2011,

170.000 euros au titre de l'exercice 2011 versée en février 2012,

170.000 euros au titre de l'exercice 2012 versée en février 2013,

153.000,00 euros au titre l'exercice 2013 versée en février 2014.

En l'absence de toute disposition contractuelle ou conventionnelle, le versement d'une gratification par l'employeur au salarié acquiert un caractère obligatoire lorsque son usage est constant, fixe et général.

Alors que la société Sodica ne conteste pas que tous les directeurs reçoivent la prime considérée, le fait d'avoir versé au salarié une rémunération variable pendant quatre exercices consécutifs pour des montants équivalents à une année de rémunération brute, conduit à retenir que cette rémunération qui a acquis le caractère d'un usage dans l'entreprise, est un élément normal et permanent du salaire.

Par conséquent, il y a lieu, par infirmation du jugement, de condamner la société Sodica à payer à l'appelant les sommes de 17.000,00 euros à titre de reliquat de bonus 2013 outre 1.700,00 euros au titre des congés payés afférents et 170.000,00 euros au titre du bonus 2014 outre 17.000,00 euros au titre des congés payés.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail avec la société Sodica

L'appelant fait valoir qu'à la suite du changement de gouvernance en 2013 et l'arrivée de Jean-Christophe Y... en qualité de directeur général, la société Sodica aurait mis en oeuvre par de nouvelles méthodes de gestion, une stratégie visant à l'évincer, se matérialisant par le retrait de ses fonctions, prérogatives, attributions et autonomie attachées au poste de directeur du pôle conseil qu'il occupait depuis début 2011 avec 45 collaborateurs encadrés et la deuxième rémunération de Sodica ; que ses fonctions auraient alors été absorbées par monsieur A... B... ; qu'il aurait été rétrogradé aux fonctions de directeur associé ; que les pressions et l'humiliation subies auraient eu de graves répercussions sur son état de santé psychique ; que la violation de l'obligation de sécurité justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Les sociétés intimées font valoir que le salarié n'aurait jamais occupé les fonctions de responsable du pôle conseil qu'il revendique, qu'il ne produirait que des organigrammes établis par ses soins et des attestations ne faisant que relayer ses allégations, qu'il ne produirait aucune désignation officielle dans les fonctions alléguées et qu'en réalité, il aurait été nommé directeur associé le 1er septembre 2008 et aurait toujours occupé ces fonctions au sein de Sodica ainsi qu'il résulterait de l'organigramme officiel ; qu'à l'arrivée de la nouvelle direction, il se serait volontairement mis à l'écart du projet de réorganisation en refusant de participer aux réunions, alors qu'il aurait été étroitement intégré au projet par la nouvelle direction qui avait besoin de ses compétences, et aurait élaboré une stratégie en vue d'obtenir une résiliation judiciaire du contrat de travail.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat de travail, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était justifiée; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

L'article L.1152-1 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l'article L.1154-1 du même code, il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l'article L 4121-2, il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants:

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

En l'espèce, Bertrand X... qui a intégré le groupe Crédit Agricole le 9 mai 1994 en qualité de chargé d'affaires crédit bail, a connu une évolution de carrière importante au sein de ce groupe.

Mis à disposition de la caisse régionale du Crédit Agricole Nord Est à compter du 1er octobre 1994, son contrat de travail a été transféré à compter du 1er janvier 2005 auprès de la société Crédit Agricole ; conformément à une convention de mise à disposition de personnel du 27 février 2003 signée entre la caisse régionale de Crédit Agricole du Nord Est et la société Sodica, il a été mis à disposition de la société Sodica à compter du 1er janvier 2005.

Par note interne du 29 septembre 2008, diffusée le 1er octobre 2008, Jean-Jacques C..., alors président de la société Sodica, a informé les collaborateurs de la société Sodica de la nomination de Bertrand X... aux fonctions de directeur associé auprès de la direction générale, à effet au 1er septembre 2008 ainsi que de celle de Thierry D... aux mêmes fonctions et date.

Le 21 septembre 2011, Jean-Jacques C... a signé notamment deux délégations de pouvoir, l'une à Bertrand X... en sa qualité de directeur associé au titre de l'activité Corporate Finance Mid-caps de la société, l'autre à Thierry D... ayant la même qualité au titre de l'activité Equity Capital Market (Ecm).

Bertrand X... fait valoir qu'en réalité, il aurait occupé des fonctions de directeur du pôle conseil à partir de 2010, avec pour mission de développer les activités de la structure au sein des réseaux du groupe Crédit Agricole.

La réalité de ces fonctions de directeur du pôle conseil étant contestée par la société Sodica et en l'absence de désignation officielle du salarié à de telles fonctions, il appartient à Bertrand X... de rapporter la preuve de ce qu'il exerçait concrètement de telles fonctions.

En premier lieu, Bertrand X... produit quatre écrits de collaborateurs avec lesquels il a travaillé au sein de la société Sodica : Marie-Christine E... qui était son assistante, Guillaume F... qui a exercé les fonctions de directeur d'affaires au sein de Sodica entre 2008 et 2014, Renaud G..., ancien collaborateur entre 2008 et 2014 ayant exercé des fonctions de directeur de mission de Sodica Mid-caps et Philippe R..., secrétaire général de Cacif (holding de Sodica) et de Sodica jusqu'au 12 septembre 2014 ; il en ressort que Bertrand X... agissait dans les faits en qualité de directeur en charge du pôle conseil supervisant les activités Mid-caps, Small-caps, Ecm, Interactis, Hong Kong et Italie et le développement du pôle d'activité auprès des réseaux du groupe Crédit Agricole (Crca, Lcl et filiales).

Bertrand X... produit en outre une attestation d'une personne extérieure à la société Sodica, Bernard H..., qui témoigne en qualité de 'responsable des financements haut de bilan Lcl au niveau national', avoir régulièrement échangé avec Bertrand X... qui était l'interlocuteur de Lcl pour le développement commercial et stratégique et réalisait le bilan annuel de la relation Sodica-Lcl, soit sur des dossiers en cours, soit sur la stratégie, soit plus généralement sur la façon dont les relations commerciales et le business entre Sodica et Lcl pourraient être développées.

De plus, Bertrand X... produit cinq organigrammes au sein desquels il apparaît positionné en qualité de directeur du pôle conseil, à savoir :

- un organigramme accompagnant un rapport d'audit de Sodica Conseil, réalisé par Gilles de Foulcaut, responsable de l'audit interne au sein de Crédit Agricole Capital Investissement et Finance, au cours d'une mission effectuée du 12 septembre au 7 octobre 2011, dont les destinataires étaient François Q... (président de Cacif), Jean-Jacques C..., Philippe R..., G. W... et Bertrand X..., dans lequel Bertrand X... est positionné en qualité de directeur associé aux côtés du président, Jean-Jacques C..., ainsi qu'en qualité de directeur associé aux côtés de J. O... pour l'activité Sodica Mid-caps ;

- un organigramme fonctionnel daté du 31 décembre 2011 présenté à l'occasion du rapport sur la maîtrise des risques et de la conformité 2011 et lors de la présentation de l'adaptation de l'organisation de Cacif le 11 juin 2012, dont il ressort que Bertrand X... supervisait le pôle conseil en fusions et acquisitions comprenant les secteurs Mid-caps sous sa responsabilité, entreprises dont le responsable était Patrick I..., Ecm dont le responsable était Thierry D... et Interactis dont le responsable était Fabien J... ; par courriel du 5 avril 2012, Paul K... en sa qualité de responsable conformité Cacif Sodica, a transmis cet organigramme notamment à François Q..., Jean-Jacques C... et Philippe R... ;

- un organigramme du pôle Sodica Conseil dirigé par Bertrand X... daté du 10 mai 2012 transmis par courriel du même jour par Bertrand X... à Philippe R..., avec copie à Jean-Jacques C... et Jean-François L..., directeur des ressources humaines de Sodica, faisant apparaître les mêmes secteurs que dans les organigrammes précédents et notamment le fait que Patrick I... en qualité de responsable du secteur entreprises et Thierry D... en qualité de responsable Ecm sont positionnés sous la hiérarchie de Bertrand X... ;

- un organigramme présenté par François Q..., président de Cacif, lors d'une réunion du comité d'entreprise de la société Crédit Agricole le 20 décembre 2012, dont il ressort que Bertrand X... est positionné comme responsable du pôle conseil comprenant les secteurs Mid-caps, Small-caps, Ecm et Interactis ;

- un organigramme présenté à monsieur S... , alors directeur général délégué de la société Crédit Agricole, en présence de Jean-Jacques C..., le 10 janvier 2013, après avoir été communiqué notamment à François D... et Patrick I... par courriel du 9 janvier 2013 dont il ressort que Bertrand X... est positionné en qualité de responsable du pôle service comprenant les secteurs corporate finance Mid-caps, Ecm Mid-caps, Entreprises, E-ris et Interactis, alors qu'en face, Arnaud M... est positionné en qualité de responsable du pôle gestion.

Bertrand X... produit enfin de nombreuses pièces, non contestées en défense, illustrant les prérogatives qu'il a effectivement exercées en qualité de responsable du pôle conseil, à savoir:

- la synthèse de l'activité annuelle du pôle conseil en 2011 qu'il a rédigée et transmise le 12 janvier 2012 à Jean-Jacques C..., la synthèse de la même activité en 2012 rédigée et transmise le 16 janvier 2013 à Jean-Jacques C... et celle de l'année 2013 rédigée et transmise à Christophe Y... le 10 janvier 2014,

-un document de synthèse sur le pôle conseil qu'il a rédigé, reprenant des éléments d'ordre stratégique, business et managériaux transmis à Christophe Y... le 11 octobre 2013,

- une note interne émise par Bertrand X... le 11 mars 2010 relative au mode de fonctionnement des seniors advisors adressée à Jean-Jacques C...,

- une note datée du 14 février 2013 émise par Bertrand X..., rédigée par Jean-François L... et adressée notamment à Patrick I... et Thierry D..., donnant des instructions pour l'évaluation 2012 des collaborateurs, accompagnée de la liste des évaluateurs/évalués et d'un support d'entretien annuel,

- une note interne émise par Bertrand X..., rédigée par Jean-François L..., datée du 16 avril 2012 ayant pour objet : 'People review du pôle Sodica conseil', portant instructions de recenser tous les effectifs du pôle ayant pour objectif de mettre en évidence les points forts, les points d'amélioration, les progrès réalisés et les perspectives d'évolution de chacun, et fixant une date de réunion pour proposer une liste de nominations pour l'année 2012,

- un tableau de suivi de ses collaborateurs en 2013, parmi lesquels figure Patrick I...,

- des documents de gestion budgétaire 2013 du pôle conseil,

- des courriels et compte-rendu de réunion justifiant de sa participation aux comités de rémunérations 2011 et 2012, aux côtés, s'agissant de la réunion du 2 juillet 2012, du président de la société Sodica, Jean-Jacques C..., du directeur des ressources humaines, Jean-François L..., du secrétaire général, Philippe R... et du directeur du pôle capital en la personne d'Arnaud M..., permettant de déterminer les rémunérations et primes des collaborateurs,

- une note adressée le 22 févier 2013 à Patrick I... accompagnant un profil de poste pour le recrutement d'un chargé d'affaires Sodica entreprises en régions,

- un compte-rendu du comité d'orientation stratégique de la Cacif - Sodica du 8 mars 2012 auquel il assistait, étant observé que ni Thierry D..., ni Patrick I... n'y étaient présents ou conviés ;

- des pièces justifiant de sa présence au Comité de direction (Codir) de Sodica depuis 2012, étant aussi observé que ni Thierry D..., ni Patrick I... n'y étaient présents ou conviés.

L'analyse de l'ensemble des pièces sus-mentionnées démontre que Bertrand X... qui bénéficiait d'une large autonomie pour l'exercice de ses prérogatives et reportait directement au président de Sodica, a concrètement encadré les activités Mid-caps, Small-caps, Ecm, E-ris et Interactis, secteurs composés de 45 collaborateurs au sein d'un pôle conseil, entre 2011 et jusqu'en octobre 2013.

Bertrand X... produit en outre deux organigrammes datés des 12 mai et 17 juin 2014 faisant ressortir le changement de gouvernance de la société Sodica opéré à compter d'octobre 2013, à savoir les arrivées de François Q... en qualité de président et Christophe Y... en qualité de directeur général supervisant directement les cinq départements suivants positionnés sur la même ligne : Capital investissement (dirigé par Arnaud M...), Ecm (dirigé par Thierry D...), Fusions Acquisitions (dirigé par Bertrand X... et comprenant les Mid-caps, Small-caps, Viticole, E-ris et Asia), Développement (dirigé par Vincent A...-B... comprenant l'organisation, la stratégie, le développement, l'informatique et la communication) et Finance (dirigé par Henri N...).

Il ressort de la comparaison des organigrammes antérieurs à octobre 2013 à ceux établis sous la nouvelle gouvernance de la société Sodica au printemps 2014 que Bertrand X... ne reporte plus au président, mais à un échelon hiérarchique intermédiaire, à savoir un directeur général, poste créé et occupé par Christophe Y..., qu'il est positionné au même niveau hiérarchique que Thierry D..., jusqu'alors positionné sous son autorité hiérarchique, qu'un poste de responsable du développement est créé, occupé par Vincent A...-B... qui se voit attribuer des fonctions d'organisation, de stratégie, de développement et de communication jusqu'alors exercées par Bertrand X... et qu'en réalité, les prérogatives que ce dernier exerçait jusqu'alors sont éclatées en trois pôle au lieu d'un, à savoir Ecm (Thierry D...), Fusions Acquisitions (Bertrand X...) et Développement (Vincent A...-B...).

En outre, alors que Bertrand X... était jusqu'alors membre du comité de direction dont ne faisaient partie que messieurs C..., R..., K..., L..., T... (responsable juridique), U... (responsable middle office), de V... (agriculture-capital investissement) et M..., à compter d'octobre 2013, messieurs D..., O... et I... qui n'en faisaient pas jusqu'alors partie et se trouvaient sous la subordination hiérarchique de Bertrand X..., y ont été intégrés, se retrouvant de facto au même niveau hiérarchique que ce dernier.

Par courriel du 5 juin 2014 adressé à Christophe Y... ayant comme objet : 'situation personnelle', Bertrand X..., rappelant ses fonctions, responsabilités et implication antérieures, s'est plaint d'être devenu 'un simple exécutant' depuis le 14 octobre 2013, date d'arrivée de Christophe Y..., n'assurant plus aucune fonction de développement, celles-ci ayant été confiées à Vincent A...-B..., ne participant plus à l'évaluation directe de certains de ses collaborateurs, les entretiens étant menés directement par Christophe Y..., étant désorganisé au point de vue opérationnel du fait de sa participation requise à de multiples réunions internes et Christophe Y... lui ayant demandé de ne plus utiliser le titre de 'managing director' jusqu'alors utilisé mais celui de directeur associé, qu'il estimait rétrogradant, et a notamment demandé à Christophe Y... de procéder à une redéfinition claire de sa mission et une réattribution de ses prérogatives telles qu'il les assumait avant son arrivée outre un maintien de sa rémunération globale au même niveau auquel elle se situait depuis trois ans, relevant que 'cette spirale' (...) 'me pèse lourdement y compris sur le plan de la santé'.

Par courriel du 19 juin 2014 adressé à Christophe Y..., Bertrand X... lui a transmis un échange de courriels du 18 juin 2014 avec Vincent A...-B... relatif à des difficultés que celui-ci aurait rencontrées pour fixer des dates de réunions avec lui, en stigmatisant une aggravation de la situation du fait de cet échange écrit selon lui, sur un 'non-sujet', 'monté en épingle' par Vincent A...-B..., se plaignant, comme déjà relevé, d'avoir découvert lors de la présentation Sodica à Ca Private Banking Luxembourg quelques jours avant que l'activité Ecm déjà sortie de son périmètre ait récupéré l'activité levée de fonds au détriment de l'activité qui lui restait et lui reprochant des 'complications' liées à sa demande de reprendre la responsabilité hiérarchique de Patrick I... qu'il avait perdue à la faveur de sa nomination au Codir du 13 novembre 2013 et des divers entretiens en bilatéral que Christophe Y... avaient mené avec lui, à un moment où la situation avec ce collaborateur 'devient conflictuelle', et demandant à nouveau à être rassuré sur son avenir.

Le 22 juin 2014, Christophe Y... lui a répondu notamment que : 'l'activité Ecm n'a jamais fait partie de ton périmètre' et 'tu n'as jamais été le patron hiérarchique de Thierry D...', 'de même pour I... et le Small-caps', et stigmatisant le fait de lui avoir réclamé de prendre l'autorité hiérarchique sur le Small-caps puis de lui reprocher de la lui avoir donnée, et exprimant une incompréhension quant à l'attitude de Bertrand X... et concluant vouloir aller de l'avant en équipe avec lui.

Enfin, Bertrand X... produit aux débats des arrêts de travail du 6 au 10 février 2014 puis du 23 juillet au 2 septembre 2014, un certificat médical établi le 30 septembre 2014 par le professeur Pierre P..., psychiatre des hôpitaux, indiquant : 'suivre régulièrement en consultation' le salarié 'depuis le 17 décembre 2013, pour un syndrome anxio-dépressif qu'il impute à sa situation professionnelle' et des prescriptions médicamenteuses.

Il ressort de tout ce qui précède que Bertrand X... établit des faits de rétrogradation, mise à l'écart et humiliations successives de la part de la nouvelle gouvernance de la société Sodica à partir d'octobre 2013 qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; au vu de ces éléments, il incombe à la société Sodica de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Contestant tout harcèlement moral, la société Sodica fait valoir que Bertrand X... se prévaudrait de fonctions de responsable du pôle conseil qui ne lui incombaient pas en l'absence de désignation officielle à ces fonctions.

Toutefois, la société Sodica, qui ne conteste pas les courriels professionnels, comptes-rendus de réunions et autres documents produits par Bertrand X... pour faire la preuve de ce qu'il agissait concrètement en réalité en qualité de responsable du pôle conseil avant l'arrivée de la nouvelle gouvernance de la société Sodica, ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause la réalité des fonctions effectivement exercées par le salarié.

La société Sodica fait par ailleurs valoir que le salarié aurait été étroitement associé à la réorganisation de la société et que Christophe Y... aurait accédé à sa demande de se voir confier un périmètre d'activité plus important.

Cependant, la société Sodica qui conteste le fait que Bertrand X... exerçait des fonctions de responsable du pôle conseil, a pris des décisions de réorganisation à partir d'octobre 2013 sans souhaiter tenir compte des fonctions réellement exercées par le salarié; il s'en est suivi la construction progressive d'une organisation de l'entreprise écartant Bertrand X... des fonctions qu'il exerçait jusqu'alors et le positionnant à un niveau subalterne par rapport à ses précédentes fonctions, ce qui a conduit à un retrait de ses fonctions essentielles et une rétrogradation, puis, lorsque le salarié a demandé par écrit à Christophe Y... à partir du 19 juin 2014 d'être rétabli dans ses fonctions, la société Sodica a exprimé une négation de la position tenue par Bertrand X... et un refus de réexaminer sa situation, ce qui a constitué pour celui-ci une situation humiliante de nature à influencer son état de santé psychique.

Faute pour la société Sodica d'apporter des éléments objectifs permettant de justifier que ses décisions étaient étrangères à tout harcèlement, il y a lieu de retenir que le harcèlement moral est caractérisé.

La société Sodica sera condamnée à payer à l'appelant la somme de 5.000,00 euros en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral.

Par ailleurs, il ressort des développements qui précèdent que la société Sodica a manqué à son obligation de prévention des risques professionnels à l'égard de Bertrand X..., en ne prenant aucune mesure de nature à prévenir la dégradation des conditions de travail et l'état de santé du salarié suite au refus opposé à celui-ci de prendre en compte ses fonctions réellement exercées avant l'arrivée de la nouvelle gouvernance de la société.

La société Sodica sera condamnée en cause d'appel à payer à l'appelant la somme de 5.000,00 euros en réparation du préjudice causé par la violation de l'obligation de prévention des risques professionnels.

Il résulte de tout ce qui précède que les manquements reprochés par Bertrand X... à son employeur, à savoir lui avoir retiré des fonctions essentielles du poste de directeur du pôle conseil qu'il a effectivement exercées entre 2011 et 2013, aboutissant à une rétrogradation, ce qui a conduit à une dégradation de ses conditions de travail et de santé, sont établis.

Ces manquements revêtaient une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Il s'ensuit que, sans qu'il ne soit besoin d'examiner le bien fondé du licenciement ultérieurement notifié, la résiliation judiciaire du contrat de travail demandée antérieurement à la notification du licenciement, doit être prononcée aux torts de la société Sodica, avec une prise d'effet au 18 septembre 2014, date de la notification du licenciement.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige prévoit que si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure au salaires des six derniers mois.

Au regard de l'ancienneté du salarié et de son salaire mensuel moyen de 28.333 euros non contesté, et du fait qu'il n'a pas connu de période sans activité, ayant créé une société, Adviso Management le 4 décembre 2014 alors qu'il était encore en période de préavis et une autre le 24 décembre 2014 une semaine après la fin de son préavis, et qu'il ne communique aucun élément sur sa situation financière postérieure à la rupture, il lui sera alloué une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 200.000,00 euros que la société Sodica devra lui payer.

Bertrand X... ne justifiant pas d'un préjudice distinct causé par des circonstances vexatoires de la rupture, sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Sur les demandes au titre du harcèlement moral et de la violation de l'obligation de prévention des risques professionnels formées à l'encontre de la société Crédit Agricole

L'appelant fait valoir qu'alors qu'il a demandé à la société Crédit Agricole de le réintégrer les 19 septembre et 3 octobre 2014, celle-ci aurait commis un 'harcèlement moral démissionnaire', en ne lui répondant pas puis en invoquant par lettre du 7 octobre 2014 le transfert du contrat de travail à Sodica le 1er janvier 2014 et l'impossibilité de le réintégrer.

Toutefois, ainsi qu'il l'a été sus-analysé, le contrat de travail du salarié ayant été légalement transféré à la société Sodica le 1er janvier 2014, celui-ci ne se trouvait plus dans une relation salariée avec la société Crédit Agricole à l'époque considérée ; il s'ensuit que les demandes de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et de la violation de prévention des risques professionnels ne sont pas fondées et doivent être rejetées.

Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation

Les sommes allouées porteront intérêts aux taux légal à compter de la convocation de la société Sodica devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes s'agissant des créances salariales et à compter du présent arrêt pour les autres sommes.

Les intérêts se capitaliseront dans les conditions légales.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Sodica qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens exposés en appel.

Il n'apparaît pas inéquitable d'allouer à l'appelant la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile que la société Sodica devra lui payer.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Paris le 27 mai 2016 en ce qu'il a débouté Bertrand X... de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société Crédit Agricole et de ses demandes formées à l'encontre de la société Sodica à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture, et condamné la société Sodica à payer à Bertrand X... la somme de 700,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Le REFORME pour le surplus, statuant à nouveau, et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Bertrand X... aux torts de la société Sodica à la date du 18 septembre 2014,

CONDAMNE la société Sodica à payer à Bertrand X... les sommes suivantes :

*17.000,00 (dix-sept mille) euros à titre de reliquat de bonus 2013,

* 1.700,00 (mille sept cents) euros au titre des congés payés y afférents,

* 170.000,00 (cent soixante-dix mille) euros au titre du bonus 2014,

* 17.000,00 (dix-sept mille) euros au titre des congés payés y afférents,

* 200.000,00 (deux cent mille) euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5.000,00 (cinq mille) euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 5.000,00 (cinq mille) euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de prévention des risques professionnels,

* 2.000,00 (deux mille) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que les sommes allouées porteront intérêts aux taux légal à compter de la convocation de la société Sodica devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes s'agissant des créances salariales et à compter du présent arrêt pour les autres sommes,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions légales,

DEBOUTE Bertrand X... du surplus de ses demandes formées à l'encontre de la société Crédit Agricole et de la société Sodica,

DEBOUTE Bertrand X... de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de prévention des risques professionnels formée à l'encontre de la société Crédit Agricole,

DEBOUTE les parties du surplus des demandes,

CONDAMNE la société Sodica aux dépens exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 16/08497
Date de la décision : 06/09/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°16/08497 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-06;16.08497 ?
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