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05/09/2018 | FRANCE | N°17/18436

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 05 septembre 2018, 17/18436


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 05 SEPTEMBRE 2018



(n° 443 ; 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/18436



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Septembre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° [...]





APPELANT



SYNDICAT NATIONAL DES HOTELIERS RESTAURATEURS CAFETIERS TRAITEURS (SYNHORCAT) agissant pours

uites et diligences de ses représentants légaux

[...]



Représenté par Me Frédéric X..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

Assisté de Me Alexandre Y... de la SELAR...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 05 SEPTEMBRE 2018

(n° 443 ; 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/18436

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Septembre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° [...]

APPELANT

SYNDICAT NATIONAL DES HOTELIERS RESTAURATEURS CAFETIERS TRAITEURS (SYNHORCAT) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[...]

Représenté par Me Frédéric X..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

Assisté de Me Alexandre Y... de la SELARL Versini - Campinchi, Y... & Colin, avocat au barreau de PARIS, toque : P0454

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE

Madame Carmen Z...

Finney Park Dr, 20, Lea, Preston PR2 1QZ

ROYAUME UNI

née le [...] à GURA HUMORULUI (ROUMANIE)

Représentée et assistée de Me Yves ARDAILLOU de la SELAS BERSAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0485

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Christina A... DA SILVA, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre

M. Thomas VASSEUR, Conseiller

Mme Christina A... DA SILVA, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Véronique COUVET

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre et par Aymeric PINTIAU, Greffier.

Le syndicat national des hôteliers restaurateurs cafetiers traiteurs (ci-après désigné le Synhorcat) est une association ayant pour objet l'étude et la défense des intérêts économiques, matériels et moraux des hôtels, cafés, restaurants et des établissements ressortant habituellement de cette branche, ainsi que des commerces connexes.

Exposant que Mme Carmen Z... se livrait à une activité de vente de denrées alimentaires, sous anonymat, sur des plate-formes numériques, le Synhorcat a sollicité une mesure d'instruction in futurum destinée à établir la preuve des violations qu'elle alléguait avant tout procès au fond.

Par ordonnance sur requête en date du 29 novembre 2016, le président du tribunal de commerce a fait droit à la requête de la société Synhorcat et commis Maître B..., huissier de justice, avec pour mission de procéder aux constatations nécessaires. Le 22 février 2017, l'huissier a procédé aux opérations de constat en exécution de l'ordonnance au cours d'un dîner réservé par le Synhorcat.

Le 10 mai 2017, Mme Z... a fait assigner le Synhorcat aux fins de rétractation de l'ordonnance sur requête du 29 novembre 2016. Par ordonnance du 7 juillet 2017, le président du tribunal de commerce a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête. Mme Z... a interjeté appel de cette ordonnance et le 18 janvier 2018, la cour d'appel de Paris a confirmé cette décision.

Le 11 avril 2017, le Synhorcat avait fait assigner Mme Z..., devant le président du tribunal de commerce de Paris aux fins de :

Vu l'article 873 du code de procédure civile,

- Faire interdiction à Mme Z..., sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, de proposer par quelque moyen que ce soit, notamment plate-formes électroniques, ou de fournir directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, des prestations de restauration en violation des dispositions légales et réglementaires applicables, dont notamment la législation relative à la délivrance d'alcool, le 'Paquet Hygiène', la réglementation en matière d'urbanisme, l'interdiction de fumer dans les lieux publics et les obligations déclaratives préalables ;

- Condamner Mme Carmen Z... à une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance du 18 septembre 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

- Rejeté la demande de sursis à statuer,

- Dit n'y avoir lieu la référé,

- Condamné le Synhorcat à payer à Mme Z... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- Rejeté toute demande autre, plus ample ou contraire,

- Condamné le Synhorcat aux entiers dépens.

Par déclaration du 5 octobre 2017, le Synhorcat a interjeté appel de cette ordonnance.

Par ses conclusions transmises le 2 février 2018, il demande à la cour de :

Vu les articles 12, 873 et 905-2 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance rendue sur pied de requête du 29 novembre 2016,

- Débouter Mme Z... de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé et condamné l'association Synhorcat au paiement d'une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- Constater le trouble manifestement illicite causé par la violation par Mme Z... des lois d'ordre public, tout particulièrement en matière d'hygiène et de distribution d'alcool,

- Faire interdiction à Mme Carmen Z..., sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, de proposer par quelque moyen que ce soit, notamment plate-formes électroniques,ou de fournir directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, des prestations de restauration en violation des dispositions légales et réglementaires applicables, dont notamment la législation relative à la délivrance d'alcool, le 'paquet Hygiène', la réglementation en matière d'urbanisme, l'interdiction de fumer dans les lieux publics, et les obligations déclaratives préalables,

- Condamner Mme Carmen Z... à une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont, recouvrement au profit de Me X....

Il fait valoir :

- que le juge des référés a violé l'article 12 du code de procédure civile en retenant qu'il n'avait pas démontré avec l'évidence requise en référé que la législation invoquée était applicable aux particuliers réalisant des prestations occasionnelles de restauration à domicile ; que le juge aurait dû se prononcer sur l'application pour les dîners organisés par Mme Z... de la réglementation dont la violation était alléguée ; qu'il appartient au juge de dire quelle règle de droit s'applique avant de trancher le litige conformément à cette règle ;

- que le trouble manifestement illicite est établi, que s'agissant de la vente d'alcool, il est établi par constat d'huissier qu'au cours du repas réservé auprès de l'intimée, les convives ont consommé de l'alcool, en quantités non négligeables pour quatre convives alors que l'intimée ne détient aucune licence III ou licence IV ou licence restaurant, n'a pas accompli les formations nécessaires à l'obtention de ces licences et qu'aucun affichage relatif à la signalisation de l'interdiction de fumer, la réglementation sur la répression de l'ivresse publique et la protection des mineurs, la liste des boissons et leur prix et la provenance des produits carnés, n'a été fait ;

- qu'au regard de ces violations constatées par huissier, l'intimée encourt des sanctions pénales, ce qui caractérise suffisamment l'illicéité des conditions dans lesquelles s'exerce l'activité de l'intimée ;

- que s'agissant des règles d'hygiène et de sécurité des denrées alimentaires, issues du 'Paquet Hygiène', l'activité de l'intimée rentre dans son champ d'application, en ce qu'elle propose fréquemment pour des hôtes, moyennant le paiement de sommes allant de 35 à 84 euros par personne, des repas cuisinés à base de produits d'origine animale ; que l'intimée a violé ces règles, compte tenu de l'absence de dispositifs de contrôle des températures par catégorie de produits dans le réfrigérateur, de plan de nettoyage et de désinfection ni de plan de prévention contre les nuisibles,

- que s'agissant de la réglementation relative aux locaux commerciaux, l'intimée n'a pas justifié à l'huissier du changement d'usage du local d'habitation aux fins d'exercer son activité commerciale, à savoir la transformation des denrées alimentaires pour la préparation des repas vendus aux invités, qui nécessite une autorisation, ni du changement de destination du logement en local professionnel,

- que s'agissant de la législation sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics, le constat d'huissier établit que 'les convives (...) fument', en contravention des dispositions des articles L3511-7 et R3511-1 du code de la santé publique ;

- que l'intimée n'a pas procédé à la déclaration de son établissement auprès de la direction de la protection des populations,

- que s'agissant d'une législation d'ordre public en matière d'hygiène et d'alcool, sanctionnée pénalement, la qualité de particulier n'exonère pas l'intimée de son respect, et l'acte de commerce doit se voir appliquer cette législation, indépendamment de la qualité de particulier ou professionnel de son auteur ;

- qu'ainsi, l'ensemble des violations légales impératives commises par l'intimée constituent autant de troubles manifestement illicites qu'il convient de faire cesser ;

- que les violations de l'intimée des dispositions légales suscitées entraîne une concurrence déloyale pour les restaurateurs,

- que l'exercice d'une activité concurrentielle dans le non-respect de la réglementation applicable est constitutif de concurrence déloyale, et cause un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser, notamment par le prononcé d'une interdiction sous astreinte adéquate.

Par ses conclusions transmises le 4 juin 2018, Mme Z... demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 873 alinéa 1er du code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles R141-3 du code des procédures civiles d'exécution,

Vu les dispositions des articles 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de l'article 9 du code de procédure civile, ensemble le principe de loyauté dans l'administration de la preuve,

Vu les dispositions de l'article 240 nouveau du code civil, ensemble les articles 9 du même code et 1315 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- Débouter l'appelant de l'intégralité de ses demandes,

- Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé,

- Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté les autres demandes de Mme Z...,

Statuant à nouveau,

- Faire interdiction au Synhorcat de conserver copie ou de procéder à des diffusions ou publications, par voie de presse ou par le biais de son site internet ou d'un site internet tiers, de tout ou partie du procès-verbal de constat, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée,

- Condamner le Synhorcat à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral pour procédure abusive,

En tout état de cause,

- Condamner le Synhorcat à lui payer la somme de 5 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont recouvrement au profit de la SELAS Bersay & Associés, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- que le Synhorcat n'établit pas l'existence d'un trouble manifestement illicite ; que s'agissant de la réalité des conditions de réalisation des dîners litigieux, il n'existe aucun caractère continu et en développement des dîners, ni aucune finalité spéculative ni aucun investissements importants, qu'elle n'a organisé qu'un seul dîner par l'entremise de la plate-forme numérique qui ne saurait être interprété comme une activité à finalité lucrative,

- que sa grande disponibilité ne démontre pas sa qualité de commerçant, l'organisation du dîner n'est intervenue que dans le cadre d'une activité de loisir dans la mesure où elle a déjà une activité professionnelle,

- que compte tenu du montant de l'indemnité versée par les invités, l'organisation ponctuelle de dîners ne peut être considérée comme une occupation sérieuse de nature à produire des bénéfices et à subvenir à ses besoins,

- qu'elle n'a pas effectué des investissements en vue de développer une activité de restauratrice clandestine, n'ayant aucun projet de restauration à domicile, souhaitant par l'organisation de dîners rencontrer de nouvelles personnes ayant peu de connaissances à Paris,

- qu'il n'existe aucune violation évidente d'une règle de droit, dès lors que la législation invoquée par l'appelant ne lui est pas applicable, et qu'en tout état de cause, elle ne l'est pas avec l'évidence requise devant le juge des référés,

- que les législations en matière d'alcool, d'affichage dans les lieux publics et la réglementation européenne dite 'Paquet Hygiène' sont inapplicables, en ce qu'il n'existe aucune certitude que celles-ci lui soient applicables,

- qu'en effet, il n'existe aucune définition claire du débit de boissons, qu'elle ne possède aucun établissement,

- qu'il n'appartient pas au juge des référés de poser des conditions pour encadrer l'activité alléguée,

- qu'une circulaire interministérielle est dépourvue de toute force normative et a fortiori ne peut contredire ou étendre la portée d'un règlement européen,

- que lorsque le juge des référés a estimé qu'il existait un doute sur l'applicabilité des réglementations invoquées par l'appelant, ce qui dès lors l'empêchait de constater une illicéité manifeste, il n'a pas violé l'article 12 du code de procédure civile,

- que la concurrence déloyale invoquée par l'appelant, qui serait constitutive d'un trouble manifestement illicite, n'est pas démontrée, en ce que l'intimée n'est pas concurrente des restaurateurs professionnels dont l'appelant défend les intérêts, la désorganisation générale du marché et l'existence d'un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des membres de l'appelante n'étant pas démontrée,

- que s'étant désinscrite des plate-formes de mise en relation, le trouble allégué a cessé, rendant la mesure sollicitée par l'appelante sans objet,

- que le procès-verbal de constat n'a pas de caractère probant ayant été réalisé dans des conditions déloyales et doit être écarté des débats,

- que l'instrumentalisation de la procédure de référé, puis d'appel, par l'appelant à l'encontre d'une personne qui n'est même pas celle réellement visée par l'action, lui a causé un préjudice moral dont elle entend obtenir réparation.

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'en application de l'article 873 du code de procédure civile le président du tribunal de commerce peut 'même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire' ;

Considérant que le trouble manifestement illicite résulte de 'toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit' ;

Considérant qu'au soutien de son appel le Synhorcat fait valoir que le cadre légal et réglementaire en matière de prestations de restauration s'applique aux utilisateurs de plate-formes numériques comme Mme Z..., et que le non respect de cette législation par cette dernière constitue un trouble manifestement illicite;

Considérant s'agissant de la législation en matière de vente d'alcool, que les articles L 3331-1 et suivants du code de la santé publique prévoient que la vente d'alcool est conditionnée à l'obtention d'une licence, l'article L 3331-2 précisant les licences nécessaires pour les débits de boissons à consommer sur place ainsi que pour les restaurants servant de l'alcool dans le cadre d'un repas ;

Considérant, ainsi que l'appelant le reconnaît dans ses écritures, que le code de la santé publique ne donne pas de définition du débit de boissons ; que le Synhorcat précise qu'une jurisprudence ancienne de la Cour de cassation avait défini les débits de boissons comme 'tout établissement où des boissons à consommer de toute nature sont servies ou offertes pour être consommées sur place' ; que s'il ne fait aucun doute que les bars et cafés entrent dans la catégorie des débits de boissons à consommer sur place, il n'en est pas de même s'agissant d'autres pratiques aux cours desquelles des boissons alcoolisées sont vendues ; qu'en effet toute personne offrant des boissons ne devient pas ipso facto un débitant de boissons de sorte qu'il est nécessaire pour déterminer la législation applicable à la pratique incriminée de procéder à un examen in concreto de celle-ci au regard de l'existence de plusieurs critères tels par exemple que le caractère lucratif de l'offre de boissons ou le caractère privé ou non de la réunion à laquelle participaient les personnes en cause ;

Considérant que le juge doit se livrer à la même interprétation s'agissant d'une pratique consistant à offrir des boissons en même temps qu'une restauration pour laquelle la législation impose d'être titulaire d'une licence spécifique, l'application de la réglementation applicable en la matière ne concernant que les établissements qualifiés de restaurant, l'activité de restauration ayant elle-même évolué au fil du temps pour tenir compte des modifications des habitudes alimentaires des clients ; qu'ainsi l'heure des repas a pu constituer un critère en faveur de l'existence de l'activité de restauration pour finalement devenir un critère indifférent ; que de la même manière la vente de sandwiches a également été considérée comme ne caractérisant pas un repas au sens de la loi et notamment de l'article L3331-2 du code de la santé publique ;

Considérant qu'au cas d'espèce Mme Z... n'est pas commerçante et il n'est pas établi qu'elle a organisé des dîners par l'intermédiaire d'une plate-forme numérique dans un but lucratif, alors par ailleurs qu'elle exerce une activité professionnelle sans aucun lien avec la restauration ou le débit de boisson ; qu'elle ne dispose pas d'un établissement professionnel au sens des dispositions précitées et les dîners litigieux ont eu lieu à son domicile ; que l'organisation par l'intimée de dîners ponctuels au cours desquels des boissons étaient consommées ne permet pas au juge des référés, juge de l'évidence, de considérer que cette pratique peut manifestement être qualifiée d'une activité de restauration commerciale ou de débitant de boisson relevant de la législation applicable à ces matières ;

Considérant que l'appelant invoque encore la violation par l'intimée de la législation en matière d'affichage dans les lieux publics prévue par le décret 2002-1465 du 17 décembre 2002 relatif à l'étiquetage des viandes bovines ; que ce texte ne concerne que 'les établissements de restauration proposant des repas à consommer sur place ou dans les établissements proposant des repas à consommer sur place et à emporter' et le domicile de Mme Z... ne peut manifestement pas être qualifié comme tel ;

Considérant s'agissant de l'interdiction de fumer, l'article R 3512-7 du code de la santé publique dispose que 'Dans les lieux mentionnés à l'article R. 3512-2, une signalisation apparente rappelle le principe de l'interdiction de fumer. Un modèle de signalisation accompagné d'un message sanitaire de prévention est déterminé par arrêté du ministre chargé de la santé.', l'article R 3512-2 précisant que 'L'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif mentionnée à l'article L. 3512-8 s'applique :

1° Dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail ;

2° Dans les moyens de transport collectif ;

3° Dans les espaces non couverts des écoles, collèges et lycées publics et privés, ainsi que des établissements destinés à l'accueil, à la formation ou à l'hébergement des mineurs ;

4° Dans les aires collectives de jeux telles que définies par le décret n° 96-1136 du 18 décembre 1996 fixant les prescriptions de sécurité relatives aux aires collectives de jeux.' ; qu'à l'évidence le domicile de Mme Z... ne peut être assimilé à aucun de ces lieux de sorte que le juge des référés ne peut en déduire qu'à l'évidence cette législation lui serait applicable ;

Considérant que l'appelant allègue encore la violation de la réglementation européenne dite 'Paquet hygiène' composée de 5 règlements adoptés en avril 2004 par l'Union Européenne et d'un règlement CE n° 178/2002 posant les principes généraux de la législation alimentaire ; qu'il résulte de ces règlements lesquels précisent leur champ d'application que 'les règles communautaires ne devraient s'appliquer ni à la production primaire destinée à un usage domestique privé ni à la préparation, la manipulation et l'entreposage domestique de denrées alimentaires à des fins de consommation domestique privée' et que 'en outre elles ne devraient s'appliquer qu'aux entreprises dont le concept suppose une certaine continuité et un certain degré d'organisation' ; que force est de constater que la preuve n'est nullement rapportée que cette législation serait manifestement applicable à l'intimée, dont l'activité d'hôte n'a été qu'occasionnelle ;

Considérant que vainement l'appelant se prévaut de l'instruction interministérielle du 23 décembre 2016 qui rappelle que bien que n'étant pas définie réglementairement, l'activité dite de 'table d'hôte' est soumise à un certain nombre de réglementation notamment en ce qui concerne l'affichage des prix, l'hygiène des aliments, le permis d'exploitation pour la délivrance de boissons alcoolisées, la maîtrise de la chaîne du froid, dès lors qu'un tel document est dépourvu de force normative, celui-ci précisant au demeurant que l'activité dont s'agit n'est pas définie réglementairement ; que la note d'analyse de la direction générale des entreprises du ministère de l'économie de septembre 2016, qui exposait que 'l'activité rémunérée de service d'un repas à son domicile par un particulier doit être considérée comme une activité de restauration', n'a aucune valeur normative pas plus que la réponse ministérielle du 27 novembre 2017 dans laquelle le ministère de l'économie et des finances indique à propos de plate-formes numériques qui mettent en relation des particuliers qui cuisinent chez eux pour d'autres particuliers qu'il 'ne s'agit pas d'un repas privé dans le mesure où il sort du cercle familial ou amical, le repas donnant lieu à rémunération en contrepartie d'une prestation de service' ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il existe un doute sur l'applicabilité des législations invoquées par l'appelant et partant sur leur violation manifeste laquelle requiert une analyse de l'activité litigieuse et de ses caractéristiques ainsi qu'une appréciation qui ne relèvent pas du juge des référés, juge de l'évidence ; que dès lors le trouble allégué fondé sur la concurrence déloyale que constituerait l'organisation des dîners par un particulier à son domicile n'est pas manifeste ; qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge, qui n'a commis aucune violation de l'article 12 du code de procédure civile, n'a pas fait droit aux demandes du Synhorcat, et l'ordonnance doit être confirmée ;

Considérant que les moyens invoqués par Mme Z... tendant à remettre en cause les conditions dans lesquelles les opérations de constat d'huissier se sont déroulées affectant sa validité deviennent sans objet ; qu'il en est de même s'agissant de la demande reconventionnelle de l'intimée tendant à interdire au Synhorcat de conserver copie ou de procéder à des diffusions ou publications dudit procès verbal de constat, par voie de presse ou par le biais de son site internet ou d'un site internet tiers de sorte que cette demande doit être rejetée ;

Considérant qu'à titre reconventionnel Mme Z... réclame la condamnation de l'appelant à lui verser la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral pour procédure abusive ;

Considérant que l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que lorsqu'est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice ; qu'en l'espèce, un tel comportement de la part de l'appelant n'est pas caractérisé et la preuve d'un quelconque préjudice de Mme Z... n'est pas non plus justifié; que l'ordonnance doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté ses demandes reconventionnelles ;

Considérant que le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge ;

Qu'à hauteur de cour, il convient d'accorder à Mme Z..., contrainte d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après ;

Que partie perdante le Synhorcat ne peut prétendre à l'allocation d'une indemnité de procédure et supportera les dépens d'appel sous le bénéfice des dispositions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant ;

Condamne le syndicat national des hôteliers restaurateurs cafetiers traiteurs à payer à Mme Z... une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le syndicat national des hôteliers restaurateurs cafetiers traiteurs aux dépens d'appel lesquels seront distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 17/18436
Date de la décision : 05/09/2018

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°17/18436 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-05;17.18436 ?
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