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04/09/2018 | FRANCE | N°16/09032

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 04 septembre 2018, 16/09032


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 04 Septembre 2018

(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/09032



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F 14/07881



APPELANT

Monsieur Rachid X...

[...]

né le [...] à IGHIL-ALI (Algér)

comparant en personne, assisté de Me Philippe Y..., avocat au b

arreau d'ESSONNE





INTIMES

Fondation COGNACQ-JAY - HOPITAL FORCILLES

[...]

représenté par Me Véronique I... J... B.R.L. Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 04 Septembre 2018

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/09032

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F 14/07881

APPELANT

Monsieur Rachid X...

[...]

né le [...] à IGHIL-ALI (Algér)

comparant en personne, assisté de Me Philippe Y..., avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMES

Fondation COGNACQ-JAY - HOPITAL FORCILLES

[...]

représenté par Me Véronique I... J... B.R.L. Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305

La Z... prise en la personne de Me Christophe A... en ses qualités de mandataire judiciaire et de Commissaire à l'éxécution du plan de l'Association CENTRE MEDICAL DE RECHERCHES ET DE TRAITEMENTS DIETETIQUE

Résidence Le Dauphin - 50 Bd Aristide Briand

[...]

représenté par Me Véronique I... J... B.R.L. Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305

La B... prise en la personne de Me Jérôme C... en sa qualité d'administrateur judiciaire de l'association CENTRE MEDICAL DE RECHERCHES ET DE TRAITEMENTS DIETETIQUE DITE

[...]

représenté par Me Véronique I... J... B.R.L. Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF EST

[...]

représentée par Me Arnaud D..., avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Marina K..., avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Christophe BACONNIER, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvie HYLAIRE, présidente

Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller

Madame Jacqueline LESBROS, conseillère

Greffier : Mme Laurie TEIGELL, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Sylvie HYLAIRE, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

L'hôpital Forcilles, initialement exploité par l'Association Centre Médical de Recherches et de Traitements Diététiques dite centre médical de Forcilles, a connu d'importantes difficultés économiques, qui se sont traduites par plusieurs interventions du tribunal de grande instance de Melun depuis 2009, notamment par le biais d'un mandat ad hoc puis par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde judiciaire le 16 mars 2012.

Par jugement du 30 avril 2013, le tribunal prenait acte de la convention de rapprochement conclue le 22 février 2013 entre la Fondation Cognacq-Jay et l'Association Centre Médical de Recherches et de Traitements Diététiques ; par cette convention, la fondation convenait de reprendre la gestion de l'hôpital Forcilles dans le cadre du plan de sauvegarde de l'association en deux phases : d'abord en entrant dans l'association et en en prenant le contrôle, puis en se faisant transférer des éléments actifs et passifs, l'hôpital Forcilles devant alors devenir un établissement de la Fondation Cognacq-Jay, à charge pour celle-ci de financer les besoins de trésorerie de l'hôpital liés au plan de sauvegarde, au maintien de son activité et aux investissements nécessaires.

Le 1er janvier 2015 est intervenue la cession d'actifs par laquelle l'hôpital Forcilles a été transféré à la Fondation Cognacq-Jay, dont il est devenu le 8ème établissement à but non lucratif et autonome.

Depuis le 6 décembre 1993, Monsieur Rachid X... exerce les fonctions de médecin assistant au sein du centre médical de Forcilles, au départ dans le cadre d'une mise à disposition par le centre hospitalier de Neuilly-sur-Seine, puis en qualité de salarié du centre médical de Forcilles à compter du 1er janvier 2000 par contrat à durée déterminée, puis à durée indéterminée à hauteur de 10 demi-journées.

En dernier lieu, Monsieur X... percevait une rémunération moyenne brute mensuelle de 5.139,39 € (moyenne sur les 12 derniers mois).

Les difficultés économiques de l'Association Centre Médical de Recherches et de Traitements Diététiques l'ont conduite à répondre aux exigences du tribunal de grande instance de Melun qui a validé le plan soumis par l'Association prévoyant une «restructuration en profondeur de l'organisation et du fonctionnement du centre médical en vue de générer des excédents sans suppression de poste'»

C'est dans ce contexte que par courrier du 9 avril 2014, l'hôpital Forcilles informait l'ensemble des médecins de la nouvelle organisation du système de gardes et d'astreintes pour une entrée en vigueur dés le mois de mai 2014.

Monsieur X... a été en congés payés à partir du 1er avril 2010 et n'a pas repris son travail à l'hôpital Forcilles.

Par courrier du 17 mai 2014 adressé au directeur général de la Fondation Cognacq-Jay, Monsieur X... notifiait son désaccord avec cette réorganisation, qu'il estimait incompatible avec ses obligations de médecin et les dispositions de son contrat de travail.

Par courrier du 4 juin 2014, le directeur du centre médical de Forcilles notifiait à Monsieur X... qu'il ne s'était pas adressé au bon interlocuteur, le centre médical de Forcilles demeurant son seul employeur et le directeur lui précisait les raisons l'ayant conduit à réorganiser le système de gardes et d'astreintes.

Par acte du 11 juin 2014, Monsieur X... saisissait le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant à l'annulation de la décision faisant obligation aux médecins réanimateurs de s'occuper, durant leurs gardes de réanimation, sauf urgences vitales, de tous les patients de l'hôpital situés dans les différents services, ou, à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Par courrier du 25 juin 2014, Monsieur X... informait le centre médical de Forcilles, la Fondation Cognacq-Jay, l'inspection du travail de l'exercice de son droit de retrait par suite de la nouvelle organisation mise en place au sein de l'hôpital Forcilles et de ses conséquences pour les médecins.

Par courrier du 30 juin 2014, Madame Lelandais, secrétaire du CHSCT du centre médical de Forcilles prenait acte de l'exercice du droit de retrait de Monsieur X... et l'informait que celui-ci serait examiné lors de la prochaine réunion de l'instance.

Par courrier du 3 juillet 2014, le centre médical de Forcilles prenait acte de l'exercice de son droit de retrait par Monsieur X... et l'informait de l'enquête débutée par le CHSCT afin de déterminer l'existence ou non d'un risque grave et imminent pour sa santé et sa sécurité. Afin de respecter le droit de retrait exercé par Monsieur X..., le centre médical de Forcilles l'informait de son affectation temporaire à un autre service, le service de la gastro-nutrition.

Par courrier du 10 juillet 2014 adressé à la Fondation Cognacq-Jay - mais pas au centre médical de Forcilles ou au directeur de l'hôpital Forcilles - Monsieur X... contestait son affectation provisoire au service de gastro-nutrition et notifiait une prise d'acte de la rupture à la Fondation du fait que le directeur du Centre Médical de Forcilles portait atteinte à son contrat de travail, à sa dignité et à sa respectabilité en tant que médecin.

Par courrier du 23 juillet 2014, le directeur de l'hôpital Forcilles demandait à Monsieur X... de justifier de son absence à compter du 22 mai 2014 ou de régulariser sa demande de congés payés.

Par courrier du 28 juillet 2014, le directeur de l'hôpital Forcilles notifiait un avertissement à Monsieur X... pour ne pas avoir justifié de son absence depuis le 22 mai 2014 et le mettait en demeure de reprendre son poste.

Le jour même, Monsieur X... reprochait au centre médical de Forcilles de singer (sic) une procédure disciplinaire alors même que le contrat était rompu par la faute de l'employeur en raison des atteintes graves portées à son contrat de travail.

Par courrier du 31 juillet 2014, le directeur de l'hôpital Forcilles informait Monsieur X... des résultats de l'enquête du CHSCT relative à l'exercice de son droit de retrait et lui indiquait que ce dernier avait conclu à l'absence de danger grave et imminent. Dès lors, le centre médical de Forcilles enjoignait Monsieur X... de reprendre son poste

Monsieur X... contestait les résultats de cette enquête le 11 août 2014.

Par courrier du 13 août 2014, le directeur de l'hôpital Forcilles mettait une nouvelle fois Monsieur X... en demeure de justifier de son absence et lui notifiait un deuxième avertissement pour absence injustifiée, Monsieur X... ne s'étant pas conformé à la mise en demeure de reprendre son poste.

Par courrier du 26 août 2014 adressé au directeur de l'hôpital Forcilles, Monsieur X... informait son employeur, le centre médical de Forcilles, de la prise d'acte de son contrat de travail préalablement notifiée à la Fondation Cognacq-Jay le 10 juillet 2014 et lui en adressait copie, indiquant qu'il l'avait déjà fait par lettre du 28 juillet 2014.

Par courrier du 3 septembre 2014, la Fondation Cognacq-Jay confirmait à Monsieur X... que la prise d'acte qui lui avait été adressée le 10 juillet 2014 ne pouvait produire d'effet à l'égard du Centre Médical de Forcilles, son employeur.

Par courrier du 8 septembre 2014, le directeur de l'hôpital Forcilles prenait acte de la rupture du contrat de Monsieur X... et lui faisait parvenir les documents de fin de contrat.

Soutenant in fine que sa prise d'acte de la rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur X... a sollicité diverses condamnations solidaires de la Fondation Cognacq-Jay et de l'Association Centre Médical de Recherches et de Traitements Diététiques, au conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 13 mai 2016 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a:

- mis hors de cause Maître Jérôme C... et l'AGS,

- débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Monsieur X... aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 29 juin 2016, Monsieur X... a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, Monsieur X... demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- dire que la Fondation Cognacq-Jay était de droit, en tant que dirigeant unique de l'entreprise « centre médical de Forcilles », l'employeur du docteur X... au moins depuis juin 2013 et en tout état de cause à la date de la rupture du contrat de travail, soit le 10 juillet 2014 ;

En conséquence,

- dire que la rupture du contrat de travail est entièrement imputable à la partie employeur, à savoir l'hôpital Forcilles établissement dépendant directement de la Fondation Cognacq-Jay qui en assurait la direction, et qu'elle doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la Fondation Cognacq-Jay et à titre subsidiaire, l'hôpital Forcilles à verser au docteur X... les sommes suivantes :

* 15.418,17 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.541,81 € au titre des congés payés afférents,

* 38.219,82 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 123.345,36 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement et discrimination,

* lesdites sommes avec intérêt de droit et capitalisation des intérêts par année entière à compter du 10 juin 2014.

A titre subsidiaire, pour le cas où la cour estimerait que la Fondation Cognacq-Jay n'était pas de fait l'employeur du docteur X... au moment de la rupture,

- dire que les montants réclamés à titre de condamnation doivent faire l'objet d'une fixation de créance pour la valeur sollicitée au passif de l'Association du centre médical de Forcilles,

- dire que dans ce cas, l'AGS doit garantir la totalité des paiements,

et en tout état de cause,

- condamner la Fondation Cognacq-Jay et le centre médical de Forcilles à verser à Monsieur X... une somme 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Fondation Cognacq-Jay aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'exécution forcée.

La Fondation Cognacq-Jay désignée par son conseil «'la Fondation Cognacq-Jay-hôpital Forcilles'», la Z..., prise en la personne de Maître Christophe A..., mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de l'Association Centre Médical de Recherches et de Traitements Diététiques et la E... prise en la personne de Maître Jérôme C..., administrateur judiciaire de l'Association Centre Médical de Recherches et de Traitements Diététiques, s'opposent à toutes les demandes de Monsieur X... et demandent à la cour de':

- confirmer la mise hors de cause de Maître C... et de l'AGS ;

- dire que la prise d'acte de Monsieur X... produit les effets d'une démission ;

en conséquence,

- débouter Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement déféré sur ce point ;

- condamner Monsieur X... au paiement de 15.418,17 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- infirmer le jugement sur ce point ;

en tout état de cause,

- le condamner à verser à l'hôpital Forcilles la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, l'AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire,

sur les demandes :

- débouter Monsieur X... de l'intégralité de ses demandes,

sur la garantie de l'AGS :

- constater que l'association bénéficie d'un plan de sauvegarde adopté le 30 avril 2013 et que la Fondation Cognacq-Jay est parfaitement in bonis,

- prononcer la mise hors de cause de l'AGS,

en toute hypothèse :

- dire que l'AGS n'est pas tenue de garantir les sommes éventuellement reconnues dues à Monsieur X...,

- dire que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

- dire qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie,

- dire qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail,

- condamner l'appelant aux entiers dépens.

subsidiairement,

- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la mise hors de cause de la E... prise en la personne de Maître Jérôme C..., administrateur judiciaire de l'Association Centre Medical de Recherches et de Traitements Dietetiques et de l'AGS CGEA IDF OUEST

La cour constate qu'une procédure de sauvegarde judiciaire a été ouverte à l'égard de l'Association Centre Medical de Recherches et de Traitements Dietetiques, dite centre médical de Forcilles, que l'hôpital Forcilles a été transféré à la Fondation Cognacq-Jay dont il est devenu l'un des établissements, et que le plan de sauvegarde judiciaire de l'Association Centre Medical de Recherches et de Traitements Dietetiques est à ce jour dépourvu d'objet par suite de la cession de l'hôpital à la Fondation Cognacq Jay.

Il y a donc lieu de mettre hors de cause Maître C... ainsi que l'AGS CGEA IDF Ouest dans la mesure où aucune disposition légale ne prévoit la mise en cause de l'AGS devant le conseil de prud'hommes ou la cour d'appel à l'occasion d'une procédure de sauvegarde, contrairement aux autres procédures collectives (articles L.625.3 et suivants du code de commerce).

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a mis hors de cause Maître C... es qualité et l'AGS CGEA IDF Ouest.

Sur la prise d'acte de la rupture

Le contrat de travail de Monsieur X... a été rompu par sa prise d'acte de la rupture dont il a informé le directeur du centre médical de Forcilles le 28 juillet 2014.

La prise d'acte de la rupture du contrat par un salarié produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié sont établis et caractérisent des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations empêchant la poursuite de la relation contractuelle. A défaut, la prise d'acte de la rupture produit les effets d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

A l'appui de sa demande de prise d'acte aux torts de l'employeur, Monsieur X... invoque les éléments suivants :

- son contrat de travail de médecin réanimateur a été modifié par le nouveau système de gardes de nuit qui expose les médecins réanimateurs, dont il fait partie, à l'engagement de leur responsabilité dont le périmètre est modifié, nie leur rôle de médecins réanimateurs en leur confiant, en plus de leurs gardes de nuit au service de réanimation, les fonctions de médecin généraliste de garde de nuit pour tout l'hôpital Forcilles,

- sa qualification de médecin réanimateur et son emploi dans le seul service de réanimation depuis 18 ans, excluaient toutes autres fonctions dans l'hôpital et ont été méconnus malgré son opposition au nouveau système de gardes de nuit,

- dans sa lettre du 4 juin 2014, le directeur du centre médical de Forcilles nie sa spécialisation de médecin réanimateur en lui proposant de l'affecter à un poste de médecin généraliste dans un autre service de l'hôpital,

- cette lettre du 4 juin 2014 du directeur du centre médical de Forcilles s'analyse en une lettre d'avertissement disciplinaire pour le contraindre à accepter le nouveau système de gardes de nuit,

- le directeur du centre médical de Forcilles a informé de façon déloyale le CHSCT du nouveau système de gardes de nuit en lui cachant l'opposition des médecins réanimateurs et cette opposition a été telle que l'ancien système de gardes de nuit a été rétabli en 2015,

- stressé par la situation, il a demandé l'intervention de l'inspection du travail le 25 juin 2014, cette atteinte à la santé caractérise un manquement à l'obligation de sécurité et de santé au travail,

- en juin 2014, il a aussi saisi le conseil de prud'hommes d'une action en annulation de la décision du directeur du centre médical de Forcilles et à défaut en résiliation judiciaire de son contrat de travail,

- il a exercé son droit de retrait par lettre recommandée avec avis de réception du 25 juin 2014 en raison des risques graves pour sa santé physique et mentale ainsi que pour son avenir professionnel,

- son affectation à compter du 11 juillet 2014 dans un autre service, en gastro-nutrition, à la suite de son droit de retrait constitue une mutation disciplinaire et attentatoire à ses droits,

- sa lettre de prise d'acte de la rupture adressée à la Fondation Cognacq-Jay le 10 juillet 2014, dont il a informé le directeur du centre médical de Forcilles le 28 juillet 2014, est justifiée d'une part par le fait que ce dernier a voulu lui imposer en dehors de l'exercice de sa spécialité, d'effectuer en plus de ses gardes habituelles au sein du service de réanimation, des gardes générales pour tout l'hôpital Forcilles, gardes qui étaient jusqu'alors effectuées par le médecin généraliste de garde de nuit, et d'autre part, par l'atteinte au droit à la santé, par la menace de licenciement, par la violation de l'obligation de sécurité, par la violation du droit de retrait, par la mutation disciplinaire dont il a fait l'objet par suite de l'exercice de son droit de retrait et par le fait d'imposer des responsabilités différentes de celles prévues par le contrat de travail, génératrices de graves désordres, à un médecin spécialisé, en l'exposant sciemment à commettre dans des situations d'urgence des erreurs médicales, voire des manquements déontologiques,

- le directeur du centre médical de Forcilles a refusé de tirer les conséquences de cette prise d'acte de la rupture et a eu un comportement agressif en lui notifiant le 28 juillet 2014 un avertissement pour absence injustifiée, en le mettant en demeure de reprendre son poste, et en réitérant ces mesures de mise en demeure le 31 juillet et d'avertissement pour absence injustifiée par une lettre du 13 août adressée le 18 août après l'avoir menacé d'une sanction disciplinaire le 31 juillet 2014,

- il a été victime de discrimination à raison de son origine du fait de la mention de sa qualité de médecin étranger dans la lettre du 4 juin 2014 du directeur du centre médical de Forcilles,

- il a été victime de harcèlement moral, ce harcèlement étant caractérisé par «'l'ensemble des faits visés dans les présentes conclusions et les pièces'».

L'hôpital Forcilles soutient que :

- Monsieur X... n'apporte aucun élément permettant de caractériser la réalité des divers manquements invoqués à l'appui de sa prise d'acte ; l'hôpital Forcilles démontre quant à lui n'avoir commis aucun manquement justifiant la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur X...,

- le droit de retrait exercé par Monsieur X... par lettre datée du 25 juin 2014 s'est avéré injustifié, les conditions légales n'étant pas remplies,

- la gestion de situations extrêmes et la prise de décisions cruciales pour la vie des patients sont des éléments inhérents à la profession de médecin qui ne sauraient justifier l'exercice d'un droit de retrait,

- Monsieur X... a exercé son droit de retrait le 25 juin 2014, alors qu'il était absent depuis le 1er avril 2014 ; du fait de son absence depuis presque trois mois à la date de son droit de retrait, il ne peut se prévaloir d'un danger grave et imminent pour sa santé ou sa vie; le CHSCT relève d'ailleurs que Monsieur X... est absent depuis la mise en place de la nouvelle organisation,

- Monsieur X... ne produit aucun élément de nature à démontrer un dommage imminent pour sa santé ou sa vie ; les faits allégués ne répondent ni aux conditions, ni à l'objet du droit de retrait légalement défini ; aucune violation de l'obligation de sécurité et de santé au travail de l'hôpital n'est à constater ; la procédure mise en 'uvre par l'hôpital à la suite du droit de retrait de Monsieur X... est régulière,

- le CHSCT, qui a mené une enquête à l'issue du droit d'alerte exercé par Monsieur X..., a conclu qu'il n'existait pas de danger grave et imminent pour la santé ou la vie de celui-ci par suite de la réorganisation des gardes de nuit,

- Monsieur X... n'a subi aucune modification unilatérale et illégitime de son contrat de travail,

- il prétend que son affectation à titre conservatoire à un autre service constitue une modification illégitime de son contrat de travail ; cependant à l'issue de l'exercice de droit de retrait et dans l'attente du résultat de l'enquête menée par le CHSCT, l'hôpital Forcilles pouvait affecter temporairement Monsieur X... au service de gastro-nutrition dès son retour de congés, soit le 11 juillet 2014,

- le retrait temporaire de certaines fonctions ne constitue pas une modification du contrat de travail,

- l'emploi de Monsieur X... ne constituait pas un emploi exclusif de médecin réanimateur et son contrat de travail de médecin assistant n'empêchait aucunement l'hôpital Forcilles de lui demander d'assurer dans le cadre de l'obligation de continuité des services, des astreintes ou des gardes médicales en dehors de la réanimation ; le différend ne porte que sur le service auquel le salarié est affecté pour la seule réalisation des gardes et astreintes, son affectation de réanimateur n'étant pas remise en cause au-delà des seules sujétions liées aux gardes de nuit et astreintes étant ajouté qu'aucun document contractuel ne prévoit que ces gardes doivent s'effectuer au sein du seul service de réanimation ; le nouveau système de gardes de nuit ne constituait donc qu'un simple changement de ses conditions de travail de médecin ne nécessitant pas son accord préalable,

- son affectation temporaire du service de réanimation au service de soins spécialisé en gastro-nutrition ne constituait pas non plus une modification de son contrat de travail mais un simple changement de ses conditions de travail de médecin ne nécessitant pas son accord préalable,

- l'organisation du nouveau système de gardes de nuit est une sujétion inhérente aux fonctions de Monsieur X... ; cette organisation a été mise en place après consultation du personnel en raison des exigences d'organisation de la continuité des services, des directives données par l'Agence Régionale de Santé à l'hôpital Forcilles étant précisé que le renouvellement d'autorisation attachée au service de réanimation a été conditionné par l'ARS à sa transformation en unité de soins intensifs respiratoires, la diminution du nombre de médecins rendant impossible l'organisation des gardes de nuit par deux médecins présents simultanément et le plan de redressement adopté par le jugement du tribunal de grande instance de Melun le 30 avril 2013 imposant une restructuration en profondeur de l'organisation et du fonctionnement du centre médical en vue de générer des excédents sans suppression de postes,

- la conférence médicale d'établissement a entériné le nouveau système de gardes de nuit comme cela ressort des procès-verbaux des 26 mars 2014 et 21 mai 2014 étant précisé que le chef de service de Monsieur X... n'a pas formulé d'opposition, que la majorité des médecins y était favorable, que les médecins qui ne souhaitaient pas s'y associer avaient la possibilité de refuser d'effectuer des gardes de nuit, comme cela a été le cas du docteur F..., et que cette organisation était provisoire,

- les mises en demeure du 3 juillet 2014 et du 31 juillet 2014 et les avertissements du 28 juillet 2014 et du 13 août 2014 étaient justifiés dès lors que Monsieur X... ne justifiait pas avoir régularisé sa demande de congés payés, qu'il ne se présentait pas à son poste de travail et qu'il n'avait pas pris acte de la rupture de son contrat de travail à l'égard de l'hôpital Forcilles, ce qu'il n'a finalement fait que par lettre recommandée avec avis de réception du 26 août 2014 et dont l'hôpital Forcilles a pris acte le 3 septembre 2014.

Les points en litige concernent le nouveau système de gardes de nuit dont Monsieur X... soutient qu'il constitue une modification du contrat de travail, la légitimité de l'exercice du droit de retrait et l'affectation temporaire à un poste de médecin généraliste en gastro-nutrition dont Monsieur X... soutient qu'il constitue une modification du contrat de travail et une sanction disciplinaire, le harcèlement moral et la discrimination que Monsieur X... invoque à l'appui de la prise d'acte de la rupture.

La nouvelle organisation mise en place au sein de l'hôpital Forcilles à compter du mois de mai 2014 prévoyait que :

- du lundi au vendredi, un médecin assure la garde durant la journée de 8 heures à 21h30,

- à compter de 21h30 et jusqu'à 8 heures le lendemain matin, le médecin réanimateur assure la garde de nuit pour la gestion des urgences vitales,

- en parallèle, deux médecins (un par pôle) sont d'astreinte téléphonique afin de gérer les urgences survenant durant la garde,

- le médecin de garde (pour la journée) et le médecin réanimateur (pour la nuit) n'interviennent que pour les urgences vitales, les autres urgences sont gérées par les médecins d'astreinte.

Cette organisation a été mise en place après consultation du personnel, ainsi que cela ressort des procès-verbaux des 26 mars 2014 et 21 mai 2014 de la conférence médicale d'établissement (pièces n° 34 et 35 employeur), en raison d'une part, des exigences d'organisation de la continuité des services et des directives données par l'Agence Régionale de Santé à l'hôpital, étant précisé que le renouvellement d'autorisation attachée au service de réanimation a été conditionné par l'ARS à sa transformation en unité de soins intensifs respiratoires, la diminution du nombre de médecins rendant impossible l'organisation des gardes de nuit par deux médecins présents simultanément (pièce n° 7 employeur) et, d'autre part, en raison du plan de redressement adopté par le jugement du tribunal de grande instance de Melun le 30 avril 2013 imposant une restructuration en profondeur de l'organisation et du fonctionnement du centre médical en vue de générer des excédents sans suppression de postes (pièce n° 46 salarié).

Monsieur X... a exercé son droit de retrait par lettre du 25 juin 2014 et il a été affecté provisoirement au service de la gastro-nutrition à compter du 11 juillet 2014 durant le temps de l'enquête du CHSCT consécutive à son droit de retrait.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Monsieur X... invoque les faits précités et produit de nombreuses pièces composées de son contrat de travail et avenants, des lettres qu'il a adressées à la Fondation Cognacq-Jay, au directeur de l'hôpital Forcilles et à l'inspection du travail et des réponses qui lui ont été faites, du compte rendu du CHSCT, du procès-verbal de la conférence médicale d'établissement, un article du «'Monde'» sur le suicide d'un médecin à l'hôpital Georges Pompidou et les attestations des docteurs G... et F....

Monsieur X... établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

En défense, l'hôpital Forcilles invoque en réponse les points précités et produit elle aussi les documents contractuels, les courriers échangés, les courriers de la secrétaire du CHSCT et divers procès-verbaux.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que l'hôpital Forcilles démontre que les faits matériellement établis par Monsieur X... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En effet si Monsieur X... soutient que son contrat de travail de médecin réanimateur a été modifié par le nouveau système de gardes de nuit, la cour constate que le différend ne porte que sur le service auquel le salarié était affecté pour la seule réalisation des gardes et des astreintes, que son affectation de médecin réanimateur n'était pas remise en cause par les sujétions liées aux gardes et astreintes litigieuses, que son emploi à l'hôpital Forcilles ne constituait pas un emploi exclusif de médecin réanimateur, que son contrat de travail de médecin assistant n'empêchait aucunement l'hôpital Forcilles de lui demander d'assurer des astreintes ou des gardes en dehors du service de réanimation dès lors qu'aucun document contractuel ne prévoit que ces astreintes ou ces gardes de nuit doivent s'effectuer au sein du seul service de réanimation.

Ainsi, le nouveau système de gardes de nuit constituait un simple changement de ses conditions de travail de médecin ne nécessitant pas son accord préalable étant ajouté au demeurant que Monsieur X... avait comme les docteurs G... et F... la possibilité de ne pas l'accepter en refusant les astreintes ou gardes de nuit.

C'est aussi en vain que Monsieur X... soutient que dans sa lettre du 4 juin 2014, le directeur du centre médical de Forcilles a nié sa spécialisation de médecin réanimateur en lui proposant de l'affecter à un poste de médecin généraliste dans un autre service de l'hôpital et que cette lettre du 4 juin 2014 s'analyse en une lettre d'avertissement disciplinaire pour le contraindre à accepter le nouveau système de gardes de nuit.

La cour retient en effet la cour que cette lettre du 4 juin 2014 ne constitue pas une lettre d'avertissement dès lors qu'aucune notion de sanction n'y figure et que la proposition d'affectation à un poste de médecin généraliste dans un autre service de l'hôpital ne constitue que la recherche d'une solution à l'opposition de Monsieur X... au nouveau système de gardes de nuit que le directeur de l'hôpital Forcilles ne pouvait ignorer, tout comme le chef du service de réanimation.

C'est également en vain que Monsieur X... soutient que le directeur du centre médical de Forcilles a informé de façon déloyale le CHSCT du nouveau système de gardes de nuit en lui cachant l'opposition des médecins réanimateurs et cette opposition a été telle que l'ancien système de gardes de nuit a été rétabli en 2015.

La cour retient en effet la cour qu'aucun élément ne vient établir ces faits : le procès-verbal du CHSCT extraordinaire du 3 décembre 2013 (pièce n° 48 salarié) ne contient aucun élément démontrant une rétention d'information, tout au contraire.

La cour retient en outre que l'organisation relative au nouveau système de gardes de nuit était provisoire en sorte qu'il est normal que l'ancien système de gardes de nuit ait pu être rétabli en 2015 dès lors que les contraintes dans l'organisation des gardes médicales destinées à garantir la continuité du service étaient résolues ; ce retour à l'ancien système ne permet pas de retenir qu'un dysfonctionnement a eu lieu dans l'information préalable et dans la mise en 'uvre du nouveau système provisoire de gardes de nuit.

C'est par ailleurs en vain que Monsieur X... soutient que, stressé par la situation, il a demandé l'intervention de l'inspection du travail le 25 juin 2014 et que cette atteinte à la santé caractérise un manquement à l'obligation de sécurité et de santé au travail.

La cour retient en effet que Monsieur X... lie sa demande d'intervention de l'inspection du travail le 25 juin 2014 à une atteinte à sa santé mais s'il produit sa lettre à l'inspection du travail datée du 25 juin 2014, cette lettre ne mentionne que l'exercice de son droit de retrait en évoquant l'organisation du nouveau système de gardes de nuit qui ne lui «'paraît pas sérieux'» (sic) mais aucun élément ne vient étayer l'atteinte à sa santé qu'il allègue ni, par suite, le manquement à l'obligation de sécurité et de santé au travail.

C'est en outre en vain que Monsieur X... fait valoir qu'en juin 2014, il a aussi saisi le conseil de prud'hommes d'une action en annulation de la décision du directeur du centre médical de Forcilles et à défaut en résiliation judiciaire de son contrat de travail ; en effet la cour retient que cette action constitue l'exercice de son droit d'agir en justice mais ne constitue aucunement le harcèlement moral qu'il invoque.

C'est encore en vain que Monsieur X... soutient qu'il a exercé légitimement son droit de retrait en raison des risques graves pour sa santé physique et mentale ainsi que pour son avenir professionnel.

La cour retient en effet que le droit de retrait exercé par Monsieur X... par lettre datée du 25 juin 2014 était injustifié au motif que les conditions légales n'étaient pas remplies, qu'aucun élément ne permet de considérer que Monsieur X... a pu raisonnablement penser qu'il se trouvait en danger, pour sa santé ou sa vie, du fait de la mise en place du nouveau système de gardes de nuit étant précisé que le CHSCT a relevé, au terme de l'enquête menée à l'issue du droit de retrait exercé par Monsieur X..., qu'il n'existait pas de danger grave et imminent pour sa santé ou sa vie par suite de la réorganisation des gardes de nuit (pièces n° 24 et 25 employeur) ; en outre Monsieur X... a exercé son droit de retrait le 25 juin 2014 alors qu'il était en congés payés jusqu'au 10 juillet 2014 en sorte que, n'étant pas en train d'exécuter son contrat de travail, il ne pouvait invoquer utilement un danger grave et imminent pour sa santé ou sa vie ; enfin la gestion de situations extrêmes et la prise de décisions cruciales pour la vie des patients sont des éléments inhérents à la profession de médecin et ne sauraient justifier l'exercice d'un droit de retrait.

C'est toujours en vain que Monsieur X... soutient que son affectation à compter du 11 juillet 2014 dans un autre service, en gastro-nutrition, à la suite de son droit de retrait constitue une mutation disciplinaire et attentatoire à ses droits.

La cour retient en effet que l'affectation temporaire de Monsieur X... au service de soins spécialisés en gastro-nutrition ne constituait pas une modification de son contrat de travail et encore moins une sanction disciplinaire, mais un simple changement de ses conditions de travail de médecin ne nécessitant pas son accord préalable dès lors que le retrait de ses fonctions de médecin réanimateur n'était que temporaire et sans aucun changement de rémunération ou de niveau hiérarchique ; en outre, cette affectation temporaire en dehors du service de réanimation n'était pas abusive, le directeur de l'hôpital Forcilles n'ayant affecté temporairement Monsieur X... au service de soins spécialisé en gastro-nutrition à son retour de congés, soit le 11 juillet 2014, que dans l'attente du résultat de l'enquête menée par le CHSCT sur l'exercice de son droit de retrait et pour pouvoir alors organiser le service de réanimation conformément aux nécessités du service et cela, dans l'exercice normal de son pouvoir de direction.

C'est encore vain que Monsieur X... soutient que l'hôpital Forcilles a voulu lui imposer en dehors de l'exercice de sa spécialité, d'effectuer en plus de ses gardes habituelles au sein du service de réanimation, des gardes générales pour tout l'hôpital, gardes qui étaient jusqu'alors effectuées par le médecin généraliste de garde de nuit, qu'il a subi une atteinte au droit et à la santé qui est incontestable, une menace de licenciement, une violation de l'obligation de sécurité, une violation du droit de retrait, une mutation disciplinaire par suite de l'exercice de son droit de retrait et qu'il s'est vu imposer des responsabilités différentes de celles prévues par son contrat de travail de médecin réanimateur, l'exposant sciemment à commettre dans des situations d'urgence des erreurs médicales, voire des manquements déontologiques.

La cour considère en effet qu'aucune violation de l'obligation de sécurité ou du droit de retrait et qu'aucune mutation disciplinaire ne peuvent être retenues en l'espèce comme cela a déjà été dit précédemment et que rien ne permet de retenir que l'hôpital Forcilles a imposé à Monsieur X... des responsabilités différentes de celles prévues par son contrat de travail, l'exposant sciemment à commettre dans des situations d'urgence des erreurs médicales, voire des manquements déontologiques : le nouveau système de gardes de nuit ne créait de nouvelles sujétions à Monsieur X... que dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de médecin en sorte qu'il ne s'agit que de sujétions inhérentes à ces fonctions et aucunement de l'exposer sciemment, comme il le soutient à tort et sans le moindre élément, à commettre dans des situations d'urgence des erreurs médicales, voire des manquements déontologiques.

C'est enfin en vain que Monsieur X... soutient que le directeur du centre médical de Forcilles a refusé de tirer les conséquences de cette prise d'acte de la rupture et a eu un comportement agressif en lui notifiant le 28 juillet 2014 un avertissement pour absence injustifiée du 1er juin au 10 juillet, en le mettant en demeure de reprendre son poste, et en réitérant ces mesures de mise en demeure le 31 juillet et d'avertissement pour absence injustifiée par une lettre antidatée du 13 août adressée le 18 août après l'avoir menacé d'une sanction disciplinaire le 31 juillet 2014.

La cour retient en effet que les mises en demeure du 3 juillet 2014 et du 31 juillet 2014 et les avertissements du 28 juillet 2014 et du 13 août 2014 trouvaient leur origine dans le fait que Monsieur X... ne justifiait pas avoir régularisé sa demande de congés payés qu'il a pris du 1er au 26 juin 2014 comme cela ressort de ses courriers du 26 août 2014 (pièce n° 36 salarié), qu'il ne se présentait pas à son poste de travail et qu'il n'avait pas pris acte de la rupture de son contrat de travail à l'égard de l'hôpital Forcilles, ce qu'il n'a finalement fait que par lettre recommandée avec avis de réception du 26 août 2014 et dont l'hôpital Forcilles a pris acte le 3 septembre 2014.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que Monsieur X... est mal fondé à soutenir qu'il a été victime de harcèlement moral au motif que les faits matériellement établis par Monsieur X... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur la discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations:

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut'tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article'1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Monsieur X... soutient qu'il a été victime de discrimination à raison de son origine du fait de la mention de sa qualité de médecin étranger dans la lettre du 4 juin 2014 du directeur du centre médical de Forcilles (pièce n° 18 salarié).

La cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que Monsieur X... établit l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre.

L'hôpital Forcilles fait valoir que la lettre litigieuse ne contient que des éléments objectifs totalement étrangers à toute discrimination.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que l'hôpital Forcilles démontre que les faits matériellement établis par Monsieur X... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En effet, s'il est exact que Monsieur H..., directeur de l'hôpital Forcilles, écrit à Monsieur X... «'qu'en sa qualité de médecin étranger en formation, l'hôpital lui a assuré une formation solide de médecin'», il ne s'agit pas de propos discriminatoires mais d'une référence au diplôme étranger dont Monsieur X... bénéficiait lors de son recrutement et de la formation subséquente qui lui a ensuite été dispensée en France pour lui permettre d'exercer des fonctions de médecin en France.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que Monsieur X... est mal fondé à soutenir qu'il a été victime de discrimination au motif que les faits matériellement établis par Monsieur X... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Sur les manquements invoqués à l'appui de la prise d'acte de la rupture

La cour constate que les griefs articulés à l'appui de la prise d'acte de la rupture sont ceux articulés à l'appui du harcèlement moral et de la discrimination qui ont tous été rejetés.

Il ressort de ce qui précède que Monsieur X... n'établit aucun des manquements allégués à l'encontre de l'hôpital Forcilles ; sa demande de prise d'acte aux torts de l'employeur est donc rejetée ainsi que les demandes de dommages intérêts et d'indemnités de rupture qui en découlent, relativement à l'indemnité de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents, aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et aux dommages et intérêts pour harcèlement et discrimination.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé que la rupture du contrat de travail de Monsieur X... n'est pas imputable à faute à l'hôpital Forcilles et qu'elle produit les effets d'une démission et en ce qu'il a par suite, débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes.

Sur la demande reconventionnelle d'indemnité pour non respect du préavis

L'hôpital Forcilles sollicite la somme de 15.418,17 € à titre d'indemnité pour non respect du préavis au motif que lorsque la prise d'acte produit les effets d'une démission, le salarié peut être condamné à verser à l'employeur une indemnité pour non respect du préavis.

Monsieur X... n'articule aucun moyen en défense étant relevé que lui-même sollicitait cette somme au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dit que l'hôpital Forcilles est bien fondée dans sa demande d'indemnité pour non respect du préavis au motif que lorsque les griefs invoqués par le salarié sont infondés, comme c'est le cas en l'espèce, la prise d'acte produit les effets d'une démission et que le salarié est alors redevable de l'indemnité correspondant au préavis qu'il n'a pas exécuté.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté l'hôpital Forcilles de sa demande d'indemnité pour non respect du préavis, et, statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne Monsieur X... à payer à l'hôpital Forcilles la somme de 15.418,17 € à titre d'indemnité pour non respect du préavis.

Sur les autres demandes

La cour condamne Monsieur X... aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner Monsieur X... à payer à l'hôpital Forcilles la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté l'hôpital Forcilles de sa demande d'indemnité pour non respect du préavis,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne Monsieur X... à payer à l'hôpital Forcilles la somme de 15.418,17 € à titre d'indemnité pour non respect du préavis,

Condamne Monsieur X... à payer à l'hôpital Forcilles la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne Monsieur X... aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 16/09032
Date de la décision : 04/09/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°16/09032 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-04;16.09032 ?
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