Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 18 JUILLET 2018
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/19673 (Absorbant le RG n° 16/19790 et 16/19791)
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Août 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/09982
APPELANT
Monsieur Xavier X...
demeurant [...]
né le [...] à BORDEAUX
Représenté par Me Christophe Y... de la SELARL COLISEE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1221
Représenté par Mme Ludivine Z..., avocate au barreau de PARIS
INTIME
MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DE PARIS
Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire
Ayant ses bureaux [...]
Représenté par Me Pascale C..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Représenté par M. Olivier A..., inspecteur des finances publiques en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Edouard LOOS, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
Madame Dominique MOUTHON-VIDILLES, Conseillère appelée d'une autre chambre afin de compléter la cour en vertu de l'article R.312-3 du code de l'organisation judiciaire, qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, président et par Mme Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société DNCA-Finance dont M. Xavier X... est l'un des cofondateurs, est spécialisée dans la gestion de fonds d'investissements.
Le 11 avril 2007, M. X... a cédé 320 actions de la société DNCA Finance, détenues sur un plan d'épargne entreprise (PEE), la plus value dégagée par cette vente s'est élevée à 6368000 euros.
Le 15 juin 2008, M. X... a déposé une déclaration d'ISF, après avoir appliqué le plafonnement à hauteur de 203608 euros, et a réglé la somme de 402202 euros.
Par proposition de rectification du 21 novembre 201l , 1' administration fiscale a remis en cause les modalités de calcul du plafonnement réalisé.
Elle a considéré que M. Xavier X... devait inclure, au titre des revenus de 2007, le montant de la plus value réalisée le ll avril 2007.
M. Xavier X... a contesté cette décision.
L'administration a confirmé la rectification proposée.
L'impôt a été mis en recouvrement par un avis du 10 juillet 2012, pour un montant de 237000 euros.
Le 26 juillet 2012, M. Xavier X... a formé une réclamation contentieuse à l'encontre de cette imposition complémentaire, en invoquant la doctrine administrative D. Adm. 3S-43, n 36.
Par décision du l 8 avril 2013, l'administration a rejeté la réclamation du 26 juillet 2012.
Par acte d'huissier du 25 juin 2013, M. Xavier X... a fait assigner le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris, pôle fiscal de Paris-Centre en annulation de la décision de rejet.
* * *
Vu le jugement prononcé le 30 août 2016 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
- confirmé la rectification envisagée au titre de l'ISF 2008,
- déboute M. Xavier X... de l'ensemble de ses demandes,
- condamne M. Xavier X... aux dépens.
Vu l'appel de M. X... le 30 septembre 2016,
Vu les conclusions signifiées le 23 mars 2018 par M. X...,
Vu les conclusions signifiées le 3 avril 2018 par le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris, pôle fiscal parisien 1, pôle juridictionnel judiciaire,
M. X... demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
- infirmer le jugement rendu en première instance par le Tribunal de Grande Instance de Paris du 30 août 2016 en ce qu'il a débouté Monsieur Xavier X... de ses contestations,
En conséquence :
- déclarer non-fondé le redressement notifié au titre de l'ISF 2008,
- Infirmer la décision de rejet du 18 avril 2013 et prononcer la décharge des impositions litigieuses d'un montant global de 237000 euros,
- condamner l'Etat aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
- juger X... mal fondé en son appel du jugement rendu le 30 août 2016 par le tribunal de Grande Instance de Paris,
- débouter M. X... de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement du TGI de Paris du 30 août 2016,
- confirmer les impositions supplémentaires mises à la charge de M. X...,
- dire que l'équité ne commande pas le paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. X... à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE,
Considérant que l'article 885 V bis du code général des impôts, dans sa version applicable à la date des faits, dispose que «L'impôt de solidarité sur la fortune du redevable ayant son domicile fiscal en France est réduit de la différence entre, d'une part, le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente, calculés avant imputation des crédits d'impôt et des retenues non libératoires, et d'autre part, 85% du total des revenus nets de frais professionnels de l'année précédente après déduction des seuls déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée par l'article 156, ainsi que des revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France et des produits soumis à un prélèvement libératoire. Cette réduction ne peut excéder une somme égale à 50% du montant de cotisation résultant de l'application de l'article 885 V ou, s'il est supérieur, le montant de l'impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du tarif fixé à l'article 885 U.
Les plus-values sont déterminées sans considération des seuils, réductions et abattements
prévus par le présent code (...) .
Considérant que ces dispositions prévoient un mécanisme de plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune en fonction des revenus nets du redevable de l'année précédente, sans préciser si les revenus constituant le deuxième terme du rapport doivent s'entendre des revenus réalisés mais non perçus ou bien des revenus réellement appréhendés par le contribuable ; qu'il convient à ce titre de prendre en compte les revenus nets qui ont été effectivement soumis aux impôts constituant le premier terme du rapport, notamment l'impôt sur le revenu; que les revenus nets du contribuable utilisés pour la détermination du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune doivent s'entendre des revenus réalisés et non nécessairement appréhendés par le redevable ;
a) Sur l'application du mécanisme du plafonnement de l'ISF dans la situation de la réalisation d'une plus-value de cession de titres à l'intérieur d'un plan d'épargne entreprise (PEE)
Considérant que l'appelant fait valoir qu'il convient nécessairement de lier la prise en compte, dans le plafonnement de l'ISF, du montant de la plus-value au titre de l'année de son imposition aux prélèvements sociaux intervenant l'année du retrait des fonds du PEE; que c'est au titre de l'année du paiement des prélèvements sociaux que la plus-value de cession réalisée au sein d'un PEE doit être parallèlement prise en compte pour le calcul du plafonnement de l'ISF, soit en l'espèce en 2010 et non en 2008;
Mais considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 885 V du CGI précité que les gains nets tirés de cessions de valeurs mobilières doivent être inclus dans le revenu à prendre en compte pour le calcul du plafonnement applicable en matière d'1SF, qu'elles
soient soumises à l'impôt sur le revenu ou exonérées ; que M. X... a cédé, le ll avril 2007, 320 actions de la société DNCA-Finance à la société Gruppo Banca Leonardo, réalisant à cette occasion une plus-value de cession de valeurs mobilières de 6368000 euros ; que ce gain réalisé en 2007 constitue une plus-value de valeurs mobilières devant être ajouté aux autres revenus perçus la même année par le redevable pour le calcul du plafonnement de l'ISF au titre de l'année 2008, peu important que ces revenus soient détenus sur un PEE ;
b) Sur l'encadrement du mécanisme du plafonnement de l'ISF par le principe constitutionnel des facultés contributives du contribuable
Considérant que M. X... soutient que la plus-value réalisée en 2007 à l'intérieur d'un PEE et réinvestie au sein du PEE étant un revenu non appréhendé, cette plus-value ne doit pas être prise en compte pour le calcul du plafonnement de l'ISF 2008, mais uniquement au moment précis de son appréhension effective, soit au cas particulier pour le plafonnement de l'ISF 2010 ; qu'à défaut, les capacités contributives du contribuable ne seraient pas préservées contrairement à la philosophie qui sous-tend le mécanisme du plafonnement de l'ISF ;
Mais considérant que le 11 avril 2007 la période de blocage du plan était parvenue à son terme ; que si M. X... a préféré laisser le montant de la plus value à l'intérieur du PEE, il ne peut pas être déduit de ce choix que les fonds n'étaient pas disponibles; que les décisions du conseil constitutionnel censurant les articles 13 des lois de finances pour 2013 et 2014 ne sont dés lors pas transposables non seulement pour des raisons de date puisque le litige porte sur une imposition 2008 mais également pour des raisons de fond puisque la faculté d'appréhension des fonds par M. X... était entière en 2007 ;
c) Sur le paragraphe 36 de la doctrine 7 S-43
Considérant, selon les termes du paragraphe n° 36 de la documentation administrative 7-S-43 dans sa rédaction alors en vigueur, que 'doivent être désormais pris en compte pour le calcul du plafonnement tous les revenus français ou étrangers réalisés au cours de l'année précédant celle de l'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune qui sont exonérés d'impôt sur le revenu en application des dispositions du code général des impôts ou d'une convention internationale.
Les revenus réalisés, même s'ils sont exonérés d'impôt sur le revenu, s'entendent de ceux pour lesquels un fait générateur de l'impôt sur le revenu est intervenu au cours de l'année précédant celle de l'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune. Ce fait générateur peut être la cession (pour les plus-values), l'encaissement (pour des revenus) ou, s'agissant des produits financiers pour lesquels l'exonération d'impôt sur le revenu est subordonnée à une condition de blocage de l'épargne, le retrait, le rachat, le dénouement ou la clôture d'un contrat, d'un compte ou d'un plan'.
Considérant que, selon M. X..., les plus-values réalisées à l'intérieur du PEE entrent dans la catégorie «des produits financiers pour lesquels l'exonération d'impôt sur le revenu est subordonnée à une condition de blocage de l'épargne» telle que visée par le paragraphe 36 de la doctrine administrative ; qu'en conséquence l'inclusion de la plus-value de cession dans le plafonnement de l'ISF doit intervenir au moment de l'année suivant le retrait des fonds du plan ; qu'il soutient que retenir une autre position reviendrait à nier le fonctionnement particulier du PEE qui constitue une enveloppe opaque d'épargne tant que les fonds investis en son sein et l'ensemble des revenus en découlant y demeurent logés ;
Mais considérant que, par de justes motifs que la cour adopte, les premiers juges ont rappelé que les gains sur cession de valeurs mobilières et les produits financiers ne sont pas assimilables ; qu'en l'espèce, la plus-value obtenue à la suite de la cession de valeurs mobilières, a été calculée en retranchant du prix des actions vendues, le prix d'achat initial et en multipliant par le nombre de titres vendus; que ce revenu n'était pas bloqué puisque les revenus de M. X... étaient disponibles ; que le revenu exonéré constituant une plus-value, l'administration a procédé au calcul préconisé pour les revenus alors que la condition d'application du calcul se rapportant aux produits financiers est subordonnée à une condition de blocage de l'épargne ;
d) Sur le paragraphe 37 de la DB 7 S-43
Considérant qu'au termes du paragraphe n° 37 de la documentation administrative 7-S-43 dans sa rédaction alors en vigueur, 'qu' il en résulte que sont notamment pris en compte pour le calcul du plafonnement (...) :
- les gains retirés de la cession de valeurs mobilières et droits sociaux mentionnés aux articles 92 B, 92 J, 150 A bis et 160 du code général des impôts exonérés d'impôt sur le revenu l'année précédant celle de l'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune (...)';
Considérant que, selon M. X..., cet article 37 ne peut valablement servir de fondement pour prévoir l'inclusion dans le plafonnement de l'ISF 2008 de la plus value réalisée en 2007 au sein de son PEE ;
Mais considérant que, si les articles 92B à 92J du CGI ont été abrogés à compter du 1er janvier 2000, leur contenu se retrouve dans les articles 150 O-A à 150 O-E du même code ; qu'ainsi, demeurent pris en compte pour le calcul du plafonnement, les gains retirés de la cession de valeurs mobilières et droits sociaux mentionnés à l'article 150-O-A à 150-O-E du CGI exonérés d'impôt sur le revenu l'année précédant celle de l'imposition à l'ISF ;
e) Sur l'assimilation des plus-values en report d'imposition avec les plus- values réalisées à l'intérieur d'un PEE
Considérant que M. X... soutient que, au même titre que les plus-values en report d'imposition, la plus-value réalisée en 2007 au sein du PEE ne doit pas être prise en compte, pour le calcul du plafonnement de l'ISF, au titre de l'année de sa réalisation mais au moment de son retrait du PEE, c'est-à-dire l'année suivant celle au cours de laquelle intervient sa taxation aux contributions sociales ; que la prise en compte de la plus-value réalisée en 2007 pour le plafonnement de l'ISF 2010, compte tenu du retrait des sommes du PEE intervenu en 2009, était parfaitement justifiée ;
Mais considérant que pour le calcul du plafonnement de l'ISF, le gain résultant de la plus -value en report d'imposition et l'impôt correspondant doivent être pris en compte la même année soit l'année suivant celle au cours de laquelle l'impôt sur le revenu afférent à la plus value est dû: que le régime des prélèvements sociaux est sans incidence sur le calcul du plafonnement de l'ISF ;
f) Sur l'assimilation du PEE avec le PEA;
Considérant que, selon M. X..., la similitude des régimes fiscaux du PEE et du PEA ne permet pas de réserver aux revenus issus de ces deux placements des traitements distincts, en matière de plafonnement d'ISF, de sorte que les plus-values générées sur un PEE et sur un PEA ne peuvent être retenues qu'au titre de l'année d'imposition, à savoir l'année de l'appréhension effective du produit de la cession par le contribuable intervenant au jour du retrait du plan ;
Mais considérant que ces 2 plans distincts relèvent de régimes différents, le PEE s'adressant aux entreprises dans le cadre d'u système d'épargne collectif et le PEA aux particuliers ; qu'ils sont définis par des dispositions légales contenues dans deux codes différents ; que M. X... est ainsi mal fondé à soutenir que les deux régimes sont assimilables.
g) Sur la double imposition
Considérant que M. X... ne prouve en aucune façon que son imposition ISF 2010 aurait tenu compte de la plus value de 6368000 euros qu'il aurait fait figurer dans les sommes perçues en 2009, lors du retrait de cette somme de son PPE ; que sa déclaration d'ISF 2010 comporte en ligne PT afférente aux revenus et produits de l'année 2009 une somme de 3388675 euros ne pouvant pas correspondre à la plus value en litige d'un montant presque deux fois supérieur à laquelle aurait dus s'ajouter les autres revenus du contribuable ;
Considérant qu'il se déduit de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE M. X... à verser au directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE M. X... aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS