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04/07/2018 | FRANCE | N°13/09528

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 04 juillet 2018, 13/09528


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 04 Juillet 2018

(n° , 15 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 13/09528 - N° Portalis 35L7-V-B65-BSOE5





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Septembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/07922





APPELANTE



Madame Mirtha X...

[...]

née le [...] à ANTANANARIVO (MADA

GASCAR)

représentée par Me Cécile Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : C1587





INTIMÉE



SOCIETE NATIONALE MALGACHE DE TRANSPORTS AÉRIENS AIR MADAGASCAR

[...]

représentée par ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 04 Juillet 2018

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 13/09528 - N° Portalis 35L7-V-B65-BSOE5

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Septembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/07922

APPELANTE

Madame Mirtha X...

[...]

née le [...] à ANTANANARIVO (MADAGASCAR)

représentée par Me Cécile Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : C1587

INTIMÉE

SOCIETE NATIONALE MALGACHE DE TRANSPORTS AÉRIENS AIR MADAGASCAR

[...]

représentée par Me Christian Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : R169

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Avril 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Laure TOUTENU, Vice-président placé, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoit HOLLEAUX, conseiller

Madame Laure TOUTENU, vice-président placé

Greffier : Mme Laurie TEIGELL, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, Président et par Madame Laurie TEIGELL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme Mirtha X... a été engagée par la société nationale malgache de transports aériens Air Madagascar (ci-après la Cie Air Madagascar), à compter du 20 avril 1989 en qualité de secrétaire comptable. Elle a été promue comptable avec le statut de cadre en 1996. La relation de travail était régie par la convention collective nationale du personnel au sol des transports aériens.

La société emploie plus de dix salariés à la date de la rupture.

Le 7 mars 2011, Mme X... a été victime d'un accident de trajet ; elle a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail à compter du 7 mars 2011.

Le 3 mai 2011, Mme X... a été déclarée apte sans restriction ni réserve par le médecin du travail.

De nouveaux arrêts de travail lui ont été prescrits à compter du 18 mai 2011.

Le 27 mai 2011, Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de diverses demandes salariales et indemnitaires.

Par lettre du 5 octobre 2011 , Mme X... était convoquée pour le 17 octobre 2011 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 21 octobre 2011 suivant pour «absences prolongées et répétées ».

Au dernier état de ses prétentions devant le conseil de prud'hommes, la salariée a formé des demandes tendant à dire qu'elle a été promue responsable administratif et financier à compter du 1er octobre 1991 et à obtenir le paiement de salaires au coefficient 670 de 2007 à 2011, de dommages et intérêts pour harcèlement moral, de primes de 14ème mois, de dommages et intérêts pour discrimination à l'avancement et perte de chance, de demandes tendant à titre principal à prononcer la nullité de son licenciement pour harcèlement moral, à ordonner sa réintégration dans l'entreprise avec le paiement des salaires dus jusqu'à la date du bureau de jugement, subsidiairement à dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir le paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité pour frais irrépétibles.

La Cie Air Madagascar a sollicité reconventionnellement le paiement d'un trop-perçu et d'une indemnité pour frais irrépétibles.

Par jugement du 24 septembre 2013 notifié le 30 septembre 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Mme X... de l'ensemble de ses demandes, a débouté la Cie Air Madagascar de ses demandes reconventionnelles et a condamné Mme X... aux dépens.

Mme X... a interjeté appel de cette décision le 4 octobre 2013.

Le 20 août 2015, la caisse primaire de sécurité sociale a reconnu l'existence d'une maladie professionnelle et a fixé le taux d'incapacité permanente de la salariée à 40% en raison d'un épisode dépressif majeur au titre de la maladie déclarée le 24 octobre 2013.

Par jugement du 12 octobre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a dit opposable à la Cie Air Madagascar la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de Mme X....

Aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 30 avril 2018, Mme X... demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- condamner la société intimée à lui payer les sommes suivantes :

* au titre de la discrimination :

281 055,48 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier

30 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

9 011,25 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

901,12 € au titre des congés payés afférents

34 843,50 € à titre de reliquat d'indemnité de licenciement

* au titre du licenciement nul, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse

116 202,96 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la rupture

* en tout état de cause :

30 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

4 691,10 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

469,10 € au titre des congés payés afférents

15 479,09 € au titre de la prime de 14ème mois, rappel 2006-2011

1 547,90 € au titre des congés payés afférents

- condamner la société intimée à lui remettre les documents sociaux conformes sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt

- condamner la société intimée à lui payer une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société intimée aux intérêts au taux légal et anatocisme

- condamner la société intimée aux dépens, y compris les frais d'exécution.

La société intimée reprend les termes de ses conclusions visées par le greffier et sollicite avant toute discussion au fond, la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que les faits allégués au titre d'une prétendue discrimination étaient prescrits et a débouté Mme X... de ses demandes. A titre subsidiaire, la Cie Air Madagascar sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que les faits allégués au titre d'une prétendue discrimination et d'un prétendu harcèlement moral étaient injustifiés et infondés et a débouté Mme X... de ses demandes à ce titre. A titre plus subsidiaire, la société intimée demande à la cour de ramener les demandes à de plus justes proportions.

Sur le bien fondé du licenciement, la Cie Air Madagascar demande la confirmation du jugement et le rejet de l'ensemble des demandes de Mme X.... A titre subsidiaire, la Cie Air Madagascar sollicite la limitation de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 13 452,50 €. Elle demande en outre la condamnation de Mme X... à lui rembourser la somme de 4 344,52 €, avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2012, et à lui verser une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour constate que la salariée ne fait pas appel des dispositions du jugement l'ayant déboutée de ses demandes de repositionnement conventionnel et de rappel de salaire en conséquence. Ce chef de dispositif doit donc être confirmé.

Sur la demande de rappel de prime de 14ème mois

Mme X... sollicite la somme de 15 479,09 € outre les congés payés afférents au titre de la prime contractuelle de 14ème mois pour les années 2006 à 2011, en précisant qu'elle limite sa demande à cette période en application de la règle de prescription quinquennale.

Elle expose que cette prime était prévue par l'article 4.2 de son contrat de travail, de sorte qu'elle ne pouvait être modifiée sans son accord. Elle précise que le contrat de travail était régi par la convention collective du personnel au sol des transports aériens dès son engagement, que la hiérarchie des normes et le principe de faveur n'interdisent pas de convenir contractuellement d'une prime plus favorable au salarié. Elle conteste la justification de l'employeur d'une suppression de la prime en 2003 motivée par la mise en conformité avec le droit français ainsi que le fait, retenu par le conseil de prud'hommes, que cette prime aurait été incluse à compter d'octobre 2013 dans sa rémunération de base, l'employeur ne le démontrant pas.

L'employeur soulève la prescription de la demande sur le fondement de la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil, en faisant valoir que l'usage de la prime exceptionnelle du 14ème mois a été dénoncé à compter d'octobre 2003 et qu'ainsi la demande en paiement de cette prime est prescrite depuis octobre 2008.

A titre subsidiaire, l'employeur soutient qu'il a régulièrement dénoncé l'usage d'une prime de 14ème mois, en informant les institutions représentatives du personnel, en informant individuellement chaque salarié et en respectant un délai de prévenance suffisant. Il ajoute à titre très subsidiaire que cette dénonciation s'est accompagnée de divers avantages et compensations pour les salariés, leur garantissant un niveau de salaire au moins équivalent et même supérieur.

En vertu de l'article 2224 du code civil applicable au litige, les actions en paiement de créances de nature salariale étaient soumises à la prescription quinquennale.

La loi ayant pour effet de limiter toute demande de rappel possible aux cinq dernières années précédant la date à laquelle la demande est formulée, elle n'a pas pour effet d'interdire toute demande de rappel dès lors que ce droit est né à une date antérieure de plus de cinq ans. Le moyen tiré de la prescription sera donc écarté, la salariée étant recevable à formuler une demande de rappel de créance à compter du 27 mai 2006, soit cinq ans avant la saisine du conseil de prud'hommes.

Le contrat de travail de Mme X... stipule en son article 4 :

' vous percevrez en outre, en fin de chaque année et au prorata de votre temps de présence, une prime de fin d'année et une prime exceptionnelle dénommée 14ème mois d'un montant égal à votre traitement fixe'.

L'employeur verse aux débats une lettre adressée à la salariée le 24 octobre 2003, ainsi que quatre autres lettres adressées à d'autres salariés, faisant part d'une 'mise en conformité avec la convention collective nationale du transport aérien' dans le cadre de la régularisation de la situation du personnel parisien de la compagnie Air Madagascar, indiquant notamment que la prime de 14ème mois sera incluse dans le salaire mensuel.

Cependant la prime litigieuse qui était de nature contractuelle ne pouvait être modifiée unilatéralement par l'employeur.

En tout état de cause, la société qui se réfère aux bulletins de paie à compter de 2006 uniquement, ne démontre pas comme elle l'allègue que la prime a été incluse dans la rémunération de base de la salariée.

Par conséquent, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rappel de prime, et la Cie Air Madagascar sera condamnée à payer à Mme X... la somme de 15 479,09 € à titre de rappel de prime de 14ème mois, outre 1547,90€ au titre des congés payés afférents.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du même code que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme X... fait valoir qu'elle a subi des agissements de harcèlement moral de la part de M. A..., son supérieur hiérarchique, à compter du 1er juillet 2001. Elle invoque à cet égard les faits suivants :

- une mise au placard et un dénigrement de ses fonctions

- des problèmes dans la prise de congés et la gestion des absences

- un accès à l'entreprise rendu impossible par l'employeur

- des manipulations informatiques

- un imputation d'erreurs comptables

- la dégradation de son état de santé

Sur la mise au placard et le dénigrement

La salariée fait valoir qu'elle a assumé les fonctions de responsable administratif et financier après le départ à la retraite de M. B... en 1991, puis qu'à compter de 2002 et de l'arrivée d'un nouveau responsable, M. A..., elle n'a eu que des fonctions subalternes, qu'elle n'était plus placée sous la subordination du représentant général France puisqu'elle était rattachée hiérarchiquement à M. A..., lui-même placé sous la responsabilité du représentant général, enfin qu'elle n'était plus en charge du service de la paie.

Au vu de ses fiches d'évaluation, il est établi que la salariée était directement rattachée au représentant général, puis qu'à compter de l'année 2003, elle a été placée sous l'autorité de M. A..., lequel est présenté comme chef du service administratif, finance et logistique, puis, à compter de l'année 2008, comme responsable administratif et financier.

L'appelante produit également deux attestations concordantes de salariées qui confirment une dégradation des conditions de travail de l'intéressée et une diminution de ses fonctions impliquant des responsabilités moindres :

- Mme C..., agent administratif, atteste le 30 mars 2011, que Mme X... a été déchargée de l'établissement des rapprochements bancaires par M. A..., que ce dernier a voulu lui imputer des erreurs de saisie des fichiers TVA effectués par une intérimaire pendant ses congés ; elle fait état de l'imputation de retards à Mme X... par courriels adressés à l'ensemble du service souvent après ses congés annuels et de critiques répétitives de son travail et de la volonté par M. A... d'écarter Mme X... de certaines réunions ;

- Mme D..., cadre commercial, déclare le 17 juin 2011 que Mme X... avait l'obligation de répondre aux appels téléphoniques de clients, était absente de réunions cadre de manière générale, a pris en charge la formation du personnel collaborant avec elle, a établi les fiches de paie après le départ de M. B... à la retraite et au-delà de l'arrivée de M. A....

La salariée produit un courriel du 4 novembre 2008 justifiant que sur un groupe de cadres voyageant en avion, elle était la seule à avoir une réservation en classe économique, et qu'elle a dû téléphoner pour obtenir une rectification et voyager en club comme les autres membres du groupe.

Mme X... verse aux débats des courriels montrant qu'une formation sur le progiciel SAP a été octroyée finalement à une seule salariée en décembre 2009, mais que sa propre participation a été annulée.

La salariée produit des échanges de courriels dans lesquels il lui est demandé à son retour d'arrêt maladie de traiter d'erreurs qui ont été commises alors même qu'elle était absente, et d'en justifier.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la dégradation des conditions de travail de la salariée est matériellement établie, celle-ci ayant perdu certaines fonctions à compter de l'arrivée d'un nouveau supérieur hiérarchique et ayant fait l'objet de critiques devant les autres salariés quant à son travail.

Sur les problèmes dans la prise de congés et la gestion des absences

Mme X... fait état de difficultés dans la prise de ses congés, de demande de modification ou d'annulation de congés et produit des échanges de courriels en ce sens. Elle déplore également des changements de règle à son égard, des difficultés qui lui sont faites en son absence, voire le fait que ses placards sont fouillés ou que des dossiers sont sortis, et verse des échanges de courriels à ce sujet. Ces éléments de fait sont établis au vu des pièces produites.

Sur l'accès à l'entreprise

La salariée déclare qu'elle ne pouvait accéder seule aux locaux et qu'elle a été privée du badge d'accès.

Au vu de la liste des détenteurs de clefs et badges de la porte d'entrée à la date du 10 juillet 2009, la salariée ne bénéficiait pas de la possibilité d'accéder seule aux locaux, alors que d'autres salariés, bénéficiaient de cet accès. Cependant, le fait que les clefs et badges d'accès soient distribués de façon limitée à certains salariés pour des raisons de sécurité n'est pas de nature vexatoire. Ce fait ne peut être retenu.

Sur les manipulations informatiques

La salariée déplore des difficultés pendant l'année 2011 pour accéder à certains outils informatiques et l'absence de réponse de son supérieur hiérarchique face à ses demandes, alors qu'il est responsable du système d'information et qu'il gère les accès et le réseau informatique, ainsi l'impossibilité d'accès aux sites bancaires, notamment La Société Générale, malgré plusieurs demandes en date des 9, 16 et 18 février 2011, son supérieur s'inquiétant de sa demande le 9 janvier 2012 pendant son préavis.

Elle se plaint de l'ingérence de son supérieur hiérarchique qui utilisait régulièrement son poste de travail et procédait à des modifications, et fait également état de manipulation dans les fichiers Excel qu'elle utilisait pour la vérification des éléments introduits en caisse dont elle était en charge suivant une fiche de poste du 13 janvier 2011 (courriels du 23 et 25 février 2011).

L'employeur déclare que les prétendus problèmes de connexion et de sécurisation de l'ordinateur professionnel de Mme X... ne sont pas avérés, que la difficulté de connexion auprès de la Société Générale relevait en réalité d'un problème d'erreur d'identifiant.

Les pièces produite par la salariée, si elles attestent de difficultés de manipulations informatiques ressenties par l'intéressée, sont toutefois insuffisantes pour établir la volonté de l'employeur d'effectuer des manipulations informatiques à son insu ou à son détriment.

Sur l'intention de nuire de son employeur

Il ressort des pièces produites que l'employeur a mandaté une entreprise de contrôle médical alors que la salariée se trouvait en arrêt de travail, avec 'repos à la campagne du 12 septembre 2011 au 24 septembre 2011". La salariée souligne qu'elle a reçu la convocation postérieurement à la date du rendez-vous fixé et que l'employeur a suspendu son complément de rémunération au motif que son absence au rendez-vous fixé était injustifiée, alors même que lors de la deuxième visite demandée par la salariée, qui a eu lieu le 5 octobre 2011, le médecin a conclu au caractère justifié de l'arrêt de travail.

La salariée ajoute qu'après la saisine du conseil de prud'hommes, son supérieur hiérarchique a déposé une plainte pour vol de documents professionnels utiles pour l'audience, manifestant son intention de lui nuire.

Si l'intention de nuire de l'employeur n'est pas établie, étant rappelé en tout état de cause que l'intention de nuire n'est pas une condition du harcèlement moral, il ressort des pièces produites que la société intimée a diligenté un contrôle médical et suspendu le complément de rémunération de la salariée sans attendre que la visite effective de contrôle ait eu lieu.

Sur la dégradation de l'état de santé de la salariée

Le 7 mars 2011, Mme X... a subi un accident de trajet, alors que lors de la visite auprès de la médecine du travail le 2 mars 2011 elle avait dénoncé une grande fatigue et souffrance du fait de ses conditions de travail, mais avait refusé l'arrêt de travail proposé par le médecin du travail qui a conclu en ces termes : 'pas d'aptitude émise, à revoir dans 15 jours'. La salariée a repris le travail le 2 mai 2011, elle est toutefois arrêtée à nouveau le 18 mai suivant, cet arrêt étant prolongé de manière continue par la suite.

Le 20 août 2015, la caisse primaire de sécurité sociale a reconnu l'existence d'une maladie professionnelle, puis a fixé un taux d'incapacité permanente de 40% : 'épisode dépressif caractérisé majeur, reconnu au titre des maladies professionnelles, chez un sujet de 57 ans. Les séquelles consistent en une tristesse persistante avec troubles du sommeil, anhédonie et altération de l'image de soi'.

Par jugement du 12 octobre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a dit opposable à la Cie Air Madagascar la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de Mme X.... Dans sa motivation, le tribunal a fait état du certificat du 17 octobre 2013 de son médecin traitant rédigé en ces termes : 'décompensation psychologique suite à des conditions de travail très difficiles pendant des mois amenant la patiente à cesser son travail, au total il s'agit de souffrance au travail', ainsi que de l'avis du CRRMP, joint à la décision du 20 août 2015, indiquant que la maladie correspond à un syndrome dépressif et que 'l'analyse des conditions de travail telles qu'elles ressortent de l'ensemble des pièces du dossier ainsi que les éléments médicaux transmis, notamment concernant la prise en charge hospitalière, la chronologie des symptômes et leur nature, permettent de retenir un lien direct et essentiel entre le travail habituel et la maladie déclarée par certificat médical du 17 octobre 2013".

L'employeur conclut que la salariée ne rapporte pas la preuve d'un lien entre les arrêts maladie et les agissements précités, que la médecine du travail n'a pas signalé de problème de harcèlement, que les arrêts de travail en 2011 trouvent leur origine dans un accident de trajet sans rapport avec un prétendu harcèlement moral.

Cependant il ressort des pièces versées aux débats que l'état de santé de la salariée s'est dégradé sur le plan psychologique en lien avec ses conditions de travail.

Au vu de ces éléments, les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral subi par la salariée, à la suite de l'arrivée d'un nouveau supérieur hiérarchique.

L'employeur conteste en termes généraux les faits invoqués par la salariée et souligne qu'elle n'en a fait état pour la première fois que dans son courrier à l'inspection du travail en date du 3 février 2011, alors qu'en avril 2010 suite à une plainte d'une salariée de l'entreprise signalée par l'inspection du travail, une instruction a été diligentée auprès de l'ensemble des salariés de la représentation de Paris, une enquête a été menée par la médecine du travail et par l'employeur et que Mme X... n'a pas signalé de difficultés. L'employeur indique qu'en réalité la salariée exprime un profond ressentiment envers celui qui est nommé au poste qu'elle convoitait et est devenu son supérieur hiérarchique. Il affirme que la carrière de la salariée a suivi une évolution normale et que l'arrivée d'un nouveau supérieur hiérarchique n'a pas eu d'incidence, qu'elle a fait l'objet de promotions à plusieurs reprises et de façon constante. L'employeur précise que le retrait de délégation limitée de signature est sans lien avec son nouveau supérieur et qu'il ne s'agit pas d'un déclassement mais d'une mesure générale de mise en oeuvre d'une procédure interne. L'employeur ajoute que les faits listés par la salariée sont isolés, qu'il est légitime de faire part d'erreurs avérées et que la réalité de nombreuses erreurs comptables commises par Mme X... est établie. L'employeur fait valoir que la salariée était conviée aux réunions hebdomadaire de service, qu'elle a participé à des réunions au siège au même titre que les autres cadres de l'établissement français, enfin que la salariée a suivi des formations non obligatoires en anglais et que depuis 2001 elle n'a pas fait de demande de formation en comptabilité.

Cependant, l'employeur ne prouve pas que ses agissements et ses décisions sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Dès lors, il est établi que Mme X... a subi des faits de harcèlement moral suite à l'arrivée d'un nouveau supérieur hiérarchique, notamment en raison d'une perte de ses prérogatives et d'un dénigrement de son travail par ce dernier. En conséquence, infirmant la décision entreprise, la Cie Air Madagascar sera condamnée à payer à Mme X... la somme de 10 000 € en réparation du préjudice subi par la salariée résultant du harcèlement moral.

Sur la discrimination

a) Sur la prescription

L'employeur soulève la prescription des faits invoqués en faisant valoir que depuis la loi du 17 juin 2008, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de sa révélation, que dès 1992, date du départ à la retraite de M. B..., Mme X... s'est prétendue victime de discrimination et s'en est plainte à son employeur, que les demandes pour discrimination à l'avancement sont donc prescrites.

Mme X... demande à la cour de rejeter le moyen tiré de la prescription en soutenant que les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 en matière de prescription doivent être appliquées et que la saisine du conseil de prud'hommes, le 27 mai 2011, interruptive de prescription, est intervenue dans le délai.

En l'espèce, l'article 1 de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription a réduit à cinq ans le délai de prescription de droit commun qui était auparavant de trente ans.

L'article 26 II. de la même loi prévoit que 'Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure'.

En l'espèce, Mme X... a introduit son action par saisine du conseil de prud'hommes le 27 mai 2011, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. A la date de la promulgation de la loi nouvelle, la prescription trentenaire relative à la demande indemnitaire pour discrimination n'était pas acquise, de sorte que le nouveau délai de cinq ans a commencé à courir à cette date sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée de trente ans prévue par la loi antérieure. Il en résulte que l'action de la salariée engagée par la saisine de la juridiction prud'homale le 27 mai 2011 en indemnisation au titre de la discrimination n'est pas prescrite.

b) Sur le fond

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en raison de son origine, sexe, de sa situation de famille ou de ses activités syndicales.

L'article L. 1134-1 dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La salariée fait valoir qu'elle s'est présentée aux élections du personnel en tant que délégué titulaire en octobre 2001, sans avoir été élue. Elle produit les justificatifs des élections du personnel, attestant de sa candidature.

Toutefois, elle ne présente pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son activité syndicale.

La salariée évoque également succinctement une disparité de traitement à raison de sa situation familiale et de son origine, mais elle ne développe pas ce moyen et ne fait état d'aucun élément laissant supposer une discrimination à ce titre.

Mme X... fait également état d'une discrimination en raison du sexe et invoque à ce titre les éléments de fait suivants :

- une embauche en prévision du remplacement de M. B..., responsable financier, prenant sa retraite le 1er octobre 1991 ;

- un transfert de ses pouvoirs et responsabilités ;

- le statut cadre qui lui a été accordé seulement à compter de 1996 et en qualité de débutant;

- la formation qu'elle a assurée de M. A..., engagé le 1er juillet 2001, lequel a été promu le 1er septembre 2002 et a repris ses fonctions en qualité de responsable administratif.

Elle déplore un avancement plus lent dans sa carrière et une accession tardive au statut de cadre.

Au vu des éléments du dossier, la cour constate que la salariée a assumé une grande partie des fonctions de responsable administratif et financier après le départ à la retraite de M. B... et jusqu'à l'arrivée de M. A.... Ainsi :

- elle a été présentée aux tiers comme nouveau responsable administratif et financier et comme bénéficiaire de délégation de pouvoirs bancaires de la part du directeur général en sa faveur, au vu des lettres adressées à chaque banque informée de son mandat en remplacement de M. B... : 'Nous vous prions donc d'annuler les pouvoirs de signature déposés en son nom à compter du 1er octobre 1991 et de transférer lesdits pouvoirs à Mme X... nouveau responsable financier... Mme X... responsable financier signant seul mais uniquement pour les opérations ci-après:

- versement de fonds (espèces ou chèques)

- retrait de fonds (par chèque ou par virement)

- virement de fonds' ;

- elle était en charge de la gestion financière, de la gestion administrative (social et patrimoine) de la gestion fiscale et de la caisse (au vu de l'état descriptif des fonctions de la section administrative et financière) ;

- elle préparait le budget de la société, l'audit réalisé en 1994 soulignant la qualité du travail effectué;

- elle préparait la paie, l'attestation de Mme D... corroborant ce point ;

- elle était rattachée directement au représentant général de l'établissement ;

- elle était en charge de la formation des nouveaux arrivants collaborant avec son service, ce qui incluait M. A....

Or, engagée initialement comme secrétaire comptable, Mme X... n'est devenue cadre qu'en 1996 alors qu'elle assumait de nouvelles responsabilités depuis 1991 en remplaçant M. B... pour une grande partie de ses tâches.

Son évolution de carrière a été la suivante s'agissant de sa classification conventionnelle:

- en 1991, coefficient hiérarchique :241, salaire de base 1 277€ ;

- en 1996, coefficient hiérarchique : 307 ;

- en 2003, coefficient hiérarchique : 335 ;

- en 2004, coefficient hiérarchique : 340 ;

- en 2007, coefficient hiérarchique : 345 ;

- en 2008, coefficient hiérarchique : 350 ;

- en 2010, coefficient hiérarchique : 355, avec salaire de base de 2 677 €.

Il est relevé qu'en 1991, M. B... bénéficiait d'une rémunération s'élevant à 3136,81€.

En outre, l'évolution de carrière et de salaire de Mme X..., qui a certes été régulière, n'a pas fait l'objet d'une évolution reflétant l'étendue de sa charge de travail, de la complexité de ses tâches et des fonctions exercées.

Il s'en déduit que la salariée présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination d'évolution de carrière et de salaire en raison de son sexe, puisqu'elle a succédé à un homme parti à la retraite, et qu'après une dizaine d'années entre 1991 et 2001, un nouveau responsable homme a été engagé auquel elle été hiérarchiquement rattachée et qui a repris un grand nombre de ses prérogatives.

L'employeur ne démontre pas par des éléments objectifs que le fait d'avoir maintenu la salariée à un niveau de salaire bas au regard de l'étendue de ses tâches et responsabilités est justifié.

Il s'en déduit que Mme X... a subi des faits de discrimination d'évolution de carrière et de salaire en raison de son sexe contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes dont la décision sera infirmée.

La salariée a subi un préjudice financier résultant d'une évolution moins rapide de sa rémunération alors qu'elle occupait des fonctions supérieures, ainsi qu'un préjudice moral du fait de cette discrimination.

Mme X... évalue le préjudice financier qu'elle estime avoir subi sur la période de 2006 à 2011, en prenant pour base de calcul le différentiel de salaire entre celui qu'elle a perçu et celui dont bénéficiait M. B....

Cependant, d'une part si Mme X... occupait en grande partie les mêmes fonctions que M. B..., les responsabilités de ce dernier étant plus importantes, ainsi qu'il résulte de la délégation de signature limitée dont bénéficiait Mme X... à la différence de M. B... qu disposait d'un pouvoir bancaire général, d'autre part il ressort du dossier, notamment de la lettre du 19 décembre 1991 de la direction du personnel et des affaires sociales de la société Air France adressée à la Cie Air Madagascar, que 'M. Jacques B..., agent de maîtrise comptabilité à notre compagnie' a été détaché auprès des services de Air Madagascar du 1er juillet 1966 au 30 septembre 1991 inclus par la société Air France, de sorte que sa rémunération et sa classification relevaient de la décision de la société Air France. Par conséquent le différentiel de salaire invoqué par Mme X... n'est pas un élément pertinent pour apprécier l'étendue de son préjudice financier.

Considérant tant l'évolution plus lente de rémunération subie par la salariée au regard des fonctions qu'elle exerçait effectivement, que le préjudice moral subi par l'intéressée résultant de la discrimination qu'elle a subie, il convient d'évaluer à 80 000 € le préjudice total subi par Mme X..., somme au paiement de laquelle la Cie Air Madagascar sera condamnée à titre de dommages et intérêts.

Sur la cause du licenciement

En l'espèce, la lettre de licenciement du 21 octobre 2011, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :

« La répétition puis, en dernier lieu, la prolongation de vos absences nous contraignent à procéder à votre remplacement définitif et donc à prononcer votre licenciement en raison des perturbations engendrées dans le fonctionnement de notre petite équipe de travail.

Pour mémoire, la chronologie de vos absences est la suivante:

- du 7 au 28 mars 2011 (arrêt initial du 7 mars suivi de 5 prolongations)

- du 29 mars au 1er mai 2011 (plusieurs prolongations par petites tranches)

- reprise du travail du 2 mai au 17 mai 2011 après avis d'aptitude (sans restriction) rendu par le médecin du travail lors de votre visite de reprise le 3 mai 201

- puis nouvel arrêt de travail (par prolongations successives d'abord de très courte durée, puis d'une durée moyenne d'un mois) du 18 mai à ce jour (dernier arrêt de travail prescrit du 27 septembre au 25 octobre 2011).

Comme indiqué ci-avant, ces absences répétées et prolongées rendent malheureusement impossible le maintien de votre contrat de travail.

Vous occupez actuellement les fonctions de comptable, statut cadre, au sein du service 'Administration et Finances', dans notre établissement regroupant 4 salariés (vous incluse).

Or, nous ne pouvons compter sur votre collaboration régulière puisque vos absences fractionnées ne nous donnent aucune visibilité à court ou moyen terme permettant de nous organiser.

Nous avons pourtant exploré toutes les possibilités avant d'envisager votre licenciement et votre remplacement définitif, sans malheureusement trouver d'autre solution satisfaisante, tenant notamment compte des moyens de notre petite équipe de travail.

Ainsi, le recours au travail précaire pour des périodes successives, alors que nous ne sommes pas en mesure de prévoir la date exacte d'un retour éventuel est impossible, compte tenu:

- de la nature de notre activité dans le secteur aérien. Notre compagnie utilise par exemples des logiciels comptables et financiers qui lui sont propres et spécifiques (développés et connus seulement en interne)

- du fait que la formation d'un salarié en CDD ou issu de l'intérim suppose de disposer de temps à lui consacrer et de mobiliser nos autres salariés à cet égard, ce qui retarde encore plus leur travail.

C'est pourquoi nous n'avons pu raisonnablement envisager de recourir à ces moyens dont la mise en oeuvre n'est pas réaliste.

Nos efforts en interne ne sont guère plus satisfaisants...

Dans un premier temps, un renfort ponctuel est venu du service comptable de notre siège à Madagascar pour tenter tant bien que mal de combler, en votre absence, les brèches les plus importantes dans notre comptabilité et notre fiscalité.

Pour autant, cette aide était imparfaite car elle était ponctuelle (de juin à août 2011, période de pointe de notre activité) et très partielle au regard de nos besoins comptables et fiscaux réels.

Depuis fin août, le siège refuse désormais de renouveler ce renfort qui désorganise également nos services. La direction a également été mobilisée en plus de sa mission commerciale principale, pourtant essentielle pour notre compagnie.

Vos collègues mobilisés aussi pour tenter de faire face à la situation, sont aujourd'hui fatigués, stressés par la surcharge de travail occasionnée. Ainsi, l'une de vos collègues a récemment été sujette à un malaise au travail, suivi d'un arrêt de travail d'une semaine.

Cet épuisement est encore aggravé par l'impossibilité pour les salariés présents de respecter le planning de congés souhaités, compte tenu de la situation.

Nous craignons désormais des arrêts maladie en cascade.

Force nous est donc de constater que nous sommes arrivés au bout de nos ressources internes.

[...]

Ainsi, l'ensemble de ces circonstances perturbent gravement le fonctionnement non seulement du service administratif et financier mais aussi de notre établissement en général, ce qui nous place dans l'obligation de procéder à votre remplacement définitif. [...]'

Mme X... soutient que le licenciement est illicite, non seulement en raison de faits discriminatoires mais également en raison du harcèlement moral dont elle a été victime pendant plusieurs années. Elle souligne à cet égard qu'elle a dénoncé les faits le 3 février 2011 à l'inspection du travail et à l'employeur, que ce dernier n'a pris aucune mesure et que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité sont à l'origine d'une situation médicale dégradée, constatée par le médecin du travail, ayant justifié des arrêts de travail jusqu'au 3 novembre 2016, date de consolidation, à l'issue desquels l'existence d'une maladie professionnelle a été reconnue.

La Cie Air Madagascar fait valoir que le licenciement pour absence prolongée de la salariée est justifié ainsi que l'a retenu le conseil de prud'hommes.

L'article L.1152-3 du code du travail prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 est nulle.

Lorsque l'absence prolongée d'un salarié est la conséquence d'une altération de son état de santé consécutive au harcèlement moral dont il a été l'objet, l'employeur ne peut, pour le licencier, se prévaloir du fait qu'une telle absence perturbe le fonctionnement de l'entreprise. Le licenciement est dès lors nul.

En l'espèce il résulte des développements qui précèdent que Mme X... a subi une altération durable de son état de santé résultant du harcèlement moral qu'elle a subi, se manifestant par un syndrome dépressif caractérisé reconnu comme maladie professionnelle selon décision de la caisse de sécurité sociale du 20 août 2015, la décision de prise en charge de la maladie de la salariée au titre de la législation professionnelle ayant en outre été déclarée opposable à la Cie Air Madagascar par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 12 octobre 2017, qui a retenu dans les motifs de sa décision le lien direct et essentiel entre le travail de la salariée et la maladie déclarée par certificat médical du 17 octobre 2013.

Dès lors l'absence prolongée de Mme X..., qui est le motif de son licenciement, est due à l'altération de son état de santé, laquelle est consécutive au harcèlement moral qu'elle a subi. Il s'en déduit que son licenciement est nul.

Mme X... a droit à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice né du caractère illicite de la rupture et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable.

Considérant le montant du salaire mensuel brut moyen de Mme X...; s'élevant à 3441,07 €, l'âge de celle-ci et son ancienneté de plus de 22 ans au moment de la rupture, les circonstances de celles-ci et ses conséquences pour l'intéressée qui a retrouvé un emploi dans le cadre d'un contrat aidé prenant fin le 14 mai 2018, il est justifié de lui allouer la somme de 62 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

La salariée réclame une créance de 4 691,10 € à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents. Elle indique notamment qu'elle a été reconnue comme victime d'une maladie professionnelle à l'issue de la rupture de son contrat de travail et que l'indemnité compensatrice est due lorsque l'inexécution du préavis est imputable à l'employeur.

Le licenciement de Mme X... étant nul, le préavis de trois mois auquel elle pouvait prétendre est dû intégralement à la salariée, sans déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale.

Au vu de l'attestation Pôle emploi produite aux débats et sur la base d'une rémunération brute mensuelle de 3 441,07 €, l'employeur reste devoir à la salariée les sommes suivantes comme sollicité :

du 22 au 25 octobre 2011 : 947,49€

en novembre 2011 : 3 441,07-1930,93= 1 510,15€

en décembre 2011 : 3 441,07-2 113,18€

en janvier : 2 388,66 - 1 483,08 = 905,58€

soit un montant total de 4 691,10 € outre 469,11€ au titre des congés payés afférents, sommes au paiement desquelles la Cie Air Madagascar sera condamnée, le jugement entrepris étant infirmé à ce titre.

Mme X... sollicite par ailleurs un complément d'indemnité compensatrice de préavis et un complément d'indemnité de licenciement en prenant en considération le différentiel de salaire existant entre celui qu'elle a perçu et celui dont bénéficiait M. B....

Il a toutefois été relevé supra que Mme X... ne pouvait prétendre à la même rémunération que celle versée à M. B.... En conséquence la salariée sera déboutée de ses demandes de compléments d'indemnités de rupture par confirmation du jugement entrepris.

Sur la demande en remboursement d'un trop perçu

L'employeur sollicite l'infirmation du jugement qui l'a débouté de sa demande de remboursement de la somme de 4 355,52€ correspondant selon lui à un trop-perçu par la salariée de la caisse primaire d'assurance maladie alors que l'employeur 'pratiquait la subrogation'.

Au soutien de sa demande il produit:

- un décompte des indemnités journalières subrogées sur la période du 18 mai au 4 octobre 2011

- un courrier du 8 février 2012

- une mise en demeure à la salariée du 24 février 2012

La salariée expose qu'elle avait droit à un maintien de sa rémunération à 100% pendant six mois conformément aux dispositions de l'article 26 de la convention collective applicable.

Les éléments produits par l'employeur sont insuffisants pour établir le bien fondé de la créance sollicitée dans son principe comme dans son quantum.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Cie Air Madagascar de sa demande en remboursement à ce titre.

Sur la demande de remise de documents

Il convient d'ordonner à la Cie Air Madagascar de remettre à Mme X... des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte ne soit nécessaire.

Sur les autres demandes

En application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

La société intimée succombant à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à Mme X... une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 3 000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme Mirtha X... de ses demandes de rappel de salaire conventionnel et de compléments d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement, et en ce qu'il a débouté la société nationale malgache de transports aériens Air Madagascar de sa demande en remboursement d'un trop-percu ;

Statuant de nouveau et y ajoutant ;

PRONONCE la nullité du licenciement de Mme Mirtha X... ;

CONDAMNE la société nationale malgache de transports aériens Air Madagascar à payer à Mme Mirtha X... les sommes de :

15 479,09 € au titre de rappel de prime de 14ème mois,

1 547,90 € au titre des congés payés afférents,

4 691,10 € à titre de reliquat d'indemnité de préavis,

469,11 € au titre des congés payés afférents,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation ;

10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant du harcèlement moral,

80 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudices résultant de la discrimination,

62 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;

ORDONNE à la société nationale malgache de transports aériens Air Madagascar de remettre à Mme Mirtha X... les bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt ;

CONDAMNE la société nationale malgache de transports aériens Air Madagascar à payer à Mme Mirtha X... la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE la société nationale malgache de transports aériens Air Madagascar aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 13/09528
Date de la décision : 04/07/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°13/09528 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-04;13.09528 ?
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