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03/07/2018 | FRANCE | N°16/12203

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 03 juillet 2018, 16/12203


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 03 Juillet 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/12203



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/04768









APPELANT

M. Ahmed H...

[...]

né le [...] à Maroc

représenté par Me Vanessa X..., av

ocat au barreau de PARIS, toque : E0197







INTIMEES

SNC LA CLOSERIE DES LILAS Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

N° SIRET : 784 273 054

représentée par Me Françoi...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 03 Juillet 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/12203

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/04768

APPELANT

M. Ahmed H...

[...]

né le [...] à Maroc

représenté par Me Vanessa X..., avocat au barreau de PARIS, toque : E0197

INTIMEES

SNC LA CLOSERIE DES LILAS Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

N° SIRET : 784 273 054

représentée par Me François-marie Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0649, M. Jean I... (Directeur) en vertu d'un pouvoir général

Société SNC LA CLOSERIE DES LILAS Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

N° SIRET : 784 273 054

représentée par Me François-marie Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0649, M. Jean Christophe Z... (Directeur) en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Mai 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Bruno BLANC, Président

Soleine HUNTER FALCK, Conseillère

Marianne FEBVRE-MOCAER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Philippe ANDRIANASOLO, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bruno BLANC, Président et par Philippe ANDRIANASOLO , Greffier, présent lors de la mise à disposition.

La SNC La Closerie des Lilas a une activité de restauration. L'entreprise est soumise à la convention collective des hôtels, cafés, restaurants ; elle comprend plus de 10 salariés.

M. Ahmed H..., né [...], a été engagé par contrat à durée indéterminée par la SNC La Closerie des Lilas le 23.09.2003 en qualité de chef de partie, qualification employé, niveau 2 échelon 1, à temps complet (39 heures par semaine), au restaurant situé [...].

En dernier lieu, il avait obtenu le niveau 2 échelon 3. La moyenne mensuelle des salaires de M. Ahmed H... s'établit à 1.929,22 €.

Le 29.10.2012, la SNC La Closerie des Lilas a adressé un avertissement à M. Ahmed H... pour des retards répétés ; un nouvel avertissement lui a été notifié le 09.11.2012 en raison de son attitude dilettante. Il a contesté ces sanctions par lettre du 15.11.2012, que l'employeur a maintenu dans son courrier en réponse du 22.11.2012.

M. Ahmed H... a été mis en arrêt de travail du 13 au 15.11.2012.

M. Ahmed H... a été placé en arrêt de travail du 20.11.2012 jusqu'au 28.02.2013.

Dans un courrier du 04.02.2013, M. Ahmed H... a avisé son employeur de sa reprise de travail et l'a informé qu'il se portait candidat aux élections professionnelles devant être organisées.

Le scrutin professionnel s'est tenu les 05 et 20.02.2013 ; M. Ahmed H... qui s'était présenté comme candidat au collège Employés titulaires n'a pas été élu.

La SNC La Closerie des Lilas a indiqué au salarié le 15.02.2013 qu'il reprendrait son emploi au 'garde manger' et non au 'poisson', à la suite de la réorganisation de la cuisine du fait du départ de certains salariés.

M. Ahmed H... a été vu par le médecin du travail le 07.03.2013 dans le cadre d'une visite de reprise, ce dernier a décidé que son état de santé ne lui permettait pas de reprendre son travail, puis il a à nouveau été mis en arrêt de travail le 08.03.2013 jusqu'au 10.07.2013.

Une visite de pré-reprise a été organisée le 24.06.2013, puis le salarié a été examiné par le médecin du travail lors d'une première visite de reprise le 11.07.2013 après étude du poste réalisée le 9 juillet, il était indiqué que l'état de santé de M. Ahmed H... ne lui permettait pas d'être affecté à un emploi dans l'entreprise. La SNC La Closerie des Lilas a proposé au salarié dans l'attente de la seconde visite, un poste d'officier plongeur, poste refusé par ce dernier le 27.07.2013.

Lors de la seconde visite du 25.07.2013, le médecin du travail a déclaré M. Ahmed H... inapte au poste de chef de partie, en précisant : 'L'état de santé de M. A H... ne permet pas actuellement de faire des propositions de reclassement à des postes existants dans l'entreprise. Le salarié pourrait occuper un poste similaire dans un autre contexte relationnel.'

M. Ahmed H... a été convoqué par lettre du 06.08.2013 à un entretien préalable fixé le 14.08.2013 puis licencié par son employeur le 22.08.2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le conseil des prud'hommes de Paris a été saisi par M. Ahmed H... le 03.04.2014 en nullité du licenciement, indemnisation des préjudices subis et pour diverses demandes liées à l'exécution du contrat de travail.

La cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté le 28.09.2016 par M. Ahmed H..., réitéré le 31.08.2017, du jugement rendu le 24.06.2016 par le conseil de prud'hommes de Paris section Commerce chambre 7, qui a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Vu les conclusions transmises par RPVA le 24.10.2017 par M. Ahmed H... qui demande à la cour d'infirmer le jugement très superficiellement motivé en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

Dire le licenciement pour inaptitude notifié le 22 août 2013 à Monsieur H... nul et de nul effet ;

Dire les avertissements des 26 octobre et 9 novembre 2012 nuls et de nul effet ;

En conséquence, Condamner la société LA CLOSERIE DES LILAS à payer à Monsieur H... :

- à titre indemnité compensatrice de préavis : 4.266,72 € et au titre des CP afférents : 426,67€

- à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul : 19.292,20 €

- à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice moral distinct : 10.000,00 €

- à tire de dommage et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité : 10.000,00 €

- à titre de contrepartie financière des avertissements nuls des 26 octobre et 9 novembre 2012 : 1929,22 €

Condamner la société LA CLOSERIE DES LILAS à payer à Monsieur H... à titre de rappel de salaire :

- au titre de la retenue injustifiée de 5,30 heures sur le bulletin d'octobre 2012 : 55,69 € et au titre des CP afférents : 5,57 €

- au titre du remboursement de la moitié des frais de transports d'août 2011 à novembre 2012 : 500,95 €

Dire que les rappel de salaire et indemnité compensatrice de préavis seront majorées de l'intérêt au taux légal conformément à l'article 1231-6 du Code civil à compter de la saisine du conseil,

Ordonner la capitalisation des intérêts échus sur une année entière conformément à l'article 1343-2 du Code Civil,

Débouter la société LA CLOSERIE DES LILAS de toutes ses demandes fins et conclusions,

Condamner la société LA CLOSERIE DES LILAS à payer à Monsieur H... la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Vu les conclusions transmises par RPVA le 19.02.2018 par la SNC La Closerie des Lilas qui demande de:

Reconnaître le bien-fondé du licenciement pour inaptitude définitive à tout poste de l'entreprise de Monsieur H... ;

Constater que Monsieur H... n'a jamais fait l'objet d'un quelconque harcèlement moral ;

Par conséquent :

Confirmer le jugement du 24 juin 2016 en ce qu'il a débouté Monsieur H... de l'intégralité de ses demandes ;

Condamner Monsieur H... au versement de la somme de 12.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la Cour croyait devoir revenir sur le licenciement obligé de Monsieur H... :

Ramener les condamnations prononcées à l'encontre de la CLOSERIE DES LILAS à de plus justes proportions.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposées à l'audience de plaidoirie.

A l'issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'exécution du contrat de travail :

1) sur l'avertissement du 26.10.2012 :

Le conseil de prud'hommes, juge du contrat de travail, saisi de la contestation du bien-fondé d'une sanction disciplinaire peut aux termes de l'article L 1333-1 du code du travail, l'annuler si elle apparaît irrégulière dans la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Le contrôle judiciaire porte sur': la réalité des faits'; la légitimité de la sanction'; la disproportion de la sanction à la gravité de la faute'; éventuellement, la régularité de la procédure suivie.

L'employeur doit fournir au conseil de prud'hommes les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction'; le salarié fournit également les éléments qui viennent à l'appui de ses allégations. Le conseil de prud'hommes peut, pour former sa conviction, ordonner toute mesure d'instruction utile. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La SNC La Closerie des Lilas reproche à son salarié des retards répétés et plus particulièrement celui du 23.10.2012 ; dans ses écritures la société admet que l'on ne puisse pas prendre en compte cet avertissement (page 28 des conclusions) dès lors que le salarié lui a opposé que la durée de repos de 11heures consécutives n'avait pas été respectée ; en revanche, elle conteste avoir déjà sanctionné le salarié en établissant, sur sa demande, un planning le soir à compter de novembre 2012 et en effet M. Ahmed H... ne justifie pas que cette mesure lui a été imposée au vu des pièces produites.

Le 24.10.2012, M. Ahmed H... affirme être arrivé à l'heure alors que le livre de cuisine porte la mention : 'Ahmed - 30 min' ; le salarié a contesté la sanction le 15.11.2012 ; en l'état le grief n'est pas suffisamment établi.

Le 25.10.2012, M. Ahmed H... déclare avoir pris son service avec 2h de retard en raison de perturbations du traffic ferrovière, et son employeur s'en étonne en constatant que ses collègues sont bien arrivés à l'heure et en critiquant le trajet emprunté, le livre de cuisine mentionne : 'Ahmed - 4H' ce qui en soit n'est pas suffisant pour démontrer la réalité du retard, le salarié reconnaissant néanmoins un retard conséquent. Les bulletins de salaire ne mentionnent pas de retards si ce n'est une seule fois en juillet 2012, antérieurement à la sanction critiquée.

Au vu de ces éléments il convient de dire que la matérialité du grief est démontrée, ce qui ne justifiait pas une telle mesure en l'absence de sanctions antérieures. L'avertissement sera annulé et le jugement infirmé.

2) sur l'avertissement du 09.11.2013 :

La SNC La Closerie des Lilas reproche au salarié de s'être absenté le 08.11.2012 au cours de son service sans prévenir ni autorisation pour téléphoner avec son portable, ce qui constituerait un abandon de poste, et traduirait un 'je-m'en-foutisme sans limite' ; elle verse aux débats l'attestation du responsable hiérarchique du salarié, M. J. A... selon lequel si une tolérance existait pour permettre aux salariés de recevoir des appels urgents pendant le service, M. Ahmed H... en a abusé et laissait des clients attendre leurs plats en dépit des avertissements verbaux qui lui avaient été adressés.

Ces faits ont également été contestés le 15.11.2012 par M. Ahmed H... qui en outre produit l'attestation de son collègue M. V. B... indiquant que certains salariés utilisent leur portable pendant les heures de travail sans recevoir d'avertissement, et celle de M. J. C... établie le 23.10.2015 relatant des faits du 08.11.2012, ce qui n'assure pas sa crédibilité.

Néanmoins, à supposer que M. Ahmed H... se soit absenté pour passer un appel téléphonique sur son portable pendant son service, il n'est pas démontré qu'il en ait eu l'habitude, ni qu'il n'y avait pas eu une certaine tolérance, ni qu'il ait abusé de cette tolérance, ni que cette situation ait porté préjudice à son service ; enfin ce simple fait ne pouvait pas à lui seul justifier une sanction telle qu'un avertissement dans ce contexte. L'avertissement sera annulé et le jugement infirmé.

En outre la SNC La Closerie des Lilas sera condamné à verser au salarié la contre partie financière de ces sanctions annulées soit la somme de 55,69 € outre les congés payés. M. Ahmed H... allègue un préjudice moral distinct qui n'est pas démontré.

3) sur le harcèlement moral :

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les

éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral.

M. Ahmed H... invoque des actes agressifs répétés et dénonce une différence de traitement vis à vis de ses collègues ; il relève qu'il a cessé de recevoir régulièrement des primes à partir de juin 2009 alors qu'il en recevait chaque année depuis 2003 ce dont il justifie par le tableau produit par l'employeur, alors qu'entre 15 et 20 de ses collègues ont continué à en percevoir, l'effectif comptant environ 30 salariés. En réponse l'employeur ne donne pas d'explication satisfaisante en se bornant à constater que certains salariés ne recevaient pas de primes qui étaient accordées en fonction de l'implication, de l'aide apportée, de la ponctualité, du non absentéisme, l'absence de ces éléments en ce qui concerne M. Ahmed H... n'est pas démontrée.

Par ailleurs, la SNC La Closerie des Lilas n'a en plus remboursé les frais de transport du salarié à partir de 2011 ; elle produit le justificatif transmis par son salarié pour février 2013 sans que les bulletins de salaire de la période mentionnent le remboursement ; en outre, M. O. D... atteste avoir utilisé son véhicule lorsqu'il travaillait le soir mais avoir continué à percevoir les indemnités de transport. L'employeur n'explique pas cette différence de traitement.

M. Ahmed H... reproche à son employeur de n'avoir pas respecté le temps de repos légal de 11h entre deux journées de travail ; la SNC La Closerie des Lilas fait état d'un accord intervenu avec le personnel selon lequel en contrepartie d'un temps de repos réduit, les salariés pouvaient avoir deux jours de repos les mardis et mercredis, en arrivant à 9h le lundi matin, mais il n'est pas démontré, au vu du planning produit, que le salarié ait été en mesure de bénéficier de ces dispositions, et cet accord n'a été passé que le 20.02.2014 soit postérieurement aux faits litigieux ; l'entreprise reconnaît que dans le service 'poisson', qui ne comprenait que 3 salariés, la mise ne place de cette organisation n'avait pas été possible ce qui avait induit l'attribution d'un jour de repos supplémentaire par semaine. Il n'en reste pas moins que les dispositions légales n'étaient pas respectées et qu'aucun accord interne n'était en vigueur au moment des faits.

Le salarié reproche à son employeur des propos dégradants, insultants ou racistes de la part de son responsable, M. Y. A... ; il produit les attestations de MM. E..., B... et F... ; de son côté la SNC La Closerie des Lilas produit les attestations de 5 salariés qui affirment ne rien avoir entendu, cependant M. A. G..., collègue de travail, déclare le 02.05.2016 que l'employeur a demandé à tour de rôle aux autres salariés et à lui même de reprendre une attestation type contre M. Ahmed H..., ce qu'il a refusé de faire pour sa part ; ceci n'atteste pas de la crédibilité des attestations produites par l'employeur.

Enfin, M. Ahmed H... fait valoir qu'il avait été muté au garde manger (préparation des entrées) après son retour d'arrêt maladie fin février 2013 ce qui l'a éloigné de la brigade avec laquelle il travaillait depuis 8 ans, et aussi qu'il a été rétrogradé au retour du second arrêt maladie sur un poste de plongeur et non plus de chef de partie sans préconisation du médecin du travail en ce sens. La SNC La Closerie des Lilas a répondu avoir usé de son pouvoir de direction et d'organisation du travail, le contrat de travail ne précisant pas de spécialité culinaire, et que le poste proposé correspondait à sa qualification.

Il ressort de l'analyse de ces faits et des documents produits d'une part que M. Ahmed H... présente des éléments de fait laissant supposer, pris dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral, au vu notamment des difficultés accumulées par lui dans l'exécution de son travail à partir de fin 2012, ce sans raison particulière, alors qu'il était en poste depuis septembre 2003, mais au vu aussi des répercussions de cette dégradation de ses conditions de travail sur son état de santé, qui est prouvée par les arrêts maladie successifs accompagnés des certificats médicaux du médecin traitant et du psychiatre, situation corroborée par le dossier médical du salarié alors même que le médecin du travail a décidé d'une inaptitude en raison du contexte relationnel professionnel. D'autre part, les éléments de preuve fournis par l'employeur ne permettent pas de démontrer que les mesures en cause étaient étrangères au harcèlement moral allégué.

Le harcèlement moral dénoncé est démontré ; le jugement rendu sera infirmé

Sur le bien fondé et les conséquences du licenciement :

M. Ahmed H... fait valoir le lien de causalité entre le harcèlement moral qui est reconnu judiciairement et l'inaptitude du salarié, qui résulte de l'état dépressif réactionnel à ses conditions de travail.

L'employeur fait observer que le salarié a rencontré début 2012 des problèmes personnels et familiaux qui selon lui seraient la cause de l'état dépressif invoqué, alors même que l'aptitude du salarié en janvier 2012 avait été constatée par le médecin du travail.

La dégradation des conditions de travail du salarié est démontrée ; par ailleurs, le médecin du travail a constaté un lien effectif entre la dégradation de son état de santé et sa présence dans l'entreprise en prenant un avis d'inaptitude ainsi qu'en reconnaissant l'impossibilité pour le salarié de 'reprendre une activité dans son milieu de travail actuel'.

Le licenciement pour inaptitude trouvant sa cause dans le harcèlement moral doit être déclaré nul.

En conséquence la SNC La Closerie des Lilas sera condamnée à lui verser compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de M. Ahmed H..., de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour à titre de dommages intérêts la somme globale de 24.000 € réparant tout à la fois le préjudice financier et moral ; cette somme à caractère indemnitaire est nette de tous prélèvements sociaux ; ce, outre les indemnités de rupture.

Sur les autres demandes :

M. Ahmed H... invoque la violation de l'obligation de sécurité et déclare qu'il a été victime du comportement de son employeur, qui était alerté de la souffrance vécue, aucune politique de prévention du harcèlement n'étant en place dans l'entreprise.

L'employeur prend, en application de l'article 4121-1 du code du travail, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : des actions de prévention des risques professionnels ; des actions d'information et de formation ; la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En conséquence la responsabilité de l'employeur est engagée sauf à prouver : la faute exclusive de la victime ou l'existence de circonstances relevant de la force majeure, imprévisibles, irrésistibles et extérieures. Il suffit que l'employeur manque à l'une de ses obligations en matière de sécurité pour qu'il engage sa responsabilité civile même s'il n'en est résulté ni accident du travail ni maladie professionnelle. Pour satisfaire à son obligation de résultat l'employeur doit vérifier : les risques présentés par l'environnement de travail, les contraintes et dangers liés aux postes de travail, les effets de l'organisation du travail, la santé des salariés, les relations du travail.

La SNC La Closerie des Lilas indique ne pas avoir été avisée par son salarié de ses difficultés avant le premier arrêt maladie en novembre 2012 ; son planning a été modifié dès que le salarié en a fait la demande;

Il est exact que M. Ahmed H... ne s'est pas plaint de ses conditions de travail à son employeur avant de lui adresser un courrier le 15.11.2012 ; par la suite ces conditions de travail se sont dégradées.

Il est encore exact qu'il n'est pas justifié de la part de l'employeur de mesures prises en vue de satisfaire de manière préventive à son obligation de sécurité, en témoigne la note du comité d'entreprise du 20.02.2014 qui organise les plannings de la cuisine déjà mis en place et critiqués par le salarié comme ne respectant pas les conditions légales. En outre la réalité du harcèlement moral est démontré à l'égard de M. Ahmed H....

Par suite, le manquement à l'obligation de sécurité de la SNC La Closerie des Lilas est prouvée ; il en résulte un préjudice pour M. Ahmed H... qui sera réparé par l'octroi de la somme de 2.000 €.

Enfin, M. Ahmed H... réclame à juste titre au vu de la solution donnée, le remboursement de ses frais de transport d'août 2011 à novembre 2013 soit 500,95 €.

La capitalisation des intérêts est de droit conformément à l'article 1343-2 nouveau du code civil (ancien 1154 du code civil).

Il serait inéquitable que M. Ahmed H... supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la SNC La Closerie des Lilas qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Infirme le jugement rendu le 24.06.2016 par le conseil de prud'hommes de Paris section Commerce chambre 7,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Annule les sanction disciplinaires des 26.10 et 09.11.2012 ;

Juge que M. Ahmed H... a subi un harcèlement moral et par suite que le licenciement de M. Ahmed H... est nul ;

Condamne en conséquence la SNC La Closerie des Lilas à payer à M. Ahmed H... les sommes de :

- à titre d'indemnité compensatrice de préavis : 4.266,72 € (quatre mille deux cent soixante six euros et soixante douze centimes) et au titre des congés payés afférents : 426,67€ ( quatre cent vingt six euros et soixante sept centimes) ;

- à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul : 24.000 € (vingt quatre mille euros) à titre forfaitaire et global, cette somme à caractère indemnitaire est nette de tous prélèvements sociaux ;

- à tire de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité : 2.000,00 € (deux mille euros) ;

- au titre de la retenue injustifiée de 5,30 heures sur le bulletin d'octobre 2012 : 55,69 € (cinquante cinq euros et soixante neuf centimes) et au titre des congés payés afférents : 5,57 € (cinq euros et cinquante sept centimes) ;

- au titre du remboursement de la moitié des frais de transports d'août 2011 à novembre 2012 : 500,95 € (cinq cent euros et quatre vingt quinze centimes) ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt ;

Rejette les autres demandes ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SNC La Closerie des Lilas à payer à M. Ahmed H... la somme de 2.000 € (deux mille euros) en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Condamne la SNC La Closerie des Lilas aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 16/12203
Date de la décision : 03/07/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°16/12203 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-03;16.12203 ?
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