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03/07/2018 | FRANCE | N°16/07279

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 03 juillet 2018, 16/07279


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 03 Juillet 2018

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/07279



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN RG n° F15/00244



APPELANTE



Madame Monique X...

[...]

née le [...] à BUZANCAIS (55)

représentée par Me Sara Y... de la SCP FGB, avocat au barre

au de MELUN





INTIMEE



Association LES BRUYERES

[...]

N° SIRET : 398 302 646

représentée par Me Camille Z..., avocat au barreau de LYON substitué par Me Philippe A...,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 03 Juillet 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/07279

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN RG n° F15/00244

APPELANTE

Madame Monique X...

[...]

née le [...] à BUZANCAIS (55)

représentée par Me Sara Y... de la SCP FGB, avocat au barreau de MELUN

INTIMEE

Association LES BRUYERES

[...]

N° SIRET : 398 302 646

représentée par Me Camille Z..., avocat au barreau de LYON substitué par Me Philippe A..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0513

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvie HYLAIRE, présidente

Madame Valérie AMAND, conseillère

Madame Jacqueline LESBROS, conseillère

Greffier : Mme Laurie TEIGELL, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Sylvie HYLAIRE, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame X..., née [...], a été engagée par l'association Les Bruyères en qualité d'agent hospitalier par différents contrats à durée déterminée à compter du 3 avril 2006, puis, à compter du 1er janvier 2008, en qualité d'aide-soignante par contrat à durée indéterminée.

L'association Les Bruyères employait au jour du licenciement plus de dix salariés.

Madame X... a été victime le 6 janvier 2010 d'un accident du travail et placée en arrêt de travail sans discontinuer jusqu'à la date de son licenciement.

A l'issue de deux visites médicales de reprise, le médecin du travail a émis le 24 novembre 2014 un avis d'inaptitude à son poste de travail. L'avis énonce «Inaptitude définitive à son poste actuel dans l'entreprise. L'état de santé ne lui permet pas de posture contraignante, le travail position debout, assise prolongée, le port de charges supérieures à 2kgs, les tâches nécessitant les bras au-dessus des épaules, les gestes répétitifs, le travail en position accroupie/agenouillée. La montée/descente d'escaliers, la conduite en voiture, le travail dans le froid/humidité sont à éviter.»

Les délégués du personnel consultés le 3 février 2015 ont émis un avis favorable à la poursuite de la procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par courrier du 4 février 2015, l'association Les Bruyères a informé Madame X... des motifs expliquant son impossibilité de la reclasser. Elle l'a convoquée le 10 février 2015 à un entretien préalable à son licenciement fixé au 20 février 2015 et lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 24 février 2015.

Contestant son licenciement, Madame X... a saisi le 3 avril 2015 le conseil de prud'hommes de Melun d'une demande tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.

Par jugement du 6 avril 2016, le conseil de prud'hommes a débouté Madame X... de ses demandes, débouté l'association Les Bruyères de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Madame X... aux dépens.

Madame X... a interjeté appel de ce jugement.

A l'audience, les conseils des parties ont soutenu les conclusions déposées et visées par le greffe.

Madame X... demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de:

- dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'association Les Bruyères à lui payer les sommes suivantes :

* 56.208 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3.605,86 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement,

* 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour remise d'une attestation Pôle Emploi erronée.

- condamner l'association Les Bruyères à lui remettre une attestation Pôle Emploi rectifiée conforme à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- condamner l'association Les Bruyères à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'association Les Bruyères aux entiers dépens.

L'association Les Bruyères demande à la cour de confirmer le jugement, de la débouter de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qu'elles ont soutenus.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, lorsque à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.

L'emploi est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce, Madame X... soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse au motif que l'information des délégués du personnel n'a pas été précise et complète (sans préciser sur quoi porte cette critique) et que l'association Les Bruyères ne justifie pas avoir interrogé tous ses établissements sur les possibilités de reclassement. Elle considère également que les informations communiquées n'étaient pas personnalisées, son ancienneté et sa formation n'étant pas précisées et ne permettaient donc pas des recherches effectives de reclassement dans ses divers établissements.

Elle reproche également à l'association Les Bruyères de n'avoir envisagé ni un aménagement du poste d'aide-soignante qui lui aurait permis de remplir des tâches compatibles avec son état de santé (prise en charge de personnes moins dépendantes, aide à la prise des repas, distribution des médicaments, saisie des transmissions ou encore mise à jour des plans de soins), ni une reconversion dans un poste administratif ou d'animateur, ces préconisations ayant été faites dès 2011 dans le cadre d'un bilan de maintien dans l'emploi.

L'association Les Bruyères conteste chacun des points soulevés par Madame X.... Elle soutient en particulier avoir procédé à une information complète et sincère des délégués du personnel. Elle affirme avoir interrogé tous les établissements dont elle assure la gestion. Elle indique par ailleurs qu'aucun aménagement de poste n'était possible compte tenu des restrictions médicales apportées par le médecin du travail et de la multiplicité des tâches incombant aux aides soignantes, que la situation particulière de Madame X... aurait nécessité la création d'un poste adapté à ses capacités et non pas simplement une adaptation de poste matériellement impossible compte tenu des restrictions du médecin du travail.

***

Concernant les recherches de reclassement notamment par aménagement de poste, il est constant que les nombreuses restrictions médicales apportées par le médecin du travail dans son avis d'inaptitude rendaient effectivement impossible un aménagement de poste en raison de la multiplicité des tâches relevant des fonctions d'aide soignante impliquant nécessairement des actes de manipulation et de manutention de manière répétée, le travail en position debout, les gestes répétitifs, la montée et descente d'escaliers. C'est ainsi qu'ayant identifié un poste d'aide soignante vacant à Saint Soupplets, l'employeur a interrogé à nouveau le 7 décembre 2014 le médecin du travail qui, après s'être fait communiquer un descriptif de poste complet, a confirmé que le poste proposé n'était pas compatible avec l'état de santé de Madame X.... Par ailleurs, l'employeur n'est pas tenu de créer un poste nouveau pour assurer le reclassement de la salariée.

S'agissant du poste d'animateur social dont Madame X... indique qu'il lui était accessible en raison des compétences qu'elle avait acquises dans ce domaine et qui avait été envisagé pour elle dès 2011 dans le cadre d'un bilan de maintien dans l'emploi suite à son accident de travail, il ressort du registre d'entrée et de sortie du personnel produit aux débats que le poste était pourvu au jour du licenciement de Madame X..., son titulaire étant remplacé par un salarié employé par contrats à durée déterminée successifs auxquels l'employeur n'était pas tenu de mettre fin pour proposer le poste à Madame X... .

En revanche, concernant le périmètre des recherches de reclassement, il résulte de l'organigramme produit aux débats que l'association Les Bruyères gérait au jour du licenciement 19 établissements soit sous le statut d'EPADH, soit de résidences en autonomie ou de résidences services et non 22 comme le soutient à tort Madame X.... L'association Les Bruyères démontre en effet que les établissements de Tours, Ballancourt-sur-Essonne et de Blain n'étaient pas gérés par elle au moment du licenciement.

L'association Les Bruyères explique qu'elle gère cinq établissements en Lorraine, trois EPADH et deux résidences en autonomie situés à Laxou et à Saint Max, ces dernières étant rattachées au directeur de l'EPADH situé dans la même ville, ce qui explique qu'un seul courrier ait été adressé au directeur de l'EPADH de Laxou et à celui de Saint Max pour l'ensemble des établissements situés dans la même commune.

Trois établissements seulement sur les cinq (Joudreville, Laxou et Saint Max) ont répondu par la négative au courrier de l'association Les Bruyères.

En effet, la réponse du directeur de la [...] ne concerne spécifiquement que cet établissement et n'apporte aucune réponse explicite concernant des recherches de poste dans le second situé dans la même ville; de même, la réponse des directrices de la [...] ne concerne explicitement que cet établissement, aucune recherche n'étant justifiée pour l'autre établissement situé dans la même commune.

A réception de ces réponses parcellaires, il incombait à l'employeur, tenu d'une recherche loyale et sérieuse de reclassement, d'interroger directement les autres établissements.

Il en résulte que faute d'établir la réalité de recherches effectives de reclassement dans deux des cinq établissements précités , l'association Les Bruyères ne justifie pas de l'impossibilité de toute possibilité de reclassement de Madame X....

Le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est donc infirmé.

Sur les conséquences du licenciement

Aux termes de l'article L 1226-15 du code du travail, lorsqu'un licenciement est intervenu en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte qui n'est pas réintégré, ce salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire. Cette indemnité se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, avec l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L 1226-14.

Au jour de son licenciement, Madame X... était âgée de 59 ans et avait une ancienneté de 8 ans et 10 mois. Son salaire brut mensuel était de 2.088,77 euros correspondant à la moyenne des trois derniers mois de salaire précédant la rupture qu'elle aurait perçus si elle avait été en poste, et non de 2.342 euros comme elle l'indique sans en justifier. Elle ne justifie pas non plus de sa situation postérieurement à son licenciement.

Au vu de ces éléments, la cour estime que le préjudice de Madame X... sera justement réparé par l'allocation de la somme de 27.154 euros représentant 13 mois de salaire.

*

Pour la première fois en appel, Madame X... sollicite le paiement d'un solde de 3.605,86 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement calculée sur la base d'un salaire brut mensuel de 2.342 euros et de neuf années d'ancienneté.

L'association Les Bruyères s'oppose à la demande en indiquant que Madame X... à qui elle a versé une indemnité spéciale de licenciement de 4.825 euros a été remplie de ses droits.

Aux termes de l'article L. 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail en cas de licenciement pour impossibilité de reclassement ouvre droit pour le salarié à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité de licenciement prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail.

Par ailleurs, l'article L 1226-7 alinéa 3 du code du travail dispose que la durée des périodes de suspension du contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux et conventionnels liés à l'ancienneté dans l'entreprise.

Or il résulte du calcul de l'indemnité spéciale de licenciement établi par l'association Les Bruyères (sa pièce 22) qu'ont été déduites de l'ancienneté de la salariée la totalité des périodes d'arrêts de travail suite à son accident du travail, aboutissant au calcul de l'indemnité sur la base d'une ancienneté de 5 ans 9 mois et 8 jours, alors qu'elle devait être calculée sur une ancienneté de 8 ans et 10 mois.

Il en résulte que l'indemnité légale étant de :

[2.088,77 euros x 1/5x 8] + [ 2.088,77 euros x1/5x10/12] = 3.690,15 euros

l'indemnité spéciale de licenciement est de 3.690,15 euros x 2= 7.380,30 euros.

Madame X... ayant reçu la somme de 4.825,34 euros , elle a droit à un solde de 2.554,96 euros que l'association Les Bruyères est condamnée à lui payer.

*

Il convient d'ordonner à l'association Les Bruyères de délivrer à Madame X... une attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt, en tenant compte également des rectifications portant sur la date d'accident du travail et des salaires qui ont précédé cet accident portées sur l'attestation rectificative établie le 11 janvier 2016, sans qu'il soit besoin, en l'état, d'assortir cette obligation dune mesure d'astreinte, cette remise devant intervenir dans les deux mois à compter de la notification de la présente décision.

*

Madame X... sollicite la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant du retard de son indemnisation par Pôle Emploi en raison des mentions erronées de la première attestation établie par l'employeur.

Or Madame X... qui ne produit aucune pièce à l'appui de sa demande ne démontre pas l'existence de son préjudice, l'association Les Bruyères ayant fourni une nouvelle attestation conformément à l'ordonnance du bureau de conciliation du 6 mai 2015.

Madame X... est donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'issue du litige conduit à infirmer le jugement qui a condamné Madame X... aux dépens de première instance.

Succombant à l'instance, l'association Les Bruyères est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande de dommages-intérêts pour le préjudice résultant du retard de son indemnisation par Pôle Emploi,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Madame X... est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne l'association Les Bruyères à payer à Madame X... les sommes suivantes :

- 27.154 euros à titre de dommages et intérêts,

- 2.554,96 euros à titre de solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

Ordonne à l'association Les Bruyères de remettre à Madame X... une attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt et reprenant les mentions portées sur l'attestation établie le 11 janvier 2016 quant à la date de l'accident du travail et des salaires qui ont précédé cet accident et ce, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision,

Condamne l'association Les Bruyères à payer à Madame X... la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne l'association Les Bruyères aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 16/07279
Date de la décision : 03/07/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°16/07279 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-03;16.07279 ?
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