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03/07/2018 | FRANCE | N°16/05935

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 03 juillet 2018, 16/05935


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS











COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 2 - Chambre 1





ARRET DU 03 JUILLET 2018





(n° 331 , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 16/05935





Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Avril 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/07375








APPELANTE





SA

ACOFI prise en la personne de ses représentants légaux


[...]





SIRET N° : 377 867 239





Représentée par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 427


Ayant pour avocat plaidant Me Caro...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 03 JUILLET 2018

(n° 331 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/05935

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Avril 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/07375

APPELANTE

SA ACOFI prise en la personne de ses représentants légaux

[...]

SIRET N° : 377 867 239

Représentée par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 427

Ayant pour avocat plaidant Me Caroline LERIDON de la SCP SCP LERIDON & BEYRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0095

INTIMES

Monsieur Paul-Philippe Z...

[...]

né le [...] [...]

SA ZURICH INSURANCE PLC - ZURICH FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

SIRET N° : 484 373 295

Représentés par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Jean-pierre CHIFFAUT MOLIARD , avocat au barreau de PARIS, toque : C1600

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mai 2018, en audience publique, devant la Cour

composée de:

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère, chargée du rapport

Mme Anne LACQUEMANT, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Nadyra MOUNIEN

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière présent lors du prononcé.

*****

Aux termes d'un acte authentique reçu par Me B..., notaire à Paris, le 11 octobre 1993, la société Banque Delubac et la S.D.B.O. ont consenti à la SNC Eva Charenton un contrat de crédit-bail immobilier portant sur des locaux situés [...] ainsi que sur la réalisation de travaux d'aménagement de cet immeuble en centre de remise en forme à l'enseigne Gymnasium, pour un montant de 15 millions de francs

(286 735 €).

Les banques agissaient dans les proportions suivantes :

- la Banque Delubac, à concurrence de 10%,

- la S.D.B.O., à concurrence de 90%.

Le contrat de crédit-bail comportait un mandat de gestion à la Banque Delubac, désignée comme chef de file .

En garantie des sommes dues au titre du crédit-bail, les sociétés Corps à C'ur et Evasion et Loisirs se sont portées cautions solidaires ainsi que M. C..., dirigeant de la société Eva Charenton. Celui-ci a également donné en hypothèque deux immeubles à Brest pour un total de 518 326,66 euros.

La date d'entrée dans les lieux a été fixée au 16 septembre 1994 mais le premier loyer, exigible le 10 novembre 1994, n'a pas été payé.

Par jugement du 9 janvier 1996, le tribunal de commerce de Brest a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SNC Eva Charenton, convertie en liquidation judiciaire, le 8 février 1996.

Le contrat de crédit-bail a été résilié, conformément à une ordonnance du juge-commissaire du 10 septembre 1996.

La Banque Delubac a produit la créance globale de l'indivision Delubac/S.D.B.O. entre les mains du représentant des créanciers de la SNC Eva Charenton par lettre recommandée du 30 janvier 1996. Cette déclaration de créance a fait l'objet de contestations de la part du mandataire judiciaire qui ont donné lieu à une longue procédure ayant abouti à un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 5 juillet 2011,lequel a admis la créance des crédits bailleurs à titre chirographaire à hauteur de 532 599,20 €pour l'arriéré des sommes dues et de 3 376 101,60 € pour l'indemnité contractuelle de résiliation.

Les crédits bailleurs ont également produit à la liquidation judiciaire de la société sous-locataire, la société Gym Charenton, prononcée le 9 janvier 1996 . Une contestation a abouti à un arrêt du 4 avril 2006 de la cour d'appel de Rennes.

Par ailleurs, C... a lui-même fait l'objet d'une procédure collective dès 1994 et par un arrêt du 22 novembre 1995, la cour d'appel de Rennes a prononcé sa liquidation judiciaire. Dans ce cadre, il a été procédé à la vente des immeubles situés à Brest. La banque Delubac a obtenu une décision du juge commissaire le 12 juillet 2004, lui déclarant inopposable la forclusion pour le non respect du délai de déclaration de créance. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Rennes qui est devenu définitif à la suite du rejet d'uN pourvoi en cassation, le 22 mai 2007. Une déclaration de créance a été effectuée pour un montant de 4 030 301, 36 €, le 4 août 2004. La décision d'admission a été confirmée par la cour d'appel de Rennes le 6 mai 2008 mais la Cour de cassation a cassé l'arrêt le 18 novembre 2009. Le 3 avril 2012, la cour d'appel d'Angers a admis la créance pour la somme de 2 286 735, 25 € et déclaré prescrite les poursuites visant M. C... en qualité d'associé de la société Eva Charenton . Le pourvoi a été déclaré non admis le 9 juillet 2013.

A la suite de la fusion-absorption de la SDBO par le CDR Créances en novembre 1996,

celui-ci est venu au lieu et place de cette dernière. Le CDR Créances a cédé le 8 juin 200,

à la société financière Suffren 2 sa créance résultant du crédit-bail.

La société financière Suffren 2 a notifié le 21 septembre 2006 à la banque Delubac sa décision de mettre fin au mandat de gestion.

Le 15 septembre 2008, la société financiere Suffren 2 a fait l'objet d'une transmission

universelle de son patrimoine au profit de la société ACOFI 3C. Le 24 mai 2011, la société ACOFI SCA a absorbé la société ACOFI 3C et vient donc en ses lieu et place.

La société ACOFI a assigné la banque Delubac devant le tribunal de commerce de Paris le 20 janvier 2009 en paiement de la somme de 1 600 000 € et de constation de la résiliation du mandat de gestion à la date du 21 septembre 2006.

Le tribunal de commerce, par un jugement du 22 septembre 2011, a dit que l'action engagée par la société ACOFI était irrecevable comme étant prescrite, que le mandat de gestion n'avait pas été résilié le 21 septembre 1996 et a condamné la société ACOFI à payer la somme de 25 000 € à la Banque Delubac en remboursement des frais exposés depuis le 21 septembre 2006.

Le jugement a été signifié par la Banque Delubac à la société ACOFI, le 3 octobre 2011.

Le 29 mai 2013, la société ACOFI a fait citer son avocat, Me Z... et l'assureur en responsabilité civile de ce dernier, la société Zurich insurance, devant le tribunal de grande instance de Paris pour les voir condamner solidairement à lui payer des dommages et intérêts au motif que Me Z... avait omis d'interjeter appel du jugement du tribunal de commerce du 22 septembre 2011.

Le 9 avril 2015, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que Me Z... a commis une faute, l'a condamné à payer à la société ACOFI 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, a condamné son assureur Zurich à le garantir de cette condamnation et enfin,a condamné in solidum Me Z... et la société Zurich aux dépens et à payer à la société ACOFI 3000 € au titre de l'article 700, le tout avec exécution provisoire.

La société ACOFI a interjeté appel de ce jugement, le 8 mars 2016.

Elle demande à la cour, dans ses dernières conclusions du 6 avril 2018, de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 avril 2015 en ce qu'il a :

- jugé que Maître Z... avait commis une faute et engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard d'ACOFI,

- condamné Maître Z... à réparer le préjudice subi par ACOFI résultant de sa faute,

- condamné Zurich insurance à garantir maître Z... à hauteur de sa condamnation ,

- condamné in solidum maître Z... et Zurich aux dépens et à 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de l' infirmer en ce qu'il a limité la condamnation de maître Z... à la somme de 20 000€ à titre de dommages et intérêts et statuant à nouveau, de condamner celui-ci à lui payer, à titre de dommages et intérêts, les sommes de :

- 35 000 euros correspondant aux condamnations prononcées contre elle par le tribunal de commerce de Paris,

- 41 801,36 euros correspondant à l'état des sommes payées par elle à la Banque Delubac depuis le jugement du 22 septembre 2011,

-31 450 euros correspondant aux honoraires payés par elle à maître Z... pour la procédure devant le tribunal de commerce de Paris,

- 250 000 euros en raison de la perte de chance d'obtenir des dividendes supérieurs de la procédure collective de M. C...,

-153.108,64 euros (à parfaire) correspondant aux intérêts légaux de 1996 à aujourd'hui,

de condamner la société Zurich insurance en sa qualité d'assureur de responsabilité professionnelle à garantir maître Z... de toutes les condamnations prononcées à son encontre,

de condamner solidairement maître Z... et Zurich insurance à lui payer 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Me Z... et la société Zurich insurance, dans leurs dernières conclusions du 23 avril 2018, demandent à la cour de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter la société ACOFI de toutes ses demandes, fins et conclusions et de la condamner à payer à maître Z... la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens tant de l'appel que de première instance.

MOTIFS DE LA DECISION :

1 - Sur la faute commise par maître Z... :

La société ACOFI expose qu'en qualité de collaborateur du cabinet Cervesi puis à titre personnel lors de son départ du cabinet, maître Z... a été chargé des dossiers de la société Suffren 2. Elle déclare que celui-ci lui a adressé le jugement du tribunal de commerce aussitôt que celui-ci a été rendu et qu'il a alors été décidé de faire appel ainsi qu'il ressort de plusieurs correspondances échangées avec l'avocat et énumérées par le jugement contesté. Elle soutient ainsi que maître Z... a été chargé de deux procédures : l'appel et l'arrêt de l'exécution provisoire. La société ACOFI reproche également à maître Z... d'avoir manqué à son obligation de conseil sur l'opportunité de faire appel alors qu'il avait connaissance du jugement de 1ère instance.

Maître Z... soutient au contraire qu'il n'a pas reçu instruction de faire appel en temps utile. Il considère que la preuve de l'existence d'un tel mandat ne résulte pas des trois courriers électroniques cités dans le jugement entrepris et il conteste l'attestation de D.... Il ajoute qu'il n'est pas davantage démontré qu'il aurait reçu mandat de saisir le premier président d'une requête aux fins de suspension de l'exécution provisoire. Il conclut que faute d'avoir reçu personnellement une instruction dépourvue de toute équivoque, il ne peut se voir reprocher d'avoir omis d'interjeter appel. Il ajoute que la

société ACOFI ne peut à la fois lui reprocher de ne pas avoir suivi ses instructions d'interjeter appel et de ne pas lui avoir adressé une note pour lui conseiller de faire appel. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour viendrait à retenir qu'il a manqué à son devoir de conseil et de diligence, il soutient que la société ACOFI a pour sa part manqué à son devoir de loyauté et de coopération envers son avocat en omettant de l'avertir, dans le délai imparti pour interjeter appel, que le jugement lui avait été signifié, ce qui justifierait un partage de responsabilité.

Ainsi que l'a retenu le jugement entrepris, le 3 octobre 2011à 17h55, D... a envoyé à Mme E... de la société ACOFI un mail dans lequel il déclarait : 'j'ai demandé à maître Z... de tenter une démarche(désespérée) auprès du 1er président pour obtenir la suspension de l'exécution provisoire. Il nous fera savoir le moment venu s'il convient de payer.'

maître Z... figure en copie de ce mail, avec deux autres personnes.

Or l' existence d'un appel du jugement est une condition de recevabilité de la demande de suspension de l'exécution provisoire de sorte que la lecture de ce mail devait à tout le moins inciter maître Z... à se rapprocher de sa cliente pour se faire préciser ses instructions et faute pour lui de justifier de l'avoir fait, il doit être retenu à son encontre un manquement à son obligation de conseil et d'assistance qui comporte pour l'avocat, la mission d'expliquer la décision rendue et celle d'envisager l'opportunité d'une voie de recours ainsi que ses modalités.

Par ailleurs, maître Z..., qui ne démontre pas avoir rempli son obligation d'information et de conseil après que le jugement eut été rendu, ne peut valablement reprocher à sa cliente un manquement à son obligation de loyauté tenant à ce qu'elle ne l'a pas informé en temps utile de la signification du jugement.

Le jugement du tribunal de grande instance de Paris sera confirmé en ce qu'il a retenu une faute à l'encontre de maître Z....

2 - Sur la perte de chance de voir infirmer le jugement du tribunal de commerce :

La société ACOFI fait valoir que celui-ci ne pouvait pas priver d'effet la révocation du mandat de la Banque Delubac et en décider la poursuite car il avait seulement le pouvoir d'apprécier le caractère légitime ou non de la révocation, et en l'absence de cause jugée légitime, d'en déduire le caractère fautif engageant la responsabilité de son auteur. Elle conclut que la cour d'appel de Paris n'aurait pu qu'infirmer le jugement sur ce point en constatant la résiliation du mandat de gestion confié à la banque Delubac le 21 septembre 2006 et elle aurait condamné la Banque Delubac à rembourser la somme de 25 000 € à laquelle la société ACOFI avait été condamnée en première instance, au titre du remboursement des frais engagés depuis le 21 septembre 2006.

La société appelante soutient également que la cour d'appel, après avoir analysé les fautes avérées de la banque Delubac, aurait jugé légitime la révocation de son mandat et à titre subsidiaire, si la cour avait jugé cette révocation illégitime, elle aurait constaté que la Banque Delubac qui ne percevait pas de rémunération pour exercer celui-ci, n'avait subi aucun préjudice matériel et qu'elle n'avait d'ailleurs pas formé de demande à ce titre devant le tribunal de commerce. La société ACOFI ajoute que le moyen selon lequel la Banque Delubac aurait pu obtenir des dommages-intérêts en réparation de son préjudice, est nouveau et doit donc être rejeté, le préjudice n'étant au surplus pas défini. Elle demande ainsi à la cour de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 avril 2015 en ce qu'il a jugé qu'il existait de sérieuses chances de voir infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 22 septembre 2011, si Me Z... en avait interjeté appel.

S'agissant de la prescription jugée acquise par le tribunal de commerce de Paris, l'appelante fait valoir que le point de départ du délai n'est pas le jour où est né le droit, à savoir la date du contrat de crédit- bail, mais le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, qu' en l'espèce, le 21 septembre 2006, la société financière Suffren 2 a notifié à la Banque Delubac sa décision de mettre fin à son mandat de gestion, que par des courriers des 4 octobre 2006 et 22 janvier 2007, la Banque Delubac s'y est opposée et que par conséquent, ce n'est qu'à compter du 4 octobre 2006, que la société ACOFI, qui vient aux droits de la société financière Suffren 2, a eu connaissance du refus de la Banque Delubac, à l'origine de l'action engagée devant le tribunal de commerce de Paris de sorte que l'assignation ayant été délivrée le 20 janvier 2009, la prescription n'était pas acquise. Elle ajoute que le moyen selon lequel l'action tendait au paiement de dommages-intérêts est nouveau et irrecevable en cause d'appel. Elle déclare qu'en tout état de cause, l'objet de la procédure était la rupture du mandat de gestion.

Maître Z... expose que le mandat d'intérêt commun est caractérisé par le fait que le mandataire n'agit pas seulement pour le compte du mandant mais également dans son intérêt propre et que la reconnaissance de ce type particulier de mandat permet de déroger à la règle de libre révocabilité du mandat posée par l'article 2004 du code civil. Il estime que le tribunal a fait une juste application de la règle de droit en retenant que le mandat s'était poursuivi tacitement au-delà de son terme contractuel et que la société ACOFI venant aux droits de SDBO, ne pouvait mettre fin unilatéralement à cette tacite reconduction. Il ajoute que si l'absence de cause légitime ne prive pas d'effet la révocation du mandat d'intérêt commun, il n'en demeure pas moins que n'étant pas fondée sur une cause légitime, cette résiliation aurait permis à la Banque Delubac d'obtenir, non pas le remboursement de ses frais à hauteur de 25 000 € mais une condamnation à dommages et intérêts au titre de la réparation de son préjudice dont le montant pouvait être supérieur à cette somme, le préjudice subi par la banque étant alors constitué par la perte de l'intérêt retiré de l'exercice du mandat. Enfin, il relève qu'il s'agit d'un moyen nouveau et non pas d'une demande nouvelle.

Le tribunal de commerce a été saisi par la société ACOFI afin d'obtenir la condamnation de la banque Delubac lui payer la somme de 1 600 000 € et de voir constater que le mandat de gestion était résilié au 21 septembre 2006. Il a, par ailleurs, été saisi de demandes reconventionnelles en remboursement de frais de procédure exposés depuis le 21 septembre 2006 et de dommages-intérêts pour procédure abusive de la part de la société défenderesse.

Il a dit que la société ACOFI venant aux droits de la société Suffren était prescrite, que le mandat de gestion n'a pas été résilié le '21 septembre 1996" et a condamné la société demanderesse à payer à la société Banque Delubac la somme de 25 000 € en remboursemnt des frais engagés depuis le 21 septembre 2006, et a rejeté la demande reconventionnelle en dommages-intérêts de la société défenderesse.

Il ressort du jugement que la demande en paiement de la somme de 1 600 000 € ramenée à 300 000 € par des conclusions du 11 mai 2010, était formulée dans le cadre d'une action en responsabilité contractuelle de la société ACOFI venant aux droits de la société Suffren 2 contre la Banque Delubac.

Le tribunal de commerce a fait application de l'article L110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 et a pris pour point de départ le 11 octobre 1993, date de conclusion du contrat de crédit-bail, pour constater que l'action engagée le 20 janvier 2009 était prescrite.

Néanmoins, le tribunal de commerce ayant estimé l'action prescrite, n'a pas énoncé les fautes qui fondaient l'action en responsabilité. La société ACOFI n'a versé aux débats ni l'assignation en justice ni les conclusions déposées devant le tribunal de commerce. Comme le relève maître Z..., cette demande en dommages-intérêts pouvait reposer sur des fautes commises à l'occasion du mandat, c'est à dire sur une période s'étendant entre 1993 et 2006. Il y a lieu de préciser à ce sujet que le moyen nouveau en cause d'appel est autorisé par l'article 563 du code de procédure civile.

Ainsi, en l'absence de plus d'informations sur les faits fautifs susceptibles d' avoir engagé la responsabilité civile de la société Banque Delubac à l'égard de la société Suffren 2 et en conséquence sur la date de leur commission et celle à laquelle la société Suffren 2 en a eu connaissance, il est impossible à la cour de déterminer quel était le point de départ de la prescription et si celle-ci était ou non acquise à la date de l'assignation en justice. La lecture du jugement qui mentionne que : 'en cours des débats la société ACOFI a confirmé avoir pris acte de l'argumentation de la défenderesse' accrédite l'idée que la demanderesse n'avait pas répondu à celle-ci et ne s'y était pas opposée.

Aussi la société ACOFI ne rapporte pas la preuve qu'elle avait une chance réelle et sérieuse d'obtenir l'infirmation du jugement du tribunal de commerce sur la prescription alors qu'au surplus, la cour d'appel aurait pu procéder par une substitution de motifs sur son point de départ.

S'agissant de la révocation du mandat, il sera tout d'abord relevé que le jugement a dit qu'il n'avait pas été résilié à la date du '21 septembre 1996", et non pas à celle du 21 septembre 2006, étant rappelé que septembre 1996 est la date de la résiliation du crédit-bail invoquée par la société ACOFI pour faire juger que le mandat était terminé, qu'il apparaît ainsi que ce jugement est affecté d'une erreur matérielle qui en trouble l'interprétation.

Néanmoins, aucune des parties ne conteste le fait qu'il se déduit de la motivation du jugement que le tribunal de commerce a estimé que la révocation du mandat survenue le 21 septembre 2006 était injustifiée, condamnant reconventionnellement la société ACOFI à rembourser les frais que la Banque Delubac avait engagés pour son exécution à compter de cette date.

Pour savoir si la société ACOFI avait une chance réelle et sérieuse d'obtenir l'infirmation du jugement du tribunal de commerce, il convient donc de rechercher si la société demanderesse avait invoqué devant la juridiction saisie des motifs légitimes pour dénoncer ce mandat qui a été qualifié d'intérêt commun par ledit jugement.

Il convient tout d'abord de relever que le moyen premier soulevé par la société ACOFI pour voir constater la résiliation du mandat à la date du 21 septembre 2006 était le fait que le contrat de crédit-bail sur lequel le mandat s'appuyait avait lui-même pris fin par une décision du juge commissaire de la liquidation de la SNC Eva Charenton du 10 septembre 1996 et ce n'est qu'en second lieu qu'elle invoquait des fautes de la Banque Delubac.

Le tribunal de commerce a écarté le premier moyen tiré de la résiliation du contrat de crédit-bail pour considérer que le mandat s'était poursuivi tacitement d'un commun accord entre les parties dans le cadre des différentes procédures judiciaires engagées à l'égard de leurs débiteurs. Il y a lieu de constater que cette motivation ne fait pas l'objet de critique.

Il a ensuite retenu que la société ACOFI devait justifier d'une cause légitime de révocation et a alors examiné la lettre que celle-ci avait adressée le 26 septembre 2006 à la Banque Delubac pour mettre fin à ce mandat. Il en a cité les termes : 'il m'est apparu que nos intérêts n'étaient plus convergents en particulier en raison des faits invoqués par le débiteur C..., à l'encontre de votre établissement et de votre partenaire en pool, la SBDO, dans la conclusion et la gestion du contrat de crédit-bail.'

Le tribunal de commerce a ensuite jugé que : 'les fautes invoquées par C... n'ont pas été relevées par la SDBO aux droits de laquelle est venu le CDR Créances ni retenues par la cour d'appel de Rennes et la Cour de cassation dans leurs arrêts respectifs des 29 novembre 2005 et 22 mai 2007.'

Il sera relevé que les fautes invoquées par M C... ne sont pas portées à la connaissance de la présente cour d'appel mais que celle-ci se rapportant à l'arrêt de la cour d'appel de Rennes susvisé qui statue sur un relevé de forclusion, en déduit qu'il s'agissait du retard apporté à la déclaration de créance que la cour de Rennes a justifié par une absence d'information et par le fait que la liquidation de C... est intervenue dans le cadre de la gestion d'une société totalement inconnue de son créancier.

Il sera relevé que la lettre de révocation du 21 septembre 2006 se référait exclusivement aux fautes invoquées par C..., sans autre précision.

Il y a lieu de constater que le jugement du tribunal de commerce ne contient aucune autre explication sur les fautes reprochées à la Banque Delubac mais a retenu que la société ACOFI ne justifiait pas d'un comportement grave de la part de la défenderesse qui pourrait justifier la résiliation judiciaire.

Aucune pièce ne permet à la cour présentement saisie de retenir que les fautes invoquées devant le tribunal de commerce à l'appui de la révocation du mandat , coïncidaient avec celles énumérées dans la présente procédure de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner ces dernières.

Dans ces conditions, la société ACOFI ne démontre pas qu'elle avait une chance sérieuse d'obtenir l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Paris sur le caractère injustifié de la révocation du mandat et le remboursement des frais exposés depuis le 21 septembre 2006.

Le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 avril 2015 doit donc être infirmé en ce qu'il a alloué à la société ACOFI la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêt et la société ACOFI sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Il sera alloué à maître Z... la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 avril 2015 en ce qu'il a dit que Z... a commis une faute,

L'nfirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute la société ACCOFI de ses demandes,

Condamne la société ACOFI à payer à maître Z... la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ACOFI aux dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/05935
Date de la décision : 03/07/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°16/05935 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-03;16.05935 ?
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