Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 29 JUIN 2018
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/21464
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Octobre 2016 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n°2015017488
APPELANTE
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE, agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège
Immatriculée au RCS PARIS sous le numéro 775 665 615
26, quai de la Rapée 75012 PARIS
Représentée par Me Jean-François JOSSERAND, avocat au barreau de PARIS, toque : A0944
Ayant pour avocat plaidant Me Martin PICHON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0944
INTIMÉ
Monsieur Patrice Z...
né le [...] à CORBEIL ESSONNES (91100)
[...]
Représenté par Me Sonia FUSCO OSSIPOFF de l'AARPI Cabinet FUSCO OSSIPOFF, avocate au barreau de PARIS, toque : B0793
Ayant pour avocat plaidant Me Nathalie BLACHERde la SCP BLACHER GEVAUDAN AVOCATS ASSOCIES, avocate au barreau de TOURS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Mai 2018, en audience publique, devant la cour composée de:
Madame Françoise CHANDELON, présidente de chambre
Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère
Madame Pascale LIEGEOIS, conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.
GREFFIÈRE, lors des débats : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Françoise CHANDELON, présidente de chambre et par Josélita COQUIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société La Bellifontaine, devenue «Mellil» exploitait un fonds de commerce de restauration à Fontainebleau (Seine et Marne) sous l'enseigne «La Treille du Roy». Elle a été admise au bénéfice du redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Melun du 15 novembre 2010, converti en liquidation le 12 décembre 2011 à la suite de l'adoption d'un plan de cession le 14 novembre 2011.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Paris et de l'Île de France (ci-après «le Crédit Agricole») lui avait consenti plusieurs prêts:
- le premier, de 135 000 € le 28 décembre 2005, destiné à l'acquisition de son fonds de commerce,
- le second, de 10 000 € le 23 novembre 2006,
- le troisième, de 23 000 € le 1er avril 2010.
Monsieur Patrice Z..., associé majoritaire et co-gérant de l'emprunteuse a cautionné ces différents concours, le premier à hauteur de 175 000 €, apportant en garantie un contrat d'assurance-vie «Prédige» souscrit auprès de la banque.
Le 18 août 2013, les parties sont parvenues à un accord sur les modalités de l'exécution par la caution des engagement pris en 2006 et 2010.
Par jugement du 27 juin 2014 le tribunal de commerce a constaté la bonne exécution par Monsieur Z... des termes du protocole -contestée par le Crédit Agricole- estimant, selon la motivation de la décision, pouvoir prétendre aux frais d'exécution dus par le créancier poursuivant selon les textes en vigueur.
Souhaitant obtenir, le 8 janvier 2015, un virement de 2 000 € de son compte «Prédige», alors créditeur de 18 694,97 €, sur son compte courant, Monsieur Z... contactait sa banque à cet effet.
Le 3 février 2015, il lui était précisé qu'il obtiendrait le déblocage de ce compte après paiement d'une somme de 13 864,31 € lui restant dû par le cessionnaire du fonds de commerce au titre du prêt de 2005.
Le Crédit Agricole maintenant sa position malgré les nombreux courriers du conseil de Monsieur Z..., celui-ci engageait la présente procédure par exploit du 10 mars 2015.
Par jugement du 13 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, ordonné au Crédit Agricole de réaliser le contrat d'assurance-vie de Monsieur Z... et de virer la somme obtenue sur son compte courant, lui allouant une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 26 octobre 2016, le Crédit Agricole a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions du 10 janvier 2018, il demande à la cour d'infirmer le jugement et de lui allouer la somme de 14 838,58 € arrêtée au 30 novembre 2015, portant intérêts au taux contractuel de 9,05 % l'an à compter de cette date outre une indemnité de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures notifiées le 20 mars 2018, Monsieur Z... conclut principalement à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a rejeté sa demande d'astreinte. Il invoque subsidiairement un certain nombre de moyens tenant à la validité de son engagement, à sa durée ou à la violation par la banque de son obligation d'information.
Il sollicite 3 000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive outre une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2018.
CELA ETANT EXPOSE,
LA COUR
Considérant que le jugement du tribunal de commerce de Melun, rendu le 14 novembre 2011 notamment au contradictoire du Crédit Agricole, représenté à l'audiencedispose:
Ordonne la cession des éléments incorporels et corporels constituant le fonds de commerce de l'entreprise Sarl Mellil au profit de Monsieur A... H... et son épouse Madame Corinne C......
Fixe le prix de cession à la somme de 100 935,81 €'
composé :
1/ d'une partie de prix payable à la procédure collective d'un montant de 55 000 €...
2/ d'une partie de prix constituée par le transfert sur le fondement des dispositions de l'article L642-12 alinéa 4 du code de commerce de la charge de la sûreté mobilière inscrite en faveur du Crédit Agricole, correspondant aux échéances du prêt consenti par cet établissement et restant dues à la date de l'ouverture du redressement judiciaire, soit un capital restant dû de 45 935,81 €;
Considérant qu'il résulte des pièces communiquées par l'appelante que la somme de 45 935,81€ mise à la charge du cessionnaire -la société reprise étant à jour des remboursements du prêt litigieux à la date du jugement arrêtant le plan de cession- sans octroi par la juridiction consulaire du moindre délai de paiement a, en réalité été réglée, à concurrence d'environ 14 600 € le 1er mars 2012 puis par mensualités variables, de l'ordre de 1 800 € jusqu'en décembre 2012 puis, après une interruption de 6 mois, par mensualités de 500 € jusqu'en juin 2014, date à partir de laquelle le décompte produit ne mentionne plus de règlement;
Que la somme réclamée correspond principalement à des intérêts, le cessionnaire ayant versé une somme de 42 135,32 € sur le montant dû;
Considérant que pour solliciter la condamnation de Monsieur Z..., le Crédit Agricole n'hésite pas à soutenir, au mépris de la décision précitée comme de la nature du cautionnement que la novation ne se présume pas et qu'il n'a pas accepté le changement de débiteur, livrant encore une interprétation erronée de l'article L642-12 alinéa 4 du code de commerce, texte qui se borne à ordonner que la charge des sûretés immobilières et mobilières garantissant le remboursement d'un prêt finançant le bien sur lequel elles portent passe au cessionnaire, par exception au principe posé à l'alinéa précédent selon lequel le paiement du prix de cession purge les inscriptions grevant les biens cédés;
Que si ce texte imposant au repreneur de rembourser les échéances du matériel nanti postérieures à la cession, il s'en suit nécessairement une perte de recours contre la caution donnée au bénéfice du cédant -sauf pour les obligations antérieures à la cession - s'agissant d'une conséquence de l'intuitus personæ du cautionnement;
Qu'en toute hypothèse le tribunal avait fixé un prix de cession exigible et désigné un commissaire à l'exécution du plan chargé d'en vérifier la bonne exécution, auquel le Crédit Agricole pouvait s'adresser étant encore observé que l'article L642-11 du code de commerce l'autorisait à solliciter du tribunal sa résolution de sorte que si le repreneur a pu verser les sommes dues par échéances mensuelles, il avait nécessairement l'accord de la banque pour y procéder;
Et considérant que le Crédit Agricole ne s'y est pas mépris, s'adressant en ces termes à Monsieur Z... le 13 décembre 2011:
«Nous venons d'être informés qu'en date du 14/11/2011, le tribunal a arrêté un plan de cession.
Dès lors, la totalité de notre créance est devenue exigible.
Monsieur H... doit régler le 15/01/2012 les 45 935,81 € que la plan de cession a mis à sa charge au titre du prêt bénéficiant d'un nantissement).
Nous vous remercions de nous indique(r), sous 15 jours, vos propositions de règlement du solde de nos autres créances que vous cautionnez...»
Considérant qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré ;
Considérant qu' en sollicitant une condamnation sous astreinte Monsieur Z... suggère, sans être contredit, qu'au mépris de l'exécution provisoire ordonnée, le Crédit Agricole n'a pas procédé au rachat sollicité;
Que l' astreinte demandée sera en conséquence ordonnée ;
Considérant qu' en bloquant les fonds litigieux dont il est dépositaire sans droit, Monsieur Z... précisant encore sans être contredit qu'il lui a été demandé de solder les deux autres prêts par des fonds d'une provenance autre, le Crédit Agricole a commis une faute grave à l'origine d'un préjudice certain pour l'intimé, privé de la libre disposition de ses économies depuis trois ans et demi, qu'il convient d'indemniser à hauteur de 2 000 €;
Considérant que l'équité commande encore de lui allouer une indemnité de 5000€sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte;
Statuant à nouveau du chef infirmé;
Dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Paris et de l'Île de France devra réaliser le contrat d'assurance-vie dans les quinze jours de la signification du présent arrêt;
Dit qu'à défaut elle y sera contrainte sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant une durée de trois mois;
Y ajoutant,
Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Paris et de l'Île de France à payer à Monsieur Patrice Z... 2 000 € de dommages-intérêts outre 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Rejette toute autre demande;
Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Paris et de l'Île de France aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT