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29/06/2018 | FRANCE | N°14/11482

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 29 juin 2018, 14/11482


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 29 Juin 2018



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/11482



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Octobre 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bobigny RG n° 13/01484



APPELANT

Monsieur B...

Né le [...] à Koncic (Yougoslavie)

[...]

comparant en personne, assisté d

e Me Thomas X..., avocat au barreau de PARIS, toque : R241



INTIMEE

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE

[...]

représentée par Mme Y... Z... en vertu d'un pouvoir spécial



...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 29 Juin 2018

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/11482

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Octobre 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bobigny RG n° 13/01484

APPELANT

Monsieur B...

Né le [...] à Koncic (Yougoslavie)

[...]

comparant en personne, assisté de Me Thomas X..., avocat au barreau de PARIS, toque : R241

INTIMEE

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE

[...]

représentée par Mme Y... Z... en vertu d'un pouvoir spécial

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[...]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Avril 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseillère

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- délibéré du 22 juin 2018, prorogé au 29 juin 2018, prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. B... à l'encontre d'un jugement rendu le 8 octobre 2014 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (ci-après la CRAMIF).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS

M. A..., en arrêt maladie à compter du 16 juin 2011, puis en invalidité, a sollicité de la CRAMIF une pension d'invalidité en produisant des bulletins de salaire d'une SARL RAD pour la période du 1er juin 2010 au 16 juin 2011. Ne retrouvant aucune trace de cette activité sur le relevé de carrière de l'intéressé, la CRAMIF a diligenté une enquête à l'issue de laquelle elle a notifié le 18 janvier 2013 à M. A... le refus du bénéfice d'une pension d'invalidité au motif que les documents produits et les éléments résultant du contrôle ne prouvaient pas la réalité de son activité salariée pendant la période de référence précédant la date retenue pour l'ouverture des droits.

M. A... a saisi la commission de recours amiable qui, dans une décision du 28 mai 2013, a rejeté sa requête. Puis il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny qui dans un jugement du 8 octobre 2014 l'a débouté de toutes ses demandes.

A... a fait appel de cette décision et a fait soutenir oralement à l'audience par son avocat des conclusions écrites dans lesquelles il demande à la Cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

- lui reconnaître la qualité de salarié de la société RAD sur la période du 1er juin 2010 au 16 juin 2011

- condamner la CRAMIF à lui payer la pension due depuis sa demande sur cette base

- condamner la CRAMIF à lui payer la somme de 50.000€ de préjudice financier et 10.000€ de préjudice moral

- prononcer une astreinte de 100€ par jour de retard à compter d'un délai de 30 jours suivant notification de l'arrêt

- condamner la CRAMIF à payer 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A... prétend qu'il a exercé un emploi salarié en qualité d'ouvrier-maçon avec la qualification de manoeuvre du bâtiment, au sein de la société RAD, du 1er juin 2010 au

16 juin 2011 ; qu'il a régulièrement travaillé pour son employeur et reçu en contrepartie son salaire ; que le 16 juin 2011, jour de son hospitalisation, l'employeur lui a adressé ses documents de fin de contrat ; que le 29 août 2013, après avoir fait désigner un administrateur ad hoc, il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une action contre son ex-employeur pour statuer sur les irrégularités de son licenciement ; que par jugement en date du 24 avril 2014, notifié le 17 juillet 2014, le conseil de prud'hommes de Paris a reconnu l'existence d'un contrat de travail ayant lié M. A... à la SARL RAD entre juin 2010 et juin 2011 et lui a octroyé diverses indemnités consécutives à la rupture de son contrat de travail.

Il prétend que, dans la mesure où cette décision a été notifiée à la CRAMIF et qu'elle n'a pas fait de tierce opposition, elle lui est opposable. Il soutient qu'il justifie parfaitement par ailleurs qu'il était bien salarié, ignorant qu'il n'était pas déclaré, notamment par la production de son contrat de travail conclu à durée indéterminée à compter du 1er juin 2010, d'une attestation de déclaration unique d'embauche remise par son employeur le 04 juin 2010, des bulletins de salaire que son employeur lui a remis durant toute la période d'emploi, la copie des chèques de salaires encaissés et celle d'un virement de salaire le 18 juin 2011.

Il soutient également que la décision entreprise est entachée d'une erreur de droit dirimante en ce qu'en lui refusant l'octroi d'une pension d'invalidité, malgré les espérances légitimement nourries en ce sens et malgré la décision du conseil de prud'hommes de Paris, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a violé les stipulations des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, notamment les dispositions relatives à un procès équitable et à la protection du droit de propriété.

La CRAMIF a fait soutenir oralement à l'audience par son représentant des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la Cour de confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions.

Elle fait valoir que le relevé de carrière de l'intéressé ne comporte aucun report concernant une activité au sein de la SARL RAD, que ce n'est qu'après le rejet de la demande de pension d'invalidité que M. A... a engagé, deux ans après son licenciement, une procédure prud'homale contre cette société prise en la personne de son mandataire liquidateur pour obtenir diverses indemnités. Elle soutient que cette décision ne lui est pas opposable puisque la demande et les parties étaient différentes.

Elle fait valoir que la société RAD a été radiée auprès de l'Urssaf le 30 juin 2011 pour absence d'activités, qu'elle n'a déclaré aucun salarié auprès de cet organisme et aucun chiffre d'affaires aux impôts.

MOTIFS :

- Sur la demande de pension d'invalidité

Aux termes de l'article R.313-5 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à l'espèce, l'assuré social qui invoque le bénéfice de l'assurance invalidité doit avoir été immatriculé depuis douze mois au premier jour du mois au cours duquel est survenue l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la constatation de l'état d'invalidité résultant de l'usure prématurée de l'organisme.

Il doit justifier en outre :

a) Soit que le montant des cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès assises sur les rémunérations qu'il a perçues [...] civils précédant l'interruption de travail est au moins égal au montant des mêmes cotisations dues pour un salaire égal à 2 030 fois la valeur du salaire minimum de croissance au 1er janvier qui précède la période de référence, dont 1 015 fois au moins la valeur du salaire minimum de croissance au cours des six premiers mois ;

b) Soit qu'il a effectué au moins 800 heures de travail salarié ou assimilé au cours des douze mois civils ou des 365 jours précédant l'interruption de travail ou la constatation de l'état d'invalidité résultant de l'usure prématurée de l'organisme, dont 200 heures au moins au cours des trois premiers mois.

Le versement d' une pension d'invalidité à tout salarié atteint d'une incapacité de travailler, sous conditions, repose avant tout sur le versement par l'employeur de cotisations qui constituent les moyens financiers nécessaires au paiement de ces pensions et que le paiement d'une pension fonction du salaire est donc conditionné au paiement du salaire mais également au paiement des cotisation sociales.

En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment du relevé de carrière de

M. A..., qu'aucune cotisation n'a été payée sur la période du 1er juin 2010 au 16 juin 2011 pour ce dernier, ce qui n'est pas contesté sérieusement.

En l'absence de paiement de cotisations, il appartient donc à A... de justifier qu'il a effectué au moins 800 heures de travail salarié ou assimilé au cours des douze mois civils ou des 365 jours précédant l'interruption de travail, dont 200 heures au moins au cours des trois premiers mois.

A l'appui de sa demande, A... produit des bulletins de salaire pour la période du 1er juin 2010 au 16 juin 2011, une déclaration d'embauche (DUE) auprès de l'Urssaf, des relevés bancaires, des bulletins de remise de chèques , un ordre de virement du 18 juin 2011 de la société RAD, des avis d'imposition et le jugement du conseil des prud'hommes de Paris.

Cependant, il résulte du rapport d'enquête de l'agent assermenté de la CRAMIF que la société RAD a été créée par deux personnes originaires de Yougoslavie, comme

M. A..., et de Serbie et du Monténegro, qu'elle avait pour objet les travaux du bâtiment et qu'elle n'a jamais déclaré le moindre salarié ni de chiffre d'affaire ; qu'elle a été dissoute deux semaines après l'hospitalisation de A..., pour absence d'activité.

Le jugement du conseil des prud'hommes, peu important qu'il ait été signifié à la CRAMIF, ne permet pas à lui seul d'établir la réalité du paiement des salaires par la société RAD à M. A... sur la période du 1er juin 2010 au 16 juin 2011.

En effet, aux termes de l'ancien article 1351 du code civil, devenue l'article 1355, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l'espèce, les demandes ayant abouti au jugement du conseil des prud'hommes du

24 avril 2014 étaient relatives à des sommes dues en raison de la rupture du contrat de travail mais ne concernaient pas les salaires prétendument payés et les cotisations éventuellement versées sur la période antérieure au 16 juin 2011, date de la fin du contrat.

La demande n'étant pas la même et les parties étant différentes, le jugement du conseil des prud'hommes n'a pas autorité de la chose jugée à l'égard de la CRAMIF qui n'avait pas à être mise en cause ou à former une action en tierce opposition. Ce jugement prud'hommal doit seulement être considéré comme un élément de preuve à l'appui de la demande mais qui peut être contesté et discuté.

Il convient de relever à ce titre que les règles de preuve et les présomptions de salariat ne sont pas les mêmes devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et le conseil des prud'hommes, que la demande était dirigée contre le mandataire liquidateur qui n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter pour contester la demande.

M. A... a produit un contrat de travail et des bulletins de salaire pour la période de juin 2010 à juin 2011, soit très exactement pour l'année de salaires nécessaire à l'obtention d'une pension d'invalidité à la date où il a été hospitalisé pour une angioplastie et alors qu'il n'avait pas été déclaré comme travailleur salarié depuis une vingtaine d'années.

Or, l'élaboration d'un contrat de travail et l'édition de bulletins de salaire sont suffisamment simples pour ne pas craindre que ces documents aient été réalisés pour les besoins de la cause. Aucun élément ne permet en l'espèce de confirmer la date à laquelle ils ont été réellement rédigés et signés.

Par ailleurs, les bulletins de salaire produits par l'intéressé pour la période juin 2010 à juin 2011 mentionnent un 'versement transport' alors que cette cotisation n'est due que pour les entreprises de plus de 11 salariés et qu'elle ne peut donc être due pour une société qui n'a jamais déclaré un seul salarié. Cette mention fait donc douter du sérieux de ces bulletins.

M. A... ne produit de bulletins de salaire que jusqu'au 16 juin 2011, date exacte de son hospitalisation, alors que son contrat de travail n'était pas rompu à cette date. Alors qu'il était dans une situation financière difficile, il a de façon surprenante attendu plus de deux ans pour agir devant le conseil des prud'hommes pour réclamer le solde de ses indemnités.

Le document de déclaration unique d'embauche qu'il fournit n'est qu'une copie, mentionnant bien la date du 4 juin 2010 comme date d'embauche. Cependant la preuve n'est pas rapportée qu'il a bien été établi à cette date et remis au salarié, et non établi pour les besoins de la cause, d'autant qu'il résulte du rapport d'enquête qu'aucune déclaration de salarié n'a jamais été faite par cette société auprès de l'Urssaf.

Les bulletins de salaire précisent tous un 'paiement par chèque', alors que M. A... n'a pu produire de chèques pour les mois de juin 2010, octobre 2010, février 2011 et mars 2011. L'irrégularité des versements qui ne correspondent pas aux montants figurant sur les bulletins de salaire fait encore douter de la bonne foi de la société et de M. A....

Ce dernier a également produit des avis d'imposition pour les années 2010 et 2011. Il a déclaré en 2011 au titre des revenus salariés pour l'année 2010 la somme de 7.641€ qui correspond effectivement au cumul de salaires imposable figurant sur le bulletin du mois de décembre 2010. Mais pour l'année 2011, A... n'a déclaré que 3.680€, démontrant ainsi qu'il n'a pas reçu la somme de 8345€, cumul imposable figurant sur le bulletin de paie du mois de juin 2011 et qui correspondait à ses affirmations pour obtenir la pension d'invalidité.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. A... ne rapporte pas la preuve certaine qu'il remplit les conditions pour bénéficier de la pension d'invalidité.

Enfin, M. A... n'explique pas en quoi, en ne jugeant pas comme le conseil des prud'hommes de Paris, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, et donc la Cour de céans, commettraient un déni de justice.

M. A... soutient qu'il remplissait l'ensemble des conditions légales pour bénéficier d'une pension d'invalidité, il pouvait donc se considérer comme étant détenteur de la valeur patrimoniale que constituait son droit à pension et que le refus de la CRAMIF au motif du non versement par son ancien employeur des charges a porté une atteinte manifeste à son droit au respect de ses espérances légitimes.

Mais dans la mesure où le versement de la pension est soumis à des conditions que A..., dont il est permis de douter de la bonne foi, ne justifie pas, celui-ci ne peut prétendre avoir eu une espérance légitime de toucher une pension d'invalidité.

Il n'explique pas non plus en quoi les décision motivées de la CRAMIF et du tribunal auraient, comme il le soutient, porté une atteinte grave à son droit au respect de la vie privée.

M. A... ayant pu exercer ses droits en justice, aucune violation de la Convention européenne des droits de l'Homme, n'est rapportée et la décision des premiers juges ne comporte pas d'erreur de droit dirimante.

Le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny devra donc être confirmé en ce qu'il a validé la décision de la CRAMIF de refuser à M. A... le bénéfice d'une pension d'invalidité.

- Sur les autres demandes de M. A...

M. A... étant débouté de sa demande principale le sera également des demandes accessoires, en ce comprise la demande de dommages et intérêts et celle faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 8 octobre 2014 en toutes ses dispositions,

Déboute M. A... de toutes ses demandes,

Fixe le droit d'appel prévu par l'article R.144-10 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale à la charge de l'appelant qui succombe au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L.241-3 et condamne M. A... au paiement de ce droit ainsi fixé à la somme de 331,10€.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 14/11482
Date de la décision : 29/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L4, arrêt n°14/11482 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-29;14.11482 ?
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