RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 27 JUIN 2018
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/04313
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 15/00188
APPELANTE
Fondation DES DIACONESSES DE REUILLY venant aux droits de l'Association ABEJ COQUEREL
[...]
N° SIRET : 521 504 969
représentée par Me Jean-françois X..., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC 176
INTIMEE
Madame Jacqueline Y...
[...]
née le [...] à COTE D'IVOIRE
représentée par Me Audrey Z..., avocat au barreau de NICE, toque : C 566
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine SOMMÉ, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, président
Monsieur Benoit HOLLEAUX, conseiller
Madame Christine LETHIEC, conseiller
Greffier : Mme Laurie TEIGELL, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, Président et par Madame Laurie TEIGELL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme Jacqueline Y... a été engagée par l'association ABEJ-COQUEREL suivant 52 contrats à durée déterminée de remplacement, sur la période du 12 janvier 2011 au 11 octobre 2013, en qualité d'agent des services logistiques, niveau 1 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951. La salariée était affectée au sein de l'EPAD «La Résidence Mosaïque».
Le 10 octobre 2013, Mme Y... a fait l'objet d'un arrêt maladie, qui a été prolongé jusqu'au 1er décembre 2013.
Le 6 mars 2015, Mme Y... a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau de demandes tendant à requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, à dire qu'elle avait fait l'objet d'un licenciement nul, à ordonner sa réintégration et à condamner l'association ABEJ-COQUEREL au paiement de diverses sommes à titre salarial et indemnitaire.
Par jugement rendu le 7 mars 2016, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a :
- requalifié les contrats de travail à durée déterminée de Mme Y... en un contrat de travail à durée indéterminée ;
- condamné 1'association ABEJ-COQUEREL à verser à la salariée les sommes suivantes:
° 1 458,82 € à titre d'indemnité de requalification;
° 2 260,64 € à titre de rappel de salaires pour l'année 2011 et 226,06 € au titre de congés payés afférents;
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2012 et capitalisation des intérêts;
° 1 626 € à titre de rappel de salaires du 1er janvier 2012 au 30 juin 2012 et 162,60 € au titre des congés payés afférents,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2012 et capitalisation des intérêts;
° 3 885,15 € à titre de rappel de salaires du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012 et 388,51€ au titre des congés payés afférents,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2013 et capitalisation des intérêts ;
° 4 624,20 € à titre de rappel de salaires du 1er janvier 2013 au 10 octobre 2013, 462,42€ au titre de congés payés afférents et 143 € au titre de rappel de salaire pour la prime d'ancienneté,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2013 et capitalisation des intérêts ;
° 802,35 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
° 2 917,64 € au titre de l'indemnité de préavis ;
° 291,76 € au titre des congés payés afférents ;
° 9 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
° 1 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour absence de visite médicale d'embauche ;
° 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- ordonné la rectification de tous les documents sociaux, certificat de travail, attestation Pôle emploi, solde de tout compte et bulletins de paie, sous astreinte de 20 € par jour de retard pour l'ensemble des documents, à compter du 30ème jour après le prononcé du jugement, le conseil se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte tout en la limitant à 60 jours ;
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du code civil ;
- débouté Mme Y... du surplus de ses demandes ;
- ordonné l'exécution provisoire de droit ;
- débouté l'association ABEJ-COQUEREL de sa demande reconventionnelle ;
- condamné l'association ABEJ-COQUEREL aux entiers dépens, y compris ceux afférents aux actes et procédures éventuels de la présente instance ainsi que ceux de l'exécution par toute voie légale et notamment les frais de l'article 10 et 12 du décret du 8 mars 2001 portant tarification des actes d'huissier.
La Fondation Diaconesses de Reuilly, venant aux droits de l'association ABEJ-COQUEREL, d'une part, Mme Y..., d'autre part, ont interjeté appel de ce jugement, respectivement les 22 mars 2016 et 8 avril 2016. Les deux instances ont été jointes par mention au dossier, sous le numéro de répertoire général 16/04313.
Aux termes de ses conclusions visées par le greffier et soutenues oralement le 21 mars 2018, la Fondation Diaconesses de Reuilly, venant aux droits de l'association ABEJ-COQUREL, demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Mme Y... de sa demande de nullité de la rupture de son contrat de travail, pour le surplus de recevoir la Fondation Diaconesses de Reuilly en son appel, de débouter Mme Y... de l'intégralité de ses demandes et de condamner cette dernière à lui verser la somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Reprenant oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier, Mme Y... demande à la cour de:
* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association ABEJ-COQUEREL à lui verser les sommes de:
- 2 260, 64 € à titre de rappel de salaires pour l'année 2011 outre les congés payés afférents pour la somme de 226, 06 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2012 et capitalisation des intérêts légaux ;
- 1 626 € à titre de rappel de salaires du 1er janvier 2012 au 30 juin 2012 outre les congés payés afférents pour la somme de 162, 60 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2012 et capitalisation des intérêts légaux ;
- 3 885, 15 € à titre de rappel de salaires du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012 outre les congés payés afférents pour la somme de 388, 51 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2013 et capitalisation des intérêts légaux ;
- 4 624, 20 € à titre de rappel de salaires du 1er janvier 2013 au 10 octobre 2013 outre les congés payés afférents pour la somme de 462, 42 € et 143 € au titre de rappel de la prime d'ancienneté avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2012 et capitalisation des intérêts légaux ;
- 1 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l'absence de visite médicale ;
- 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau:
- fixer le salaire de référence de Mme Y... à la somme de 1 516, 75 € bruts
- condamner la Fondation Diaconesses de Reuilly venant aux droits de l'association ABEJ-COQUEREL à lui verser la somme de 1 516, 75 € conformément aux dispositions de l'article L. 1245-2 alinéa 2 du code du travail
A titre principal:
- dire que le contrat de travail de Mme Y... a été rompu en raison de son état de santé et juger en conséquence que cette rupture s'analyse en un licenciement nul;
- ordonner la réintégration de Mme Y... dans l'emploi occupé par cette dernière, sous réserve :
° du versement à Mme Y... de la somme de 72 804 € au titre des rappels de salaires jusqu'à la date prévisionnelle du prononcé de l'arrêt (soit du 12 octobre 2013 au 12 octobre 2017), outre la somme de 7 280, 40 € au titre des congés payés afférents;
° de la remise en l'état du contrat de travail de Mme Y..., une reconstitution complète de carrière exempte de toute discrimination et le paiement de la totalité des salaires et primes diverses à compter du 12 octobre 2013, sans aucune déduction ;
° de la remise des bulletins de salaire rectifiés depuis de 12 octobre 2013 au 12 octobre 2017 (à parfaire au jour de la réintégration effective) ;
- dire que la Fondation Diaconesses de Reuilly, venant aux droits de l'association ABEJ-COQUEREL, ne pourra exiger de Mme Y... qu'elle reprenne son emploi qu'après remise en état complet et satisfactoire du contrat de travail dont le paiement de la totalité des condamnations, y compris les intérêts légaux, et après que la Fondation Diaconesses de Reuilly ait formé des propositions en ce qui concerne la fixation d'un salaire actualisé, des primes et d'une position professionnelle (emploi, qualification, statuts et coefficient), lesquelles propositions devront être acceptées par la salariée ou validées par le conseil et après que la Fondation Diaconesses de Reuilly ait organisé un examen médical pratiqué par le médecin du travail permettant de vérifier l'aptitude de la salariée à occuper son emploi;
- ordonner l'organisation d'une visite médicale de reprise ;
- dire que Mme Y... pourra bénéficier si elle le désire et préalablement à la reprise de son travail, bénéficier de la totalité des congés payés qu'elle n'a pas utilisé sur fait de son exclusion de l'entreprise;
- condamner la Fondation Diaconesses de Reuilly venant aux droits de l'association ABEJ-COQUEREL à exécuter l'ensemble de ces condamnations sous astreinte journalière de 100€ à compter du prononcé de la décision ;
- condamner la Fondation Diaconesses de Reuilly venant aux droits de l'association ABEJ-COQUEREL à verser à Mme Y... la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
A titre subsidiaire:
- condamner la Fondation Diaconesses de Reuilly venant aux droits de l'association ABEJ-COQUEREL à verser à Mme Y... les sommes de:
° 1 495, 52 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
° 3 033, 50 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 303,35 € de congés payés afférents ;
° 36 402 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
° 2 500 € à titre de dommages et intérêts pour la remise tardive des documents sociaux ;
- ordonner la rectification des bulletins de paie, du reçu pour solde de tout compte, de l'attestation Pôle emploi et du certificat de travail, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter du prononcé du «jugement»;
- se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte;
- condamner la Fondation Diaconesses de Reuilly venant aux droits de l'association ABEJ-COQUEREL à payer à Mme Y... les intérêts légaux sur les sommes dues et ordonner leur capitalisation;
- condamner la Fondation Diaconesses de Reuilly venant aux droits de l'association ABEJ-COQUEREL à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et les demandes salariales subséquentes
Pour infirmation du jugement qui a fait droit à la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée, la Fondation Diaconesses de Reuilly soutient qu'au regard de l'activité très spécifique d'un EPAD et de ce que le personnel jeune et féminin qui est en poste est amené à s'absenter pour des motifs également spécifiques tels que la maladie d'un enfant ou le congé parental, pour assurer le bon fonctionnement de l'établissement, elle a été contrainte d'avoir recours à des contrats à durée déterminée afin de pallier les absences de son personnel. Ainsi Mme Y... a occupé des postes divers, en remplacement partiel, d'agent de service logistique, d'aide-soignante, d'aide-soignante de nuit, d'aide médico-psychologique, d'aide médico-psychologique en formation et d'élève aide médico-psychologique. La Fondation Diaconesses de Reuilly conclut qu'il n'y a pas lieu à requalification des contrats de travail litigieux compte tenu de la diversité des postes occupés.
Mme Y... fait valoir que du 12 janvier 2011 au 11 octobre 2013, soit durant près de 3 années, elle a cumulé 52 contrats à durée déterminée en remplacement selon les termes des contrats, de salariées occupant des fonctions différentes, soit d'aide soignante, d'aide médico psychologique, d'élève AMP ou d'agent de service logistique, qui étaient absentes pour être en congés payés, en arrêt maladie, en absence autorisée, en absence sans solde ou encore en formation, qu'ainsi ces absences relevaient de l'activité habituelle et normale de l'association. Elle affirme que l'association ABEJ-COQUEREL a eu recours au contrat à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de l'entreprise, les effectifs de celle-ci ne permettant pas de pallier quotidiennement les absences de certains salariés. Mme Y... souligne également qu'elle n'a pu effectuer le remplacement d'une aide soignante alors qu'elle ne dispose pas du diplôme nécessaire, ni d'un élève AMP, alors qu'il ne s'agit pas d'un salarié en poste mais d'un élève en formation, qu'en réalité elle a occupé le même poste d'agent de service logistique durant trois années avec de très courtes période d'interruption d'activité.
En application des dispositions des articles L. 1242-1 et suivants du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour une tâche précise et temporaire et seulement pour l'un des motifs énumérés à l'article L. 1242-2, ce motif devant être énoncé dans le contrat. Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Aux termes de l'article L. 1245-1, dans sa rédaction applicable au litige, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions susvisées.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée.
Il ressort de l'examen des 52 contrats à durée déterminée conclus par Mme Y... que celle-ci a été engagée pour pourvoir au remplacement partiel de salariées absentes, notamment pour cause d'arrêt maladie, de congés payés ou de formation.
Le seul fait pour l'employeur, qui est tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos que leur accorde la loi, de recourir à des contrats à durée déterminée de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux contrats à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
En l'espèce l'employeur argue de ce que Mme Y... a occupé divers emplois en se référant aux contrats de travail à durée déterminée conclus par l'intéressée, qui mentionnent le remplacement, selon les contrats, d'un agent des services logistiques, d'une aide-soignante, d'une aide-soignante nuit, d'une aide médico-psychologique, d'une aide médico-psychologique en formation ou encore d'une élève aide-médico-psychologique. Cependant, outre qu'il ne démontre pas que Mme Y... a effectivement occupé les fonctions exercées par les salariées susmentionnées, étant relevé que l'intéressée n'est pas contredite quand elle soutient qu'elle ne pouvait exercer les fonctions notamment d'une aide soignante ne disposant pas du diplôme nécessaire, il ressort des contrats de travail versés aux débats que Mme Y... a été recrutée pour occuper systématiquement l'emploi d'agent des services logistiques, ce qui est corroboré par les bulletins de paie et les certificats de travail délivrés à la salariée, qui tous mentionnent ce même emploi d'emploi d'agent des services logistiques et la même classification de niveau 1, coefficient 306. En outre les contrats se sont succédés pour la plupart, soit sans interruption, ainsi en est-il par exemple de sept contrats successifs du 6 novembre 2012 au 21 janvier 2013, soit avec de très courtes interruptions de quelques jours, la plus longue période d'inactivité entre deux contrats n'ayant été que de deux mois et une semaine du 30 août au 6 novembre 2012.
Il en résulte que le recours aux contrats litigieux avait pour objet et pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'association ABEJ-COQUEREL.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a requalifié lesdits contrats en contrat à durée indéterminée.
En vertu de l'article L. 1245-2, le salarié dont le contrat à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée peut prétendre au paiement d'une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
Au vu des bulletins de paie versés aux débats, Mme Y... percevait un salaire conventionnel mensuel brut de 1 442,52 € auquel s'ajoutait la prime décentralisée, soit 72,23 €. Il convient donc, infirmant le jugement entrepris, de condamner l'employeur à verser à la salariée la somme de 1 516,75 € à titre d'indemnité de requalification.
Il se déduit du caractère successif des contrats et des très courtes périodes interstitielles, que la salariée s'est tenue de manière permanente à la disposition de l'association ABEJ-COQUEREL, de sorte qu'elle est bien fondée en sa demande de rappel de salaires au titre des périodes interstitielles.
Il convient dès lors de confrmer le jugement qui a condamné l'employeur au paiement des sommes de:
- 2 260,64 € à titre de rappel de salaires pour l'année 2011 outre les congés payés afférents de 226,06 €;
- 1 626 € à titre de rappels de salaires du 1er janvier au 30 juin 2012 outre les congés payés afférents de 162,60 €;
- 3 885,15 € à titre de rappel de salaires du 1er juillet au 31 décembre 2012 outre les congés payés afférents de 388,51 €.
- 4 624,20 € à titre de rappel de salaires du 1er janvier au 10 octobre 2013, outre 462,42 € pour les congés payés afférents et 143 € à titre de rappel de prime d'ancienneté
Le jugement sera également confirmé en ces dispositions sur les intérêts légaux sur ces sommes et leur capitalisation.
Sur la rupture du contrat de travail
Mme Y... soutient que l'employeur a décidé de mettre fin à la relation contractuelle en raison de son état de santé, qu'en effet, ayant subi une intervention chirugicale importante, elle a été en arrêt maladie à compter du 10 octobre 2013 jusqu'au 1er décembre 2013, qu'or à compter de cette période l'association ABEJ-COQUEREL, qui ne pouvait ignorer son état de santé puisqu'elle recevait les arrêts de travail, n'a plus fait appel à ses services. La salariée en conclut qu'elle a fait l'objet d'une discrimination en raison de son état de santé et que la rupture du contrat de travail, intervenue pendant la suspension de son contrat de travail, est nulle.
La Fondation Diaconesses de Reuilly fait valoir qu'elle ignorait l'état de santé de la salariée.
Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son état de santé.
En vertu de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions qui précèdent, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En application des dispositions qui précèdent, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce il est constant que Mme Y..., qui travaillait pour l'association ABEJ-COQUEREL dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée successifs depuis deux ans et dix mois au sein de l'EPAD «La Résidence Mosaïque», n'a plus bénéficié d'aucun contrat de travail à l'issue de son arrêt maladie ayant débuté le 10 octobre 2013 pour se terminer le 1er décembre suivant. La salariée présente donc un élément de fait qui laisse présumer l'existence d'une discrimination en raison de son état de santé.
L'employeur ne peut soutenir sérieusement qu'il ignorait l'état de santé de Mme Y... alors même qu'il a été destinataire des arrêts de travail de celle-ci.
Il ne démontre donc pas que sa décision de ne plus avoir recours aux services de Mme Y... était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et ce d'autant que, ainsi que le relève Mme Y..., Mme Gisèle A..., soeur de celle-ci, employée également par l'association ABEJ-COQUEREL aux termes de contrats de travail à durée déterminée successifs, a été à nouveau engagée dans les mêmes conditions du 24 octobre 2013 au 11 février 2014, et qu'il en est de même pour d'autres salariées engagées par contrat à durée déterminée en qualité d'agent des services logistiques, ainsi notamment Mmes Teresa C... Matos et Safia B..., engagées l'une et l'autre le 24 décembre 2013, pour la première jusqu'au 19 janvier 2014 et pour la seconde jusqu'au 6 janvier 2014, et Mme D..., engagée le 5 décembre 2013 jusqu'au 31 mars 2014, ce dont il ressort que l'employeur a continué à avoir recours au contrat à durée déterminée à une période tant concomitante que postérieure à l'arrêt de travail pour maladie de Mme Y....
La discrimination en raison de l'état de santé de Mme Y... est donc établie. Dès lors que l'association ABEJ-COQUEREL a mis fin à la relation de travail au seul motif de l'état de santé de la salariée, la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul, avec effet au 11 octobre 2013, date d'échéance du dernier contrat à durée déterminée.
Le jugement déféré qui a rejeté ce chef de demande sera infirmé.
Mme Y... sollicite sa réintégration dans l'emploi qu'elle occupait au sein de la Fondation Diaconesses de Reuilly, en assortissant toutefois cette demande de conditions préalables, telles notamment qu'une «proposition» par l'employeur d'un «salaire actualisé, des primes et d'une position professionnelle (emploi, qualification, statuts, coefficient)», de «la remise en état du contrat de travail de Mme Y...» et «d'une reconstitution complète de carrière».
Cependant la salariée ne peut obtenir que la réintégration dans son emploi ou à défaut dans un emploi équivalent.
Il convient en conséquence d'ordonner la réintégration de Mme Y... dans l'emploi qu'elle occupait, soit celui d'agent des services logistiques, niveau 1, coefficient 306, dans un délai de deux mois, sans qu'il y ait lieu d'assortir sa réintégration des réserves sollicitées ni d'une astreinte.
Il ne peut être présumé que l'employeur n'exécutera pas les obligations qui s'imposent à lui, consécutives à la réintégration de la salariée ordonnée par le présent arrêt, de sorte que la demande tendant à lui ordonner d'organiser la visite de reprise de Mme Y... sera rejetée.
Mme Y... a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre la rupture, s'analysant en licenciement nul, et sa réintégration dans la limite du montant du salaire dont elle a été privée.
Mme Y... qui était en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 10 octobre au 1er décembre 2013 inclus, ne pouvait prétendre au paiement de salaires durant cette période.
Le préjudice qu'elle a subi est donc égal à la rémunération dont elle a été privée du 2 décembre 2013 jusqu'à la date de sa réintégration.
La Fondation Diaconesses de Reuilly sera dès lors condamnée à payer à Mme Y... une somme égale au montant des salaires auxquels celle-ci pouvait prétendre, sur la base d'un salaire mensuel brut de 1 516,75 €, pour la période du 2 décembre 2013 jusqu'à la date de sa réintégration, soit la somme de 72 804 € arrêtée au 2 décembre 2017, outre pour la période postérieure et jusqu'à sa réintégration effective, la somme de 1 516,75 € par mois.
La période d'éviction ouvre droit, non à une acquisition de jours de congés, mais à une indemnité d'éviction, de sorte que la somme allouée au titre de celle-ci n'ouvre pas droit à une indemnité de congés payés afférente à celle-ci.
La salariée qui a opté pour la réintégration dans son emploi ne peut prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement nul, dans la mesure où son préjudice a déjà été indemnisé par l'allocation d'une somme réparant la totalité du préjudice subi au cours de la période entre la rupture et sa réintégration et où l'intéressée ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct.
Mme Y... sera en conséquence déboutée de ces chefs de demande.
Sur la demande indemnitaire pour absence de visite médicale d'embauche
Il n'est pas contesté que Mme Y... n'a pas bénéficié de visite médicale d'embauche. L'employeur a donc manqué à son obligation de sécurité ce dont il est résulté pour la salariée un préjudice qui a été justement évalué par le conseil de prud'hommes à la somme de 1 000 €. Le jugement déféré qui a condamné l'employeur au paiement de cette somme sera donc confirmé.
Sur la demande indemnitaire pour remise tardive des documents sociaux
Mme Y... réitère en cause d'appel ce chef de demande dont elle a été déboutée sans que le conseil de prud'hommes ne donne de motifs à sa décision. Elle soutient qu'elle n'a reçu les documents sociaux que le 3 avril 2014, que du fait de ce retard son indemnisation par Pôle emploi a été retardée et qu'elle est restée sans revenus pendant plusieurs mois.
Cependant la salariée produit une attestation destinée à Pôle emploi établie dès le 20 décembre 2013 par l'association ABEJ-COQUEREL et elle ne justifie pas que le retard de sa prise en charge par Pôle emploi au titre de l'indemnisation de sa perte d'emploi soit imputable à l'employeur.
Confirmant le jugement entrepris, il y a lieu dès lors de la débouter de sa demande indemnitaire pour remise tardive des documents sociaux.
Sur la demande de rectification des documents sociaux sous astreinte
Mme Y... demande la délivrance de bulletins de paie, d'un reçu pour solde de tout compte, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail, sous astreinte, en faisant état d'une exécution partielle du jugement de première intance.
Cependant, dans la mesure où il a été fait droit, par infirmation du jugement sur ce point, à la demande principale de la salariée en réintégration dans son emploi, il n'y a pas lieu d'ordonner la délivrance de documents rectifiés de fin de contrat.
Sur les autres demandes
En application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
Conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.
La Fondation Diaconesses de Reuilly, partie perdante, supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à Mme Y... la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à l'indemnité de requalification et à la rupture du contrat de travail ;
Statuant à nouveau de ces seuls chefs et y ajoutant;
DIT que la rupture du contrat de travail de Mme Jacqueline Y... s'analyse en un licenciement nul avec effet à la date du 11 octobre 2013;
ORDONNE la réintégration de Mme Jacqueline Y... dans son emploi d'agent des services logistiques, niveau 1, coefficient 306, dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt;
CONDAMNE la Fondation Diaconesses de Reuilly, venant aux droits de l'association ABEJ-COQUEREL, à payer à Mme Jacqueline Y... les sommes de:
- 1 516,75 € à titre d'indemnité de requalification,
- 72 804 € arrêtée au 2 décembre 2017, outre pour la période postérieure et jusqu'à la réintégration effective de Mme Jacqueline Y..., la somme de 1 516,75 € par mois, au titre des sommes correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi par la salariée au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement nul et sa réintégration,
- 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;
RAPPELLE que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière;
REJETTE le surplus des demandes;
CONDAMNE la Fondation Diaconesses de Reuilly, venant aux droits de l'association ABEJ-COQUEREL, aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT