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26/06/2018 | FRANCE | N°16/06383

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 26 juin 2018, 16/06383


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 26 Juin 2018

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/06383



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 13/03224





APPELANT



M. Alain X...

né le [...] à BOULOGNE BILLANCOURT (92100)

[...]

comparant en personne, assisté de

Me Thomas Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : G0836 substitué par Me Déborah Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : P155





INTIMEE



La société DP CONSEILS & PARTICIPATIONS

[......

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 26 Juin 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/06383

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 13/03224

APPELANT

M. Alain X...

né le [...] à BOULOGNE BILLANCOURT (92100)

[...]

comparant en personne, assisté de Me Thomas Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : G0836 substitué par Me Déborah Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : P155

INTIMEE

La société DP CONSEILS & PARTICIPATIONS

[...]

N° SIRET : 490 441 771

représentée par Me Karine A..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0320 substitué par Me Valérie B..., avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 252

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 mai 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bruno BLANC, président, et Monsieur Olivier MANSION, conseiller, en double rapporteur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Monsieur Bruno BLANC, Président

Madame Soleine HUNTER-FALCK, conseillère

Monsieur Olivier MANSION, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Marine BRUNIE, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

- signé par M. Bruno BLANC, président et par Mme Marine BRUNIE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Exposé du litige :

M X... (le salarié) a été engagé le 7 juillet 2009 par la société ETME par contrat à durée indéterminée en qualité de directeur financier et ressources humaines, puis son contrat a été transféré à la société DP conseils et participations (l'employeur), holding du groupe Accedia.

Il a conclu une rupture conventionnelle du contrat de travail le 9 mars 2012, homologuée le 14 avril suivant.

Estimant que la rupture résulterait d'un harcèlement moral, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 5 avril 2016, a rejeté toutes ses demandes.

Le salarié a interjeté appel le 22 avril 2016.

Il demande, au regard d'une rupture conventionnelle nulle comme résultant d'un harcèlement moral, le paiement des sommes de :

- 28 000 € d'indemnité pour nullité de la rupture avec intérêts à compter de l'arrêt à intervenir,

- 13 752 € d'indemnité de préavis,

- 1 375,20 € de congés payés afférents,

- 79 213,42 € de rappel d'heures supplémentaires,

- 7 921,34 € de congés payés afférents ,

ces quatre sommes produisant intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes le 7 octobre 2013,

- 39 000 € de dommages et intérêts pour préjudice subi en raison d'un harcèlement moral,

- 17 650 € de dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire en repos,

- 40 195,67 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

ces trois sommes portant intérêts à compter du présent arrêt,

- 6 500 € brut pour la prime sur objectifs en 2011 et 2012,

- 650 € de congés payés afférents,

les intérêts à compter du 7 octobre 2013 pour ces deux sommes,

- la capitalisation des intérêts,

- 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et réclame la délivrance sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter du prononcé du présent arrêt d'un bulletin de salaire rectificatif et de l'attestation Pôle emploi.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement et sollicite paiement de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties du 15 mai 2018.

MOTIFS :

Sur le harcèlement moral :

Il est présenté une demande de dommages et intérêts sur le harcèlement moral lequel est également invoqué comme cause de la rupture conventionnelle du contrat de travail.

L'existence de ce harcèlement moral sera examiné à titre liminaire en ce qu'il conditionne les autres demandes sur la rupture conventionnelle.

En application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de la loi. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements indiqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, le salarié se prévaut d'une surcharge de travail l'ayant conduit à un épisode anxio-dépressif majeur puis à un retrait progressif de ses fonctions principales, à son retour de travail en 2012, et la menace d'une rétrogradation.

Il est établi que le salarié a été en arrêt de travail à partir du 28 juin 2011, prolongé le 17 juillet 2011 pour état anxio-dépressif majeur (pièces n°2-1 et 2-2).

Le salarié fait état d'un 'burn-out' dans un mail du 19 août 2011 (pièce n°3) et demande que son rythme de travail soit 'en cohérence avec son état'.

Le dossier médico-professionnel (pièce n°18-1) reprend ses déclarations et précise qu'il négocie une rupture conventionnelle.

Le Dr C... atteste (pièce n°29) que le salarié est suivi pour un état anxio-dépressif déclenché en juin 2011.

Le médecin du travail a reconnu l'intéressé apte pour la reprise du travail le 8 février 2012, confirmé le 20 mars 2012 (pièces n°19 et 20).

Par ailleurs, le salarié s'est plaint par mail du 29 septembre 2011 (pièce n°4) de la volonté de lui retirer la partie financière et l'analyse budgétaire, après l'arrivée en 12 septembre d'une nouvelle assistante pour les ressources humaines.

Le salarié indique le 4 octobre (pièce n°6) qu'il a été pris note de la proposition de s'occuper à plein temps de la comptabilité du groupe, les fonctions de ressources humaines étant confiées à une autre personne, de plus un futur contrôleur de gestion doit s'occuper de la finance et des analyses budgétaires.

Un nouvel arrêt de travail est intervenu le 24 janvier 2012.

Enfin, un mail du 28 juin 2012, postérieur à la rupture conventionnelle, fait état de la part du supérieur hiérarchique d'une discussion au cours de laquelle il aurait été proposé au salarié un poste de chef comptable car 'nous n'étions pas satisfait de ton travail'.

L'analyse de l'ensemble de ces éléments ne fait pas présumer l'existence d'un harcèlement moral dès lors qu'un 'burn out' allégué et non médicalement constaté, les médecins reprenant le terme d'état anxio-dépressif sans indiquer s'il est ou non en relation avec les conditions de travail, ne fait pas présumer, ipso facto, un harcèlement moral.

Par ailleurs, l'employeur a tenu compte des doléances du salarié en allégeant sa charge de travail pour lui permettre de se consacrer à l'aspect comptable de sa fonction de cadre.

Enfin, le mail du 28 juin 2012 ne constitue pas une menace de rétrogradation dès lors que la discussion est intervenue à une date non précisée, que ce rappel est postérieur à la date de rupture conventionnelle, rupture que le salarié demandait lui-même, en mars 2012, pour pouvoir quitter l'entreprise (pièce n°22).

De plus, ce mail précise que la proposition intervient dans le cadre de la remise en cause de la qualité du travail fourni.

En conséquence, en l'absence d'un harcèlement moral établi, la demande de dommages et intérêts sera rejetée et le jugement confirmé.

Sur la rupture conventionnelle :

En l'absence de harcèlement moral et alors qu'aucun autre vice du consentement n'est allégué, la demande de nullité de la rupture conventionnelle, comme le moyen relatif à la prescription de cette demande, deviennent sans objet.

Sur les heures supplémentaires :

Le salarié demande paiement d'un rappel d'heures supplémentaires en arguant qu'il n'avait pas le statut de cadre dirigeant.

L'article L. 3111-2 du code du travail dispose que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titre II et III, soit la durée du travail, la répartition et l'aménagement des horaires ainsi que les repos et les jours fériés.

Ce même texte précise que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilité dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Il appartient de rechercher la fonction réellement occupée au regard des trois critères légaux, sans être lié par la classification des emplois prévue à la convention collective applicable.

En l'espèce, le contrat de travail daté du 7 juillet 2009 décrit les missions du salarié comme 'directeur financier et ressources humaines'. Il est ajouté que les fonctions seront exercées sous la responsabilité du président de la société et que le salarié participera, en collaboration avec la direction générale, à la mise en oeuvre de la politique administrative, ressource humaine et financière arrêtée par cette dernière.

La rémunération comprend une partie fixe de 55 000 € par an soit 4 583 € brut par mois et une prime de 5 000 € dite prime sur objectif faisant l'objet d'une lettre de mission ou d'un avenant spécifique.

Le contrat a été conclu avec la société ETME (européenne de technologie mécanique et électrotechnique) puis le contrat a été transféré à la société DP conseils et participations, holding du groupe Accedia incluant notamment les sociétés ETME, SEPTAM et CER.

L'employeur démontre que le salarié avait deux supérieurs hiérarchiques, MM D... et E..., qu'il a participé aux comités de direction d'ETME en 2011 (pièces n°4 à 15) et qu'il avait délégation de pouvoir de la société SEPTAM (pièce n°16) pour le fonctionnement de compte, les opérations de marché et les opérations de financement et d'émission de tous engagements spécifiés comme les avances et crédits, une délégation des sociétés ETME et ETME investissements pour le fonctionnement des comptes, pour la société DP conseil et participations ainsi que pour une SCI.

Le relevé des frais généraux (pièce n°18) concernant les cadres des sociétés du groupe montre que sa rémunération annuelle était parmi la plus élevée, sur 20 personnes, seules 6 avaient une rémunération supérieure.

Dans son profil (pièce n°23), le salarié se présente comme ayant acquis une vision globale de la politique qu'une entreprise doit mener pour atteindre ses objectifs.

Par ailleurs, le salarié a admis avoir une charge de travail très importante (pièce n°3) à laquelle il pouvait difficilement faire face, ce qui impliquait, au regard de l'emploi effectivement exercé, une autonomie dans la prise de décision et dans l'organisation de son travail.

Enfin, le salarié n'apporte pas la preuve de ce qu'il devait rendre compte au préalable ou n'avait aucune autonomie, le seul fait de se voir retenir en février et mars 2010 des rémunérations pour absences exceptionnelles ou le retrait, en mai 2011, d'un jour de congés payés au titre de la journée de solidarité n'étant pas suffisants pour exclure le statut de cadre dirigeant.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient d'en déduire que le salarié avait le statut de cadre dirigeant et qu'il ne peut obtenir le paiement d'heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour l'absence de contrepartie obligatoire en repos ni d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur la prime sur objectif :

Le salarié a perçu une prime sur objectif en 2009 et 2010. Le paiement de celle-ci lui a été refusé en 2011 et en 2012, au prorata temporis.

L'employeur ne produit aucun objectif pour les deux années litigieuses et se réfère à un mail de M. D... (pièce n°20) qui justifie ce refus compte tenu des absences et des insuffisances, non décrites, et que lors de la rupture conventionnelle ce point n'était ni mentionné ni n'avait été discuté.

Cependant, en l'absence d'objectif défini par avenant spécifique ou lettre de mission, et à défaut d'insuffisances justifiées ou imputables au salarié, les 'problèmes de ressources humaines' dont il est fait état dans les conclusions, page 39, n'étant ni détaillés ni démontrés, et la proposition de rectification de l'administration fiscale étant indifférente par rapport à d'éventuel objectifs, le paiement de cette prime est dû.

Son montant sera fixé à 6 500 € ainsi que 650 € d'indemnité compensatrice de congés payés, ce qui implique l'infirmation du jugement sur ce point.

Sur les autres demandes :

1°) Les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt, avec capitalisation.

2°) La demande de remise d'un bulletin de paie sera accueillie en ce qu'elle correspond au paiement du rappel de prime et rejetée sur l'attestation Pôle emploi.

La demande d'astreinte sera également écartée faute d'établir un risque de non-délivrance ou un retard dans cette délivrance.

3°) Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'employeur et le condamne à payer au salarié la somme de 2 000 €.

L'employeur supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

- Confirme le jugement du 5 avril 2016 sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de M. X... en paiement de la prime d'objectif et la remise d'un bulletin de salaire rectificatif;

Statuant à nouveau sur ces chefs :

- Condamne la société DP conseils et participations à payer à M. X... les sommes de 6 500 € ( Six mille cinq cents euros) à titre de primes d'objectif pour 2011 et 2012, au prorata temporis, et 650 € (Six cent cinquante euros) d'indemnité compensatrice de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et capitalisation de ces intérêts ;

- Dit que la société DP conseils et participations devra délivrer à M. X... un bulletin de paie correspondant au paiement de ces primes et de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

Y ajoutant :

- Rejette les autres demandes ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société DP conseils et participations et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 000 euros (Deux mille euros) ;

- Condamne la société DP conseils et participations aux dépens d'appel ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 16/06383
Date de la décision : 26/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°16/06383 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-26;16.06383 ?
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