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21/06/2018 | FRANCE | N°17/18226

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 21 juin 2018, 17/18226


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 21 JUIN 2018



(n°349, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/18226



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Septembre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° [...]



APPELANTE



Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PARIS 17 ETOILE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]



N° SIRET : 315 843 326



Représentée et assistée par Me Didier X..., avocat au barreau de PARIS, toque : C0924



INTIMEES



SAS PARFEUM représentée par son pré...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 21 JUIN 2018

(n°349, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/18226

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Septembre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° [...]

APPELANTE

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE PARIS 17 ETOILE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

N° SIRET : 315 843 326

Représentée et assistée par Me Didier X..., avocat au barreau de PARIS, toque : C0924

INTIMEES

SAS PARFEUM représentée par son président, Madame Sandra Y...

[...]

[...]

N° SIRET : 808.111.827.

SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de Maître D... C... es qualités de mandataire judiciaire de la société PARFEUM

[...]

N° SIRET : 533.357.695.

SELARL AJRS anciennement dénommée B... Z... E..., prise en la personne de Maître B... Z... es qualités d'administrateur judiciaire de la société PARFEUM

[...]

N° SIRET : 510.227.432.

Représentées par Me Matthieu F... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistées par Me Noémie G... A... H... A... AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0561

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bernard CHEVALIER, Président, et Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard CHEVALIER, Président

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bernard CHEVALIER, Président et par Aymeric PINTIAU, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Parfeum est titulaire de divers comptes courants au sein de la Caisse de Crédit Mutuel de Paris 17 Etoile.

Le 27 juillet 2016, elle s'est vue consentir par la Caisse de Crédit Mutuel de Paris 17 Etoile un prêt d'une somme d'environ 2,1 millions d'euros remboursable en 84 mensualités (7 ans), dont 12 mois de franchise en capital.

La société Parfeum a sollicité l'ouverture d'une procédure de conciliation auprès du président du tribunal de commerce de Paris afin de lui permettre de négocier avec ses principaux créanciers et rechercher de nouveaux financements. Le président a accueilli la demande de conciliation le 7 avril 2017.

Lors de cette procédure de conciliation un des principaux créanciers a engagé une procédure contentieuse à l'encontre de la société Parfeum en procédant à une saisie conservatoire sur ses comptes bancaires auprès du Crédit Mutuel à hauteur de 395 031,06 euros, saisie conservatoire dont il sera donné ultérieurement mainlevée.

Le Crédit Mutuel a , en conséquence de cette saisie, rendu les fonds de la société Parfeum indisponibles, pendant 15 jours.

Le 1er août 2017 le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Parfeum, désignant comme administrateur la SELARL AJRS, en la personne de Maître B... Z..., et comme mandataire judiciaire la SELARL Actis Mandataires Judiciaires en la personne de Maître Stéphane I....

Maître Z..., administrateur désigné par le tribunal pour assister la société Parfeum, a informé par courrier en date du 25 août 2017 la caisse de Crédit Mutuel de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Parfeum, et a demandé à ce dernier de procéder au virement des sommes inscrites sur le compte bancaire s'élevant à 395 031,06 euros vers la banque Delubac.

Cette dernière, par courriel du 31 août 2017, a refusé de faire droit à la demande. En effet, elle s'est prévalue de ses conditions générales annexées au contrat par lesquelles elle a obtenu un nantissement et du droit de rétention prévu à titre d'accessoire au nantissement en cas d'ouverture d'une procédure collective.

La société Parfeum a alors fait délivrer à la Caisse de Crédit Mutuel de Paris 17 Etoile, le 7 septembre 2017 une assignation en référé devant le président du tribunal de commerce de Paris, et ce pour l'audience du lendemain, 8 septembre 2017.

Aux termes de cette assignation la société Parfeum demandait au président du tribunal de commerce de Paris :

- d'enjoindre la banque de libérer la somme de 1 175 351,75 euros, en justifiant de cette libération dans un délai de 24 heures à compter de la date de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte ;

- d'ordonner à la banque de réaliser sans délai au profit de la banque Debulac l'ensemble des ordres de virement qui lui seront adressés par la société ;

- de condamner la banque à lui payer la somme provisionnelle de 100 000 euros à titre de dommages intérêts, et celle de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile..

Par ordonnance contradictoire en date du 19 septembre 2017, le président du tribunal de commerce, a :

- enjoint à la Caisse de Crédit Mutuel de Paris 17 Etoile de libérer les sommes constituant les soldes créditeurs des comptes ouverts dans ses livres au nom de la société Parfeum sous les numéros [...], [...], [...], 060470020843105 et [...] dans les deux jours ouvrés de la signification de l' ordonnance, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard pendant soixante jours, passé lesquels il sera de nouveau fait droit ;

- décidé de ne pas se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- ordonné à la Caisse de Crédit Mutuel de Paris 17 Etoile d'exécuter sans délai les ordres de virement que la société Parfeum lui adressera au profit de la banque Debulac, dont la société Parfeum lui communiquera les coordonnées ;

- jugé qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande de la société Parfeum de condamner la Caisse de Crédit Mutuel de Paris 17 Etoile à lui payer la somme provisionnelle de 100 000 euros à titre de dommages intérêts ;

- condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Paris 17 Etoile à payer à la société Parfeum la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné en outre la Caisse de Crédit Mutuel de Paris 17 Etoile aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 65,17 euros TTC dont 10,65 euros de TVA.

Par déclaration en date du 2 octobre 2017, la Caisse de Crédit Mutuel de Paris 17 Etoile a relevé appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 27 novembre 2017, la Caisse de Crédit Mutuel de Paris 17 Etoile demande à la cour, sur le fondement des articles 482 et 872 du code de procédure civile, de :

- déclarer son appel recevable ;

En conséquence,

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en celle par laquelle le premier juge a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Parfeum visant à obtenir une somme de 100 000 euros à titre de provision sur dommages intérêts ;

statuant à nouveau sur les points en cause,

- constater d'une part que, n'étant pas saisi du principal, le juge des référés ne peut se prononcer sur l'interprétation d'un acte, d'autre part que les demandes formées par la société Parfeum se heurtent à des contestations sérieuses notamment basées sur les textes en réalité applicables et des décisions de justice, de troisième part que le trouble qu'évoque la société Parfeum n'est pas manifestement illicite au sens de l'article 873 du code de procédure civile, dans la mesure où la situation résulte d'une convention et de l'application de la loi, et que le dommage imminent dont elle veut se prémunir n'autorise pas le juge des référés, qui n'est pas saisi du principal en raison de l'article 484 du code de procédure civile, à statuer sur le fond ;

en conséquence,

- dire n'y avoir lieu à référé, et inviter la société Parfeum à mieux se pourvoir ;

subsidiairement,

- constater d'une part que le nantissement de compte stipulé à l'acte est conforme aux dispositions de l'article 2356 du code civil, car il est exprimé par écrit, désigne la créance garantie et la créance nantie, constater d'autre part que les notions de compensation ou de paiement préférentiel sont étrangères au fond du litige et ne peuvent utilement être invoquées par la société Parfeum car l'application des dispositions des articles 2360 et 2364 du code civil ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 622 7 du code de commerce ;

en conséquence,

- débouter la société Parfeum de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Parfeum à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Parfeum en tous les dépens.

Elle a fait valoir en substance les éléments suivants :

- C'est à tort que le premier juge, s'est fondé sur les dispositions de l'article 873 du code de procédure civile pour prendre sa décision car le trouble qu'évoque la société Parfeum n'est manifestement pas illicite au sens de l'article précité, dans la mesure où la situation résulte d'une convention et de l'application de la loi, et le dommage imminent dont elle veut se prémunir n'autorise pas le juge des référés, qui n'est pas saisi du principal en raison de l'article 484 du code du procédure civile, à statuer sur le fond.

- Subsidiairement, et en toute hypothèse, la demande n'est pas fondéeau regard des clauses du contrat ;

- L'inopposabilité du gage visée par l'art L622-7 du code de commerce ne s'applique pas aux nantissements de meubles incorporels. Le droit de rétention résultant du nantissement de comptes figurant dans les contrats de prêts de la banque est donc parfaitement opposable aux procédures collectives;

- Le droit de rétention de la banque continue de s'appliquer en vertu du nantissement convenu jusqu'à ce que la créance soit exigible ou jusqu'au remboursement total de la créance, et il ne saurait y avoir versement des fonds à la procédure collective. Les arrêts de cour d'appel cités par la société Parfeum n'ont pas de lien avec le présent débat, car pour l'essentiel elles traitent d'une compensation ou d'un paiement préférentiel, qui n'existent pas au cas d'espèce.

Les sociétés Parfeum, AJRS et Actis Mandataires Judiciaires en qualité de mandataire judiciaire de la société Parfeum, par conclusions transmises par voie électronique le 26 décembre 2017, demandent à la cour, sur le fondement des articles 872 et 873 alinéa 2 du code de procédure civile, des dispositions des articles du livre VI du code de commerce, 2287 et 2360 et suivants du code civil, de :

- dire et juger que la mesure de rétention des sommes figurant sur les comptes de la société Parfeum au jour du jugement d'ouverture prévue aux conditions générales du contrat de prêt du Crédit Mutuel se heurte aux dispositions d'ordre public applicables aux procédures collectives et notamment aux articles 2287 du code civil et L622 7 et suivants du code de commerce;

- dire et juger que la mesure de rétention litigieuse constitue à la fois un trouble manifestement illicite et présente un risque de dommage imminent ;

en conséquence :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Paris, le 19 septembre 2017 ;

- rejeter l'ensemble des demandes formulées par le Crédit Mutuel ;

- condamner le Crédit Mutuel à payer à la société Parfeum la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le Crédit Mutuel aux entiers dépens.

Elles exposent en résumé ce qui suit :

- Le juge des référés a le pouvoir et le devoir de suspendre la mesure de rétention litigieuse. Cette dernière constitue un trouble manifestement illicite. En effet, l'article 2360 du code civil, s'il permet de fixer l'assiette de la garantie prise par le créancier et de déclarer sa créance à titre privilégiée, ne lui permet en aucun cas de se prévaloir d'un droit de rétention sur ces sommes à l'encontre d'une société au cours d'une procédure de redressement judiciaire.

- Les règles de procédure collectives privent de toute efficacité l'article 2364 du code civil

qui par application de l'article 2287 de ce même code, s'efface derrière les effets du jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, laquelle procédure entraîne l'application des dispositions de l'article L622-7, L622-21 et L622-29 du code de commerce;

- L'article L622-13 alinéa 1 du code de commerce pose le principe selon lequel toute clause contractuelle diminuant les droits ou aggravant les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en redressement judiciaire est interdite. En effet, les clauses valant rétention conventionnelle sont sanctionnées par la jurisprudence;

- Au surplus, le droit de rétention dont se prévaut le Crédit Mutuel doit être anéanti pour écarter tout risque de dommage imminent. En effet, l'affectation du solde créditeur de la société redressée et appelante d'un montant de la somme de 1 175 351,75 euros au jour du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire sur un compte spécial à titre de nantissement, a nécessairement eu de lourdes conséquences financières et des répercussions sur son exploitation et sa pérennité au regard de son endettement et de sa trésorerie disponible.Au moment du blocage des fonds, elle n'avait pas d'autres comptes bancaires ouverts dans un autre établissement bancaire, ce qui rendait très compliqué la poursuite de son activité.

- Le rejet des moyens de la banque Crédit Mutuel. Celle-ci énonce qu'il existe une contestation sérieuse et que le juge des référés n'a pas compétence pour interpréter le contrat. D'une part, il convient d'écarter le moyen de contestation sérieuse puisque la violation des dispositions applicables en cas de procédure est non équivoque et relève de l'évidence. D'autre part, il ne s'agit pas en l'espèce pour le juge d'interpréter les dispositions prévues par le contrat mais de les confronter aux règles du droit des procédures collectives, ces dernières écartant la faculté de rétention prévue au contrat en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

- Les décisions produites mettent en avant la prévalence des dispositions du Livre VI sur la mise en jeu des sûretés. Le fait que ces décisions puissent régler des situations où la compensation est invoquée ne retire en rien à la substance de ces arrêts qui posent le principe d'inapplication des dispositions de l'article 2364 alinéa 2 en cas de procédure collective.

MOTIFS

Il convient de constater à titre liminaire que la décision entreprise n'est pas contestée en ce qu'elle a rejeté la demande de condamnation provisionnelle de la Caisse de Crédit Mutuel au paiement de la somme de 100000 euros de dommages-intérêts présentée en première instance par l'intimée.

L'article 873 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut dans les limites de la compétence du tribunal de commerce, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il est constant que tout en déclarant sa créance, la Caisse de Crédit Mutuel de Paris 17 Etoile a isolé au crédit d'un sous-compte 'fonds bloqués' les fonds figurant sur les comptes courants de la société Parfum pour un montant de 1 175351,75 euros.

La clause litigieuse sur laquelle Crédit Mutuel fonde sa position est ainsi rédigée:

«Conformément aux articles 2355 et 2366 du code civil, l'emprunteur remet en nantissement au profit du prêteur , à titre de sûreté, le compte sur lequel sont ou seront domiciliés les remboursements du crédit objet des présentes, et plus généralement l'ensemble des comptes présents ou futurs ouverts sur les livres du prêteur, ceci sans préjudice de toute autre garantie spécifique qui pourrait le cas échéant être spécialement affectée par ailleurs à la garantie de ce crédit.

L'emprunteur déclare qu'il n'a consenti à ce jour aucun autre nantissement ou droit quelconque sur ses comptes et qu'il s'interdit de les nantir au profit d'un tiers sans l'accord préalable du prêteur .

Ce nantissement est consenti en garantie du paiement et du remboursement de toutes sommes en capital, intérêts frais et accessoires dues au titre du crédit présentement consenti.

Conformément à la loi et sauf convention contraire entre l'emprunteur et le prêteur, le nantissement ainsi convenu n'entraînera pas le blocage des comptes de l'emprunteur.

Celui-ci pourra disposer des sommes retracées sur ces comptes sans avoir à solliciter l'accord préalable du prêteur; Cependant,en constituant ce nantissement, l'emprunteur accorde au prêteur le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur les comptes ainsi nantis.Le prêteur sera donc en droit d'opposer le nantissement à tout tiers qui pratiquerait une mesure conservatoire ou d'exécution sur les comptes nantis, ou qui revendiquerait un droit quelconque sur ces comptes au prejudice des droits du prêteur.

De même, le prêteur pourra se prévaloir du nantissement en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde , de redressement judiciaire , de liquidation judiciaire ou d'une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers et sera donc en droit d'isoler sur un compte special bloqué à son profit sur les soldes créditeurs des comptes nantis existant à la date du jugement déclaratif d'ouverture de la procédure collective'.

Les règles relatives aux procédures collectives sont d'ordre public.

L'article 2287 du code civil énonce expressément à cet égard que les dispositions du livre concerné ne font pas obstacle à l'application des règles prévues en matière d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas d'ouverture d'une procédure de traitement d'une situation de surendettement.

Les dispositions du code de commerce prévoient notamment que l'ouverture de la procédure collective emporte interdiction de régler toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture à l'exception du paiement par compensation de créances connexes (article L622-7 du code de commerce) et ne rend pas exigibles les créances non encore échues à la date de son prononcé.

L'article L622-13 du code de commerce dispose encore que nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture de sauvegarde, ce texte étant applicable au redressement judiciaire au terme du renvoi opéré par l'article L631-14 du même code.

La clause litigieuse, qui permet à l'organisme prêteur de séquestrer les fonds figurant sur les comptes de l'emprunteur, aboutit à l'autoriser, alors même qu'il n'existait encore aucune mensualité impayée ni même aucune créance exigible en raison du différé prévu pour les remboursements, à préléver sur les comptes une partie du capital prêté par voie de compensation et opère comme une résiliation unilatérale du contrat de prêt en contrariété avec les dispositions de l'article L622-13 précité.

La Société Crédit Mutuel ne peut par ailleurs asseoir sa position sur les dispositions de l'article 2364 alinéa 2 aux termes desquelles ' dans le cas contraire (à savoir lorsque la créance n'est pas encore échue), le créancier conserve à titre de garantie les sommes payées au titre de la créance nantie sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité à les recevoir à charge pour lui de les restituer si l'obligation garantie est exécutée. En cas de défaillance du débiteur de la créance garantie et huit jours après une mise en demeure restée sans effet, le créancier affecte les fonds au remboursement de sa créance dans la limite des sommes impayées'

Il faudrait en effet admettre qu'une banque accordant un prêt à un emprunteur avec nantissement sur le compte bancaire de ce dernier pourrait en application de l'article précité isoler et bloquer les sommes figurant sur les comptes bancaires de l'emprunteur sur un autre compte, annihilant par là-même l'objet du prêt.

Il convient d'écarter ce texte inapplicable dans le cas de l'ouverture d'une procedure collective.

Enfin l'article 2360 du code civil lequel dispose en son deuxième alinéa qu' 'en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, ou d'une procedure de traitement des situations de surendettement des particuliers contre le constituant, les droits du créancier portent sur le solde du compte à la date du jugement d'ouverture 'concerne l'assiette de la garantie que pourra faire valoir le créancier dans le cadre de sa déclaration de créance.

Il convient donc d'en conclure que les parties intimées ont justement fait valoir que le blocage opéré par la partie appelante qui aboutit à vider de son sens le potentiel de la procédure de redressement judiciaire justifiait que le juge des référés prenne les mesures décidées , tant pour faire cesser un trouble manifestement illicite que pour prévenir un dommage imminent, ce dommage imminent n'étant autre que la liquidation judiciaire à venir en cas d'impossibilité pour l'entreprise de fonctionner faute de fonds disponibles.

Il convient donc pour la cour de confirmer purement et simplement les dispositions de l'ordonnance entreprise.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Le sort des dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ont été exactement réglés par le premier juge. Il convient de confirmer l'ordonnance entreprise de ce chef.

La partie appelante succombant dans son appel en supportera les dépens.

Elle sera par ailleurs condamnée à payer à la Caisse de Crédit Mutuel une indemnité de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions;

CONDAMNE la Caisse de Crédit Mutuel de Paris 17 Etoile aux dépens;

La CONDAMNE également à payer à la société Parfeum la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procedure d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/18226
Date de la décision : 21/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°17/18226 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-21;17.18226 ?
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