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19/06/2018 | FRANCE | N°16/24674

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 19 juin 2018, 16/24674


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 19 JUIN 2018



(n° 296 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/24674



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/07604





APPELANTE



S.A FRAGECO

[...] de Nèfles

97490 SAINTE CLOTILDE



N° SIRET

: 383 846 714



Représentée et plaidant par Me Bernard X... de l'AARPI X... & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082





INTIMÉES



SELARL OLIVIER Y... - H... Z..., prise en la personne de son r...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 19 JUIN 2018

(n° 296 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/24674

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/07604

APPELANTE

S.A FRAGECO

[...] de Nèfles

97490 SAINTE CLOTILDE

N° SIRET : 383 846 714

Représentée et plaidant par Me Bernard X... de l'AARPI X... & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082

INTIMÉES

SELARL OLIVIER Y... - H... Z..., prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

N° SIRET : 485 340 393

Représentée par Me Thomas A... de la SCP A... & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

Ayant pour avocat plaidant Me Marie-José G... B... la SCP A... & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

SCP C... F... par Me Xavier C..., pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société PEYREBERE INVEST

[...]

PARTIE INTERVENANTE

SELARL ACTIS es qualité de liquidateur judiciaire des sociétés FLOREAL INVEST, PRAM INVEST et MAHEBOURG INVEST

[...]

Représentée par Me Pascal D... de la SCP Société Civile Professionnelle d'Avocats D... ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Anne LACQUEMANT, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne LACQUEMANT dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Déborah TOUPILLIER

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

*****

La société Frageco est associée des sociétés du groupe Invest (Sociétés Mahebourg Invest, Peyrebere Invest et Floréal Invest) ayant pour activités principales l'achat, la vente, la détention et le gestion de biens immobiliers ainsi que la réalisation de toutes opérations de marchand de biens.

Les sociétés du groupe Invest, qui rencontraient des difficultés financières notamment pour rembourser les prêts immobiliers que leur avait consentis la Banque française, ont saisi le président du tribunal de commerce par requête du 7 novembre 2008 aux fins de voir nommer un mandataire ad'hoc sur le fondement de l'article L. 611-3 du code de commerce.

Il a été fait droit à leur requête par ordonnances du 12 novembre 2008 et la Selarl Bauland Gladel & E... prise en la personne de Me Carole E..., mandataire judiciaire, a

été désignée ès qualités de mandataire ad'hoc avec pour mission d'assister le dirigeant des sociétés dans ses négociations avec la Banque française aux fins d'obtenir un aménagement et un rééchelonnement des dettes permettant la vente aux meilleures conditions des biens immobiliers détenus par les sociétés. Cette mission a été renouvelée à plusieurs reprises.

Des biens immobiliers des sociétés ont été vendus en 2010 avec la participation de la Selarl Olivier Y... & Anthony Z..., notaire à Paris.

La société Frageco, arguant de l'absence de remboursement du montant de ses comptes-courants d'associé à l'exception de deux paiements de 250 000 euros et 50 000 euros effectués le 17 novembre 2009 par les sociétés Peyrebere Invest et Floréal Invest, a fait citer la Selarl de notaires Olivier Y... & Anthony Z..., selon acte d'huissier du 24 juin 2010, devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir paiement de la somme de 821 711 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, en se prévalant de la lettre que lui avait adressée Me Y... le 12 février 2008 et soutenant que ce dernier avait alors pris à son égard un engagement irrévocable et autonome de paiement.

Le 19 septembre 2011, la Selarl Olivier Y... & Anthony Z... a fait assigner les sociétés Floréal Invest, Peyrebere Invest, Mahebourg Invest et Pram Invest en intervention forcée.

Parallèlement, une procédure de liquidation judiciaire était ouverte par le tribunal de commerce de Paris, par jugements en date des 3 octobre et 8 novembre 2012, à l'encontre de chacune des trois sociétés du groupe Invest, la procédure de la société Floréal Invest étant étendue à la société Pram Invest par jugement du 29 avril 2014.

La Selarl Actis ès qualités de liquidateur des sociétés Floréal Invest, Pram Invest et Mahebourg Invest est intervenue à l'instance devant le tribunal de grande instance de Paris. La Scp C... Daudé ès qualités de liquidateur de la société Peyrebere a été attraite à la procédure.

Par ordonnance du 16 mai 2012, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a sursis à statuer jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur le litige opposant les sociétés du groupe Invest à la société Frageco.

La cour d'appel de Paris par arrêt du 4 juin 2013 a fixé les créances de la société Frageco au passif de la liquidation judiciaire de la société Floréal Invest à la somme de 584 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2010 et au passif de la liquidation judiciaire de la société Peyrebere Invest à la somme de 48 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2010. La cour a retenu que la société Frageco ne pouvait prétendre détenir la moindre créance sur la société Mahebourg Invest.

Par jugement du 21 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté les demandes de la société Frageco formée à l'encontre de la Selarl Olivier Y... & Anthony Z... et l'a condamnée à payer à celle-ci la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Frageco a formé appel de ce jugement selon déclaration du 8 décembre 2016.

Par dernières conclusions du 4 avril 2018, elle demande à la cour de réformer le jugement, de dire que Me Y... a commis une faute en refusant d'exécuter l'ordre de paiement irrévocable reçu de sa cliente ou subsidiairement en n'informant pas la société Frageco de la révocation prétendue du mandat, de le condamner en conséquence à lui payer la somme de 821 711 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2010, à lui rembourser la somme de 4 000 euros versée au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris et à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel outre intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2010.

Par dernières conclusions du 5 mars 2008, la Selarl Olivier Y... & Anthony Z... demande à la cour de confirmer le jugement, de rejeter toutes les demandes formulées par la société Frageco, y ajoutant, de la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Frageco a dénoncé sa déclaration d'appel, selon actes d'huissier délivrés le 21 avril 2017 à personne habilitée, à la Scp C... F..., liquidateur de la société Peyrebere Invest, et à la Selarl Actis, liquidateur des sociétés Floréal Invest, Pram Invest et Mahebourg Invest, qui n'ont pas constitué avocat.

Avant l'ouverture des débats, l'ordonnance de clôture prononcée le 6 mars 2018 a été révoquée et une nouvelle clôture a été rendue.

SUR CE,

La société Frageco fonde ses demandes à l'encontre de la Selarl de notaires Y... & Z... sur la lettre que lui a adressée cette dernière le 12 février 2008, soutenant qu'aux termes de celle-ci, le notaire a souscrit à son égard l'obligation d'exécuter l'ordre irrévocable reçu de ses mandants de la rembourser du montant de ses comptes-courants et intérêts sur les premières ventes réalisées par l'étude, que le mandat ainsi donné au notaire emportait délégation de créance, le notaire étant le débiteur délégué, la société Frageco le créancier délégataire tandis que les sociétés Invest étaient les délégantes, que le mandat donné étant irrévocable, il ne pouvait être révoqué, étant relevé qu'il n'a pas été justifié d'une révocation dudit mandat. L'appelante fait valoir, à titre subsidiaire, qu'à supposer que le mandat confié à Me Y... puisse être révoqué, le notaire, qui s'était personnellement obligé, avait le devoir de l'informer de la révocation du mandat, ce qui lui aurait permis de se prévaloir du caractère irrévocable dudit mandat et de prendre les dispositions nécessaires pour obtenir le paiement des sommes dues. Elle ajoute que la lettre du notaire l'a trompée et l'a privée de la possibilité de préserver ses droits et de mettre en oeuvre les mesures de recouvrement qui s'imposaient alors qu'elle était dans l'ignorance de la situation du groupe Invest.

La Selarl Y... & Z... conteste l'existence d'un engagement autonome et personnel du notaire qui n'a écrit à la société Frageco qu'en sa qualité de mandataire des sociétés du groupe Invest et la délégation de créance tardivement invoquée par l'appelante. Elle soutient que seules les sociétés débitrices s'étaient engagées à payer et que le mandat qui lui avait été donné a été valablement révoqué, ce dont la société Frageco était informée en sa qualité d'associée, précisant qu'elle n'est quant à elle débitrice d'aucune obligation d'information envers cette dernière qui est un tiers aux rapports qu'elle entretient avec ses mandantes. Elle ajoute que la société Frageco ne démontre pas qu'une somme de 868 497 euros serait disponible sur les prix des ventes intervenues et fait en outre observer que les créances de celle-ci à l'encontre des sociétés Floréal Invest et Peyrebere Invest ayant été fixées par la cour d'appel aux termes de son arrêt du 4 juin 2013 aux sommes de 584 000 euros et 48 000 euros, le préjudice prétendu ne saurait excéder ces montants. Enfin, elle soutient que le préjudice de la société Frageco ne pourrait constituer qu'une perte de chance d'avoir pu se voir désintéresser par l'exécution du mandat et que ce préjudice n'est pas actuel dès lors qu'il n'est pas démontré que les procédures collectives des sociétés Floréal Invest et Peyrebere Invest seraient clôturées.

La lettre du 12 février 2008 adressée par la Selarl Y... & Z... au dirigeant de la société Frageco est ainsi libellée :

«Cher Monsieur,

Suite à notre entretien du 5 février dernier, je vous confirme être chargé de la vente des biens immobiliers appartenant aux sociétés suivantes :

SAS Floréal Invest

SAS Peyrebere Invest

SAS Mahebourg

SAS Pram Invest

Nous avons reçu l'ordre irrévocable de rembourser à la société Frageco les comptes courants et les intérêts dus qui sont respectivement en principal (agios à parfaire le jour du paiement au taux légal)

Floréal 600 000 euros

Peyrebere 298 000 euros

Mahebourg 16 000 euros

Belle-Mare 16 000 euros.

Il a été décidé que ces comptes-courants vous seront remboursés sur les fonds de la première vente et il nous a été demandé que ce paiement résulte de la comptabilité de l'étude.

Pour votre information, nous nous sommes déjà rapprochés du comptable qui doit nous faire parvenir les intérêts au 29 février 2008.

Restant à votre entière disposition».

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il ne ressort pas des termes de cette lettre que le notaire ait souscrit un engagement personnel et autonome envers la société Frageco de payer les sommes dues par les sociétés Floréal Invest, Peyrebere Invest, Mahebourg et Pram Invest. Me Y... a seulement informé la société Frageco du mandat qu'il avait reçu de ces dernières sociétés de lui rembourser le montant de ses comptes-courants sur le prix des ventes qu'il était chargé de recevoir. Contrairement à ce que soutient la société Frageco, en acceptant ce mandat, le notaire n'a pris d'engagement de l'exécuter qu'envers ces mandantes, qui seules pourraient se prévaloir à son encontre de l'ordre qu'elle lui avait donné, et non envers la société Frageco. Si la lettre du 12 février 2008 mentionnait «un ordre irrévocable», cet engagement était pris par les sociétés débitrices et non par le notaire. Par ailleurs, en vertu de l'article 2004 du code civil, le mandant peut toujours révoquer le mandat donné et la question de la révocation du mandat ne concerne que les rapports du mandant et du mandataire sous réserve des dispositions de l'article 2005 du code civil qui n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce en l'absence d'opérations effectuées entre le mandataire et le tiers au contrat de mandat qu'est la société Frageco. La société Frageco n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'il n'est pas démontré que le mandat n'a pas été révoqué alors que les sociétés mandantes attraites à la cause n'ont pas démenti cette révocation, laquelle résulte au demeurant des choix effectués par les sociétés Invest à compter du mois de novembre 2008 et des décisions prises sous l'égide du mandataire ad'hoc aux fins de trouver un accord avec la Banque française pour rembourser les prêts consentis par cette dernière et tenter de régler le passif aux fins d'éviter l'ouverture d'une procédure collective.

La société Frageco ne peut utilement invoquer à la fois l'existence d'un mandat et d'une délégation de créance et soutenir que le mandat donné au notaire emporte en l'espèce délègation de créances alors que ces deux notions sont distinctes et inconciliables. Les éléments d'une telle délégation, fût-elle imparfaite, ne résulte au demeurant pas des termes de la lettre du 12 février 2012 qui ne comporte ni l'intention des sociétés débitrices de donner à la société Frageco un autre débiteur, ni l'acceptation d'une telle délégation par le notaire qui ne s'est pas engagé à payer sur ses deniers la créance de la société Frageco.

Enfin, le mandataire qui n'est pas tenu d'une obligation d'information envers les tiers quant à l'exécution de son mandat, ainsi que les premiers juges l'ont encore retenu à bon droit, ne saurait voir sa responsabilité engagée au motif qu'il n'a pas avisé la société Frageco de la révocation de ce mandat.

Le jugement mérite par conséquent d'être confirmé en toutes ses dispositions.

La société Frageco qui succombe doit être condamnée aux dépens. Pour des motifs d'équité, il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile, toute demande formée de ce chef étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

C onfirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Frageco aux dépens.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/24674
Date de la décision : 19/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°16/24674 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-19;16.24674 ?
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