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19/06/2018 | FRANCE | N°16/07932

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 19 juin 2018, 16/07932


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 19 Juin 2018

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/07932



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SENS RG n° 15/00031





APPELANT

Monsieur Miloud X...

[...]

né le [...] à ALGERIE (99352)

comparant en personne, assisté de M. Saïd Y... (Délégué

syndical ouvrier)







INTIMEE

SAS USP NETTOYAGE

Immeuble Le Bau dran Bat B

[...]

représentée par Me Gabriel Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : C1801







COMPOSITION D...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 19 Juin 2018

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/07932

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SENS RG n° 15/00031

APPELANT

Monsieur Miloud X...

[...]

né le [...] à ALGERIE (99352)

comparant en personne, assisté de M. Saïd Y... (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE

SAS USP NETTOYAGE

Immeuble Le Bau dran Bat B

[...]

représentée par Me Gabriel Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : C1801

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Valérie AMAND, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Valérie AMAND, faisant fonction de présidente

Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller

Madame Jacqueline LESBROS, conseillère

Greffier : Mme Caroline GAUTIER, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Valérie AMAND, conseillère faisant fonction de présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Monsieur Miloud X... né le [...] a été embauché par le groupe services industries le [...] en qualité d'agent de nettoyage dans les trains ; son contrat a été transféré aux diverses entreprises titulaires du marché de nettoyage et en dernier lieu à la société USP Nettoyage. Il était affecté à un chantier à Migennes (89).

Le salarié a été victime d'un accident du travail le 15 février 2013 affectant un orteil droit; il a été en arrêt maladie jusqu'en septembre 2014.

Le 22 avril 2013, la caisse primaire maladie a notifié au salarié la consolidation de son état de santé issu de son accident du travail avec effet rétroactif au 14 avril 2013 ; le salarié a contesté cette décision par courrier à la CPAM en date du 7 mai 2013 sans que soit connue la suite donnée à ce courrier ; le salarié a continué à être en arrêt de travail jusqu'au 1er août 2014 date à laquelle le médecin du travail a indiqué "pas de fiche d'aptitude délivrée car en arrêt de travail actuellement".

Lors de la visite de reprise du 8 septembre 2014, le médecin du travail a déclaré en une seule visite, le salarié "inapte au poste actuel en une seule visite. En raison du danger immédiat pour la santé de l'intéressé à la reprise de travail il ne sera pas procédé à une deuxième visite à 15 jours d'intervalle. Peut être reclassé sur un poste sans port de charges de plus de 5 kg, sans station debout ou marche prolongée de plus d'une heure d'affilée et sans postures antécé...le reste illisible".

Par courriers en date des 3 octobre, 23 octobre et 4 novembre 2014, la société USP Nettoyage a proposé trois postes de reclassement refusés par le salarié.

Après convocation à un entretien préalable, Monsieur X... a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier en date du 21 novembre 2014.

Contestant son licenciement, Monsieur X... a saisi le 3 février 2015 le conseil de prud'hommes de Sens en paiement d'indemnités de rupture.

Par jugement en date du 26 mai 2016, le conseil de prud'hommes de Sens a :

- dit que la société USP Nettoyage n'a commis aucun manquement à son obligation de reclassement

- dit que l'inaptitude de Monsieur X... ne présente pas d'origine professionnelle

- débouté Monsieur X... de toutes ses demandes

- débouté la société USP Nettoyage de ses demandes reconventionnelles

- dit n'y avoir lieu à dépens.

Le 30 mai 2016, Monsieur X... a fait appel de ce jugement.

Moyens et prétentions des parties

Par conclusions visées par le greffier, Monsieur X... demande à la cour de :

- Condamner la société USP Nettoyage à payer à Monsieur X... les sommes suivantes:

* 25 944 euros au titre de la nullité du licenciement

* 4 321 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 432,10 euros à titre de congés payés sur préavis

* 18975,41 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement

* 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner la société USP Nettoyage aux dépens.

Il soutient que la société USP Nettoyage aurait dû appliquer le régime protecteur du salarié victime d'un accident du travail dès lors que l'inaptitude était d'origine professionnelle au moins partiellement et que l'employeur en avait connaissance, peu important l'avis de la CPAM du 22 avril 2013 ; que faute de consultation des délégués du personnel le licenciement est nul ; il ajoute subsidiairement que l'employeur a méconnu son obligation de reclassement en sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par conclusions visées par le greffier, la société USP Nettoyage demande à la cour de juger par confirmation du jugement déféré qu'elle n'a pas commis de manquement à son obligation de reclassement et que l'inaptitude du salarié n'a pas d'origine professionnelle même partielle ; qu'en tout état de cause, à supposer l'origine professionnelle avérée, elle n'en n'avait pas connaissance et qu'il convient donc dedébouter l'appelant de toutes ses prétentions, de le condamner au paiement des dépens et de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties la cour se réfère aux écritures susvisées soutenues oralement par les parties à l'audience des débats.

Motivation

Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude

Selon l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige "Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail."

Il appartient à Monsieur X... qui revendique l'application de ce régime de démontrer que son inaptitude constatée par le médecin du travail le 8 septembre 2014 a une origine professionnelle et que l'employeur en avait connaissance.

La cour observe qu'aucune des parties ne verse les arrêts maladies de 2013 et de 2014 ; que si la CPAM a retenu la consolidation de l'état de santé du salarié consécutif à son accident du travail avec effet rétroactif au 14 avril 2013, le salarié produit le volet 2 du formulaire d'accident du travail et maladie professionnelle de demande d'indemnité temporaire d'inaptitude complété par le médecin du travail lequel précise avoir établi le 8 septembre 2014 un avis d'inaptitude " qui est susceptible d'être en lien avec l'accident du travail".

Ce document dont l'employeur a eu connaissance, ne serait-ce que parce que la CPAM a écrit à la société intimée le 19 septembre 2014 pour donner un avis contraire en considérant que "les éléments en ma possession ne me permettent pas de conclure à un lien entre l'inaptitude prononcée et l'accident ci-dessus référencé et précise notifier au salarié un refus de sa demande d'indemnisation temporaire d'inaptitude", montre qu'à tout le moins le lien entre l'inaptitude du salarié avec son premier accident était fait par le médecin du travail, ce dont avait connaissance l'employeur, qui ne pouvait se contenter de l'avis de la CPAM qui ne s'impose pas à la cour compte tenu de l'autonomie du droit de la sécurité sociale.

En outre, au vu des restrictions médicales de l'avis d'inaptitude, et notamment de l'interdiction de la station debout ou marche prolongée de plus d'une heure d'affilée, l'inaptitude du salarié apparaît comme ayant une origine au moins partiellement professionnelle et causée au moins partiellement par l'accident du travail de février 2013, peu important que le salarié ait en outre souffert du dos.

Dans ces conditions, la cour retient que la preuve est suffisamment rapportée par le salarié de l'origine partiellement professionnelle de son inaptitude et de la connaissance de cet état par l'employeur qui savait son salarié en arrêt continu depuis son accident du travail du 15 février 2013.

L'employeur devait donc en application de l'article L.1226-10 du code du travail solliciter l'avis des délégués du personnel avant toute proposition de poste de reclassement, ce dont la société USP Nettoyage ne justifie pas.

Cette carence rend le licenciement de Monsieur X... sans cause réelle et sérieuse et entraîne les sanctions de l'article L. 1226-15 du code du travail.

En l'absence de demande de réintégration de la part du salarié, ce dernier est fondé à obtenir:

- une indemnité ne pouvant être inférieure à douze mois de salaire ; en l'espèce, contrairement à ce qu'indique la société USP Nettoyage qui ne prend pas en compte, à tort, le salaire tel que versé avant les arrêts maladie du salarié, il ressort de l'attestation Assedic qu'elle a elle-même remplie que le salaire de référence à retenir est de 2 160, 50 euros comme correspondant à la moyenne des trois derniers mois de salaire de la période travaillée, dans la limite de la demande du salarié ; il convient donc de verser au salarié la somme de 25 944 euros comme le demande le salarié ;

- une indemnité égale à celle prévue par l'article L.1234-5 du code du travail correspondant à deux mois de salaire compte tenu de l'ancienneté du salarié ; il convient de lui allouer à ce titre une somme de 4 321 euros ; comme le fait valoir à juste titre l'employeur, cette somme n'ayant pas la nature d'une indemnité compensatrice de préavis n'ouvre pas droit à des congés payés afférents ;

- une indemnité spéciale de licenciement équivalente au double de l'indemnité de licenciement sous réserve que conformément à l'article L. 1226-14 du code du travail le salarié n'ait pas abusivement refusé les postes de reclassement proposés.

A cet égard, la cour observe que l'employeur n'invoque pas ce refus abusif dans la lettre de licenciement ; en outre, l'employeur a offert un poste d'agent de surveillance de Bobigny sans modification de sa rémunération ; mais ce poste qui imposait au salarié une modification de secteur géographique a été refusée sans abus ; la seconde offre concerne un poste sur Migennes dans son secteur géographique couplant des tâches de nettoyage en gare et un contrôle qualité dans les trains ; ce poste a été refusé sans abus de la part du salarié dans la mesure où les opérations de nettoyage risquaient de se heurter aux restrictions médicales et qu'il appartenait à l'employeur de vérifier auprès du médecin du travail dans quelle mesure ce poste était compatible avec les restrictions médicales sans pouvoir se contenter du courriel du médecin du travail du 4 novembre 2014 lui indiquant " le poste de reclassement envisagé doit être proposé à Monsieur X... . Si celui-ci accepte ce poste, vous devez me faire parvenir la fiche de poste détaillée. Ensuite je prévoirai une étude de poste et je reverrai Monsieur X... en visite pour juger de son aptitude à ce poste et qu'il se prononcerait sur la compatibilité du poste une fois que le salarié l'aurait accepté" ; en effet pour que la proposition de reclassement soit sérieuse, il faut que le salarié soit certain avant d'accepter que le poste soit compatible avec son état de santé, ce qui n'est pas établi en l'espèce ni pour la seconde offre ni pour la troisième offre.

Par suite l'employeur n'a pas démontré le caractère abusif du refus par le salarié de ces trois offres de reclassement.

L'indemnité spéciale de licenciement est due au salarié en application de l'article L.1226-14 du code du travail ; au vu de l'indemnité légale déjà versée par l'employeur au salarié de plus de trente ans d'ancienneté soit la somme de 18 975,41 euros, Monsieur X... se verra allouer la somme de 18 975,41 euros au titre du complément dû de l'indemnité spéciale de licenciement.

Sur les autres demandes

L'issue du litige conduit la cour à condamner la société USP Nettoyage aux dépens de première instance et d'appel et à verser à Monsieur X... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à débouter la société USP Nettoyage de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Dit que le licenciement de Monsieur X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamne la société USP Nettoyage à payer à Monsieur X... les sommes suivantes :

- 25 944 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 4 321 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 18975,41 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société USP Nettoyage aux dépens de première instance et d'appel

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 16/07932
Date de la décision : 19/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°16/07932 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-19;16.07932 ?
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