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19/06/2018 | FRANCE | N°16/01249

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 19 juin 2018, 16/01249


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 2 - Chambre 1





ARRÊT DU 19 JUIN 2018





(n° 292 , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 16/01249





Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/14560








APPELANTS





Monsieur Hacène X...




[...]





né le [...] à AZOUNENE (Algérie)








Madame Louiza Y... épouse X...


[...]





née le [...] à BOUIRA (Algérie)








Monsieur Raphaël-Louis X...


[...]





né le [...] [...]

Madame Zoé X....
née [...]


[......

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 19 JUIN 2018

(n° 292 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/01249

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/14560

APPELANTS

Monsieur Hacène X...

[...]

né le [...] à AZOUNENE (Algérie)

Madame Louiza Y... épouse X...

[...]

née le [...] à BOUIRA (Algérie)

Monsieur Raphaël-Louis X...

[...]

né le [...] [...]

Madame Zoé X....
née [...]

[...]

Représentés par Me Charles-hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Ayant pour avocat plaidant Me Georges PETIT, avocat au barreau de Paris, toque E480

INTIMES

Monsieur François B...

[...]

Représenté et plaidant par Me Philippe BERN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0984

SELAFA C...-Z...-A....-B... prise en la personne de ses représentants légaux y domiciliés

[...]

Représentée par et plaidant Me Philippe BERN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0984

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Anne LACQUEMANT, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur HOURS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Déborah TOUPILLIER

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

*****

Le 10 juin 2002, M. Hacène X..., son épouse, Mme Louiza Y... et leurs enfants, M. F..., X... et Mme D..., X... (les consorts X...) ont, à parts égales (200 actions chacun), constitué, avec l'assistance de Me François B..., avocat, membre de la Selafa C...-Z...-A....-B..., une société holding familiale, la Sarl Apollo-Nord, au capital de 8000 euros.

Le 2 juillet 2002, la société Appolo-Nord et les époux X... ont, respectivement pour 96 % et 4 %, acquis l'intégralité des actions de la SARL Hôtel Apollo, propriétaire de l'hôtel Appolo, sis [...] , au prix de 2 022 000 euros (505,50 euros l'action), financé notamment par un prêt de 1 540 000 euros de la Banque populaire Nord de Paris.

Le 24 septembre 2006, M. et Mme X... ont chacun cédé à la société Apollo Nord les 80 parts qu'ils détenaient dans la société Hôtel Apollo, au prix de 1 220 euros (15,25 euros l'action).

Le 30 septembre 2006, la transmission universelle du patrimoine de la société Hôtel Apollo, devenue Sas, dont la liquidation anticipée a été décidée, a été opérée au profit de la holding société Apollo-Nord, devenue à cette occasion la société Apollo.

Le 22 septembre 2008, une promesse de cession des parts de cette société a été signée par les consorts X... au profit de la société Val Hôtel France (société Valotel).

Le 19 février 2009, les consorts X... ont cédé à la société Valotel, au prix total de 2380252 euros, l'intégralité des actions de la société Apollo.

Les consorts X... ont déclaré à l'administration, au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2009, la plus-value qu'ils estimaient avoir réalisée au titre de cette dernière cession, à savoir, une somme de 358 252 euros (différence entre le prix de cession à Valotel et le prix d'acquisition des parts de la SAS hôtel Apollo).

L'administration fiscale a contesté ce montant, estimant que la plus-value s'élevait à la somme de 2 372 252 euros (différence entre le prix de cession à Valotel et 8 000 euros, valeur des parts de la Sarl Appolo Nord). Elle a ainsi fixé l'impôt sur la plus value à 357606 euros pour M. et Mme X..., 178 196 euros pour Mme D... X... et 162 261 euros pour M. F... X..., soit au total, 698 063 euros.

Les consorts X..., imputant cette rectification à un défaut d'information et de conseil de leur avocat, Me B..., l'ont fait assigner, le 9 septembre 2013, ainsi que la Selafa C...-Z...-A....-B..., devant le tribunal de grande instance de Paris, en responsabilité et paiement de l'essentiel du montant des impôts, pénalités et intérêts de droit, qu'ils ont dû acquitter au titre de ces opérations.

Par jugement du 9 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris, tout en retenant un défaut d'information et de conseil de Me B... au moment de la transmission universelle de patrimoine du 30 septembre 2006, a débouté les consorts X... de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.

Il a considéré que n'était pas rapportée la preuve d'un préjudice résultant de manière certaine et directe de ce manquement au devoir de conseil ou à tout le moins d'une perte de chance d'avoir à régler une moindre imposition au titre de la plus-value que tôt ou tard les demandeurs auraient dû régler.

Les consorts X..., qui ont interjeté appel de cette décision, demandent à la cour, dans leurs conclusions du 14 février 2017, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a rappelé que reposait sur l'avocat une obligation d'informer son client des incidences fiscales d'une opération ainsi que la charge de la preuve de l'exécution de cette obligation pour considérer que Me B... a manqué à son devoir de conseil ;

- réformer le jugement en ce qu'il a considéré que tôt ou tard les demandeurs auraient dû régler l'imposition au titre de la plus-value réalisée et ce quel que soit le montage considéré ;

- condamner la Selafa C...-Z...-A....-B... à payer :

- à M. et Mme X... la somme de 357606 euros ;

- à M. F... X..., la somme de 162261 euros ;

- à Mme D... X..., la somme de 178196 euros ;

- condamner la Selafa C...-Z...-A....-B... à leur payer la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Selafa C...-Z...-A....-B... en tous les dépens.

Me B... et la Selafa d'avocats demandent à la cour, dans leurs conclusions du 16 janvier 2017, de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que Me B... a manqué à son devoir de conseil ;

- confirmer ce jugement en ce qu'il a considéré que, faute de rapporter la preuve du préjudice invoqué, les consorts X... devront être déboutés de leurs demandes et condamnés aux dépens ;

- débouter en tout hypothèse les consorts X... de tous leurs chefs de demande ;

- condamner les consorts X... solidairement à payer à la Selafa C...-Z...-A....-B... et M. François B..., à chacun, 6 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE,

Considérant que les consorts X... soutiennent que :

- un avocat spécialisé en droit des sociétés comme Me B..., conseillant un client dans le cadre d'un 'montage' de société ou d'une opération de transmission universelle de patrimoine, doit prendre en compte la question de la fiscalité ;

- le montage initialement mis en place selon lequel les consorts X... possédaient des titres de la SARL Apollo Nord laquelle détenait elle-même les titres de la société hôtelière Apollo, s'il avait été maintenu, aurait permis, en cas de vente des titres de la société filiale Apollo, une exonération de 95 % du montant de la plus-value réalisée par la société holding ;

- Me B... aurait dû leur indiquer que la transmission de patrimoine décidée aurait des conséquences fiscales en cas de cession de l'hôtel et aboutirait à rendre taxable la plus-value réalisée lors de la vente de l'hôtel ;

- la capacité de réinvestissement des consorts X... a été amputée de l'impôt dont ils ont dû s'acquitter, soit la somme de 698 063 euros, ce qui les a conduits à contracter un emprunt beaucoup plus important que celui qui était prévu ;

- s'ils avaient été informés de l'incidence fiscale de la transmission universelle de patrimoine, ils auraient conservé la société holding existante pour éviter de supporter l'imposition à leur niveau;

Considérant que Me B... et la Selarl dont il fait partie soutiennent que :

- le cabinet d'avocat Selafa-C...-Z...-A....-B... spécialisé en droit commercial, a assuré le suivi juridique des deux sociétés ; n'étant pas fiscaliste, il n'a jamais assuré le suivi fiscal, qui était fait par l'expert comptable des appelants ;

- la suggestion de Me B... d'opérer une transmission universelle du patrimoine de la SAS Apollo à la société holding Apollo Nord répondait au souhait de M. X... de réduire les frais de comptabilité et de secrétariat juridique ;

- le fait générateur de l'impôt litigieux n'est pas l'opération de 2006 qui s'est faite en suspension de droit, mais celle de 2009 ; lors de la transmission universelle de patrimoine, M. X... n'avait pas informé l'avocat de son souhait de réinvestir dans des hôtels, mais plutôt dans l'acquisition de murs ;

- s'ils avaient procédé au rachat par l'une des sociétés des titres de l'autre en ne payant qu'une faible taxe, au lieu d'une fusion des deux sociétés, ils auraient dû payer cette 'faible taxe' alors que l'opération qu'ils ont effectuée s'est faite en suspension de droit et en tout état de cause, tôt ou tard, lors de la réalisation des titres de la société holding, ils auraient eu à payer l'impôt sur la plus-value qu'ils déplorent ;

- les demandeurs ne démontrent pas que l'avantage financier que leur a procuré la conservation du montant de l'imposition dans leur patrimoine, est inférieur au montant des intérêts de retard réclamés ;

- les appelants ne justifient pas avoir effectivement réglé les sommes dont ils demandent le remboursement à titre d'indemnités ;

Considérant qu'un avocat spécialisé en droit des sociétés, consulté sur un montage juridique, doit, en vertu de son obligation de conseil, ainsi que le tribunal l'a rappelé, nécessairement en envisager les conséquences fiscales immédiates et aussi celles prévisibles ; qu'il doit en informer son client et être en mesure de justifier de cette information ;

Considérant que Me B... a été à l'origine du montage d'une société holding familiale acquérant la quasi-totalité (86 %), puis la totalité d'une société hôtelière ;

Considérant qu'interrogé, comme il le soutient, par M. X..., sur la possibilité de diminuer les frais afférents au fonctionnement de ces deux sociétés, il ne conteste pas avoir conseillé une transmission du patrimoine de la société hôtelière à la société holding, la disparition de la structure détenant l'hôtel au profit de la seule société holding emportant la conséquence qu'en cas de cession des parts de cette société holding, la plus-value serait calculée par comparaison entre la valeur initiale de ces parts, sans que soit pris en compte la valeur du bien récupéré, et celle correspondant à leur prix de vente;

Considérant que Me B... qui n'a pas informé ses clients des conséquences fiscales prévisibles de cette transmission de patrimoine en cas de vente des parts de la société holding, alors qu'au surplus il avait été consulté pour rédiger le compromis d'achat d'un autre bien, a manqué à son obligation d'information et de conseil et engagé sa responsabilité professionnelle envers les appelants ;

Considérant que les consorts X... ont manifestement perdu une chance certaine, s'ils avaient été complètement informés, de maintenir le montage initial leur permettant de différer l'imposition sur la plus-value, aussi longtemps qu'eux-mêmes ne décideraient pas de vendre leurs parts de la société holding familiale ; qu'ils démontrent avoir engagé ensuite une autre opération de rachat d'un hôtel pour laquelle, ils ont dû emprunter une somme plus importante que ce n'aurait été le cas sans le redressement ;

Considérant que ce préjudice, qui s'analyse ainsi en la perte de chance de ne pas réaliser la transmission universelle de patrimoine, ne peut en aucun cas être égal à la totalité de la somme de 698063 euros correspondant au montant du redressement infligé par l'administration fiscale en principal et pénalités, mais seulement à une part de celle-ci;

Considérant qu'au vu des éléments dont elle dispose, la cour fixe le préjudice correspondant directement à la faute commise par Me B... au tiers des redressements infligés ; qu'en conséquence la Selafa C...-Z...-A....-B..., dont seule la condamnation est réclamée, doit être condamnée à payer à :

- M. et Mme Hacène X..., la somme de 119202 euros ;

- à M. F... X..., la somme de 54087 euros ;

- à Mme D... X..., la somme de 59399 euros ;

Considérant que la Selafa C...-Z...-A....-B... d evra en outre verser aux consorts X..., ensemble, la somme de 10000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ; qu'elle supportera les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

- infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 décembre 2015 ;

- statuant à nouveau et y ajoutant, condamne la Selafa C...-Z...-A....-B... à payer:

- à M. et Mme Hacène X..., la somme de 119202 euros ;

- à M. F... X..., la somme de 54087 euros ;

- à Mme D... X..., la somme de 59399 euros ;

- aux consorts X..., ensemble, la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

- les dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/01249
Date de la décision : 19/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°16/01249 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-19;16.01249 ?
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