La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2018 | FRANCE | N°15/25083

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 19 juin 2018, 15/25083


Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 19 JUIN 2018



(n° 291 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/25083



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/18007





APPELANTE



Madame Laurence X... épouse Y...

[...]



née le [...] [...]

r>
Représentée par Me Michel Z... de la SELARL Z... ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Ayant pour avocat plaidant Me Audrey A... de la SELARL A... D... STOLOFF BOINET & ASSOCIES, avocat au barr...

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 19 JUIN 2018

(n° 291 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/25083

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/18007

APPELANTE

Madame Laurence X... épouse Y...

[...]

née le [...] [...]

Représentée par Me Michel Z... de la SELARL Z... ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Ayant pour avocat plaidant Me Audrey A... de la SELARL A... D... STOLOFF BOINET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0349

INTIMEE

SCP LE GONIDEC DE KERHALIC - KOENIG - GAUDRY - CHEVAL - BONNET

[...]

N° SIRET : 325 775 955

Représentée et plaidant par Me Barthélemy B..., avocat au barreau de PARIS, toque : E0435

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Anne LACQUEMANT, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Christian HOURS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Déborah TOUPILLIER

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

*****

M. Claude X... et Mme Josette C... étaient mariés sous le régime de la communauté universelle, selon contrat de mariage en date du 15 novembre 1982.

M. X... possédait notamment toutes les parts de l'Eurl Omnium Claude X... dont il était le fondateur.

M. X... et Mme C... sont décédés, respectivement les [...], laissant pour leur succéder leurs trois filles : Laurence, Isabelle et Nathalie.

Ces dernières ont, le 11 avril 2012, demandé à la SCP de notaires Le Gonidec de Kerhalic, Koenig, Gaudry, Cheval et Bonnet de mener à bien les opérations successorales.

Cette étude a établi les actes suivants :

- un acte de notoriété,

- un inventaire des biens immobiliers de Mme C...,

- une attestation de propriété immobilière,

- une déclaration de succession,

- une délivrance de legs verbal,

- une liquidation de la réserve,

- un certificat de propriété des parts sociales de l'Eurl Omnium Claude X....

Le 6 mars 2013, les comptes de la succession ont fait apparaître, au titre des émoluments dus à la SCP de notaires pour les opérations de succession, une provision de 408 013,29 euros dont 186 200 euros pour la seule rédaction du certificat de propriété des parts sociales, somme prélevée sur le compte de l'indivision successorale.

Le 12 avril 2013, Mme Laurence X..., épouse Y..., a adressé à la chambre des notaires une demande d'explications écrites afférente aux émoluments prélevés par la SCP de notaires.

Le 18 novembre 2013, alléguant un manquement du notaire à son obligation d'information et de conseil et la rédaction d'un certificat de mutation inutile, elle a fait assigner la SCP de notaires en responsabilité et restitution de la somme inutilement réglée.

Par jugement du 28 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Paris, retenant que le notaire en charge de la succession, tenu d'assurer l'efficacité des actes successoraux auxquels il participe, doit non seulement procéder aux formalités de publicité qu'ils impliquent, mais aussi rédiger 1'acte qui en sera le support nécessaire, n'a pas rédigé un acte inutile, de sorte que Mme Y... a été déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens.

Elle a interjeté appel de cette décision, réitérant pour l'essentiel ses prétentions de première instance.

Par arrêt du 3 mai 2017, la cour d'appel de Paris, retenant que l'établissement d'un acte de mutation des parts sociales de la société Omnium Claude X... au profit de Josette X..., le 30 octobre 2012, n'était pas utile et qu'il n'a au surplus pas été fourni à Mme Y... une information préalable sur les raisons de son établissement alors même que le coût en était particulièrement élevé, a :

- déclaré Mme Y... recevable à agir en responsabilité et indemnisation de son préjudice personnel,

- infirmé le jugement du 28 octobre 2015, en ce qu'il a débouté Mme Y... de ses demandes,

- statuant à nouveau, dit que la SCP Le Gonidec de Kerhalic Koenig Gaudry Cheval Bonnet a commis une faute en établissant un acte inutile et en manquant à son obligation d'information et de conseil et l'a condamnée à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, ordonnant la réouverture des débats sur le préjudice matériel afin que les parties présentent leurs observations et fournissent un décompte tenant compte de l'incidence fiscale de la majoration du passif de la succession de Josette X... par les émoluments en cause, tout en réservant les dépens et les frais irrépétibles.

Aux termes de ses dernières conclusions du 26 mars 2017, Mme Y... demande à la cour:

- d'ordonner à titre de dommages-intérêts la restitution par l'intimé de la somme de 62 067€ TTC en principal entre ses mains, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2012, soit la somme de 68 802,10 euros arrêtée au 27 juin 2017 ;

- en tout état de cause, d'ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- de débouter la SCP de notaires de l'intégralité de ses demandes ;

- de la condamner à lui verser la somme de 66606,30 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec distraction au profit de la Selarl A... D... Stoloff & Associes (In Extenso Avocats) prise en la personne de Me Hervé A..., en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 19 février 2018, la SCP de notaires demande à la cour de:

- dire que le préjudice subi par Mme Laurence Y... ne saurait excéder la somme de 37240,20 euros ;

- condamner l'appelante aux entiers dépens de l'instance et dire que Me B..., avocat, pourra, en application de l'article 699 du code de procédure civile, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.

SUR CE,

Considérant que Mme Y... soutient que :

- son préjudice est constitué de l'ensemble des honoraires perçus indûment par la SCP de notaires, le fait que le montant des droits de succession ait été diminué mécaniquement par l'effet de la minoration de l'actif successoral étant indifférent ;

- en juger différemment aboutirait à faire une confusion entre les bénéficiaires de ces créances qui ne sont pas les mêmes, s'agissant d'une part de l'appelante et d'autre part de l'administration fiscale ;

- en vertu de l'article 1235 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu » ; il y aurait enrichissement sans cause en cas de décision de minorer le montant du préjudice de Mme Y... par la prise en compte de l'économie fiscale ;

- en excluant du passif de la succession les honoraires afférents à l'acte litigieux, il en ressort une économie d'impôt de 27930 euros, qui aurait dû revenir aux impôts et qui ne leur est pas revenu par la faute de la SCP de notaires ; le délai de prescription de trois ans de l'action du service des impôts pour recouvrer est expiré, de sorte que la SCP de notaires ne réglera jamais le montant de l'impôt dû ;

- il en va de la bonne administration de la justice qu'elle percoive sa quote-part d'honoraires perçus indûment ;

- elle est fondée à réclamer, au titre des frais irrépétibles, la totalité des frais liés aux honoraires versées à la SCP de notaires Cosson et associés qui l'a accompagnée dans les opérations de vérification de la succession, qui se sont élevés à la somme de 43 461,60 euros, outre les frais et honoraires de ses avocats pour 23144,70 euros ;

Considérant que la SCP de notaires, intimée, réplique que :

- l'appréciation du préjudice doit se faire en vertu des principes de la responsabilité civile, déduction faite de l'impôt de succession qui s'est réduit dans la mesure du montant de l'émolument porté au passif de la succession, soit 186201 euros ;

- eu égard au montant de l'émolument revenu à chacune des héritières, soit 12000000 euros et au taux d'imposition de 40 % supporté par les héritiers, l'incidence fiscale est de:

62067 euros x 40 % = 24826,80 euros, de sorte que le préjudice net du jeu de l'impôt s'élève à 62067 euros - 24826,80 euros = 37240,20 euros ;

- aucun intérêt moratoire n'est susceptible de courir sur ce montant qui est évalué au jour où la cour statue ;

Considérant que ne reste en litige que le montant du préjudice matériel de Mme Y... ;

Considérant que, comme cela a été précisé dans l'arrêt du 3 mai 2017, ce préjudice, auquel peut seul prétendre Mme Y..., ne peut être évalué exactement sans prendre en compte les implications fiscales ;

Considérant que le préjudice matériel de Mme Y... est égal à la somme supplémentaire que la prestation indûment facturée par le notaire l'a amenée à payer, compte tenu de la fiscalité applicable, par rapport à ce qu'elle aurait dû payer si cet acte ne lui avait pas été facturé ;

Considérant dès lors que le préjudice matériel de Mme Y... est du montant de la prestation inutile, soit 62067 euros, diminué du montant de l'imposition qui avait été économisée du fait de la création d'un supplément de passif équivalent ;

Considérant que la SCP de notaires, retenant un taux d'imposition de 40 %, estime que l'incidence fiscale est limité à 24826,80 euros et propose de retenir un préjudice différentiel de 37240,20 euros ;

Considérant qu'il convient de retenir ce chiffrage de l'incidence fiscale, proposé par l'intimé, plus favorable à Mme Y..., qui la chiffrait à 27930 euros sur la base d'un taux d'imposition de 45 %, ce qui minorait son préjudice différentiel ;

Considérant qu'il convient de dire que les intérêts au taux légal devront courir sur cette somme à compter du jour où Mme Y... en a été privée, soit du 30 octobre 2012 ; que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154, devenu 1343-2 du code civil ;

Considérant que la SCP de notaires devra lui verser la somme supplémentaire de 5000 euros pour compenser les frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens; qu'elle devra en outre supporter les dépens d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Hervé A..., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

- condamne la SCP Legonidec de Kerhalic Koenig Gaudry Cheval à payer à Mme Y... la somme de 37240,20 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2012, qui seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154, devenu 1343-2 du code civil ;

- la condamne à payer en outre à Mme Y... la somme de 5 000 euros pour compenser les frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

- la condamne enfin à supporter les dépens d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Hervé A..., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/25083
Date de la décision : 19/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°15/25083 : Autres décisions constatant le dessaisissement en mettant fin à l'instance et à l'action

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-19;15.25083 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award