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14/06/2018 | FRANCE | N°17/17459

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 14 juin 2018, 17/17459


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2





ARRET DU 14 JUIN 2018



(n°328, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/17459



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Juin 2016 -Président du TGI de PARIS - RG n° 16/55640



APPELANTS



Monsieur Thomas X... rédacteur en chef du magazine 'complément d'enquête'

[...]


>Monsieur G... Y... journaliste pour la magazine 'complément d'enquête'

[...]



SA FRANCE TELEVISIONS agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 14 JUIN 2018

(n°328, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/17459

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Juin 2016 -Président du TGI de PARIS - RG n° 16/55640

APPELANTS

Monsieur Thomas X... rédacteur en chef du magazine 'complément d'enquête'

[...]

Monsieur G... Y... journaliste pour la magazine 'complément d'enquête'

[...]

SA FRANCE TELEVISIONS agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentée par Me Alain Z... de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque:L0044

Assistés de Me Eric I..., avocat au barreau de PARIS, toque : R47

INTIMES

Monsieur Benjamin A...

[...]

Représenté et assisté par Me Richard B..., avocat au barreau de PARIS, toque:D1721

SAS A... H... agissant poursuites et diligences de son président du Directoire domicilié [...]

Représentée par Me Frédéric C... de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Mai 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Bernard CHEVALIER, Président

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Denise FINSAC

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bernard CHEVALIER, Président et par Aymeric PINTIAU, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. Benjamin A... est le fils de M Jacques A..., qui a fondé l'entreprise éponyme en 1954. Il est président de la société A... H... et dirigeant des différentes entités composant le groupe A.... Le groupe exploite deux réseaux de salons de coiffure franchisés sous les marques A... et Camille D....

Mme Anabel E... est une ancienne salariée du groupe A....

Le 16 juin 2016, le président du tribunal de grande instance de Paris a autorisé M.A... et la société A... H... à assigner en référé d'heure à heure à son audience du 20 juin 2016 à 15h, la société France Télévisions, ainsi que MM. X... et Y..., journalistes pour le magazine « Complément d'enquête » diffusé sur la chaîne France 2.

A... et la société A... H... demandaient au juge des référés d'ordonner la production aux fins de visionnage du reportage sur le harcèlement sexuel devant être diffusé sur France 2 le 23 juin 2016 à 22 heures 40, de dire qu'à l'issue du visionnage, les débats seraient repris sur les éventuelles mesures d'interdiction de la diffusion des passages portant atteinte à la présomption d'innocence et au droit à l'intimité de la vie privée de A... ainsi qu'à l'image, la marque et la réputation de la société A... H... .

Il était exposé:

-que le 8 juin 2016, M. A... avait été contacté par M. G... Y..., journaliste de la société France Télévisions, réalisant un reportage pour le magazine « Complément d'enquête »;

-que le même journaliste et le rédacteur en chef du magazine « Complément d'enquête », M. Thomas X..., avaient eu ensuite plusieurs contacts avec M.Jean-Baptiste F..., conseil en communication de la société A... H..., et salarié d'Havas Paris;

-que MM. Y... et X... avaient annoncé la diffusion dans le magazine «Complément d'enquête» du 23 juin 2016 d'une séquence consacrée à la société A... H... et M.A... dans le cadre d'un reportage consacré plus généralement au harcèlement, au cours duquel A... serait gravement mis en cause par Mme E....

Dans une ordonnance contradictoire en date du 21 juin 2016, le président du tribunal de grande instance de Paris, a :

- renvoyé l'affaire à une audience fixée au jeudi 23 juin 2016 à 11heures dans les locaux de la 17ème chambre du tribunal de grande instance de Paris ;

- ordonné à la société France Télévisions de produire lors de cette audience du jeudi 23 juin 2016 à 11heures, le reportage consacré au harcèlement sexuel prévu pour être diffusé sur la chaîne de télévision France 2, le 23 juin 2016 à 20h40 dans l'émission Complément d'enquête, afin qu'il soit visionné en présence des parties et de leurs conseils ;

- dit qu'à l'issue de cette mesure, les débats seront repris pour statuer sur les demandes d'interdiction de la diffusion de passages contestés ;

- réservé les dépens.

Par déclaration en date du 21 juin 2016, la société France Télévisions et MM. X... et Y... ont fait appel de cette ordonnance.

Le 1er juin 2017, l'affaire a été radiée.

Les appelants ont réinscrit l'affaire au rôle de la cour par conclusions signifiées le18septembre 2017.

Il sera précisé qu'en vertu de l'ordonnance dont appel, l'audience aux fins de visionnage du reportage et d'examen du bien-fondé de la demande d'interdiction avait été fixée au 23 juin 2016 à 11h, audience à l'issue de laquelle le président du tribunal de grande instance de Paris a prononcé une mesure d'anonymisation des passages litigieux du reportage.

Cette ordonnance du 23 juin 2016 a également été frappée d'appel mais selon une procédure distincte, initialement engagée à jour fixe, qui a également été appelée à l'audience du 1er juin 2017 et suivi le même cheminement.

Cette procédure, enregistrée sous le numéro de RG 17/17462, fait l'objet d'écritures distinctes et a été examinée lors de la même audience.

Aux termes de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 18 septembre 2017, la société France Télévisions, MM. X... et Y... demandent à la cour, sur le fondement des articles 29 alinéa 1er, 53, 55 de la loi du 29 juillet 1881, 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et enfin 809 du code de procédure civile , de :

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 21 juin 2016 ;

Et statuant à nouveau,

- prononcer la nullité de l'assignation délivrée par M. Benjamin A... et par la société A... H... ;

- dire et juger que la partie assignée en diffamation ne peut être privée du délai de 10 jours après la signification de l'assignation pour formuler une offre de preuve ;

- dire et juger qu'en ordonnant le visionnage et la reprise des débats à son issue l'ordonnance contestée n'a pas respecté les délais impératifs pour formuler une offre de preuve ;

- débouter M. A... et la société A... H... de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner M. A... et la société A... à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. A... et la société A... en tous les dépens.

Ils font valoir en substance les éléments suivants :

- La nullité de l'assignation doit être prononcée pour non-respect des dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 et de ses délais impératifs. Le premier juge a retenu à tort que le fait que la société A... H... n'avait pas expressément indiqué poursuivre des faits de diffamation suffisait à rejeter l'application des dispositions de la loi de 1881, alors même qu'elle sollicitait l'interdiction de diffusion de passages qui porteraient atteinte « à l'image et à la réputation de la société A... H... ». Il appartient à cet égard aux juges en application de l'article 12 du code de procédure civile d'apprécier la qualification des faits évoqués par les parties et de restituer aux faits leur exacte qualification;

-La jurisprudence retient que les journalistes doivent en toute hypothèse bénéficier d'un délai de dix jours pour apporter la preuve de la vérité des propos qu'ils ont tenus. En l'espèce, ces délais n'ont pas été respectés tant parce que le juge des référés a décidé d'examiner l'affaire à son audience du 20 juin 2016 que parce qu'il a décidé, dans son ordonnance du 21 juin 2016, qu'à l'issue du visionnage prévu à l'audience du jeudi 23 juin 2016 à 11 heures, les débats seraient repris «pour statuer sur les demandes d'interdiction de la diffusion de passages contestés »;

- La demande de communication préalable et de visionnage formulée par les demandeurs au référé et admise dans son principe par le président du tribunal, en ce qu'elle vise, de manière préventive, à contrôler le contenu du reportage est radicalement contraire à la liberté d'expression. Cette demande est contraire à la jurisprudence européenne qui retient qu'il n'appartient pas aux juridictions nationales de dicter à un journaliste les modalités suivant lesquelles il doit véhiculer une information « l'article 10 protégeant, outre la substance des idées et informations exprimées, leur mode d'expression ».

- Il n'est pas possible de caractériser l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent par une attestation relatant une conversation entre le journaliste et le chargé de communication de la société A... H.... L'allégation d'un dommage ne suffit pas à justifier les demandes formulées si aucune faute ne peut être démontrée. Il ne suffit pas d'établir l'existence d'un dommage mais il convient d'établir une illicéité qui doit être suffisamment patente pour relever, là encore, de l'office du juge des référés. Tel n'était manifestement pas le cas en l'espèce. De plus, la prévention d'un dommage suppose que celui-ci soit établi de manière certaine et non purement éventuelle.

- Il n'y a pas d'atteinte à la vie privée. En effet, les faits pouvant être évoqués visés par le président du tribunal seraient susceptibles, à les supposer établis et dans l'hypothèse où ils porteraient atteinte à la vie privée de M. A..., de relever d'une qualification pénale. Dans ces conditions, il doit être considéré qu'ils sortent de la sphère de la vie privée. De surcroît, M. A... est un personnage public au regard de son poste. La cour européenne rappelle que l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d'expression lorsqu'est en cause une question d'intérêt général. Ce qui est le cas en l'espèce.

M. A..., par conclusions transmises par voie électronique le 23 avril 2018, demande à la cour, sur le fondement des articles 62, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 809 alinéa 1er du code de procédure civile, et les articles 9 et 91 du code civil, de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

- rejeter l'ensemble des demandes formées par les appelants ;

En conséquence,

- condamner la société France Télévisions à lui verser, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose en résumé ce qui suit :

- La décision du premier juge ne peut qu'être confirmée en ce qu'elle a rejeté le moyen de nullité de l'assignation soulevé par les appelants. Le seul emploi du terme «réputation » dans le corps de l'assignation, s'agissant de A... H..., ne saurait entraîner ipso facto l'application des dispositions de la loi sur la liberté de la presse alors qu'aucune des infractions prévues et réprimées par cette loi n'est visée par l'acte introductif, ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge. Par ailleurs, on voit mal comment l'acte pourrait être annulé pour ne pas avoir précisé, articulé et qualifié des propos qui auraient dû, selon les intimés, être poursuivis sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, alors qu'aucun propos n'avait encore été diffusé.

- Le fait d'ordonner le visionnage d'un reportage en présence du juge et des parties, avant sa diffusion à l'antenne, n'est pas en soi interdit par les dispositions légales et conventionnelles et le premier juge a fait une exacte appréciation des textes en mettant en balance les intérêts contradictoires en présence, respectivement protégés par les articles 8 et 10 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En effet, le droit au respect de l'intimité de la vie privée et de la présomption d'innocence est protégé par l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il bénéficie à ce titre d'une valeur équivalente à celle reconnue au principe de la liberté de l'information et mérite une protection juridictionnelle comparable. La jurisprudence européenne n'interdit pas une intervention à priori. L'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile permettant au juge des référés de prendre toutes mesures conservatoires qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent est donc parfaitement applicable en droit de la presse et la demande de visionnage préalable sollicitée et admise par le premier juge n'est donc pas « radicalement contraire à la liberté d'expression »

- En l'espèce, aucune censure n'est davantage encourue puisque le juge des référés a expressément relevé, aux termes d'une motivation de plus d'une page, l'ensemble des éléments « de nature à caractériser le risque d'une atteinte grave aux droits » des intimés « qui ne pourrait être qu'imparfaitement réparée a posteriori ». La diffusion de ces images portant gravement atteinte aux droits à l'intimité de la vie privée et à la présomption d'innocence de l'intimé. Cette diffusion était de nature à constituer un dommage imminent et définitif si les mesures nécessaires n'étaient pas prises.

La société A... H..., par conclusions transmises par voie électronique le6avril 2018, demande à la cour, sur le fondement des articles 62 , 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 809 alinéa 1er du code de procédure civile, et les articles 9 et 91 du code civil, de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

- rejeter l'ensemble des demandes formées par les appelants ;

en conséquence,

- condamner la société France Télévisions à lui verser, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose en résumé ce qui suit :

Elle reprend pour l'essentiel les arguments de A.... Elle ajoute que la diffusion d'images portant gravement atteinte à ses droits à l'image et à sa marque, est de nature à constituer un dommage imminent et définitif si les mesures nécessaires n'étaient pas prises.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la nullité de l'assignation

L'ordonnance entreprise, si elle ne reprend pas dans son dispositif le rejet de l'exception de nullité de l'assignation, a en réalité statué de ce chef, les motifs d'un tel rejet étant dûment repris dans l'ordonnance et l'omission de la mention du rejet dans le dispositif étant le résultat d'une simple erreur.

La cour ne peut que relever à cet égard que la simple évocation dans le cadre de l'assignation de faits susceptibles de porter atteinte à l'honneur ne saurait entraîner ipso facto l'application des dispositions de la loi sur la presse du 29 juillet 1881et plus précisément des dispositions de l'article 53 de cette loi.

La question n'est pas celle du devoir de requalification du juge édictée par l'article 12 du code de procédure civile, comme le soutiennent à tort les parties appelantes

Le présent litige est en effet un référé préventif, qui trouve son fondement dans les dispositions de l'article 809 du code de procédure civile lesquelles permettent au juge des référés de prendre les mesures susceptibles de prévenir un dommage imminent. Il ne saurait être fait grief à l'acte introductif d'instance de ne pas avoir précisé, articulé et qualifié des propos qui auraient dû être poursuivis sur le fondement de la loi de 1881 alors que ces propos n'avaient fait encore et pour cause l'objet d' aucune diffusion lors de l'introduction de l'instance et que les demandeurs ne savaient pas quels propos exacts étaient tenus dans le cadre du reportage.

Dans ce contexte, le moyen tiré du fait que les défendeurs n'ont pas bénéficié du délai qui leur était réservé pour satisfaire à l'exception de vérité est également dépourvu de pertinence.

Il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité de l'assignation.

Sur le bien-fondé de la demande de visionnage du reportage

L'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que le juge, même en présence d'une contestation sérieuse, peut prendre les mesures propres à prévenir un dommage imminent.

Il résulte d'une attestation établie par M. Jean Baptiste F..., conseil en communication de la société A... H..., que M.Benjamin A... a été contacté par M.G... Y... journaliste de France Télévision réalisant un reportage pour le magazine 'complément d'enquête' ; qu'à la suite de ce contact, lui-même a eu, précisément en sa qualité de conseil en communication, plusieurs contacts avec le journaliste concerné et M.Thomas X... et qu'au cours de ces échanges, ces derniers lui ont annoncé la diffusion dans le magazine 'complément d'enquête' du 23 juin 2016 d'une séquence consacrée au harcèlement. F... indique que G... Y... lui a expliqué qu'Annabel E... accusait face aux caméras A... de harcèlement sexuel.

Il ressort de ces éléments, non contestés au demeurant, qu'à la date de la saisine du premier juge, M.Benjamin A... avait appris que l' ancienne salariée l'accusait face aux caméras de harcèlement sexuel.

Il est constant par ailleurs qu'à cette date, M.Benjamin A... faisait l'objet d'une plainte avec constitution de partie civile de la part de Mme E... et qu'il n'avait pas encore été entendu par le magistrat dans le cadre de la procédure d'instruction en cours.

Il est tout aussi constant qu'à cette date, Mme Annabel E... faisait l'objet de deux ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris en date du 30 octobre 2015 pour faits de diffamation, ordonnance rendue à la suite des plaintes des deux parties intimées.

M.Benjamin A... fait état encore de ses relations difficiles avec son père et indique que ce dernier a des liens étroits avec Mme Annabel E..., celle-ci ayant créé une société à l'adresse de Jacques DA... et ce dernier s'étant déjà vu ordonner par une ordonnance de référé en date du 7 novembre 2011 de supprimer d'un opuscule des passages jugés attentatoires à l'intimité de la vie privée de son fils.

Le premier juge a exactement relevé que l'infraction étant relative à des faits de harcèlement sexuel, il était difficile d'évoquer l'affaire sans aborder des faits relevant du domaine protégé par l'article 9 du code civil et qu'au demeurant la plainte de l'ancienne salariée, produite aux débats, reposait sur le contenu de messages appartenant normalement à la sphère protégée de la vie privée.

Il a exactement rappelé que le droit au respect de la vie privée est non seulement protégé par l'article 9 du code civilmais également par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il convient de préciser à cet égard que si M. Benjamin A... est une personne disposant d'une notoriété certaine, il n'est pas un personnage public qui pourrait se voir opposer le droit du public à être pleinement informé de tout ce qui peut avoir une incidence sur la vie publique.

Si la plainte avait déjà été évoquée dans certains médias, notamment par Mediapart et sur RTL, des détails aussi précis que des contenus de SMS n'avaient pas été divulgués.

Dans un tel contexte parfaitement objectivé par les pièces produites, l'annonce d'une diffusion concernant les accusations de Mme E... générait de manière légitime chez les parties requérantes des inquiétudes quant à une présentation excessive des faits et à une atteinte au respect des droits protégés au titre des abus de la liberté d'expression, susceptibles de leur causer un préjudice irrémédiable.

Refuser aux intimés dans un tel contexte de visionner le reportage alors que les requérants justifiaient du sérieux et de l'imminence du dommage qu'ils invoquaient aurait été contraire au principe de l'égalité des armes compris dans la notion de procès équitable inscrite à l'article 6-1 de la convention précitée.

Le visionnage effectué dans cette perspective n'est pas attentatoire à la liberté d'expression dès lors qu'il s'effectue en présence du juge, garant de l'équilibre des droits en conflit, lesquels sont d'égale valeur et méritent une protection équivalente au regard des normes européennes, le contrôle ne s'exerçant pas sur le contenu d'un reportage mais sur la manière dont les parties appelantes ont assuré le respect des droits des parties intimées.

Il convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise.

Sur les dépens et sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Le sort des dépens de première instance, réservé jusqu'à ce qu'il soit statué par la seconde décision, a été exactement réglé par le premier juge.

Les parties appelantes succombant dans leur recours en supporteront les dépens.

Il n'y a pas lieu dans le cadre du présent arrêt de faire une application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile complémentaire à celle qui est faite dans l'arrêt rendu ce même jour.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l'ordonnance entreprise;

CONDAMNE in solidum la société France Télévisions et MM. X... et Y..., aux dépens d'appel;

DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/17459
Date de la décision : 14/06/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-14;17.17459 ?
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