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13/06/2018 | FRANCE | N°15/09787

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 13 juin 2018, 15/09787


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 13 JUIN 2018



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/09787



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2015 - Tribunal de Grande Instance de LYON - RG n° 13/05052





APPELANTES



- SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE

Ayant son siège social : Sai

llant

[...]

N° SIRET : 498 175 868 (CLERMONT-FERRAND)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



- SICA SOCIÉTÉ LAITIERE DES VOLCANS D'AUVERGNE, ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 13 JUIN 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/09787

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2015 - Tribunal de Grande Instance de LYON - RG n° 13/05052

APPELANTES

- SAS SOCIÉTÉ NOUVELLE LAITERIE DE LA MONTAGNE

Ayant son siège social : Saillant

[...]

N° SIRET : 498 175 868 (CLERMONT-FERRAND)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

- SICA SOCIÉTÉ LAITIERE DES VOLCANS D'AUVERGNE, dont le sigle est SLVA, venant aux droits de la SOCIÉTÉ LAITIÈRE DES MONTS D'AUVERGNE

Ayant son siège social : Theix

[...]

N° SIRET : 498 712 983 (CLERMONT-FERRAND)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentées par Me Delphine A..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0023

INTIMÉE

GAEC ARC EN CIEL, anciennement dénommée GAEC DABERT

Ayant son siège social : Fontmarcel

[...]

N° SIRET : 779 284 942 (CLERMONT-FERRAND)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Bruno X... de la SCP X... - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat plaidant : Me Sandrine LEGAY de la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Mai 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Madame Irène LUC, Présidente de chambre

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, rédacteur

Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Dominique MOUTHON VIDILLES dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La Société Nouvelle Laiterie de la Montagne (la SNLM) a pour activité l'achat de lait.

La Société Laitière des Volcans d'Auvergne (la SLVA), venant aux droits par transmission universelle du patrimoine de la Société Laitière des Monts d'Auvergne ( la SLMA), créée le 15 juin 2007, a pour activité la collecte de lait.

Le Gaec Arc en ciel, anciennement Gaec Dabert, est un producteur de lait installé en zone d'appellation d'origine protégée (A.O.P) Saint-Nectaire.

Depuis au moins 2007 et jusqu'au 31 décembre 2011, le Gaec Dabert a vendu sa production laitière à la Société Laitière des Monts d'Auvergne (SLMA), acheteur de lait qui s'occupait également de la collecte de celui-ci aux fins de sa transformation en fromage Saint-Nectaire, sans qu'aucun contrat écrit ne soit formalisé.

Le 2 mai 2011, la SLMA a proposé au Gaec Dabert la conclusion d'un contrat écrit d'achat de lait conforme au décret du 30 décembre 2010, pour une durée de 5 ans et prévoyant notamment une clause de substitution aux termes de laquelle le contrat sera ultérieurement transféré soit à la SLVA, soit à la Laiterie de la Montagne, lui rappelant qu'à défaut de signature, il choisirait de demeurer dans une relation contractuelle non écrite sur la base des conditions actuelles et ce, pour une durée indéterminée, chaque partie souhaitant y mettre fin devant respecter un préavis raisonnable.

Cette proposition de contrat écrit, valable jusqu'au 30 septembre 2011, n'a pas été acceptée par le Gaec Dabert mais les relations commerciales entre les parties se sont poursuivies.

Le 19 décembre 2011, la SLMA a informé le Gaec Dabert qu'à compter du 1er janvier 2012, son acheteur deviendrait la Laiterie de la Montagne, filiale du Groupe Dischamp.

Le 1er janvier 2012, la société Nouvelle Laiterie de La Montagne (SNLM) s'est substituée à la SLMA, comme acheteur, cette dernière ne demeurant que collecteur, rémunéré par l'acheteur.

Le 3 janvier 2012, par lettres recommandées avec accusé de réception adressées à la société SLMA et à la société SNLM, le Gaec Dabert leur a annoncé qu'il cesserait ses livraisons de lait à leur profit, à compter du lundi 9 janvier 2012, la dernière livraison intervenant le samedi 7 janvier 2012, soit avec un préavis de 6 jours.

Les demandes de la SLMA et de la SNLM de voir respecter un délai de prévenance d'au moins 18 mois sont restées vaines.

S'estimant victimes d'une rupture brutale, les SNLM et SLMA ont, par exploit du 11 juillet 2012, assigné le Gaec Dabert devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en indemnisation .

Par ordonnance du 26 mars 2013, le juge de la mise en état de Clermont-Ferrand a constaté l'incompétence du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand au profit du tribunal de grande instance de Lyon.

Par jugement du 25 mars 2015, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- jugé brutale la rupture avec un préavis de 4 jours par le Gaec Dabert du contrat de lait,

-débouté la société Nouvelle Laiterie de la Montagne et la société Laitière des Volcans d'Auvergne, venant aux droits de la société Laitière des Monts d'Auvergne, de leurs demandes indemnitaires sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Nouvelle Laiterie de la Montagne et la société Laitière des Volcans d'Auvergne, venant aux droits de la société Laitière des Monts d'Auvergne, à payer au Gaec Dabert la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Nouvelle Laiterie de la Montagne et la société Laitière des Volcans aux entiers dépens.

LA COUR

Vu la déclaration et les dernières conclusions déposées et notifiées le 24 novembre 2015, par lesquelles la SNLM et de la SLVA, appelantes, invitent la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du code de commerce, 1382 et suivants anciens du code civil, de la loi de modernisation de l'agriculture n°2010/174 du 27 juillet 2010 codifiée aux articles L.631-24 et suivants du code rural et de la pêche maritime, du décret n°2010/1753 du 30 décembre 2010 codifié aux articles R.631-7 et suivants du dit code, et des articles 696 et 699 du code de procédure civile, à :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 25 mars 2015, en ce qu'il a retenu que la rupture du contrat par le producteur de lait était brutale et fautive,

- débouter le producteur Gaec Dabert de son appel incident contre ledit jugement,

- réformer pour le surplus le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 25 mars 2015,

et statuant à nouveau,

sur les dommages et intérêts,

- fixer le délai de préavis de rupture du contrat d'achat de lait de vache du Gaec Dabert à 18 mois, sur la période du 5 janvier 2012 au 5 juillet 2013,

- condamner le Gaec Dabert à payer à la Société Nouvelle Laiterie de la Montagne une somme de 59.164 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier sur la période du 5 janvier 2012 au 5 juillet 2013,

- dire que cette somme portera, en application de l'article 1153 ancien du code civil, intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2012, date de l'assignation introductive d'instance,

- ordonner la capitalisation des intérêts, en application de l'article 1154 ancien du code civil,

- condamner le Gaec Dabert à payer à la Société Laitière des Volcans d'Auvergne venant aux droits de la SLMA et à la Société Nouvelle Laiterie de la Montagne, in solidum, une somme de 15.000€ à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice commercial immatériel, au titre du refus d'appliquer les règles professionnelles du secteur laitier, de la déstabilisation de l'équilibre local A.O.P Saint-Nectaire, de la déloyauté et du dénigrement et de la cession d'un contrat vidé de sa substance,

sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

vu les articles 114, 680, 693, 694, 697 et 698 du code de procédure civile,

vu l'article 1635 bis P du code général des impôts,

- prononcer ou à défaut, constater la nullité des procès-verbaux de signification de jugement du 9 avril 2015 délivrés aux sociétés SNLM et SLVA, à la requête du producteur, en raison de l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public qui a causé grief aux appelantes,

- condamner le Gaec Dabert et à défaut, Me Jérôme Y..., huissier de Justice à Clermont-Ferrand, à payer aux sociétés SNLM et SLVA la somme de 675 € au titre des timbres fiscaux de l'article 1635 bis du code général des impôts et à supporter le coût des significations de jugement du 9 avril 2015,

- condamner le Gaec Dabert à payer à la Société Laitière des Volcans d'Auvergne et à la Société Nouvelle Laiterie de la Montagne , in solidum, une somme de 10.000 € à titre d'indemnité pour frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le Gaec Dabert à supporter tous les frais et dépens de première instance et d'appel, incluant le coût de la sommation du 1er février 2012 et de la signification de jugement du 9 avril 2015, en accordant à Me Delphine Z..., avocat au barreau de Paris, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 6 avril 2018, par lesquelles Gaec Arc en Ciel, intimé ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa de l'article L.442-6 du code de commerce, de :

- déclarer les sociétés Nouvelle Laiterie de la Montagne et Laitière des Volcans d'Auvergne mal fondées en leur appel du jugement rendu le 25 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Lyon,

- les en débouter,

- déclarer le Gaec Arc en Ciel, anciennement Gaec Dabert, recevable et bien fondé en son appel incident,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé brutale la rupture du contrat de lait,

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté les appelantes de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnées au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Nouvelle Laiterie de la Montagne et la société Laitière des Monts d'Auvergne, venant aux droits de la société Laiterie des Monts d'Auvergne, à payer au Gaec Arc en Ciel la somme supplémentaire de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens ;

SUR CE

Sur la demande d'indemnisation de la SNLM pour rupture brutale des relations commerciales établies

La SNLM soutient que la relation commerciale nouée avec le Gaec Arc en ciel, anciennement dénommé Gaec Dabert Frères, puis Gaec Dabert, est établie depuis le mois d'avril 1974. Elle revendique une ancienneté de 37 ans et 9 mois au jour de la rupture intervenue le 9 janvier 2012. Elle se prévaut de la continuité et de la stabilité de la relation commerciale établie à l'origine en 1974 entre le Gaec Dabert Frères et la société Laiterie de Tallende et qui s'est ensuite poursuivie dans un premier temps, avec la Société Laiterie Montferrandaise à partir de 1985, puis dans un deuxième temps, avec la Société Laitière des Monts d'Auvergne (SLMA) à partir de 2007 et enfin dans un troisième temps, avec la Société Nouvelle Laiterie de la Montagne (SNLM) à compter du 1er janvier 2012.

En réplique, le Gaec Arc en ciel conteste toute continuité de la relation commerciale entre ces différentes entités et fait valoir que lorsque le 1er janvier 2012, la SNLM est devenue acheteuse du lait produit par le Gaec Dabert, il s'agissait d'une nouvelle relation commerciale. Il en conclut qu'il n'existait, au jour de la rupture, aucune relation commerciale établie entre la SNLM et lui-même, puisque la lettre de rupture du 3 janvier 2012 est intervenue trois jours seulement après le début des relations.

Concernant la relation commerciale entre le Gaec Dabert et la SLVA, venant aux droits de la SLMA, l'intimé n'en conteste pas le caractère établi du 17 juin 2007 au 19 décembre 2011, date du courrier par lequel la SLMA a mis fin à la relation avec prise d'effet au 1er janvier 2012, mais considère, en substance, que cette relation n'est pas la poursuite de l'ancienne relation qu'elle entretenait avec la SLM.

Si aux termes de l'article L 442-6-I-5° du code de commerce, « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :...5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels », la société, qui se prétend victime de cette rupture, doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d'affaires ayant existé entre elle et l'auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer.

La société SNLM, qui reconnaît n'avoir été directement livrée du lait par le Gaec Dabert, que pour la seule période du 1er janvier 2012 au samedi 7 janvier 2012, soit des relations commerciales directes de 7 jours, requiert que soient prises en compte les relations commerciales entretenues avec le Gaec Dabert par la SLMA à compter de mai 2007 jusqu'au 31 décembre 2011, ainsi que celles entretenues précédemment, depuis 1974, par la même personne morale (Gaec Dabert Frères nouvellement dénommé Gaec Dabert) avec des entreprises tierces (la société Laiterie de Tallende et la Société Laiterie Montferrandaise) de sorte qu'elle se prévaut, au jour de la rupture intervenue le 3 janvier 2012 à effet au 9 janvier 2012, de l'existence de relations commerciales établies depuis 37 ans et 9 mois, ce qui justifierait l'octroi d'un préavis de 18 mois.

Il appartient à la SNLM de rapporter la preuve, à tout le moins, que le 1er janvier 2012, date non contestée de son entrée directe en relation commerciale avec le Gaec Dabert, ce dernier a entendu poursuivre avec elle les relations commerciales qu'il entretenait avec la SLMA depuis 2007.

La société SNLM soutient venir aux droits de la SLMA, comme acheteur du lait du Gaec Dabert, suivant cession du contrat de lait à effet au 31 décembre 2011 (page 9 de ses dernières écritures). Or, la cour constate que ce contrat n'est pas produit aux débats. La société SNLM se prévaut également de l'absence d'opposition et de contestation du Gaec Dabert, à réception du courrier du 2 mai 2011 par lequel elle l'a informé de la cession du contrat de lait au profit de la SNLM, ce courrier d'information étant confirmé par lettre du 19 décembre 2011, ainsi que de la poursuite de la fourniture de son lait à la SLMA jusqu'au 31 décembre 2011, sans dénoncer le transfert du contrat.

Mais, c'est à tort que les premiers juges ont suivi les appelantes dans leur argumentation en retenant que bien que le Gaec Dabert ait refusé de signer le contrat avec clause de substitution de la SNLM à la SLMA, il a néanmoins poursuivi la livraison de son lait en connaissance de la substitution, comme en étant informé par courriers des 2 mai et 19 décembre 2011 à réception desquels il n'a émis aucune opposition ni contestation.

En effet, la cession, à la SNLM, du contrat de lait conclu entre la SLMA et le Gaec Dabert, à la supposer établie, aucun contrat n'étant produit aux débats, n'a pas de plein droit substitué le cessionnaire (la SNLM) au cédant (la SLMA) dans les relations contractuelles et commerciales que cette dernière entretenait avec le Gaec Dabert. Le fait que le Gaec Dabert n'ait pas manifesté son opposition à réception du courrier l'informant d'une future cession au 31 décembre 2011, soit à la SLVA, soit ' à la Laiterie de la Montagne ', ni lors de sa confirmation le 19 décembre 2011 dans ces termes : ' Pour vous, à cette date, votre acheteur aujourd'hui SLMA devient : La Laiterie de la Montage, filiale du Groupe Dischamp ', et qu'il ait poursuivi la fourniture de son lait à la SLMA jusqu'au 31 décembre 2011, puis à la SNLM à compter du 1er janvier 2012, ne permettent pas de considérer qu'il ait eu l'intention de poursuivre avec la SNLM la relation commerciale initialement nouée avec la SLMA et ce d'autant, qu'il a refusé de signer une proposition de contrat comportant une clause de substitution aux termes de laquelle le contrat serait ultérieurement transféré ' soit à la SLVA, soit à la Laiterie de la Montagne'. Dès lors, le préavis dont la SNLM pourrait éventuellement bénéficier du fait de l'existence d'une relation commerciale établie avec le Gaec Dabert, n'a pas à être déterminé en considération de la relation précédemment nouée entre le Gaec Dabert et la SLMA. Ce moyen n'est pas donc fondé. Par suite, il n'y a pas lieu d'examiner les relations entretenues antérieurement par les prédécesseurs de la SLMA et du Gaec Dabert.

En définitive, la relation commerciale entre la SNLM et le Gaec Dabert initiée le 1er janvier 2012, a été rompue le 3 janvier 2012 à effet au 9 janvier 2012, la dernière livraison intervenant le 7 janvier 2012. Or, des relations commerciales de quelques jours ne caractérisent pas une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la rupture avec un préavis de 9 jours était brutale, et la société SNLM sera déboutée de sa demande en indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales établies, formée à hauteur de 59.164 euros.

Sur la demande d'indemnisation au titre du préjudice commercial immatériel formée par les SNLM ET SLVA

La SNLM et la SLVA, venant aux droits de SLMA, sollicitent la condamnation du Gaec Dabert à leur payer, in solidum, une somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial immatériel qu'elles auraient subi du fait du refus d'appliquer les règles professionnelles du secteur laitier (préavis de 12 mois minimum), de la déstabilisation de l'équilibre local A.O.P Saint-Nectaire dans le cadre d'une offensive économique agressive du groupe Lactalis qui conseille en réalité le Gaec, de la déloyauté par rupture du contrat en janvier 2012 pour rejoindre le groupe Lactalis, du dénigrement et de la cession d'un contrat vidé de sa substance.

En réplique, le Gaec Dabert fait valoir essentiellement que la SLMA, aux droits de laquelle vient la SLVA, ayant cessé ses relations d'acheteur de son propre gré, elle n'a subi aucun préjudice et que la SNLM procède par affirmations, sans communiquer aucun élément démontrant l'existence d'un préjudice commercial immatériel. Il conclut au rejet des demandes indemnitaires formulées en ce sens.

En premier lieu, il a été vu ci-dessus que la rupture des relations commerciales avec la SNLM n'était pas brutale de sorte que ni la SNLM, ni la SLMA, cette dernière en qualité de tiers à la relation, ne sont fondées à réclamer la réparation d'un préjudice résultant de la brutalité de la rupture.

En second lieu, le Gaec Dabert n'est pas l'auteur de la rupture des relations commerciales qu'il entretenait avec la SLMA puisque c'est cette dernière qui a rompu le contrat par courrier du 19 décembre 2011, à effet au 1er janvier 2012. Il en ressort que la SLMA, en tant que cocontractant et partenaire commercial du Gaec Dabert, ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice résultant de la brutalité de la rupture.

Par ailleurs, le Gaec Dabert, producteur de lait dont il doit être rappelé qu'il demeure libre de choisir son acheteur, n'a commis aucun des manquements reprochés. Le fait qu'il ait fourni du lait à la SNLM sur la seule période du 1er janvier 2012 au samedi 7 janvier 2012, ne rend pas la cessation de cette livraison, avec un préavis de 6 jours (et non de 9 jours, comme indiqué par erreur par les premiers juges, la notification de la rupture étant intervenue le 3 janvier à effet au 9 janvier 2012), irrégulière et ce d'autant, que la SNLM, lui a été imposé comme acheteur et qu'il n'a jamais donné son accord à la cession, à la SNLM, du contrat de fourniture de lait qui le liait à la SLMA. En conséquence, il ne peut lui être reproché ni un refus d'appliquer les règles professionnelles du secteur laitier, ni déloyauté, ni d'avoir vidé le contrat de cession à la SNLM, à le supposer établi, de sa substance. Il ne ressort d'aucun élément qu'il ait été conseillé par le groupe Lactalis, de sorte que l'affirmation selon laquelle il aurait participé à une entreprise de déstabilisation, n'est pas documentée. Enfin, s'agissant du dénigrement auquel il se serait livré, il n'est nullement caractérisé, ni étayé par la production d'aucune pièce. Par suite, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté les SNLM et SLMA de leur demande d'indemnisation formée ' in solidum ', à ces titres.

Sur les demandes formées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné les SNLM et SLMA, parties perdantes, aux dépens et à payer au Gaec Dabert la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les SNLM et SLMA sollicitent l'annulation des procès-verbaux de signification du jugement du 9 avril 2015 au motif qu'ils désignaient à tort la cour d'appel de Lyon, ce qui leur aurait causé un grief. Or, elles ne justifient d'aucun grief, leur appel devant la cour d'appel de Paris étant recevable.

Les SNLM et SLMA, qui succombent en appel, doivent en supporter tous les dépens, en ce compris ceux engagés au titre de la procédure, devenue sans objet, devant la cour d'appel de Lyon (paiement des timbres fiscaux et coût des significations du jugement du 9 avril 2015) et au paiement desquels elles ont, d'ailleurs, été condamnées par ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Lyon du 20 octobre 2015. Leur demande tendant, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'huissier, à titre personnel, sur le fondement de l'article 697 du code de procédure civile, sera d'office jugée irrecevable, faute d'avoir attrait celui-ci dans la procédure. Enfin, tenues aux dépens, elles seront condamnées à verser au Gaec Arc en ciel, anciennement Gaec Dabert, la somme supplémentaire de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et leur demande formée à ce titre, qui comprend le coût de la sommation du 1er février 2012, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que la rupture avec un préavis de 9 jours était brutale ;

statuant à nouveau,

DIT que la Société Nouvelle Laiterie de la Montagne (SNLM) ne justifie pas d'une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, avec le Gaec Dabert ;

DÉBOUTE la Société Nouvelle Laiterie de la Montagne (SNLM) de sa demande d'indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

et y ajoutant,

DÉBOUTE la Société Nouvelle Laiterie de la Montagne (SNLM) et la Société Laitière des Volcans d'Auvergne (SLVA), venant aux droits de la Société Laitière des Monts d'Auvergne (SLMA), de toutes leurs autres demandes ;

DÉCLARE d'office irrecevable la demande subsidiaire de condamnation de l'huissier sur le fondement de l'article 697 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Société Nouvelle Laiterie de la Montagne (SNLM) et la Société Laitière des Volcans d'Auvergne (SLVA), venant aux droits de la Société Laitière des Monts d'Auvergne (SLMA), aux dépens de l'appel ;

CONDAMNE la Société Nouvelle Laiterie de la Montagne (SNLM) et la Société Laitière des Volcans d'Auvergne (SLVA), venant aux droits de la Société Laitière des Monts d'Auvergne (SLMA), à verser au Gaec Arc en ciel, anciennement Gaec Dabert, la somme supplémentaire de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la Société Nouvelle Laiterie de la Montagne (SNLM) et la Société Laitière des Volcans d'Auvergne (SLVA), venant aux droits de la Société Laitière des Monts d'Auvergne (SLMA), de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

Cécile PENG Irène LUC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/09787
Date de la décision : 13/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°15/09787 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-13;15.09787 ?
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