RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 13 Juin 2018
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07624
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Janvier 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/06824
APPELANTE
Société AXIOS SYSTEMS PLC
[...]
ECOSSE (ROYAUME-UNI )
représentée par Me Gilles X..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0215 substitué par Me Virgile Y..., avocat au barreau de PARIS
INTIMES
SCP BTSG prise en la personne de Me Z... Stéphane, mandataire ad'hoc de la SAS AXIOS SYSTEMS
[...]
non comparant, non représenté
Association AGS CGEA IDF OUEST
[...]
représenté par Me Arnaud A..., avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Mathilde B..., avocat au barreau de PARIS, toque : T10
Monsieur Christian C...
[...]
représenté par Me Mounira E..., avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Avril 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoît HOLLEAUX, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de Président
Madame Christine LETHIEC, conseiller
Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée
Greffier : Mme Laurie TEIGELL, lors des débats
ARRET :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Laurie TEIGELL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. Christian C... a été engagé par la SAS AXIOS SYSTEMS à compter du 25 octobre 2005 en qualité de consultant assyst, suivant contrat à durée indéterminée. En dernier lieu, sa rémunération brute mensuelle s'élevait à 5 046,55 €. La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.
Par jugement du 31 mai 2010, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS AXIOS SYSTEMS et a désigné la SCP BTSG, en la personne de Me Stéphane Z..., en qualité de liquidateur judiciaire.
Par lettre du 3 juin 2010, le liquidateur judiciaire de la société a convoqué M. C... à un entretien préalable au cours duquel le formulaire de la convention de reclassement personnalisé lui a été remis. Puis, par lettre du 14 juin 2010, il lui a notifié son licenciement pour motif économique.
Au moment de la rupture du contrat, la SAS AXIOS SYSTEMS employait plus de dix salariés.
M. C... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 20 mai 2010 de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SAS AXIOS SYSTEMS et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, demandant à titre subsidiaire la condamnation d'AXIOS SYSTEMS PLC au paiement en sa qualité de co-employeur.
Par jugement rendu le 25 janvier 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de M. C... aux torts de l'employeur à compter du 14 juin 2010 ;
- dit que la société AXIOS SYSTEMS PLC avait la qualité de co-employeur et constaté sa responsabilité pleine et entière dans la rupture ;
- condamné la société AXIOS SYSTEMS PLC à payer à M. C... les sommes suivantes:
40 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,
500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné à AXIOS SYSTEMS PLC le remboursement au Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 3 mois ;
- fait droit reconventionnellement à la demande de l'AGS et a condamné AXIOS SYSTEMS PLC à payer à l'AGS 48 604,93 € au titre des sommes indûment versées au salarié ;
- débouté M. C... du surplus de ses demandes ;
- débouté AXIOS SYSTEMS PLC de sa demande reconventionnelle ;
- condamné la société AXIOS SYSTEMS PLC aux dépens.
Par déclaration du 31 juillet 2013, la société AXIOS SYSTEMS PLC a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses conclusions visées par le greffier et soutenues oralement le 26 avril 2017, elle demande à la cour de :
à titre principal,
- dire que la société AXIOS SYSTEMS PLC n'est pas le co-employeur de l'intimé ;
- infirmer le jugement entrepris ;
- débouter l'intimé et l'AGS CGEA IDF OUEST de l'intégralité de leurs demandes vis-à-vis de la société AXIOS SYSTEMS PLC ;
à titre subsidiaire,
- dire que la société AXIOS SYSTEMS PLC n'est pas seule responsable des difficultés économiques de sa filiale ayant conduit à la rupture du contrat de travail et déterminer les parts de responsabilité respective des sociétés ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la responsabilité pleine et entière de la société AXIOS SYSTEMS PLC ;
- ramener le montant des condamnations supporté par la société AXIOS SYSTEMS PLC à hauteur de sa responsabilité réelle ;
en tout état de cause,
- condamner l'intimé et l'AGS CGEA IDF OUEST aux entiers dépens et à lui verser la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Reprenant oralement à l'audience du 26 avril 2017 ses conclusions visées par le greffier, M. C... demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la qualité de co-employeur de la société AXIOS SYSTEMS PLC ; constaté sa responsabilité pleine et entière ; et prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
- en conséquence, condamner la société AXIOS SYSTEMS PLC à lui verser la somme de 60 459,19 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
à titre subsidiaire,
- constater la faute commise par la société AXIOS SYSTEMS PLC engageant sa responsabilité sur le fondement des article 1382 et 1383 du code civil ;
- condamner la société AXIOS SYSTEMS PLC à lui verser la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la perte de son emploi ;
à titre infiniment subsidiaire,
- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la SAS AXIOS SYSTEMS ;
- en conséquence, fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AXIOS SYSTEMS la somme de 60 459,19 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- déclarer opposable à l'AGS CGEA IDF OUEST la décision à intervenir ;
en tout état de cause,
- condamner la société AXIOS SYSTEMS PLC à lui verser la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Reprenant oralement à l'audience du 26 avril 2017 ses conclusions visées par le greffier, l'AGS CGEA IDF OUEST demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de :
à titre principal,
- dire et juger irrecevable la demande de condamnation formulée à l'encontre d'une société en procédure collective ;
- dire et juger que la SAS AXIOS SYSTEMS, ayant perdu toute autonomie et étant entièrement sous la dépendance de la société AXIOS SYSTEMS PLC, ne possède aucun moyen pour empêcher la réalisation du dommage reproché par le salarié ;
- et en conséquence, constater que les critères d'application de la responsabilité in solidum entre co-auteurs ne sont pas remplis ;
- prononcer la mise hors de cause de ce chef de la SAS AXIOS SYSTEMS et de l'AGS ;
à titre subsidiaire,
- dans l'hypothèse d'une répartition d'une éventuelle obligation in solidum, décharger entièrement la SAS AXIOS SYSTEMS de sa contribution à la dette ;
- dire que l'AGS devra également être déchargée entièrement de la contribution à la dette solidaire ;
- dire que l'AGS est subsidiairement tenue à garantie ;
en tout état de cause,
sur la demande reconventionnelle de l'AGS,
- constater la responsabilité pleine et entière de la société AXIOS SYSTEMS PLC dans la rupture du contrat de travail ;
- condamner la société AXIOS SYSTEMS PLC à rembourser à l'AGS les sommes indûment versées au salarié dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS AXIOS SYSTEMS, à hauteur de la somme totale de 182 171,45 € ;
sur les demandes du salarié,
- constater que le licenciement repose sur un motif économique incontestable ;
- débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive ; ou, à titre subsidiaire, ramener sa demande à de plus justes proportions ;
- débouter le salarié de sa demande de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ; ou, à titre subsidiaire, dire et juger que le CSP est remis en cause dans l'ensemble de ses effets ;
sur la garantie de l'AGS,
- dire que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale ;
- dire qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L. 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes « dues en exécution du contrat de travail » au sens dudit article, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie ;
- dire qu'en tout état de cause, la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, le plafond des cotisations maximum au régime d'assurance chômage, en vertu des dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail ;
- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance, sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS.
Me Z..., en qualité de mandataire judiciaire de la SAS AXIOS SYSTEMS était ni comparant ni représenté à l'audience du 26 avril 2017.
Par un arrêt du 5 juillet 2017, la cour d'appel de Paris (chambre 6/9) a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 6 décembre 2017 pour convocation de Me Z..., ès qualités, à la même date à son adresse du [...].
L'affaire a ensuite été renvoyée à l'audience du 12 avril 2018, date à laquelle les parties ont oralement soutenu leurs précédentes écritures qu'elles ont entièrement réitérées.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS :
Le groupe AXIOS SYSTEMS, qui a pour activité la fourniture de solutions de gestion d'assistance et de services informatiques répondant aux besoins de ses clients - solutions ITL « Information Technology Infrastructure Library » -, est constitué de la société mère AXIOS SYSTEMS PLC et de sociétés filiales dont la Sas AXIOS SYSTEMS située sur le territoire français.
*
Pour considérer que la société de droit anglais AXIOS SYSTEMS PLC a été son co-employeur avec la Sas AXIOS SYSTEMS qui l'a engagée et dont le mandataire liquidateur lui a notifié son licenciement pour motif économique, M. C... invoque une confusion d'intérêts, d'activités et de direction ayant entrainé une immixtion de la société de droit anglais AXIOS SYSTEMS PLC dans la gestion économique, commerciale, financière et sociale de la Sas AXIOS SYSTEMS, ce que conteste la société de droit anglais AXIOS SYSTEMS PLC qui rappelle que la situation de co-emploi est réservée à l'hypothèse d'un « dysfonctionnement exceptionnel des relations au sein d'un groupe tendant à l'absorption et à l'appropriation des prérogatives d'une filiale ainsi privée de toute autonomie ».
*
Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard des salariés employés par une autre que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut provoquer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.
Il est considéré notamment qu'il n'y a immixtion sociale qu'à la condition que la direction et la gestion du personnel soient pleinement assurées par la société mère qui de fait ne permet plus à la société filiale de se comporter comme le seul et véritable employeur vis à vis des salariés qu'elle a pourtant recrutés.
*
Le co-emploi ne peut donc résulter exclusivement de ce que la Sas AXIOS SYSTEMS était une société filiale du groupe AXIOS SYSTEMS avec un capital détenu à 100% par la société mère AXIOS SYSTEMS PLC, qu'elles aient eu une identité de dirigeant en la personne de M. D..., et que de fait le suivi de l'activité commerciale de la première ait pu être sous le contrôle de la deuxième, dès lors que la salariée, sur laquelle pèse la charge de la preuve, ne démontre par réellement que le personnel de la Sas AXIOS SYSTEMS était totalement dépendant de la société mère AXIOS SYSTEMS PLC à toutes les étapes de la relation de travail - recrutement initial, exécution du lien contractuel, gestion des ruptures -, dépendance dans la direction et la gestion du personnel poussée à un tel degré d'avancement que cette dernière se serait alors totalement substituée à la Sas AXIOS SYSTEMS qui aurait perdu toute prérogative comme employeur.
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Faute qu'il soit satisfait à cette exigence probatoire, infirmant le jugement entrepris, il convient de dire que la société de droit anglais AXIOS SYSTEMS PLC n'a pas été le co-employeur avec la Sas AXIOS SYSTEMS de M. Christian C... qui, en conséquence, sera débouté de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société AXIOS SYSTEMS PLC.
Il en sera de même s'agissant des demandes présentées par l'AGS CGEA Ile-de-France OUEST contre la société de droit anglais AXIOS SYSTEMS PLC.
*
Aucune circonstance d'équité ne commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et M. C... sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
STATUANT à nouveau,
DIT que la société de droit anglais AXIOS SYSTEMS PLC n'a pas été le co-employeur avec la SAS AXIOS SYTEMS de M. Christian C...
en conséquence, DEBOUTE M. Christian C..., ainsi que l'AGS CGEA Ile-de-France OUEST, de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la société de droit anglais AXIOS SYSTEMS PLC ;
Y AJOUTANT,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE M. Christian C... aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT