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12/06/2018 | FRANCE | N°17/16175

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 12 juin 2018, 17/16175


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 12 JUIN 2018



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/16175



Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 13 mai 2014 confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en date du 22 septembre 2015

Après arrêt de la Cour de cassation du 17 mai 2017 qui a cass

é cet arrêt confirmatif et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de céans





APPELANT



Monsieur X... AS SAHLI né le [...] à Fes (Maroc)



...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 12 JUIN 2018

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/16175

Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 13 mai 2014 confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en date du 22 septembre 2015

Après arrêt de la Cour de cassation du 17 mai 2017 qui a cassé cet arrêt confirmatif et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de céans

APPELANT

Monsieur X... AS SAHLI né le [...] à Fes (Maroc)

[...]

Résidence Chistera - étage 1 - appartement 345

33150 CENON

représenté par Me Fanny Y..., avocat postulant du barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 152

assisté de Me Ahmad Z..., avocat plaidant du barreau de BORDEAUX

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de Madame LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[...]

représenté à l'audience par Madame F... E..., substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 mai 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Mme Dominique GUIHAL, présidente

Mme Dominique SALVARY, conseillère

M. Jean LECAROZ, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Dominique GUIHAL, présidente et par Mélanie PATE, greffière présente lors du prononcé.

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 13 mai 2014 qui a déclaré recevable l'action du ministère public et annulé l'enregistrement en date du 18 mars 2003 de la déclaration acquisitive de nationalité française souscrite le 12 avril 2002 par M. X... AS SALHI sur le fondement de l'article 21-2 du code civil;

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 17 mai 2017 qui a cassé l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Bordeaux au motif qu'en décidant que le ministère public n'avait eu connaissance de la fraude que par la transmission qui lui avait été faite par le ministère de la Justice du refus d'enregistrement de la déclaration litigieuse sans rechercher s'il n'en avait pas été informé par la transcription du jugement de divorce faite le 13 juillet 2004 la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision;

Vu la déclaration de saisine du 7 juin 2017;

Vu les conclusions notifiées le 10 avril 2018 par M. AS SALHI qui demande à la cour de réformer le jugement, de déclarer irrecevable l'action du ministère public, subsidiairement, de l'en débouter, en tout état de cause, de déclarer irrecevables les demandes tendant à voir constater l'extranéité de ses filles, A... et Chaïma, enfin, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Vu les conclusions notifiées le 11 mai 2018 par le ministère public qui demande à la cour de confirmer le jugement et de constater l'extranéité de M. AS SALHI et de ses filles A... et Chaïma;

SUR QUOI :

Considérant que suivant l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, l'étranger ou l'apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai d'un an à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à cette date la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité;

Qu'en application de l'article 26-4 alinéa 3 du même code, l'enregistrement d'une déclaration d'acquisition de nationalité par mariage peut être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte et la cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude;

Considérant, toutefois, que cette présomption ne s'applique que dans les instances engagées dans les deux années suivant l'enregistrement de la déclaration;

Considérant que le 7 mars 2001 a été célébré à Cenon (Gironde) le mariage de M. X... AS SALHI, né le [...] à Fès (Maroc), de nationalité marocaine, et de Mme Isabelle B..., née le [...] à Bordeaux (Gironde), de nationalité française; qu'aucun enfant n'est issu de cette union; que le 12 avril 2002, M. AS SALHI a souscrit une déclaration aux fins d'acquisition de la nationalité française par mariage qui a été enregistrée le 18 mars 2003; que le 1er juillet 2004 a été prononcé le divorce par consentement mutuel des époux avec fixation au 4 décembre 2003 de la date de séparation; que le 23 octobre 2004, M. AS SALHI s'est remarié à Cenon avec sa première épouse marocaine Mme Fouzia C..., dont il était divorcé le 20 novembre 2000 et dont il avait eu un troisième enfant le 11 décembre 2002; que le 17 mars 2010 a été refusé l'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française par mariage de Mme C...;

Considérant que le 10 décembre 2012, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux a assigné M. AS SALHI devant cette juridiction aux fins d'annulation de l'enregistrement et de constatation de l'extranéité de l'intéressé;

Sur la recevabilité de l'action du ministère public :

Considérant que le délai imparti par l'article 26-4 précité du code civil court à compter de la date à laquelle le ministère public territorialement compétent à été mis en mesure de découvrir la fraude alléguée;

Considérant que M. AS SALHI soutient, en premier lieu, que cette date devrait être fixée à celle de l'inscription du divorce en marge des actes d'état civil;

Considérant que M. AS SALHI produit à cet égard une copie intégrale de son acte de mariage avec Mme B... comportant la mention marginale, apposée le 10 septembre 2004, du divorce prononcé le 4 décembre 2003;

Mais considérant que cet acte est muet sur la nationalité des époux; qu'il ne résulte d'aucune de ses mentions que M. AS SALHI aurait acquis la nationalité française par son mariage avec Mme B...; que le procureur de la République près du tribunal de grande instance de Bordeaux, compétent pour exercer l'action en annulation, n'aurait pu supposer une fraude au seul vu d'un tel acte, dressé dans son ressort, sans procéder à des investigations complémentaires fondées sur des critères discriminatoires tirés des patronymes et/ou des lieux de naissance respectifs des époux;

Considérant que l'acte de naissance de M. AS SALHI n'est pas produit mais qu'en toute hypothèse, l'intéressé étant né au Maroc, cet acte n'a pu être dressé ou sa transcription faite dans le ressort du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux;

Considérant que M. AS SALHI fait valoir, en deuxième lieu, que la décision en date du 17 mars 2010 de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par Mme C... a été transmise pour information au tribunal d'instance de Bordeaux et donc également au parquet près ce tribunal;

Mais considérant qu'aucun texte ne prévoit une telle transmission et qu'aucun lien hiérarchique ne permet de la présumer;

Considérant que M. AS SALHI fait valoir, en troisième lieu, que la connaissance de la fraude résulte d'un renseignement de police du 25 octobre 2010 transmis le même jour au ministère de l'intérieur et au préfet;

Mais considérant qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que cet acte de police administrative aurait été directement communiqué au procureur de la République par les fonctionnaires du service départemental de la sécurité publique de Gironde qui l'ont établi;

Considérant que M. AS SALHI expose, en quatrième lieu, que l'action du ministère public s'appuie en grande partie sur son remariage avec Mme C... le 23 octobre 2004 devant l'officier d'état civil de Cenon (33) et que, non seulement ce mariage a fait l'objet de publicités régulières mais encore que les services d'état civil ont expressément appelé sur ce mariage l'attention du procureur de la République qui a déclaré ne pas s'y opposer;

Mais considérant que le signalement fait par le service d'état civil concernait uniquement l'absence de titre de séjour de l'épouse et n'était, par lui-même, nullement de nature à constituer un indice de fraude aux dispositions de l'article 21-2 du code civil;

Considérant qu'à la suite du refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité de Mme C..., l'existence d'une fraude éventuelle a été signalée au ministère de la Justice par un bordereau de transmission du ministère de l'Intérieur en date du 27 décembre 2010; que si M. AS SALHI fait exactement observer qu'en raison du lien de subordination hiérarchique, c'est à cette date que le ministère public territorialement compétent a été mis en mesure de connaître l'existence de la fraude, l'action qui a été engagée par assignation du 10 décembre 2012 l'a été dans le délai de deux ans imparti par l'article 26-4 précité du code civil;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement doit être confirmé en ce qu'il déclare recevable l'action du ministère public;

Sur le fond :

Considérant que le ministère public fonde son argumentation sur la proximité des différents événements ( 20 novembre 2000 divorce avec Mme C...; 7 mars 2001 mariage avec Mme B...; 12 avril 2002 souscription d'une déclaration aux fins d'acquisition de la nationalité française par mariage; 11 décembre 2002, naissance de Ria, troisième fille de M. AS SALHI et de Mme C...; 18 décembre 2003 enregistrement de la déclaration, 1er juillet 2004 prononcé du divorce des époux par consentement mutuel avec fixation par leur convention au 4 décembre 2003 de la date de séparation; 23 octobre 2004, remariage à Cenon de M. AS SALHI avec Mme Fouzia C...);

Considérant que M. AS SALHI produit les attestations du gardien de l'immeuble dans lequel il habitait avec Mme B..., ainsi que de la soeur d'un voisin, d'un ancien collègue et d'un ancien employeur qui déclarent en termes succincts et stéréotypés que les époux, qu'ils ont croisés dans l'immeuble pour les deux premiers, ou chez lesquels ils ont été invités pour les deux seconds, avaient une vie commune; que l'appelant verse aussi aux débats l'attestation d'un ami, M. D..., selon lequel Chaima, fille de M. AS SALHI et de Mme C..., allait dans la même école que sa fille et que Mme B... allait chercher les enfants à l'école;

Mais considérant que lors de la reconnaissance prénatale de leur enfant Ria, effectuée de façon conjointe le 3 décembre 2002 à la mairie de Bordeaux, Mme Fouzia C... et M. X... AS SALHI ont déclaré un domicile [...], qui était aussi l'adresse commune du couple AS SALHI/B... figurant dans la déclaration de nationalité souscrite par M. AS SALHI le 12 avril 2002; qu'il est donc établi que l'appelant et Mme C... ont continué, après leur divorce et alors que l'époux s'était remarié, à entretenir une relation suivie au même domicile, avec naissance d'un enfant commun; qu'il ne s'agissait pas d'une relations extra-conjugale passagère mais de la poursuite du lien conjugal, ainsi qu'en atteste au surplus la rapidité du remariage, dans un délai trois mois après l'acquisition du caractère définitif du divorce, délai au cours duquel la cérémonie a été préparée et les bans publiés, ce qui écarte toute improvisation et démontre la préméditation;

Considérant qu'il en résulte que M. AS SALHI s'est livré à un simulacre de divorce avec sa première épouse qui ne peut s'expliquer que par la volonté d'obtenir la nationalité française par un très bref mariage avec une Française avec laquelle il n'a pas entretenu une véritable vie conjugale au sens du droit de la nationalité, c'est-à-dire au sens d'un mariage monogame; que ces faits caractérisent la fraude visée par l'article 26-4 du code civil;

Qu'il convient de confirmer le jugement qui a annulé l'enregistrement de la déclaration entachée de fraude et constaté l'extranéité de l'intéressé;

Sur la demande dirigée contre Mesdames A... et Chaïma AS SALHI :

Considérant que Mesdames A... et Chaïma AS SALHI n'ayant pas été assignées, la cour n'est pas saisie à leur égard;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que M. AS SALHI, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Condamne M. AS SALHI aux dépens.

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/16175
Date de la décision : 12/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°17/16175 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-12;17.16175 ?
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