La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2018 | FRANCE | N°11/21003

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 12 juin 2018, 11/21003


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 12 JUIN 2018



(n° 272 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/21003



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Octobre 2011 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - 1ère chambre A - RG n° 05/06827





APPELANT



Monsieur Pascal X...

[...]



né le [...] [...]



ReprésentÃ

© et plaidant par Me Cécile Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : C0748





INTIMES



Monsieur Jean Pierre Z...

Chez Monsieur Michel A...

[...]



né le [...] à DAMMARIE LES LYS (77)





Monsi...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 12 JUIN 2018

(n° 272 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/21003

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Octobre 2011 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - 1ère chambre A - RG n° 05/06827

APPELANT

Monsieur Pascal X...

[...]

né le [...] [...]

Représenté et plaidant par Me Cécile Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : C0748

INTIMES

Monsieur Jean Pierre Z...

Chez Monsieur Michel A...

[...]

né le [...] à DAMMARIE LES LYS (77)

Monsieur Joseph D... F...

[...]

né le [...] à BEYROUTH (Liban)

LA CHAMBRE NATIONALE DES HUISIERS DE JUSTICE agissant en la personne de son Président

[...]

Représentée par Me Jeanne B... de la SCP SCP Jeanne B..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Me Gérard C..., avocat au barreau de PARIS, toque : E379

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Anne LACQUEMANT, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Christian HOURS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier présent lors du prononcé.

*****

Le 23 décembre 1997, M. Jean-Pierre Z..., huissier de justice, alors âgé de 50 ans, s'est associé avec son ancien stagiaire, Me Joseph D... F..., âgé de 30 ans, pour créer une SCP, dénommée Jean-Pierre Z... et Joseph D..., titulaire d'un office d'huissier de justice à Palaiseau (Essonne).

Le même jour, M. Z... a cédé à D... F... la moitié des 6 400 parts lui appartenant, au prix de 487840 euros.

Le comptable de l'étude était M. Pascal X..., recruté en juillet 1980, alors qu'il avait 20 ans.

Le 5 juin 2003, Me Z..., qui prélevait des sommes excessives dans la trésorerie de l'étude, a révélé au président de la chambre régionale un déficit de l'ordre de 1,3 million, puis a démissionné de sa charge.

Son associé, Me D..., nommé administrateur provisoire de l'étude, a continué à prélever des sommes excessives.

Dès le 14 août 2003, la Chambre nationale des huissiers de justice (la CNHJ), qui garantit la responsabilité professionnelle des huissiers, a fait assigner M. Z... devant le tribunal de grande instance d'Evry en paiement de 1a somme de 1308902,60 euros, à parfaire, correspondant au solde débiteur, arrêté en juin 2003, de la SCP Z... D....

En septembre 2003, M. X..., qui tenait une comptabilité mensongère, a été licencié et a quitté l'étude.

Par jugement du 15 novembre 2004, le tribunal de grande instance d'Evry a sursis à statuer sur les demandes de la CNHJ dans l'attente de 1'issue de l'instance pénale engagée à l'encontre de M. Z... pour malversations comptables et détournements dans le cadre de l'exercice de sa profession d'huissier.

Me D... F... a été destitué le 18 mai 2005.

Les administrateurs provisoires, Mes Francois et Bourbonneux ont acquis en novembre 2005 les parts de la SCP pour 534 000 euros, prix consigné à la chambre départementale et saisi à titre conservatoire par la CNHJ.

Le 28 juillet 2005, la CNHJ a fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Evry M. Joseph D... F..., huissier de justice, en paiement de la même somme de l308902,60 euros, à parfaire, correspondant au solde débiteur de l'étude en juin 2003.

Le 20 mars 2006, M. Joseph D... F... a fait assigner M. Z... en nullité de l'acte précité de cession de parts intervenu entre eux, remboursement du prix de cession et paiement de dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 9 janvier 2007, le tribunal correctionnel d'Evry a :

- reconnu MM. Z... et D... coupables des délits d'abus de confiance, de faux et d'usage de faux en écritures et les a condamnés respectivement à la peine de quatre ans d'emprisonnement dont deux avec sursis, ainsi qu'à une interdiction professionnelle de cinq ans et à deux ans d'emprisonnement avec sursis avec interdiction d'exercer pendant cinq ans;

- reconnu M. X... coupable de faux en écriture et l'a condamné à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis.

Par arrêt irrévocable du 10 avril 2008, la cour d'appel de Versailles, statuant sur le bien-fondé des mesures conservatoires prises par la CNHJ, a considéré que :

- la CNHJ justifie d'un principe de créance au sens de l'article 210 du décret du 31 juillet 1992 ;

- le préjudice résultant des détournements et malversations commises a été évalué par la Caisse de garantie des huissiers de justice, au vu d'une expertise, à la somme de 1545444 euros ;

- la CNHJ justifie, par des documents comptables produits aux débats, avoir réglé à titre d'indemnisation, la somme de 1590046,19 euros et avoir encaissé dans le cadre des saisies pratiquées la somme de 332791,32 euros ;

- les contrats d'assurance versées aux débats instituent une franchise contractuelle à hauteur de la somme de 3048980,40 euros, de sorte que la créance de la CNHJ ne sera pas prise en charge par l'assureur ;

- la CNHJ est recevable, sur le fondement des dispositions de l'article 1251- 3 du code civil, à poursuivre le recouvrement des sommes qu'elle a versées aux tiers, victimes des détournements et des malversations.

Par jugement du 16 mai 2008, le tribunal de grande instance de Nanterre a constaté la connexité de l'instance introduite le 4 avril 2006 devant lui par la CNHJ contre M. Pascal X..., demeurant à [...] (92), comptable de la SCP d'huissiers Z... & D...,, en paiement de la somme de 1451469, 85 euros correspondant au solde débiteur de l'étude en juin 2003 avec les affaires déjà introduites contre les associés de la SCP et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance d'Evry, où les procédures ont été jointes.

Par jugement du 31 octobre 2011, le tribunal de grande instance d'Evry a :

- débouté M. D... F... de sa demande de nullité de la cession de parts du 23 décembre 1997 et de dommages-intérêts complémentaires ;

- condamné in solidum MM. Z..., D... F... et X... à verser à la CNHJ la somme de 1221 338,37 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2010 ;

- condamné M. D... F... à verser à la CNHJ la somme de 84608,95 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2010 ;

- condamné in solidum MM. Z..., D... F... et X... a verser à la CNHJ la somme de 10000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné in solidum MM. Z..., D... F... et X... aux dépens de la présente instance, lesquels pourront être directement recouvrés par la SCP Ellul-Greff-Ellul, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. X... a interjeté appel contre cette décision.

Par ordonnance en date du 5 avril 2016, le conseiller de la mise en état a débouté M. X... de son incident de communication de pièces et l'a condamné au paiement d'une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 1er mars 2018, M. X... demande à la cour d'infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la CNHJ à hauteur de 118 447,94 euros et, statuant à nouveau, de :

- déclarer irrecevable la CNHJ en son action subrogatoire et subsidiairement la débouter de l'ensemble de ses demandes à son encontre ;

- plus subsidiairement, dire qu'il convient de déduire de la créance de la CNHJ contre lui les sommes suivantes :

- 400135,83 euros correspondant à l'insuffisance de trésorerie au 31 décembre 1995,

- 327551,04 euros, sauf à parfaire correspondant à des surfacturations d'actes, majoration des droits proportionnels, facturations d'actes inexistants ou honoraires indus de la SCP Z... D... ;

- 368555,36 euros correspondant à la trésorerie disponible dans l'étude au 27 juin 2003, ainsi que celle disponible ultérieurement ;

- 534000 euros correspondant au prix de cession de l'étude ;

- 45000 euros versée par M. Z... à titre de caution dans le cadre de l'instance pénale;

- le déclarer recevable et bien-fondé dans son action récursoire et en garantie contre les autres coobligés et, y faisant droit, juger que la charge définitive de la créance de la CNIHJ incombe en totalité à MM. Z... et D... F... dans une proportion entre ces derniers qu'il appartiendra à la cour de fixer ;

- condamner in solidum MM. Z... et D... à le garantir de toutes condamnations, frais et dépens in solidum qui viendraient à être prononcés à son encontre au bénéfice de la CNHJ et à tout le moins à concurrence de 90 % de toutes les condamnations qui seraient prononcées ou ce que la cour décidera de fixer ;

- en tout état de cause, ordonner la mainlevée des hypothèques prises par la CNHJ sur ses biens immobiliers ;

- condamner la CNHJ, MM. Z... et D... à lui payer chacun la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 4 janvier 2018, la CNHJ demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum MM. Z..., D... et X... au paiement de la somme totale de 1221738,37 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2010 ;

- subsidiairement et en tant que de besoin, réformer le jugement sur ce quantum et statuant à nouveau sur ce point, condamner in solidum MM. Z..., D... et X... à lui payer la somme totale de 1124243,73 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2010;

- juger qu'elle devra déduire du montant susvisé toute somme qu'elle pourrait recevoir ultérieurement dans le cadre de ses recours ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. D... F... à lui verser la somme de 84608,95 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2010 ;

- subsidiairement et en tant que de besoin, réformer le jugement sur ce quantum et statuant à nouveau sur ce point, condamner M. D... F... au paiement de la somme totale de 80745,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2010 ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum MM. Z..., D... et X... au paiement de la somme de 10000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens ;

- condamner in solidum MM. Z..., D... et X... au paiement de la somme de 10000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour ;

- faire droit à son appel incident et condamner en conséquence in solidum MM. Z..., D... et X... à lui verser les sommes de 115654,47 euros et 2793,47 euros au titre des divers frais exposés pour déterminer le montant des sommes détournées, prendre les garanties permettant le remboursement desdites sommes et assurer, en dehors du présent procès, la défense de ses intérêts ;

- condamner in solidum MM. Z..., D... et X... au paiement des dépens de première instance et d'appel dont distraction, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, au profit de Me Jeanne B....

MM. Z... et D... F... n'ont pas constitué avocat. Les dernières conclusions de M. X... leur ont été signifiées, conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.

Le dossier a été communiqué au ministère public qui n'a pas présenté d'observations.

SUR CE,

Considérant que M. X..., appelant, soutient que :

- il a agi dans les limites de la mission qui lui a été impartie par son employeur, Me Z... puis la SCP Z... D..., ce qui exclut que sa responsabilité puisse être engagée à l'égard de la CNHJ, y compris en tant qu'elle exerce l'action subrogatoire ; la falsification des écritures a été effectuée sur ordre de son employeur et non pas à son insu;

- il a été condamné pénalement pour faux en écritures et usage de faux mais non pour complicité d'abus de confiance ; les détournements, opérés uniquement par Mes Z... et Azam, sont seuls à l'origine du préjudice subi par les clients de l'étude, qui n'ont à son encontre aucun droit de créance, pas davantage que la SCP ou la CNHJ ;

- la CNHJ ne peut davantage se prévaloir de la subrogation conventionnelle qui supposerait, ce qu'elle ne fait pas, qu'elle justifie d'actes subrogatifs exprès délivrés au plus tard au moment des paiements, dès lors que le subrogé doit manifester sa volonté expresse de subroger le solvens ; la CNHJ s'est substituée spontanément et volontairement à la SCP d'huissier de justice dans son obligation de reversement des fonds aux clients, alors même que ceux-ci n'avaient pas fait de réclamations et que la SCP ne les avait pas invités à le faire et que les clients n'ont pas retourné les quittances subrogatives ;

- c'est un dossier de responsabilité financière que la CNHJ a ouvert et non de responsabilité civile professionnelle qui consistait en l'insuffisance de couverture des fonds clients révélée par M. Z... avec pour conséquences un déficit financier de l'office et une impossibilité de reverser immédiatement et intégralement tous les fonds aux clients ;

- la CNHJ substitue au sinistre d'insuffisance de trésorerie de la SCP le préjudice subi par celle-ci du fait des fautes pénales d'abus de confiance de ses gérants huissiers, auxquels elle l'associe abusivement, alors qu'en sa qualité de comptable salarié de la SCP, il n'a commis, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, que des faux et usage de faux qui ne le rendent pas coupable de détournement ;

- sa faute pénale (établissement de fausses balances à l'exclusion de détournements) commise dans l'exercice de ses fonctions salariées n'est pas couverte par la garantie légale car elle n'est pas afférente à la « rédaction d'un acte d'huissier de justice '' et n'est pas la cause du défaut de restitution des fonds aux clients ;

- la somme payée par la CNHJ l'a été au titre de la représentation des fonds aux clients et non à celui d'un préjudice subi par les victimes des détournements puisque les clients n'ont rien réclamé et n'ont pas été invités à faire une déclaration de créance auprès d'elle ;

- les conditions de la subrogation légale ne sont pas réunies : la CNHJ a représenté sur 7 ans les fonds aux clients de la SCP mais n'était pas obligée de le faire en l'absence de réclamations, du non-respect des règles de gestion d'un office en déficit financier et des règles internes applicables ;

- sur le fond, il appartient à l'intimée qui se prévaut de la subrogation, de fournir tout élément sur la date de naissance de la créance du subrogeant, sa nature et sa cause, l'importance du nombre de « sinistres '' ne la dispensant pas de rapporter cette preuve, ce qu'elle ne fait pas, de sorte que sa créance à son encontre est indéterminable et indéterminée ;

- le dommage causé par les détournements est attribuable à leurs auteurs puisque les décisions pénales ont établi que M. Z... avait détourné 1 375 624 euros et M. D... 39 272 euros, de sorte que c'est à tort que le tribunal a retenu une responsabilité in solidum avec lui ;

- plus subsidiairement, il convient de déduire diverses postes de la somme mise à sa charge : - 1) l'insuffisance de trésorerie existant avant le 1er janvier 1996, date d'établissement de la première fausse balance et qui correspondait déjà à des prélèvements excessifs, soit 400135,83 euros,

- 2) les sommes indûment perçues au titre de la surfacturation d'honoraires et majoration des droits proportionnels, soit 327 551,04 euros, somme comprise au titre de la différence entre le montant total des sommes payées aux tiers de 1 850 268,28 euros et le montant de l'insuffisance de trésorerie en juin 2003 de 1308 902,60 euros,

- 3) la trésorerie disponible au 27 juin 2003, date de cessation effective des fonctions du concluant, soit 368 555,36 euros et celle disponible depuis cette date dans les comptes de l'office,

- 4) la caution pénale de 45 000 euros versée dans le cadre de la procédure correctionnelle puisqu'elle a été affectée au désintéressement des victimes,

- 5) Le prix de cession de l'étude de 534 000 € et, en tout état de cause, la somme de 95 137,26 euros perçue en juillet 2012 dans le cadre de la cession de l'office ;

- la charge définitive de toute condamnation qui viendrait à être prononcée contre lui devra être supportée par MM. Z... et D..., auteurs des détournements, tenus de le garantir de toutes sommes mises à sa charge et subsidiairement à hauteur de 90 % ;

- l'appel incident de la CNHJ pour lui faire supporter des frais n'est pas fondé car il lui appartient de se retourner contre la SCP et non contre lui, d'autant que ces sommes comprennent les frais pour les hypothèques non justifiées prises contre lui à hauteur de 9337,18 euros et qu'il n'est produit aucune pièce justifiant des mesures conservatoires prises sur les patrimoines de MM. Z... et D... ;

- les hypothèques provisoires prises sans raison sur ses biens immobiliers doivent être levées;

Considérant que la CNHJ, intimée, réplique que :

- elle a dû, en vertu de ses obligations légales, indemniser les victimes des fautes commises par MM. Z..., D... et X... et régler, au 21 juillet 2010, une somme totale d'un montant de 1850268,28 euros correspondant :

- au montant des sommes détournées et non représentées par l'office Z... & D...,

- au montant des frais d'expertise, d'hypothèques et de procédure pour un montant total, au 21 juillet 2010, de 115654,47 euros (97677,70 euros + 17976,77 euros) qu'elle a exposés à l'occasion de ses recours, frais qu'elle n'aurait jamais eu à exposer si les susvisés n'avaient pas commis de fautes et avaient exercé leurs fonctions comme ils en avaient le devoir ;

- les différentes mesures d'exécution, notamment la vente de certains biens de M. Z..., lui ont permis de récupérer la somme de 512875,44 euros, de sorte qu'au 21 juillet 2010, elle avait exposé une somme totale de 1337392,84 euros justifiant sa demande de condamnation in solidum de MM. Z..., D... et X... de ce montant ;

- elle a, par ailleurs, dû prendre en charge la défaillance de M. D... lorsque celui-ci, après l'incarcération de son associé, a exercé seul, c'est-à-dire pour la période comprise entre juillet 2003 (date de l'incarcération de M. Z...) et sa démission ; elle a ainsi réglé, au 21 juillet 2010, une somme totale d'un montant de 101287,36 euros correspondant :

- au montant des sommes détournées et non représentées par M. D... ;

- à celui des frais de procédure pour un montant au 21 juillet 2010 de 2793,47 euros, qu'elle n'aurait jamais eu à exposer si le susvisé n'avait pas commis de fautes et avait exercé ses fonctions comme il en avait le devoir ;

- elle a pu récupérer une somme de 13884,94 euros, de sorte que c'est une somme totale de 87402,42 euros (101287,36 euros - 13.884,94 euros) qui, au 21 juillet 2010, lui restait due, ce qui l'autorisait, en application des dispositions de l'article 1251-3 du code civil, à exercer le présent recours à l'encontre de M. D... ;

- il ne saurait être question de remettre en cause les termes de la décision pénale précitée qui a été acceptée par M. D..., puisqu'aucun appel n'a été interjeté ;

- la convention remise en cause, de cession de parts entre MM. Z... et D..., n'a d'effet qu'entre eux ; l'effet relatif attaché à cette convention ne peut la rendre opposable à la CNHJ ; les rapports entre associés ne concernent nullement l'objet de la demande qui vise à obtenir la condamnation de M. D... pour des sommes qu'il a lui-même détournées ou dont il a, du fait de son laxisme, permis le détournement ;

- Il ne s'agit pas d'une dette sociale et les détournements opérés par M. D..., qualifiés pénalement d'abus de confiance, de faux et d'usage de faux, sont personnels, de sorte qu'il n'y avait pas à rechercher préalablement la SCP ;

- de nombreuses victimes des agissements de MM. Z..., D... et X..., avertis par la CNHJ, ont signé des décomptes justifiant de leurs réclamations ; la plupart des quittances subrogatives existent ;

- il ne s'agissait pas, comme le soutient M. X..., d'un dossier de responsabilité civile professionnelle mais d'un dossier relatif à des fautes pénales mettant en cause la responsabilité personnelle des huissiers de justice et de leur complice, M. X... ; ayant indemnisé les victimes et se trouvant subrogée dans leurs droits, la CNHJ, qui est financée au moyen des cotisations versées par les huissiers de justice, avait l'obligation légale d'exercer ses recours à l'encontre de ceux qui ont, de manière définitive, été jugés comme étant responsables des détournements ayant rendu nécessaire l'intervention de la Caisse de garantie;

- la falsification du logiciel Priam, imputable à M. X... qui intervenait seul et dont le salaire était supérieur au montant habituel du salaire d'un comptable, concernait l'intégralité des actes de la SCP Z... & D... dont il a été le préposé pendant 21 ans; cette modification frauduleuse a ainsi permis de percevoir des débiteurs, qui, en raison de leurs difficultés financières, auraient pu en faire l'économie, des sommes supérieures à ce qu'ils devaient réellement, de solliciter, de la part des créanciers, des sommes supérieures à celles qu'ils devaient acquitter ; l'instruction pénale a clairement fait apparaître que, sans l'intervention active de M. X..., les détournements n'auraient pu être opérés ;

- une condamnation in solidum ne préjuge pas de la manière dont devra se faire la contribution à la dette entre tous les débiteurs condamnés et n'exclut même pas que, dans les rapports, un ou deux d'entre eux puissent être entièrement déchargés ;

- les contrats d'assurances versés aux débats instituent une franchise contractuelle à hauteur de la somme de 3048980,40 euros, de sorte que la créance de la CNHJ ne sera pas prise en charge par l'assureur ;

- la CNHJ verse aux débats le document établi par le commissaire aux comptes qui, sous sa responsabilité, atteste de la réalité des règlements intervenus ;

- seul, M. X..., qui conteste le montant des honoraires supportés par la CNHJ, a fait appel du jugement rendu le 9 janvier 2007 par le tribunal correctionnel d'Evry, occasionnant devant la cour d'appel de Versailles des frais et honoraires d'avocat supplémentaires ; ce dernier a contesté systématiquement toutes les procédures conservatoires qui ont été menées à son encontre, de sorte qu'il sera fait droit à son appel incident portant sur la demande de condamnation de M. X... à supporter les différents frais exposés dans les instances précédentes ;

Considérant que les dispositions du jugement concernant MM. Z... et E... F..., ne sont pas remises en question et doivent être confirmées ;

Considérant s'agissant de M. X... que le préposé, condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis, fût-ce sur l'ordre du commettant, une infraction ayant porté préjudice à un tiers, engage sa responsabilité civile envers celui-ci ;

Considérant que M. X..., quand bien-même il n'a pas détourné personnellement d'argent, bénéficiait d'un salaire anormalement élevé pour un comptable et a contribué par la falsification du logiciel Priam à la perception de sommes indues par les créanciers et les débiteurs et par la présentation de fausses données comptables (balances) à la dissimulation et à la perpétuation du très important déficit de trésorerie de l'étude de la SCP d'huissiers;

Considérant que les détournements commis par les huissiers ne pouvaient, comme le tribunal l'a relevé, être opérés sans son intervention, constitutive des infractions de faux et usage de faux dont il a été déclaré coupable ;

Considérant que cette situation préjudiciait directement à des centaines de clients de l'étude qui, ayant payé plus qu'elles devaient, ne pouvaient espérer, en l'absence des fonds correspondant à tout ou partie de leurs créances en raison des prélèvements excessifs effectués sur la trésorerie de l'étude, obtenir le paiement des sommes qui devaient leur revenir ;

Considérant qu'en vertu de dispositions légales, à savoir l'article 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, la chambre nationale des huissiers de justice doit garantir la responsabilité professionnelle des huissiers y compris celle encourue en raison de leurs activités accessoires;

Considérant que l'huissier qui n'est pas en mesure de régler à son client les sommes lui revenant, engage envers lui sa responsabilité professionnelle ;

Considérant dans ces conditions que l'intervention de la Chambre nationale des huissiers de justice, intervenue pour indemniser l'ensemble des clients lésés, s'est faite dans le strict respect de ses obligations légales et n'encourt pas la critique ;

Considérant en conséquence que la Chambre nationale des huissiers de justice, qui a désintéressé les clients lésés de la SCP, bénéficie d'une subrogation légale dans leurs droits et est en droit de réclamer la condamnation in solidum des huissiers et du comptable fraudeurs, responsable de ces faits, à hauteur des sommes réglées, sous la déduction des sommes qu'elle a pu récupérer ;

Considérant que c'est dès lors à bon droit que la Chambre nationale des huissiers de justice se retourne contre M. X..., tout comme contre MM. Z... et D... F..., pour leur réclamer in solidum le remboursement des sommes qu'elle justifie avoir payées par leur faute, sans qu'on puisse lui imposer des démarches préalables ou des modalités particulières de recouvrement ;

Considérant qu'il convient de retenir la somme retenue dans le jugement, non critiquée dans son quantum, à l'exception des déductions sollicitées par l'appelant ;

Considérant par suite qu'il convient de condamner M. Jean-Pierre X..., in solidum avec MM. Z... et D... F..., à payer à la Chambre nationale des huissiers de justice la somme de 1 221738,37 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2010 ;

Considérant que depuis le jugement critiqué, la Chambre nationale des huissiers de justice a perçu, le 17 août 2012, dans le cadre de la distribution du prix de cession de l'office, la somme de 95137,26 euros, qu'il convient de déduire, à sa date, de la somme précitée ; qu'il sera donné acte à l'intimée de ce qu'elle déduira également à leur date de sa créance tout autre règlement qui serait effectué à ce titre ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu en revanche de déduire de cette créance la somme de 45000 euros versée par M. Z... au titre du cautionnement pénal ; qu'il appartiendra à l'appelant de se retourner contre ce dernier si, en définitive, il devait être amené à régler à l'intimée, au titre de son obligation à la dette, plus que sa contribution, telle qu'elle sera fixée;

Considérant par ailleurs qu'à supposer qu'une trésorerie ait bien été disponible au sein de la SCP, le 3 juillet 2003, une fois les droits des autres clients de l'office sur ladite trésorerie honorés, la Chambre Nationale des Huissiers de Justice n'avait, comme il a été indiqué supra, aucune obligation d'exercer son recours sur ladite trésorerie par préférence à ses recours sur les autres biens des coauteurs du dommage ; qu'il n'y a pas lieu de déduire une quelconque somme, au demeurant hypothétique, de ce chef ;

Considérant sur l'appel incident de la Chambre nationale des huissiers de justice qu'il convient de prendre en compte les frais considérables de tous ordres, y compris de conseil, qu'elle a dû engager antérieurement à la présente procédure, qui ont été exclusivement occasionnés par les détournements effectués, dans le but de déterminer l'étendue exacte du sinistre, mettre en évidence les agissements frauduleux de MM. Z..., E... F... et X..., pour prendre des garanties sur leurs biens et mener les procédures nécessaires à la reconnaissance de ses droits, lesquels ont été quasi-systématiquement contestés à tort par M. X... ;

Considérant ainsi que la Chambre nationale des huissiers de justice, subrogée dans les droits des victimes, ayant par la faute de M. X... et des deux ex-huissiers, dû régler des sommes importantes, sans commune mesure avec le seul coût de cette procédure, est fondé à en réclamer l'indemnisation distincte, de sorte qu'il convient de condamner in solidum MM. Z..., D... et X... à lui rembourser les sommes de 115654,47 euros et 2793,47 euros, correspondant aux frais qu'elle justifie avoir dû régler ;

Considérant sur l'appel en garantie de M. X..., que, compte tenu du fait qu'il n'a pas directement profité des détournements effectués autrement que par l'octroi d'un salaire plus important que celui habituellement dévolu à un comptable et également du jeune âge qui était le sien quand il a été recruté par M. Z..., dont il a subi l'influence, il convient de considérer que, sa faute, comparée à celle des huissiers plus anciens, qui l'employaient et disposaient d'un ascendant sur lui, ce qui ne le dispense pas de toute responsabilité, doit entraîner la fixation de sa contribution à la dette à un pourcentage de 10 % ; qu'en conséquence MM. Z... et D... doivent être condamnés à le relever indemne de toutes condamnations excédant ce pourcentage ;

Considérant que MM. Z..., D... et X... devront in solidum verser à la Chambre nationale des huissiers de justice de Paris la somme de 10 000 euros pour compenser les frais qu'elle a exposés en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens d'appel ; qu'ils devront en outre supporter selon les mêmes modalités les dépens d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Jeanne B..., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

- confirme le jugement du tribunal de grande instance d'Evry à l'exception des dispositions portant sur la déduction du prix de cession de l'office du montant de la créance de la Chambre nationale des huissiers de justice et sur les frais accessoires ;

- statuant à nouveau et y ajoutant :

- dit que la Chambre nationale des huissiers de justice devra déduire de sa créance sur MM. Z..., D... et X..., à la date du 17 août 2012, la somme de 95137,26 euros perçue dans le cadre de la distribution du prix de cession de l'office ;

- lui donne acte de ce qu'elle déduira également tout autre règlement qui serait effectué;

- déboute M. X... de ses autres demandes contre la Chambre nationale des huissiers de justice ;

- condamne in solidum MM. Z..., D... et X... à rembourser à la Chambre nationale des huissiers de justice les sommes de 115654,47 euros et 2793,47 euros, correspondant aux frais supportés ;

- les condamne in solidum à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour compenser les frais qu'elle a exposés en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens d'appel ;

- les condamne in solidum à supporter les dépens d'appel avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Jeanne B..., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- condamne in solidum MM. Z... et D... à garantir M. X... dans la proportion de 90 % de toutes condamnations, frais et dépens prononcés à son encontre au bénéfice de la Chambre nationale des huissiers de justice.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/21003
Date de la décision : 12/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°11/21003 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-12;11.21003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award