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08/06/2018 | FRANCE | N°15/09714

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 08 juin 2018, 15/09714


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 08 Juin 2018



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09714



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Août 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MEAUX RG n° 14/00054



APPELANTE

URSSAF PARIS - REGION PARISIENNE

Division des recours amiables et judiciaires

TSA 80028

[...]
>représentée par M. Jean-Baptiste X... en vertu d'un pouvoir général



INTIMEE

SARL SOCIETE DE TRANSPORT POLPRE-STP

CD 105 - CR N6

[...]

représentée par Me Sidney Y..., avocat au barreau de PAR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 08 Juin 2018

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09714

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Août 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MEAUX RG n° 14/00054

APPELANTE

URSSAF PARIS - REGION PARISIENNE

Division des recours amiables et judiciaires

TSA 80028

[...]

représentée par M. Jean-Baptiste X... en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

SARL SOCIETE DE TRANSPORT POLPRE-STP

CD 105 - CR N6

[...]

représentée par Me Sidney Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : C1557

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[...]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseillère

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- délibéré du 18 mai 2018, prorogé au 25 mai 2018 puis au 01 juin 2018 et au

08 juin 2018, prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'URSSAF d'Ile-de-France à l'encontre d'un jugement rendu le 28 août 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux dans un litige l'opposant à la société de transport Polpre-Stp.

FAITS, PROCÉDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffira de rappeler que la direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement ( ci-après DRIEA) a dressé deux PV n° 075-2010-00247 et n°075-2010-00249 des 8 mars et 9 avril 2010 constatant que la société de transport Polpre-Stp avait employé des salariés de nationalité polonaise et roumaine sans les avoir déclarés; que ces PV ont été transmis notamment à l'URSSAF d'Ile-de-France qui a adressé à la société une lettre d'observations le 29 mai 2013; que par suite des observations de la société, l'Urssaf a maintenu le 22 juillet 2013 l'intégralité du redressement qui a fait l'objet d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 novembre 2013 ; que la commission de recours amiable a été saisie par la société d'une contestation le 24 décembre 2013; que la société a fait opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux à la contrainte signifiée le 8 janvier 2014; que la commission de recours amiable ayant rendu une décision de rejet notifiée le 3 novembre 2014, la société a formé le

24 décembre 2014 un recours devant la même juridiction contre cette décision.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux a, par jugement du 28 août 2015, ordonné la jonction des recours, infirmé la décision de la commission de recours amiable ayant confirmé le redressement, annulé la contrainte du 6 janvier 2014 signifiée le 8 janvier pour le recouvrement de la somme de 58 304 euros représentant le montant des cotisations et majorations de retard dues pour l'année 2010 et débouté la société de transport Polpre-Stp de sa demande de dommages et intérêts;

C'est le jugement attaqué par l'URSSAF d'Ile-de-France qui fait déposer et soutenir oralement par son représentant des conclusions écrites invitant la cour à infirmer le jugement déféré, débouter la société de transport Polpre-Stp en la déclarant irrecevable ou mal fondée en ses demandes, valider la contrainte du 6 janvier 2014 pour la somme de 45.895 euros en cotisations et 12.409 euros en majorations de retard au titre du redressement pour 2010, condamner la société de transport Polpre-Stp au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- la mise en demeure du 28 novembre 2013 est régulière, que le constat de travail dissimulé du 30 mars 2010 existe bien, qu'il importe peu que le PV ait été établi le 9 avril suivant, que l'absence de mention du délai n'a pas d'incidence sur la validité de la mise en demeure, que toutes les mentions requises figurent bien sur la mise en demeure,

- que le contrôle de l'Urssaf n'a pas excédé un délai raisonnable puisqu'il n'a débuté que par l'envoi de la lettre d'observations le 28 novembre 2013 et a duré 6 mois,

- que le contrôle routier réalisé le 30 mars 2010 par la DRIEA avec l'assistance de la police routière, à la [...], a établi que M. Z... de nationalité polonaise conduisait un véhicule appartenant à la société de transport Polpre-Stp, que son emploi en qualité de chauffeur est attesté depuis le 1er février 2010 alors qu'il n'a fait l'objet d'aucune déclaration préalable à l'embauche,

-que ces constatations valent jusqu'à preuve du contraire,

-que la société de transport Polpre-Stp tente de renverser la charge de la preuve sans produire aucune pièce,

- qu'elle est bien l'employeur de M. Z...,

- que la contrainte du 6 janvier 2014 pour la somme de 45.895 euros en cotisations et 12.409 euros en majorations de retard au titre du redressement pour 2010 doit être validée.

La société de transport Polpre-Stp, par la voix de son conseil, expose et dépose des conclusions par lesquelles elle sollicite :

- l'annulation de la mise en demeure de l'URSSAF d'Ile-de-France en date du 28 novembre 2013,

- en conséquence, l'annulation de la contrainte du 6 janvier 2014,

- le débouté de l'URSSAF d'Ile-de-France de toutes ses demandes,

- la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré son recours recevable et bien fondé, infirmé la décision de la commission de recours amiable du 13 octobre 2014, constaté que les chefs de redressement n° 2 et 3 n'étaient pas contestés, annulé la contrainte du 6 janvier 2014 pour le recouvrement de la somme de 58.304 euros au titre des cotisations et majorations de retard pour 2010,

-au titre de l'appel incident, la condamnation de l'URSSAF d'Ile-de-France au paiement de la somme de 10.000 euros de de dommages et intérêts au visa de l'article 1240 de code civil,

- la condamnation de l'URSSAF d'Ile-de-France au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

-l'Urssaf n'a pas respecté un délai raisonnable pour effectuer les diligences du contrôle et son devoir d'information,

-la mise en demeure qui mentionne un constat de travail dissimulé du 30 mars 2010 qui n'existe pas, et ne mentionne aucun délai pour se libérer du paiement des cotisations litigieuses, est nulle, entraînant la nullité de la contrainte du 6 janvier 2014,

-il n'y a pas de lien de subordination entre le chauffeur polonais et elle-même,

- ce chauffeur polonais est dans une situation de mise à disposition dans le cadre d'une activité de travail temporaire exercée par une entreprise hors du territoire national,

- l'activité de travail temporaire exercée par une entreprise hors peut prendre la forme d'un détachement temporairede salarié conformément à l'article L.1262-2du code du travail,

-il appartient à la société d'intérim de fournir au travailleur détaché le certificat de détachement,

-elle n'a pas la qualité d'employeur et il ne peut y avoir travail dissimulé,

-l'annulation des réductions Fillon et des déductions patronales 'loi Tepa' est abusive,

-le recours à la taxation forfaitaire est mal fondé,

-les sommes réclamées par l'Urssaf sont incertaines,

-le refus de l'Urssaf de délivrer une attestation de vigilance lui a causé un préjudice justifiant le paiement de de dommages et intérêts

Il est fait référence aux écritures déposées pour un plus ample exposé des moyens proposés.

SUR CE,

-Sur la validité de la mise en demeure

La société de transport Polpre-Stp fait valoir que la mise en demeure serait nulle aux motifs qu'elle mentionne un constat de travail dissimulé du 30 mars 2010 qui n'existe pas et qu'elle ne mentionne aucun délai pour se libérer du paiement des cotisations litigieuses;

Mais considérant que la société fait une confusion entre la date du contrôle et celle du procès verbal et que c'est bien le 30 mars 2010 que le contrôleur des transports terrestres a contrôlé le camion Renault immatriculé [...] appartenant à la société conduit par M. Z... de nationalité polonaise; que le fait que le procès verbal ait été établi à une date distincte est sans incidence.

Considérant que si la mise en demeure ne mentionne en effet aucun délai de paiement des cotisations litigieuses, le visa de l'article L.244-2 du code de la sécurité sociale qui prévoit un délai d'un mois est suffisant pour l'information de débiteur; que la mise en demeure portant bien mention de la nature, du montant, de l'origine de la dette et de la période de référence doit donc être validée.

-Sur la validité du contrôle

Considérant qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que le contrôle aurait excédé un délai raisonnable dés lors que le contrôle diligenté par l'Urssaf, qui n'est pas à l'auteur du contrôle diligenté en 2010, n'a débuté que le 28 mai 2013, date de la lettre d'observations, et s'est achevée le 28 novembre 2013, date de la mise en demeure, qu'un délai de 6 mois en matière d'établissement d'infractions de travail dissimulé ne peut être considéré comme excessif et déraisonnable;

Que ce moyen ne peut être accueilli ;

-Sur le bien fondé du redressement

Considérant les dispositions de l'article L8221-1 du code du travail selon lesquelles est interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;

Considérant les dispositions de l'article L8221-3 du code du travail, selon lesquelles est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations, n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur ;

Considérant les dispositions de l'article L8221-5 du code du travail selon lesquelles est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article

L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

Que l'employeur est réputé agir intentionnellement lorsqu'il s'affranchit délibérément des obligations légales lui incombant en matière d'embauche, alors que ces obligations sont d'ordre public et qu'il est présumé en avoir connaissance, en sa qualité de professionnel inscrit au registre du commerce et des sociétés ;

Considérant que la société ne se reconnaît pas employeur de M. Z..., de nationalité polonaise, contrôlé le 30 mars 2010 au volant d'un de ses camions;

Qu'il est cependant établi par les contrôleurs que la présence de cette personne en qualité de chauffeur dans la société était attestée depuis le 1er février 2010 ; qu'il sera rappelé que les procès verbaux établis font foi jusqu'à preuve contraire;

Que la société se prévaut, non sans contradiction, d'un contrat d'intérim avec une société polonaise RPT-ECO tout en évoquant une situation de détachement qui ne la contraindrait ni de faire une déclaration préalable de détachement ni de présenter un certificat A1 (anciennement E101) ;

Qu'il se déduit de son argumentation que la société de transport Polpre-Stp a en réalité embauché des salariés de nationalité polonaise et roumaine, dont M. Z..., via une entreprise d'intérim implantée à l'étranger qui détache des salariés au sein de l'Union européenne ; que le fait que l'entreprise d'origine soit une entreprise d'intérim ne lie pas l'Urssaf dans la qualification du lien juridique entre la société de transport Polpre-Stp et ces salariés;

Qu'ainsi, il appartenait à la société de transport Polpre-Stp, qui se prévaut du maintien de l'affiliation de M. Z... au régime de sécurité sociale de son pays d'origine, d'une part de faire des déclarations préalables de détachement et d'autre part de présenter les certificats A1 attestant de l'affiliation de ces salariés au régime de sécurité sociale du pays d'origine; que rien de tel n'a été fait concernant M. Z... ;

Qu'à défaut, le lien de subordination est établi; que la société de transport Polpre-Stp ne peut sérieusement soutenir que M. Z..., qui conduit un de ses camions, ne reçoit aucun ordre ni aucune directive de sa part, ne peut être sanctionné et qu'elle ne le rémunère pas ;

Que la société Polpre-Stp est bien l'employeur de Z..., que ce salarié doit être obligatoirement assujetti au régime de sécurité sociale français et que le redressement est justifié.

-Sur le montant du redressement

Considérant que l'article R242-5 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque la comptabilité d'un employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement et que la durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressées ou par tout autre moyen de preuve.

Considérant que le chiffrage du redressement pour 2010 opéré par l'Urssaf tient compte des déclarations et des constations des contrôleurs ; qu'aucune preuve contraire n'est rapportée ;

Que c'est donc à bon droit que l'Urssaf a évalué le redressement sur une base forfaitaire;

Que la différence entre le montant de la mise en demeure et le montant de la contrainte correspond à l'imputation d'un crédit de 15 310 euros

Considérant enfin que les articles L.242-1-1, L.133-4-2 et D.133-3 du code de la sécurité sociale prévoient la non application des mesures de réduction ou d'exonération aux réintégrations opérées à la suite d'un constat de travail dissimulé et l'annulation des réductions pratiquées; que c'est donc à bon droit que l'Urssaf y a procédé;

Que la contrainte du 6 janvier 2014 sera donc validée pour le somme de 45.895 euros de cotisations et 12 409 euros de majorations de retard ;

-Sur la demande de de dommages et intérêts à l'encontre de l'URSSAF d'Ile-de-France

Le redressement étant fondé, il n'y pas lieu d'examiner cette demande ;

-Sur la demande faite au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Considérant qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'URSSAF d'Ile-de-France l'intégralité des frais irrépétibles ; qu'il lui sera alloué la somme de 1.000 euros .

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare l'appel recevable et fondé,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Valide la contrainte du 6 janvier 2014 pour les sommes de 45.895 euros de cotisations et 12.409 euros de majorations de retard ;

Condamne la société de transport Polpre-Stp au paiement à l'URSSAF d'Ile-de-France de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 15/09714
Date de la décision : 08/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L4, arrêt n°15/09714 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-08;15.09714 ?
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