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07/06/2018 | FRANCE | N°17/05150

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 07 juin 2018, 17/05150


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 4 - Chambre 7





ARRÊT DU 07 JUIN 2018





(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 17/05150





Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2017 -Juge de l'expropriation de PARIS - RG n° 16/00208








APPELANTES





Madame Béatrice Marie Denise X... épouse

Y...


née le [...] à PARIS (75014)


[...]





Représentée par Me Christophe Z... de la SELARL ETCHE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE, substitué par Me Marie H..., avocate du même cabinet





Madame Laure Marie-Gisèle X...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 07 JUIN 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/05150

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2017 -Juge de l'expropriation de PARIS - RG n° 16/00208

APPELANTES

Madame Béatrice Marie Denise X... épouse Y...

née le [...] à PARIS (75014)

[...]

Représentée par Me Christophe Z... de la SELARL ETCHE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE, substitué par Me Marie H..., avocate du même cabinet

Madame Laure Marie-Gisèle X... épouse A...

née le [...] à PARIS (75014)

[...]

Représentée par Me Christophe Z... de la SELARL ETCHE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE, substitué par Me Marie H..., avocate du même cabinet

INTIMÉES

LA SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS

N° SIRET : [...]

[...]

[...]

Représentée par Me Stéphane B... de la SELARL LE SOURD B..., avocat au barreau de PARIS, toque : K0131, substitué par Me Louis C..., avocat du même cabinet

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Commissariat du gouvernement

[...]

Représentée par M. D... en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Hervé LOCU, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Hervé LOCU, président

Mme Sophie MACE, conseillère

Mme Laure COMTE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Isabelle THOMAS

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par M. Hervé LOCU, président et par Mme Isabelle THOMAS, greffier présent lors du prononcé.

Exposé :

Par arrêté du 4 mai 2015, le préfet de la région Ile-de-France a prescrit l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique en vue de l'acquisition, par voie d'expropriation, au profit de la Société du Grand Paris (SGP) des parcelles nécessaires à la réalisation de la partie sud de la ligne 14 bleue reliant la gare Olympiades à l'aéroport d'Orly.

Dans le périmètre de cette opération, est nécessaire une emprise en tréfonds de 305 m² et d'une profondeur de 8,80 mètres de la parcelle cadastrée section [...] située [...] appartenant à Mme Béatrice X... épouse Y... et Mme Laure X... épouse A... (dénommés les consorts X...).

Faute d'accord sur l'indemnisation, la SGP, par mémoire enregistré au greffe le 21 mars 2016, a saisi le juge de l'expropriation de Paris.

Après transport du 2 novembre 2016, par jugement du 19 janvier 2017, rectifié pour erreur matérielle par jugement du 09 mars 2017 (la rectification portant uniquement sur l'opération et n'affectant pas le montant de l'indemnisation), celui-ci a :

- fixé à 325 489 euros l'indemnité totale devant revenir aux consorts X..., se décomposant comme suit :

- 294 990 euros arrondis au titre de l'indemnité principale ;

[5 696 euros le m² x 305 m² x 16,98% de coefficient de profondeur]

- 30 499 euros au titre du remploi;

- rejeté le surplus des demandes;

- condamné la SGP à payer aux consorts X... la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- rappelé que les dépens sont de droit supportés par l'expropriant en vertu de l'article L.312-1 du code de l'expropriation;

Les consorts X... ont interjeté appel de cette décision le 1er mars 2017.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- adressées le 29 mai 2017 et reçues au greffe le 31 mai 2017 par les consorts X..., et notifiées le 24 juillet ( AR des 26 et 27 juillet 2017), aux termes desquelles ils demandent en définitive à la cour de:

- réformer l'ordonnance du juge de l'expropriation en date du 19 janvier 2017, sauf en ce qui concerne le défaut d'application du taux d'encombrement;

- pour le surplus:

- à titre principal, outre l'engagement irrévocable et définitif de la SGP d'édifier la dalle formant la voûte du tunnel sous leur fonds de telle sorte que cette dalle ait la capacité de supporter un immeuble de 25 mètres de hauteur avec un niveau de parking en sous-sol, fixer les indemnités leur revenant à la somme globale de 399775,30 euros se décomposant comme suit:

- 362 523 euros au titre de l'indemnité principale;

[7000 euros x 16,98% x 305 m²]

- 37 252,30 euros au titre du remploi;

- à titre accessoire, fixer l'indemnité globale d'expropriation à la somme de 5839615,30 euros se décomposant comme suit:

- 5 439 840 euros au titre de l'indemnité pour dépréciation du surplus;

[420 m² par étage x 5 étages x 2500 euros du prix au m² diminué du coût de construction]

+ [452 euros au m² diminué du coût de construction x 420 m²]

+indemnité principale : 362 523 euros

+ indemnité de remploi : 37 252,30 euros

- de condamner la SGP au paiement d'une indemnité de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civileainsi qu'aux entiers dépens;

- adressées au greffe, par la SGP, intimée, le 25 juillet 2017, reçues au greffe le 26 juillet 2017 et notifiées par le greffe le même jour ( AR des 1° et 2 août) aux termes desquelles elle demande à la courde:

- confirmer le jugement dont appel ;

- condamner les expropriés à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- adressées , le 13 septembre 2017, par le commissaire du gouvernement, appelant incident, reçues au greffe le 15 septembre 2017 et notifiées le 18 septembre 2017( AR des 22 et 25 septembre 2017) aux termes desquelles il demande à la cour de:

- fixer à 342 810 euros en arrondis la somme revenant aux consorts X..., se décomposant comme suit:

- 310734 euros au titre de l'indemnité principale;

[6000 euros x 16,98% x 305 m²]

- 32 073,40 euros au titre du remploi;

- refuser la demande au titre de la dépréciation du surplus;

Motifs de l'arrêt :

Les consorts X... font valoir que :

- comme l'a retenu le premier juge et le commissaire du gouvernement, tous les terrains à bâtir parisiens étant des surfaces constructibles, mais comprenant déjà des bâtiments, il n'y a pas lieu de rajouter un abattement de 40% d'encombrement à l'évaluation issue des références; la valeur attribuée au terrain par la SGP avant abattement de 40% constitue la valeur à retenir; les termes de comparaison proposés par le commissaire du gouvernement concernant des mutations intervenues dans des arrondissements limitrophes doivent être écartésd'autant que l'étude de marché de la SGP dans le 13ème arrondissement est suffisamment riche;

- concernant la dépréciation du surplus, le juge de première instance ne s'est pas prononcé sur une indemnisation en nature, à savoir l'édification d'une dalle ayant la capacité de supporter un immeuble de 25 mètres de hauteur avec un niveau de parking en sous-sol; le terrain est situé en zone UG du PLU permettant des constructions allant jusqu'à une hauteur de 31m; la parcelle est entourée de constructions de grande hauteur; le bien peut se voir surélever de 2 ou 3 étages, ce qui était leur intention depuis l'acquisition de la pleine propriété de l'immeuble en 2014à l'issue du bail commercial venant à expiration le 31 mars 2019; ils voient leur projet compromis par l'expropriationce qui constitue un préjudice certain; leur projet les a conduit à inclure une clause dans le bail commercial conclu avec la société LIDL et s'est concrétisé par une demande de certificat d'urbanisme pré-opérationnel; le surplus non exproprié se voit substantiellement déprécié ce que la jurisprudence considère comme un préjudice indemnisable (Civ.3ème, 22 mars 1995, n°94-70040);

La SGP répond que :

- il est indéniable que la parcelle est encombrée, puisqu'il est bâti un immeuble, or, la méthode expertale, non contestée par les expropriés, prévoit un abattement dans ce cas; si le commissaire du gouvernement, en première instance, a retenu une valorisation du terrain sans abattement pour encombrement, c'est sur la base d'une valeur unitaire moindre;

- il résulte de l'article L.322-12 du code de l'expropriation que l'indemnisation se fait en principe en espèce et, par exception, pour les commerçants, en nature à condition que les deux parties soient d'accord; la demande d'indemnisation de la dépréciation du surplus en nature doit être écartée; par ailleurs, lorsque l'emprise partielle n'affecte pas le surplus ou induit un inconvénient mineur, une demande au titre de la dépréciation du surplus doit être écartée; or, l'emprise en tréfonds laissant intégral le reste de la propriété bâti n 'en affecte nullement la valeur de celle-ci; en tout état de cause, le calcul proposé par les expropriés paraît aléatoire; de plus, la propriété des expropriés fera l'objet d'une plus-value en raison de sa proximité avec les ouvrages justifiant l'expropriation, réduisant d'autant la prétendue dépréciation du surplus;

Le commissaire du gouvernement observe que :

- les terrains à bâtir parisiens sont des surfaces constructibles mais comprenant des bâtiments à démolir ou à transformer et dont l'ampleur des travaux à entreprendre justifie la qualification de terrains à bâtir au regard des réglementations fiscales et urbanistiques,ce qui rend les valeurs difficilement transposable à d'autres mutations; compte tenu de la rareté des mutations recensées, il apparaissait utile d'étendre le périmètre de recherche au-delà du 13ème arrondissement; la valeur qui en ressort est comprise encombrement inclus, de sorte qu'aucun abattement n'y sera appliqué;

- l'existence d'un préjudice direct, matériel et certain au titre de la dépréciation du surplus n'est pas démontrée;

SUR CE

- sur la recevabilité de l'appel incident du commissaire du gouvernement

Aux termes de l'article R311'26 du code de l'expropriation alinéa 2 l'intimé le cas échéant, forme appel incident dans le délai de 2 mois à peine d'irrecevabilité relevée d'office, le délai ayant été porté à compter du 1er septembre 2017 à 3 mois en application des décrets N°2017-891 du 6 mai 2017 article 41 et N° 2017'1227 du 2 août 2017.

En l'espèce les appelants ont adressé au greffe leurs conclusions le 29 mai 2017, et celles-ci ayant été notifiées le 24 juillet 2017 (AR du 27 juillet 2017), l'appel incident formé par le commissaire du gouvernement le 13 septembre 2017 est en conséquence recevable.

- au fond

1° sur l'indemnité principale

Aux termes de l'article de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article L321-1 du code de l'expropriation dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Conformément aux dispositions de l'article L322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance , seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L322-3 à L322-6 - leur usage effectif à la date définie par ce texte, soit en l'espèce le 9 mars 2017.

L'appel principal et l'appel incident portent sur la valeur du terrain retenue, l'appel principal sur l'indemnisation de la perte de valeur du surplus et aucune contestation n'existe au titre du descriptif de l'emprise et sur les modalités de calcul de l'indemnisation à partir du barème des experts judiciaires messieurs E... et F....

La parcelle cadastrée [...], au [...] , est située dans la partie sud du 13e arrondissement, à proximité immédiate de la porte d'Italie, dans le quartier dit « de la Maison-Blanche ».

La parcelle, principalement construite, a une surface de 80 m², avec une emprise en tréfonds d' une superficie de 305 m² et une profondeur de 8,80 m par rapport au niveau du sol.

Un ensemble immobilier est élevé pour partie sur cave et pour partie sur terre-plein, un rez-de-chaussée et de 3 étages. L'immeuble est de qualité correcte. Cette parcelle constitue l'assiette d'un hôtel de 3 étages comportant 17 chambres données en location commerciale et dont le bail arrive à échéance le 31 mars 2019 .

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la méthode E... et F... , avec les 3 correctifs de pondération Kp, Ks et Ke non contestés à la valeur de 1 avec un coefficient de profondeur de 16,98 % également non contesté.

Le premier juge a indiqué que la divergence porte sur la valorisation du terrain pour lequel il était demandé 7000 euros le mètre carré par les consorts X..., alors qu'il avait été proposé par la SGP, 4200 euros le mètre carré et par le commissaire du gouvernement, 5500 euros le mètre carré ; qu'en l'espèce sur le prix du terrain à bâtir, les valeurs citées à ce titre par le commissaire du gouvernement, faisant état des termes de comparaison précis et pourvus des références de publicité, établissent une moyenne de 5696 euros le mètre carré, étant rappelé que les mutations de terrain à bâtir sur Paris sont rares et ne constituent pas un ensemble homogène ; qu' il n'y a pas ou très peu à Paris, de véritables terrains viabilisés, correspondant à la définition commune des terrains à bâtir, c'est-à-dire des terrains nus desservis par les réseaux d'eau, d'assainissement, d'électricité et inscrits au plan d'urbanisme des villes dans des zones constructibles ; que les terrains à bâtir parisiens sont des surfaces constructibles mais comprenant des bâtiments, plus ou moins importants, à démolir voire transformer, et dont l'ampleur des travaux à entreprendre justifie la qualification de terrain à bâtir au regard des réglementations fiscales et urbanistiques.

Il a en conséquence retenu cette valeur unitaire de 5696 euros le mètre carré, encombrement inclus, de sorte qu'aucun abattement n'est appliqué à cette valeur.

Les consorts X... et le commissaire du gouvernement ne contestent pas pour définir la valeur de la parcelle l'utilisation de la méthode de comparaison utilisée par le premier juge.

Les consorts X... demandent également la confirmation du jugement concernant le défaut d'application du taux d'encombrement, mais sollicitent de retenir une valeur de 7000 euros le mètre carré conformément aux constatations ressortant de l'étude de comparaison des prix des mutations des terrains dans le 13e arrondissement de Paris, laquelle est suffisamment fournie avec 9 mutations récentes dans celui-ci (pièce N°7). Ils indiquent que le commissaire du gouvernement s'est appuyé sur 5 mutations du 13e arrondissement, mais également sur des mutations intervenues dans des arrondissements limitrophes, tirant la valeur du mètre carré vers le bas, alors que rien n'atteste que l'offre foncière est identique dans ces arrondissements.

Le commissaire du gouvernement, appelant incident, propose pour sa part compte tenu des spécificités de l'espèce de retenir une valeur de 6000 euros le m².

En réalité le commissaire du gouvernement en première instance s'est appuyé sur 8 mutations dans le 13e arrondissement et uniquement sur deux mutations dans le 14e arrondissement, qui ne tirent pas en outre la valeur du mètre carré vers le bas, puisque la vente du 12 janvier 2015 a une valeur de 5340 euros le m² et que la vente du 6 juin 2014 a une valeur de 8571 euros le m² soit une moyenne de 6955 euros, donc supérieure à la moyenne proposée de 5500 euros le mètre carré.

Dans la pièce des appelants numéro 7 figurent 3 mutations également retenues par le commissaire du gouvernement dans le 13e arrondissement cadastrées [...] du 27 septembre 2013,AT 26 du 31 janvier 2012 et CQ 14 du 7 novembre 2011.

Il convient d'écarter les autres termes de comparaison de terrain à bâtir proposés par les appelants dans cette même pièce correspondant à 6 autres mutations dans le 13e arrondissement en raison de leur trop grande ancienneté à savoir du 26 novembre 2009 au 7 décembre 2010.

La consultation de la base administrative « estimer un bien » sur un périmètre de 3000 m autour de l'avenue d'Italie dans le 13 ° arrondissement sur la période du 1er janvier 2012 au 1er octobre 2016 fait ressortir une moyenne de 5521,60 euros le mètre carré (pièce N°8).

En retenant uniquement les 8 termes du commissaire du gouvernement pour le 13e arrondissement de Paris la moyenne est de 5381,25 euros.

Le commissaire du gouvernement indique que compte tenu de la rareté des mutations recensées et afin d'avoir une étude plus complète des cessions terrains à bâtir, il apparaissait utile d'étendre le périmètre de recherche, et les prix des 5 cessions de terrains à bâtir recensés font ressortir une moyenne de 5871 le mètre carré.(Pièce N°7 page 6).

Il convient donc de retenir comme base de départ une moyenne de 5381, 25 euros.

Cependant il convient en outre de tenir compte du caractère atypique des tréfonds comme biens, que la particularité des dossiers relatifs aux tréfonds achetés par la société du Grand Paris pour les besoins de ces réseaux souterrains réside dans la profondeur des emprises, que cette profondeur interdit la valorisation de l'emprise par rapport à d'autres mutations puisqu'il n'y a plus, à ce niveau de profondeur, de marché et que la demande se réduit à un acquéreur unique agissant dans le cadre d'une mission de service public, que cette demande est donc entièrement dépendante des capacités techniques de la maîtrise d'ouvrage, creusement par un tunnelier, et la valorisation des tréfonds dépend entièrement des facilités de mises en chantier de cette entreprise. Il s'agit donc d'une acquisition en tréfonds inaccessible en dehors de cette opération, avec un opérateur unique, sans autre possibilité de vente pour le propriétaire dont les sous-sols sont par ailleurs souvent déjà utilisés.

En tenant compte en conséquence de ces éléments spécifiques qui valorisent la moyenne de 5381,25 euros pour le 13e arrondissement de Paris, il convient de suivre la proposition du commissaire du gouvernement en retenant une valeur unitaire de 6000 euros le m², encombrement inclus de sorte qu'aucun abattement ne sera appliqué à cette valeur.

L'indemnité principale de l'expropriation de la parcelle en tréfonds s'établit donc comme suit :

valeur du terrain : 6000X 16,98 % = 1018,80 euros le m²

emprises de 305 m² : (305X 1018,80)= 310'734 euros en indemnité principale

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce sens.

2° sur les indemnités accessoires

-sur l'indemnité de remploi

Elle sera calculée selon la jurisprudence habituelle :

-20 % sur la fraction de l'indemnité principale entre 0 et 5000 euros

-15 % sur la fraction de indemnité principale comprise entre 5000 et 15000 euros

-10 % pour le surplus.

En l'espèce, les frais de remploi s'élèvent donc à :

-20 % entre 0 et 5OOO euros: 1000 euros

-15 % entre 5000 et 15 1000 euros: 1500 euros

-10 % sur 295'734 euros (310'734 -15'000 euros) : 29573,4 euros

soit un total de 32073,40 euros

Le jugement sera infirmé en ce sens.

L'indemnité globale principale s'élève donc à la somme de 342'807,40 euros arrondis à 342'810 euros.

-Sur la dépréciation du surplus

En première instance les consorts X... ont sollicité une indemnité accessoire de dépréciation du surplus à titre principal assorti d'un engagement de la SGP à édifier une dalle formant voûte de tunnel sous leurs fonds, de telle sorte que cette dalle ait la capacité de supporter un immeuble de 25 m de hauteur avec un niveau de parking en sous-sol, motifs pris qu'ils ont l'intention depuis qu'ils ont recueilli la pleine propriété de l'immeuble en 2014 de surélever le bâtiment de 2 ou 3 étages. À titre subsidiaire ils ont sollicité une indemnité accessoire de dépréciation du surplus d'un montant de 5'439'840 euros.

Le premier juge les a déboutés tant de leur demande principale que de leur demande subsidiaire en indiquant que le seul préjudice résultant de l'expropriation est la dépossession d'une emprise en tréfonds, que la dégradation de la valeur vénale de l'immeuble invoquée résulte d'une simple affirmation et ne constitue pas un préjudice certain, qu'aucun élément ne permet en l'état de déterminer un préjudice certain qui serait constitué par la possibilité d'utiliser le surplus du tréfonds du fait de la construction de la ligne de métro, pour réaliser un éventuel immeuble sur une hauteur de 25 m avec des parties en sous-sol, et ce d'autant qu'aucun projet constructif n'a été déposé.

Ils reprennent les mêmes demandes devant la cour en indiquant que leur parcelle se situe en zone urbaine générale UG du PLU de la commune de Paris, que cette zone permet les constructions allant jusqu'à une hauteur de 31 m, que le bâtiment pourrait se voir surélever de 2 ou 3 étages, que tel était bien leur intention lorsqu'ils ont recueilli la pleine propriété en 2014 ; qu'envisageant la réalisation d'un ensemble immobilier à usage d'habitation à l'issue du bail commercial de l'hôtel venant à expiration le 31 mars 2019, ils voient leur projet compromis par cette expropriation du tréfonds ; qu'ils avaient bien un projet de construction qui les avait conduit à inclure une clause très spécifique dans le bail commercial conclu avec la société LIDL, laquelle a pour objet de permettre une surélévation prochaine de l'immeuble sans dommages au magasin situé dessous ; que ce projet s'est concrétisé dans une demande de certificat d'urbanisme pré-opérationnel préalable nécessaire avant tout projet de construction.

Ils demandent en conséquence à titre principal une indemnisation de la dépréciation de leur terrain en nature, et à titre accessoire une indemnisation pour un montant de 5'439'840 euros.

Aux termes de l'article L322-12 du code de l'expropriation les indemnités sont fixées en euros. Toutefois, l'expropriant peut, en lieu et place du paiement de l'indemnité, offrir aux commerçants, à l'artisan ou industriel évincé un local équivalent situé dans la même agglomération.

En l'espèce, l'expropriant n'a pas donné son accord et l'expropriée n'est pas en outre un commerçant, un artisan ou industriel.

S'agissant de la demande subsidiaire aux termes de l'article L321-1 du code de l'expropriation les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

L'indemnité de dépréciation du surplus a pour objet de couvrir, en cas d'expropriation partielle la moins-value que subit de ce fait la partie restante. Cette indemnité n'est due que s'il y a dépréciation du surplus non exproprié.

En l'espèce, l'emprise en tréfonds a une profondeur de 8, 80 m pour le niveau haut de l'ouvrage, laisse intégralement le reste la propriété bâtie et n'affecte nullement la valeur de cette dernière, et ce d'autant que le propriétaire exproprié n'avait aucun projet en sous-sol.

Les consorts X... ne justifient en l'état d'aucune exploitation du surplus du terrain, ni d'aucun projet de constructions en tréfonds qui sera contrariée.

Ils produisent uniquement un bail pièce N°2 et font état dans leurs conclusions d'une clause spécifique page 8 qui n'y figure pas et d'un certificat d'urbanisme, demandé uniquement le 12 novembre 2015, qui n'a valeur que de simples renseignements d'urbanisme, et qui ne peuvent en tout état de cause être assimilés à un projet de constructions en tréfonds.

En l'absence de préjudice direct, certain et actuel, il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts X... de leurs demandes principale et subsidiaire.

- sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement pour les frais irrépétibles de première instance.

L'équité commande de débouter la SGP de sa demande au titre de l'article 700 en cause d'appel et de la condamner sur ce fondement à payer la somme de 2000 euros aux consorts X....

- sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance en application de l'article L312'1 du code de l'expropriation

La SGP perdant pour l'essentiel le procès sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables l'appel principal des consorts X... et l'appel incident du commissaire du gouvernement ;

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau ;

Fixe à la somme de 342'810 euros l'indemnité de dépossession à revenir à Mesdames Béatrice X... épouse Y... et Laure X... épouse A..., pour la dépossession en tréfonds d'une partie de la parcelle désignée ci-dessous :

[...] , cadastrée section [...]

contenance cadastrale : 420 m²,

emprise en tréfonds : 305 m²,

profondeur de l'emprise : 8,80 m

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la Société du Grand Paris à payer aux consorts X... la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Société du Grand Paris aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 17/05150
Date de la décision : 07/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°17/05150 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-07;17.05150 ?
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