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06/06/2018 | FRANCE | N°16/05329

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 06 juin 2018, 16/05329


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 06 Juin 2018

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/05329



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Octobre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/06245



APPELANT



Monsieur Gérald X...

[...]

né le [...] à VIERZON (18100)

représenté par Me Jean-charles Y..., avocat au barreau de MEA

UX substitué par Me Lucie Z..., avocat au barreau de MEAUX



INTIMEE



EPIC RATP PARISIENS

[...]

N° SIRET : 775 663 438

représentée par Me Alexa A..., avocat au barreau de...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 06 Juin 2018

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/05329

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Octobre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/06245

APPELANT

Monsieur Gérald X...

[...]

né le [...] à VIERZON (18100)

représenté par Me Jean-charles Y..., avocat au barreau de MEAUX substitué par Me Lucie Z..., avocat au barreau de MEAUX

INTIMEE

EPIC RATP PARISIENS

[...]

N° SIRET : 775 663 438

représentée par Me Alexa A..., avocat au barreau de PARIS, toque : E2109

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Christine LETHIEC, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoit HOLLEAUX, conseiller

Mme Christine LETHIEC , conseiller

Greffier : Mme Laurie TEIGELL, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, Président et par Madame Laurie TEIGELL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et prétentions des parties

M. Gérald X... a été engagé par la Régie Autonome des Transports Parisiens, ci-après RATP, suivant bulletin d'engagement en date du 28 mars 1997, prenant effet le même jour, pour exercer les fonctions d'élève machiniste receveur, en contrepartie d'une rémunération mensuelle correspondant à l'échelle E 180, échelon 1, position 1. Il a exercé par la suite les fonctions de conducteur de métro et en dernier lieu il exerçait les fonctions de conducteur de RER, depuis le 1er février 1989.

Le 3 décembre 1996, à 18h 05, une bombe a explosé dans la quatrième voiture de la rame du RER stationnant à Port Royal et M. Gérald X... qui conduisait le train croiseur se dirigeant sur Luxembourg et se trouvant à 150 mètres de Port Royal, a porté assistance aux passagers victimes.

Le même jour, la salarié a établi une déclaration d'accident du travail pour choc psychologique et après avoir repris le travail sur un poste sans conduite à la fin de l'année 1997 pendant cinq mois, puis pendant les quatre premiers mois de 1998, à compter du 22 avril 1998, il a été pris en charge par l'assurance maladie de la RATP en application de l'article 81 du statut du personnel de la RATP.

Par lettre du 5 septembre 2013, la RATP a informé M. Gérald X... de sa mise à la retraite à compter du 1er mars 2014 conformément aux dispositions du décret n°2011-288 du 18 mars 2011.

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. Gérald X... a saisi, le 6 mai 2014, le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant à prononcer la nullité de sa mise à la retraite d'office et à condamner son employeur au paiement de sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts notamment pour perte de chance d'évolution au sein de l'entreprise.

Par jugement rendu le 22 octobre 2015, le conseil de prud'hommes a débouté M. Gérald X... de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Le 1er avril 2016, M. Gérald X... a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 6 mars 2018 et soutenues oralement, M. Gérald X... demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau de:

- dire que sa mise à la retaite d'office est nulle

- dire qu'elle doit être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la RATP à lui verser les sommes suivantes :

° 83 659.44 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

° 400 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

° 200 000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'évolution professionnelle au sein de l'entreprise

° 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la RATP aux dépens.

Par conclusions notifiées visées par le greffe le 6 mars 2018 et soutenues oralement, la RATP demande la confirmation du jugement entrepris. Elle soulève, in limine litis l'incompétence de la cour d'appel de Paris pour statuer sur la demande en indemnisation du salarié au titre de la perte de chance à évoluer dans l'entreprise. Subsidiairement elle conclut au caractère infondé de cette demande et sollicite le rejet de l'intégralité des demandes de M. Gérald X... et la condamnation de celui-ci aux dépens.

Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI LA COUR

Sur la rupture du contrat de travail

A l'appui de sa demande en requalification de sa mise à la retraite d'office en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. Gérald X... soutient en premier lieu qu'en application de l'article 81 du statut du personnel, le congé maladie prend fin jusqu'au rétablissement de l'agent ou de son admission à la retraite, ce qui suppose que l'agent prenne l'initiative de bénéficier de ses droits à la retraite, de sorte que la RATP ne pouvait mettre fin à son congé maladie en le mettant d'office à la retraite.

L'appelant se prévaut en second lieu des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail en soutenant que son contrat de travail étant suspendu depuis le mois de décembre 2016, l'employeur ne pouvait procéder à sa mise à la reraite d'office.

La RATP fait valoir que les dispositions de l'article 81 du statut stipulent que l'octroi d'un congé maladie plein salaire au titre d'un attentat prend fin à l'admission à la retraite et que M. Gérald X... ne demandant pas son départ à la retraite de sa propre initiative, elle a attendu qu'il remplisse les conditions réglementaires prévues par le décret n° 2011-288, et ainsi qu'il ait atteint l'âge de 65 ans le 10 février 2014, pour prononcer sa mise à la retraite.

En l'espèce, à la suite de l'attentat du 3 décembre 1996, M. Gérald X... s'est trouvé dans l'impossibilité de reprendre son travail à compter du 21 avril 1998, de sorte qu'il a bénéficié des dispositions de l'article 81 du statut du personnel de la RATP, lui garantissant un maintien en congé maladie à plein salaire sans qu'il soit tenu de justifier d'arrêts de travail soit pour accident de travail, soit pour maladie professionnelle.

L'examen des documents versés aux débats et notamment, les bulletins de paye de l'intéressé, établissent que celui-ci percevait, pendant toute la durée de la suspension de son contrat de travail une rente de la CCAS-RATP, l'indemnisant de son incapacité à occuper tout poste de travail au sein de l'entreprise et lui maintenant sa pleine rémunération pendant une durée de 16 ans, tout en lui faisant bénéficier d'une évolution de son coefficient hiérarchique, soit 402.1 en décembre 1998 à 497.4 en février 2014.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail sont inapplicables en l'espèce, s'agissant d'un régime dérogatoire permettant au salarié un maintien de sa rémunération, en l'absence de tout arrêt de travail.

M. Gérald X... qui est né le [...], est soumis aux dispositions du décret n°2011-288 relatif à l'âge des agents de la SNCF et de la RATP du 18 mars 2011 qui fixe à 65 ans la limite d'âge des agents nés [...].

Le 10 février 2014, le salarié remplissait les conditions réglementaires pour sa mise à la retraite mais il n'a fait aucune demande à ce titre, souhaitant pouvoir continuer à cotiser plus longtemps auprès de la CRP-RATP afin de bénéficier d'une majoration de sa pension de retraite.

L'article 81 du statut du personnel dispose :

«Les agents mis hors d'état de continuer leur service, soit par suite d'un acte de dévouement dans un intérêt public ou en exposant leurs jours pour sauve la vie d'une ou de plusieurs personnes, soit au cours d'une lutte soutenue ou d'un attentat subi dans l'exercice de leurs fonctions, sont maintenus en congé de maladie à plein salaire jusqu'à leur rétablissement ou leur admission à la retraite».

L'article 6 du règlement des retraites, dans sa version applicable avant la réforme de 2008 et dont bénéficie M. Gérald X..., dispose:

«L'admission à la retraite est prononcée par le Directeur général de la Régie, soit d'office, soit sur demande de l'agent ...».

Il en résulte que le terme «admission à la retraite» recouvre ces deux cas de rupture de la relation contractuelle de travail et n'exclut pas la mise à la retraite d'office.

Dans ces conditions, il ne peut être reproché à la RATP d'avoir prononcé la mise à la retraite d'office de M. Gérald X... avec effet au 1er mars 2014, l'intéressé ayant atteint l'âge de 65 ans le 10 février 2014.

Il résulte des développements qui précèdent que le salarié est mal fondé à solliciter la requalification de sa mise à la retraite en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, conformément à ce qu'ont retenu les premiers juges dont la décision déboutant l'intéressé de ses demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera confirmée.

Sur la demande en indemnisation pour préjudice moral

Ainsi qu'il a été retenu supra la mise à la retraite de M. Gérald X... est conforme aux dispositions statutaires, aucun manquement ne pouvant être reproché à ce titre à l'employeur.

Par ailleurs M. Gérald X... ne rapporte pas la preuve de circonstances brutales ayant affecté la rupture de la relation contractuelle de travail, alors même que l'agent ne s'est pas rendu à l'entretien fixé le 4 septembre 2013 par la responsable des ressources humaines afin de discuter des modalités de la retraite à laquelle il pouvait prétendre dès le 10 février 2014 et qu'il s'est contenté d'adresser en réponse, le 6 août 2013, une lettre circulaire, mentionnant les coordonnées de son avocat et qu'il a réitéré ce comportement le 12 février 2014, suite au courrier de l'employeur du 10 février 2014.

Par courrier du 22 février 2014, M. Gérald X... a contesté sa mise à la retraite d'office en faisant valoir qu'il s'agissait d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et par courrier en réponse du 4 mars 2014, l'employeur l'a informé de la possibilité de convenir d'un autre rendez vous mais l'intéressé ne justifie pas avoir donné une quelconque suite.

Faute de caractériser un quelconque manquement de son employeur, M. Gérald X... doit être débouté de sa demande d'indemnisation pour préjudice moral.

Sur la demande en indemnisation au titre de la perte de chance à évoluer dans l'entreprise

La RATP soulève l'incompétence de la cour d'appel pour statuer sur ce chef de demande au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Le salarié n'oppose aucun moyen en défense.

Les éléments de ce dossier établissent que M. Gérald X... a été victime d'un accident du travail, suite à l'attentat survenu le 3 décembre 1996 et que s'il a été pris en charge dans le cadre du régime dérogatoire du statut du personnel de la RATP, lui permettant de bénéficier du maintien en congé maladie à plein salaire sans qu'il soit tenu de justifier d'arrêts de travail, il n'en demeure pas moins que la demande en indemnisation au titre des répercussions psychologiques l'ayant empêché de retravailler et de la perte de chance d'évoluer au sein de l'entreprise résulte de l'accident du travail précité dont l'indemnisation est de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Toutefois, M. Gérald X... a été débouté en première instance de ce chef de demande aux motifs que cette demande n'entrait pas dans les compétences du conseil de prud'hommes et qu'en tout état de cause, elle n'était pas fondée.

Compte tenu de la plénitude de juridiction de la cour d'appel qui statue également en appel sur les décisions des tribunaux aux affaires de sécurité sociale, il convient de rejeter cette exception d'incompétence.

En l'occurrence, le salarié invoque une perte de chance dans son évolution professionnelle au sein de l'entreprise mais l'examen des documents versés aux débats et notamment, les bulletins de paye de l'intéressé, établissent que celui-ci percevait, pendant toute la durée de la suspension de son contrat de travail, une rente de la CCAS-RATP, l'indemnisant de son incapacité à occuper tout poste de travail au sein de l'entreprise et lui maintenant sa pleine rémunération pendant une durée de 16 ans, tout en lui faisant bénéficier d'une évolution de son coefficient hiérarchique, soit de 402.1 en décembre 1998 à 497.4 en février 2014.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. Gérald X... ne caractérise pas la perte de chance alléguée.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes en indemnisation.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. Gérald X... partie perdante, supportera la charge des dépens d'appel et sera débouté de sa demande accessoire fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

REJETTE l'exception d'incompétence soulevée par l'EPIC Régie Autonome des Transports Parisiens;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

DEBOUTE M. Gérald X... de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE M. Gérald X... aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/05329
Date de la décision : 06/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°16/05329 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-06;16.05329 ?
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