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05/06/2018 | FRANCE | N°16/10787

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 05 juin 2018, 16/10787


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 05 Juin 2018

(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/10787



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Juillet 2016 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/10548





APPELANTE

Madame Lydie X...

[...] DE JOS

née le [...] à NIMES

représentée par Me Sophie Y..., avocat au barreau de PARIS,

toque : L0215





INTIMEE

Association L'INTERNATIONAL COUNCIL OF MUSEUMS (ICOM)

Maison de l'UNESCO

[...] (FRANCE)

représentée par Me Jérôme Z..., avocat au barreau de PARI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 05 Juin 2018

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/10787

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Juillet 2016 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/10548

APPELANTE

Madame Lydie X...

[...] DE JOS

née le [...] à NIMES

représentée par Me Sophie Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0215

INTIMEE

Association L'INTERNATIONAL COUNCIL OF MUSEUMS (ICOM)

Maison de l'UNESCO

[...] (FRANCE)

représentée par Me Jérôme Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : K0100 substitué par Me Juliette A..., avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvie HYLAIRE, président

Madame Valérie AMAND, conseiller

Madame Jacqueline LESBROS, conseiller

Greffier : Mme Laurie TEIGELL, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Sylvie HYLAIRE, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

L'Association International Council of Museums, ci-après dénommée l'ICOM, a été fondée en 1946 ; il s'agit selon les statuts d'une organisation non gouvernementale qui entretient des relations avec l'UNESCO ayant un statut consultatif auprès du Conseil Economique et Social des Nations Unies et dont la mission est l'organisation internationale des musées et des professionnels de musées, vouée à la conservation, à la pérennité et à la transmission à la société, du patrimoine naturel et culturel mondial.

Aux termes de ses statuts et du règlement intérieur, la structure de l' ICOM comprend une assemblée générale, un conseil exécutif composé d'un président, de deux vice-présidents, d'un trésorier et de membres ordinaires désignés par l'assemblée générale, un comité consultatif et différents comités nationaux et internationaux ainsi qu'un secrétariat opérationnel ; le conseil exécutif est l'organe de décision.

Le secrétariat opérationnel est composé d'un directeur général et des membres du personnel de l'ICOM ; il évalue et met en oeuvre les programmes, gère les dossiers d'adhésion, assure l'enregistrement et la gestion des finances, la protection et la promotion de l'identité de l'organisation.

Le directeur général est nommé par le président avec l'approbation du conseil exécutif et en vertu de l'article 8 du règlement intérieur, le directeur est responsable de la gestion du personnel et notamment du recrutement, de la politique salariale et de la gestion disciplinaire du secrétariat et il assume la gestion courante dans le cadre des décisions prises par le président, le bureau, le conseil exécutif et l'assemblée générale.

La fiche de poste du directeur général annexée au contrat de travail de M. Julien B... mentionne entre autres tâches qu'il assure la bonne administration du secrétariat de l'ICOM, la gestion des ressources humaines, qu'à cet égard, il est notamment chargé de recruter, encadrer et motiver le personnel en créant un environnement professionnel axé sur l'excellence de la performance et soutenu par une gestion des performances, une comptabilité et des objectifs efficaces, il supervise la gestion administrative, financière et comptable quotidienne de l'établissement, le personnel de l'ICOM ainsi que la logistique et les services généraux et il assure la conformité des pratiques de l'ICOM avec la législation française ... etc.

*

Par contrat à durée indéterminée conclu le 22 décembre 2008, à effet au 22 janvier 2009, Mme Lydie X..., née [...], a été engagée par l'ICOM, en qualité de directeur administratif et financier.

Le contrat stipule en ses articles 1 et 2 que la salariée a le statut de cadre dirigeant, qu'elle est chargée d'assister le directeur général dans la gestion et le contrôle de l' ICOM et qu'elle assure la responsabilité de la direction administrative et financière.

L'article 2 détaille les missions principales de Mme X... qui consistent notamment en :

- la gestion du budget, des finances et la supervision de la comptabilité,

- la gestion des ressources humaines et la supervision de la paye,

- la gestion du service des membres et du recouvrement des cotisations des membres,

- la mise en place et la gestion du mécénat, de la levée des fonds et de la diversification des ressources,

- la gestion de la logistique nécessaire au fonctionnement de l'ICOM (informatique, commande de fournitures, etc),

- la gestion et l'organisation administrative et matérielle du conseil exécutif, du conseil consultatif, de l'assemblée générale et de la conférence générale,

Enfin, il est précisé qu'elle peut également être amenée à assurer par intérim en remplacement du directeur général, la gestion et le suivi du personnel de l'ICOM, notamment en cas d'absence ou de déplacement à l'étranger du directeur général.

L'article 4 du contrat de travail dispose que la salariée a une large autonomie dans l'organisation et l'exercice de ses missions et de son emploi du temps, qu'elle bénéficie d'un niveau de rémunération (72.000 € bruts versés sur 12 mois) se situant parmi les plus élevés de l' ICOM et qu'à ce titre, elle fait partie des cadres dirigeants au sens de l'article L. 3111-2 du code du travail et n'est pas assujettie à la législation relative à la durée du travail, à l'exception des règles en matière d'hygiène et de sécurité et de congés payés.

Outre la rémunération forfaitaire annuelle fixe de base de 72.000 €, le contrat prévoit une prime annuelle variable en fonction de l'atteinte des objectifs fixés en commun avec le directeur général, toute autre prime ou gratification allouée ne faisant pas partie de la rémunération contractuelle et conservant le caractère de libéralité.

Dans le dernier état de ses fonctions, la rémunération mensuelle moyenne sur les douze derniers mois de Mme X... était de 7.602,92 € bruts.

L'ICOM n'est soumise à aucune convention collective. Elle employait 21 salariés à la date des faits et est dotée de délégués du personnel.

*

Le 26 novembre 2012, le président de l'ICOM, M. Hans-Martin C..., a été saisi directement par Mme Samia D..., chef du service juridique, d'une plainte relative à la dégradation de ses conditions de travail et de celles des autres salariés, en raison d'agissements de Mme X....

Il a alors saisi le 9 janvier 2013 deux membres du conseil exécutif de l'ICOM qui ont réalisé une enquête 'dite de médiation' au cours des mois de janvier et février 2013 et ont remis, à l'issue de leurs auditions, un rapport au président.

Mme X... a été convoquée le 20 mars 2013 par lettre remise en main propre le 22 mars 2013 à un entretien préalable, fixé au 2 avril suivant, avec mise à pied conservatoire.

Mme X... a été licenciée pour faute grave le 5 avril 2013 en raison de méthodes de management susceptibles de caractériser une situation de harcèlement moral découvertes à l'occasion d'un contentieux concernant spécifiquement Mme D....

Parallèlement, l'ICOM a licencié le directeur général, M. B..., pour avoir notamment « participé et laissé s'instaurer, sans prendre de mesures concrètes de prévention, des méthodes de management et de travail inadmissibles de nature à engager la responsabilité de l'Association et mettant en danger les salariés ».

La lettre de licenciement de six pages adressée à Mme X... fait état des faits suivants découverts selon l'employeur à l'occasion du contentieux avec Mme D..., responsable juridique de l'association :

- 'une situation générale et caractérisée de souffrance au travail dont se prévaut la majorité pour ne pas dire la quasi totalité des salariés ainsi que les anciens salariés de l'ICOM ;

- l'enquête de médiation rendue le 22 février met en cause directement les méthodes de travail de Mme X... et fait état des faits suivants :

' la notification de directives contradictoires,

' de manière générale, une exigence de délais de réalisation de travaux extrêmement réduits avec pourtant des délais de restitution et de validation des travaux très longs, au détriment d'une bonne organisation et anticipation des délais;

' une exigence de charge de travail incompatible avec les horaires de travail conduisant à de nombreuses heures supplémentaires réalisées le soir, voire le week-end, non rémunérées ;

' des contrôles injustifiés des travaux réalisés avec l'intervention non justifiée d'autres salariés au point de surcharger les procédures de vérification et avec une dégradation de l'ambiance de travail, -la méthode mettant inutilement en compétition des salariés de même niveau ('à titre d'exemple, vous avez imposé à un salarié de vérifier le nombre d'e mails envoyés par un autre salarié') ;

' des contrôles systématiques de déplacements ou absences des salariés portant atteinte à leur vie privée ;

' d'une manière générale, la mise en place de procédures disproportionnées et inappropriées, eu égard à la taille et la configuration de la structure impliquant une gestion de proximité du personnel ;

- les salariés ont fait valoir un climat de terreur résultant des très nombreux départs depuis la mise en place de la nouvelle direction et plus spécifiquement depuis l'arrivée de Mme X..., avec un turnover traduisant la forte précarité à laquelle est exposé chaque salarié ;

- le non respect des horaires et notamment des pauses déjeuner des salariés, le non paiement des heures supplémentaires imposées de fait par l'employeur ou le non respect des dispositions concernant les congés payés (validation à la dernière minute de leur choix de congés) ;

- une attitude s'apparentant à de la discrimination au retour d'un congé parental d'une des salariées, affectée dans un bureau bruyant et exigu, marquant une entrave manifeste dans l'exercice des missions confiées à l'intéressée, indépendamment de la question de l'aménagement de ses horaires,

- l'absence de réponse concrète face aux locaux non chauffés ;

- des appels téléphoniques incessants y compris lorsque les personnes étaient indisponibles;

- la personnalité agressive décrite par les salariés confinant à l'autoritarisme avec des excès de ton marquant ses colères, l'utilisation d'un vocabulaire parfois inacceptable en présence d'autres salariés et des insultes prononcées à l'endroit de la responsable juridique traitée de "salope" en réunion collective, hors la présence de l'intéressée.

La lettre de licenciement fait état de ce qu'au cours de l'entretien préalable, Mme X... s'est positionnée en prétendue victime de harcèlement moral, ce qui traduit son refus de remise en cause de ses méthodes inappropriées et préjudiciables de management, malgré les témoignages accablants qui mettent en cause sa responsabilité.

Il est ajouté que les faits sont confirmés par les questions récurrentes posées par les délégués du personnel sur cette situation dans le cadre des discussions autour des risques psycho-sociaux dans l'entreprise, que, de la même manière, l'inspection du travail et le médecin du travail ont fait valoir une difficulté récurrente et générale d'ambiance de travail au sein de l'association que Mme X... ne saurait dès lors ignorer et qui confirme malheureusement la réalité des témoignages unanimes des salariés.'

Par l'intermédiaire de son conseil, Mme X... a contesté son licenciement le 12 juin 2013 dénonçant notamment une situation de harcèlement moral dont elle aurait été elle-même victime et une charge de travail démesurée.

Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 4 juillet 2013, lequel l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes par jugement en date du 22 juillet 2016, rendu en formation de départage.

Elle a relevé appel de la décision le 28 juillet 2016.

***

Mme X... demande à la cour d'une part de juger qu'elle ne pouvait pas bénéficier du statut de cadre dirigeant et en conséquence de condamner l' Association International Council of Museums à lui payer les sommes de :

- 197.881 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 19.788 € au titre des congés payés afférents,

- 40.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

- 45.612 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 15.204 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour non-respect du repos quotidien et hebdomadaire.

D'autre part, elle demande à la cour de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en retenant que le climat social dégradé ne lui est pas imputable et qu'elle a elle-même été victime d'une situation de harcèlement moral et de non respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat et sollicite en conséquence la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes de :

- 22.806 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 2.280,60 € au titre des congés payés afférents,

- 6.434,97 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 91.224 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 45.612 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral découlant de la situation de harcèlement moral et du non-respect par l'employeur de l'obligation de sécurité,

- 7.602 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation d'établissement d'un document unique d'évaluation des risques professionnels,

- 7.602 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales périodiques et de reprise après arrêt maladie,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite enfin les intérêts au taux légal des condamnations prononcées à compter de la saisine du conseil des prud'hommes et leur capitalisation ainsi que la condamnation de l'ICOM au paiement des dépens.

L'Association International Council of Museums sollicite la confirmation du jugement, retenant que le licenciement de Mme X... est légitime, qu'elle avait la qualité de cadre dirigeant et ne peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires et d'indemnités pour ce motif.

Elle demande à la cour de rejeter des débats la pièce 105 - comportant 4 pages recto verso numérotées de 105/1-7 à 105/7-7 communiquée par Mme X... le 27 mars 2018 et sollicite la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le statut de cadre dirigeant et la demande en paiement d'heures supplémentaires

Mme X... soutient que le statut de cadre dirigeant ne peut pas lui être opposé : elle invoque les règles de gouvernance de l' ICOM qui selon elle, rendaient impossible qu'elle puisse être cadre dirigeant puisqu'elle n'était pas membre du conseil exécutif, prétend que les trois critères légaux définissant le cadre dirigeant ne sont pas réunis, ce qui exclut qu'elle soit considérée comme dirigeant de droit.

Selon l'appelante, elle n'avait pas la qualité de cadre dirigeant :

D'une part, elle n'exerçait pas sa fonction en toute indépendance en ce qui concerne l'organisation de son emploi du temps ; ainsi ses demandes de congés étaient soumises à l'autorisation préalable du directeur général et elle bénéficiait de jours de récupération « pour une partie des jours de congés, des samedis, dimanches, jours fériés et in fine de récupération, eux-mêmes travaillés».

D'autre part, elle ne disposait pas du pouvoir de décision du fait des dispositions statutaires: Mme X... fait observer que la délégation de pouvoir du président de l'ICOM consentie au directeur général ne prévoit pas de subdélégation vers le DAF ou toute autre personne, qu'elle n'avait pas de délégation de pouvoir ni même de signature en vue d'intervenir pour le compte de l'ICOM ou de ses représentants légaux.

Elle ajoute qu'elle n'avait aucun pouvoir de gestion, de direction ou d'administration du personnel et que d'ailleurs, même quand le directeur général, Monsieur B..., était absent, il continuait à traiter les dossiers de l'association ainsi qu'en ferait foi la pièce 90 qu'elle produit.

S'agissant de cette pièce, la cour observe qu'il s'agit en réalité d'un mail adressé le 6 septembre 2010 par M. B... à Mme X... qui le concerne personnellement au sujet de sa feuille de paie du mois d'août, de sorte qu'aucune conséquence particulière ne peut sérieusement en être tirée.

Mme X... argue encore de ce qu'elle n'était pas en mesure de prendre des décisions sans demander l'accord du directeur général, qui donnait les directives concernant les décisions à prendre, signait les courriers adressés au personnel sur les questions relatives aux ressources humaines, aux augmentations de salaire, décidait des licenciements, menait les entretiens préalables, répondait aux délégués du personnel et que les projets de comptes rendus de réunions qu'elle préparait étaient systématiquement revus et validés par le directeur général.

Concernant sa rémunération, Mme X... fait valoir que si elle était importante, il existait un écart significatif de 90.890 € entre sa propre rémunération et celle du directeur général et qu'en tout état de cause, si ce critère était rempli, il ne suffit pas à lui seul à lui faire reconnaître la réalité du statut de cadre dirigeant.

Pour s'opposer à la demande de Mme X... tendant au paiement d'heures supplémentaires, l'ICOM fait valoir que celle-ci était contractuellement cadre dirigeant, qu'elle remplissait les conditions posées par l'article L. 3111-2 du code du travail et que bien qu'exécutant son contrat de travail au sein d'une association, elle oppose à tort que statutairement, elle ne pouvait pas disposer de pouvoir de décision et ne pouvait pas être cadre dirigeant.

L'ICOM fait au contraire valoir que l'appelante remplissait bien les critères cumulatifs de l'article précité en se reportant notamment à l'énoncé des fonctions contractuelles (article 2 du contrat de travail), ajoute qu'elle avait en effectif sous ses ordres la direction la plus importante de l' ICOM (10 salariés et en moyenne 5 stagiaires), qu'elle était la seule à disposer d'une délégation de pouvoirs et que, selon délégation écrite et mention au contrat de travail, elle était le représentant de l'employeur par intérim lorsque le directeur général était absent.

L'ICOM souligne, en s'appuyant sur les pièces qu'elle communique visées dans ses conclusions pages 40/63, que Mme X... était qualifiée de directrice adjointe par les délégués du personnel et que, preuve de son assimilation à l'employeur, elle ne faisait pas partie des électeurs lors du renouvellement des mandats des délégués du personnel au mois de décembre 2010.

L'employeur relève entre autres faits que tant Mme X... que M. B..., directeur général, se sont indûment octroyés des jours de récupération (29 jours pour Mme X... et 79 pour M. B..., ce qui lui a été reproché dans le cadre de son licenciement), que Mme X... gérait bien l'organisation de son emploi du temps puisque certains salariés disent qu'elle arrivait toujours en retard (Pièces III-48) et que les week-end, elle repartait en province, rentrant en début de semaine, selon ses horaires de trains et a pu ainsi partir le 19 juin 2009 au matin à Montpellier et ne rentrer à Paris que le mercredi suivant sans que lui soit décompté aucun jour d'absence sur son salaire.

L'ICOM fait encore valoir que l'appelante avait bien une autonomie décisionnelle en matière de paie et de gestion des comptes bancaires et produit plusieurs pièces visées dans ses conclusions pages 41/63 et que le 21 janvier 2009, le directeur général avait porté à la connaissance des membres du personnel de l'ICOM la délégation donnée à Mme X... durant son absence et ses déplacements à l'étranger, dont il ressort que «l'ensemble du personnel est placé sous la responsabilité de la directrice administrative et financière, Mme X..., à laquelle chacun, toute direction confondue, doit se référer».

***

Un cadre même dirigeant, est avant tout un salarié soumis à un lien de subordination à l'égard de son employeur et le statut de cadre dirigeant n'est pas incompatible avec l'existence au sein d'une entreprise, d'une personne ou d'une entité distincte détenant le pouvoir de décision finale.

Ainsi, le salarié au sein d'une association peut être cadre dirigeant même si c'est un autre organe de direction, en l'espèce, le conseil exécutif qui détient le pouvoir de décision dans le cadre de ses attributions statutaires.

Par ailleurs, pour apprécier la réalité du statut de cadre dirigeant, il convient de se référer non pas à l'intitulé donné par les parties mais à la nature même des fonctions réellement exercées par le cadre et à leur étendue au regard des critères énumérés par l'article L.3111-2 du code du travail.

En l'espèce, le contrat de travail de Mme X... stipule qu'elle assiste le directeur général dans la gestion et le contrôle de l'ICOM et assure la responsabilité de la direction administrative et financière de l'ICOM.

Il ressort des faits, des moyens développés par les parties et des pièces versées aux débats que si Mme X... percevait bien l'une des plus hautes rémunérations de l'ICOM, il y a lieu cependant de considérer que la salariée ne bénéficiait pas d'une réelle autonomie de gestion de son emploi du temps et qu'elle devait nécessairement être présente aux heures de présence des autres salariés, étant appelée à être celle à qui, en l'absence du directeur général, toutes les directions de l'ICOM devaient se référer.

Par ailleurs la délégation de pouvoir du 21 janvier 2009 visée par l'ICOM mentionne que «tout courrier demeure sous la signature du Directeur Général. La directrice administrative et financière animera, en l'absence du directeur général, la réunion hebdomadaire d'équipe ».

La restriction concernant la signature des courriers démontre à elle seule que Mme X... n'avait pas dans l'exercice de ses fonctions une habilitation largement autonome et un réel pouvoir de prendre des décisions.

Enfin, au vu des pièces communiquées, la preuve n'est pas rapportée que Mme X... prenait des décisions autres que celles quotidiennes nécessaires à l'exercice des fonctions d'un directeur administratif et financier.

Il n'est notamment pas justifié que les décisions qu'elle était amenée à prendre quand elle donnait un ordre de virement des salaires ou de gestion des comptes bancaires ou avait des réunions avec les délégués du personnel ou exerçait un suivi des congés payés des salariés de son service étaient d'une nature exorbitante, dépassaient une gestion courante ou constituaient des décisions stratégiques pour l'Association.

La cour retient en conséquence que Mme X... ne remplissait pas les critères légaux cumulatifs de l'article L. 3111-2 du code du travail de sorte que la qualité de cadre dirigeant ne peut pas lui être reconnue et que sa demande en paiement d'heures supplémentaires est recevable.

*

Concernant les heures supplémentaires, l'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et, qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, qui doit fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En tout état de cause, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant la preuve contraire.

En l'espèce, la salariée communique certains mails échangés avec M. B... qui lui adressait des demandes urgentes par exemple le samedi 10 mars 2012 à 21h04, lui demandant des notes en anglais et une réactivité sur des données spécifiques, ou encore, le 12 novembre 2012 à 21h48 lui demandant des fiches pour «demain» dont il a besoin rapidement, ou encore le 11 février 2010 à 0h31 avec un remerciement de M. B... à même date à 0h 33, sollicitant d'autres précisions.

Mme X... justifie d'envois de longs messages professionnels à M. B... bien au-delà de 21h, parfois 23h et au-delà.

Elle produit également de nombreuses notes de frais payés comprenant le coût de taxis pour des départs nocturnes du bureau à son domicile parisien.

L'ensemble de ces documents caractérise et justifie la réalisation d' heures pouvant légitimement être qualifiées de supplémentaires au regard de leur horaire inhabituel et peu commun pour des échanges professionnels, sans qu'il soit nécessaire de prendre en considération la pièce 105 - 1 à 7 de Mme X..., communiquée seulement le 27 mars 2018 dont l'ICOM sollicite à juste titre le rejet pour communication tardive, faute de laisser un temps suffisant pour assurer le respect du principe du contradictoire.

L'ICOM conteste la demande d'heures supplémentaires de Mme X... en reprenant les arguments de la fonction de cadre dirigeant, rejetés par la cour et en faisant valoir que les heures supplémentaires doivent être effectuées à la demande de l'employeur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Elle oppose en outre le fait que Mme X... a bénéficié de jours de récupération, par exemple 8 semaines de congés en 2012 alors qu'elle bénéficiait seulement de 6 semaines de congés payés en application du règlement intérieur.

L'ICOM critique la note de taxi du 19 juin 2009 et fait valoir que Mme X... a en outre estimé elle-même au cours de sa collaboration le nombre d'heures supplémentaires qu'elle effectuait donnant droit à récupération puisqu'entre 2009 et 2013, elle s'est attribuée 27,5 jours de récupération et s'est fait payer 2,5 jours de récupération dans le cadre de son solde de tout compte.

Il ressort de l'examen des bulletins de salaire de Mme X... qu'y figurent effectivement des jours de récupération avec les dates auxquelles ils ont été pris (exemple 13 juillet 2010 au 16 juillet 2010, 15 juin au 18 juin 2012...). Ces bulletins de salaire mentionnent en outre le décompte des jours acquis, pris et restant.

Des échanges avec le directeur général et les délégués du personnel, il ressort que la pratique au sein de l'ICOM était l'attribution de jours de récupération pour les heures supplémentaires effectuées et il est justifié que Mme X... remplissait des formulaires de jours de récupération.

Il s'ensuit que la cour a la conviction que les heures supplémentaires effectuées ont fait l'objet de la prise ou de l'indemnisation, dans le cadre du solde de tout compte, de jours de récupération et qu'aucun élément déterminant ne permet de laisser même présumer que Mme X... n'a pas bénéficié du respect du repos quotidien et hebdomadaire alors même que certains salariés attestent qu'elle arrivait souvent tardivement.

En conséquence, Mme X... doit être déboutée de ses demandes relatives au paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de dommages intérêts et d'indemnités pour non respect du repos quotidien et hebdomadaire et pour travail dissimulé.

Sur le licenciement

Mme X... a été licenciée pour faute grave le 5 avril 2013 après mise à pied conservatoire.

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que les faits reprochés au salarié constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise, étant en outre rappelé qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

Il ressort des faits visés dans la lettre de licenciement qu'il est consécutif à la dénonciation par Madame D..., chef du service juridique, du harcèlement que lui fait subir Mme X... et aux plaintes de cette salariée quant au management de celle-ci dont sont également victimes ses collègues.

Des pièces produites, il ressort que la plaignante avait eu un entretien avec le président de l'association au début de l'année 2012 relatif plus précisément au management du secrétariat général et à des problèmes personnels concernant une demande de reconnaissance de fonction d'encadrement pour son poste.

Le président étant de nationalité allemande avait tenté de faire la lumière par des entretiens tant avec Mme X... qu'avec M. B..., le directeur général, qui avaient contesté les faits.

Mme D... avait également eu un entretien le 5 juillet 2012 avec M. B... et, devant la réitération des faits dont elle se disait victime (mail du 17 décembre 2012 adressé au président de l'ICOM) et l'intervention, le 9 janvier 2013, des délégués du personnel auprès de M. B..., une enquête interne a été confiée par le président de l'ICOM à deux membres du conseil exécutif de l'association qui ont déposé un rapport le 22 février 2013.

Il ressort notamment de ce rapport qu'environ 10 salariés avaient été reçus par le médecin du travail entre 2010 et 2012 et que des inaptitudes à leur poste avaient été déclarées avec aptitude à un autre poste, que dans ce cadre, une lettre d'alerte avait été adressée à l'ICOM le 31 juillet 2012 pour souffrance au travail et qu'une rencontre avait eu lieu le 24 septembre 2012 entre le médecin du travail et le directeur général.

Le même comportement et les mêmes faits ont continué à être dénoncés par Mme D... jusqu'au jour du déclenchement de «l'enquête» par le président de l'ICOM.

C'est à bon droit que le premier juge a rappelé qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, le point de départ du délai de prescription est constitué par le jour où l'employeur a une exacte connaissance de la réalité de la nature et de l'ampleur des faits reprochés.

Or, en l'espèce, même si le président de l'ICOM avait été saisi le 17 décembre 2012 d'une nouvelle plainte de Mme D..., compte tenu de la nature des faits dénoncés, il était légitime d'une part, qu'il fasse procéder à une enquête afin de s'assurer le cas échéant de leur réalité mais aussi de leur ampleur, dès lors que Mme D... mettait en cause le comportement de Mme X... tant à son égard qu'à l'encontre d'autres salariés et, d'autre part, qu'il attende les résultats de cette enquête avant de prendre une décision.

En l'espèce, les résultats de l'enquête interne ont été connus de l'employeur le 22 février 2013 et Mme X... a été convoquée à un entretien préalable par remise en main propre le 22 mars 2013 soit à une date où la prescription n'était pas acquise.

*

Mme X... met en cause l'objectivité et l'impartialité du rapport d'enquête pour en dénier le caractère probant des faits qui lui sont reprochés.

Il sera relevé que les deux membres du comité exécutif ont procédé à l'audition de 15 des 21 salariés dont 12 ont accepté d'établir un écrit, 5 de manière nominative, que par ailleurs, les déclarations de ces salariés sont confortées par plusieurs témoignages d'anciens salariés versés aux débats par l'ICOM, en sorte qu'il ne peut être considéré, comme le soutient Mme X... que le rapport d'enquête est un document unilatéralement établi par l'employeur dans le seul but de 'construire et étayer le dossier de licenciement'.

Le caractère objectif de cette enquête est d'ailleurs conforté par le fait que le rapport fait état de témoignages 'favorables' à Mme X... mais aussi de la surcharge de travail qu'elle avait à affronter.

Or, même si l'on fait abstraction des seuls faits dénoncés par Mme D..., dont Mme X... stigmatise dans ses écritures, une 'propension à dénoncer des faits de harcèlement et à réitérer ses doléances', il ressort du rapport d'enquête interne et des témoignages, que de nombreux salariés actuels ou anciens salariés ayant quitté l'association qui ont été entendus ont souligné une 'incompétence néfaste dans l'organisation du travail et de graves dysfonctionnements dans la politique d'encadrement et de conduite de l'équipe permanente'.

Les faits visés dans la lettre de licenciement ressortent sans ambiguïté des déclarations des salariés qui font état de manière constante des techniques inappropriées de management de Mme X....

En particulier, Mme E..., déléguée du personnel, sans faire état de faits qu'elle aurait subis à titre personnel, décrit 'le stress, la tension, la mauvaise organisation du travail, ... la peur de faire une erreur et d'être virée, le manque de respect, ... , les difficultés systématiques pour les congés annuels...'.

Plusieurs salariés du service que dirigeait Mme X... évoquent une surcharge de travail aggravée par des tâches à accomplir en permanence dans l'urgence.

Mme X... est décrite 'comme très exigeante mais ne prenant pas le temps de définir clairement ses objectifs et les moyens de les atteindre, de répondre aux questions... Cela entraîne un malaise et le sentiment que nous sommes là 'pour faire' et non 'pour réfléchir'.(...) Les dossiers sur lesquels elle nous fait travailler peuvent facilement présenter plus de 10 versions revues et corrigées avec ordres et contre-ordres reçus par email tout au long de la journée. On découvre fréquemment qu'un collègue travaille également sur ce même dossier avec des instructions différentes (...) Afin de connaître l'état d'avancement de votre dossier, elle envoie de nombreux mails, vous passe de fréquents appels téléphoniques pour savoir si vous avez bientôt terminé. Cela induit un sentiment de harcèlement et il n'est pas rare de craquer et de finir en pleurs par fatigue .(...). Face à des licenciements estimés par certains arbitraires la peur d'être le prochain sur la liste s'installe et on adopte profil bas'.

Plusieurs des personnes entendues font état des urgences qui semblent toujours arriver à 17h ou 18h.

Un autre salarié déclare : (...) Un autre jour, après une visite chez le médecin du travail, Mme X... est venue me voir pour savoir la raison pour laquelle j'avais été voir le médecin du travail. Une autre fois, elle m'a hurlé dessus sans raison lorsque je suis venu la voir pour lui poser une question (...).'

Plusieurs salariés ayant quitté l'entreprise mettent également en cause la gestion du personnel et le management de M. B... et de Mme X....

L'un d'eux, qui a démissionné en mars 2010, indique ainsi : 'du fait des angoisses suscitées par le comportement de M. B... et de Mme X... , il m'était devenu très difficile d'aller travailler sereinement, chaque matin était devenu un vrai calvaire et un cauchemar que de devoir travailler avec ces personnes et je ne ressentais plus que la peur au ventre, ne serait-ce que le simple fait d'ouvrir ma boîte mail à mon arrivée le matin en me demandant ce que j'allais y trouver.'

Mme F..., qui a démissionné en décembre 2010, indique avoir beaucoup souffert des méthodes d'encadrement et du comportement de Mme X..., déclarant notamment : '(...) Dès le début de l'année 2010, la collaboration avec elle (Mme X...) est devenue de plus en plus difficile générant un stress écrasant. Ces conditions de travail ne pouvaient malheureusement guère être tempérées par le directeur général, mon supérieur hiérarchique direct, en raison de ses fréquents déplacements à l'étranger.(...) Mme X... tout en me déléguant ces tâches opérait un contrôle a posteriori par lequel elle défaisait sans cesse le travail effectué sans même m'en aviser'.

Concernant Mme D..., ce témoin évoque un incident survenu un vendredi soir en juin 2010: Mme X... lui avait confié la lourde tâche de préparer des envois ...

Je suis restée très choquée de voir que Mme X... confiait à une juriste la tâche de gérer les impressions, la mise sous pli et les envois ... de documents volumineux devant être expédiés à plus de 150 comités de réseau...

Devant la détresse de Mme D... et la charge insurmontable, j'ai appelé deux collègues qui sont revenues et nous avons aidé Mme D.... Le travail fut achevé à 22 heures à 4...'.

Mme G..., également démissionnaire au début de l'année 2011, évoque 'le comportement paranoïaque de Mme X... qui engendrait un management par la peur(...). M. B... et de Mme X... rendaient toutes les actions prioritaires mais n'en priorisaient aucune ; les productions devaient systématiquement passer par un circuit de validation interne long et lent (mis en place par eux) mais les délais de livraison exigés, toujours très courts, devaient être respectés par les employés.

A cela s'associait un culte des horaires maladif au quotidien qui n'empêchait pas pour autant Mme X... d'être systématiquement en retard à tous ses rendez-vous avec les membres de son personnel, particulièrement lorsqu'elle les convoquait tôt le matin. ... Sans en avoir personnellement trop souffert, j'ai souvent vu mes collègues trembler de ne pas voir accepter leurs congés annuels ... jusqu'à la dernière minute. Mme X... était directement responsable de ce climat de peur et de tension mais Monsieur (B...) la plupart du temps absent ou indisponible était d'après moi, pleinement conscient de cette situation.'

Mme H..., qui a démissionné en juillet 2012, a attesté en ces termes :

' (...) Parfois avec elle (une collègue) nous parvenions à rire quand Mme X... l'appelait pour qu'elle lui dise ce que j'étais en train de faire et ensuite m'appelait à mon tour pour vérifier l'information qu'Alice lui avait donnée (...).

Surtout, il ne fallait pas que Mme X... se fâche 'toujours la peur' (à propos du refus de ses congés) (...)'.

Mme H... évoque la réponse téléphonique de Mme X... à sa demande de temps partiel après son congé de maternité : ... Lucia, je crois qu'à votre retour en étant à 80 %, vous n'aurez plus le temps de vous occuper du comité de déontologie', le témoin ajoutant 'Bien entendu, Mme X... savait bien où faire mal..Le comité de déontologie ne faisait pas partie de mes tâches principales dans mon contrat mais elle savait que je tenais à ça, que j'aimais le comité et que j'avais écrit un livre sur le sujet.

Mon retour de congé (de maternité) allait être difficile (par suite d'un désaccord quant aux jours travaillés entre Mme X... et Mme I..., supérieur direct du témoin): '(...) Pendant plusieurs semaines, elle (Mme X...) refusait de me parler directement ou de me donner du travail. ... Mme X... m'ignorait'(...).

Sur le cas de Samia (Mme D...), (...) Mme X... 'n'aimait pas Samia et un jour devant Alice et moi en recevant un email d'elle, elle a exclamé 'la salope'. J'ai senti que Mme X... voulait que les gens s'entendent mal entre eux pour qu'ils ne parlent pas de leur situation ... elle semait la zizanie et le pire est que ça marchait parfois...'.

Mme I..., après un entretien avec M. B... le 5 juillet 2012 où elle aurait annoncé qu'elle allait envoyer, ainsi que le témoin, une lettre signalant le harcèlement moral exercé par Mme X... , a fait l'objet d'une procédure de licenciement, Mme H... ayant reçu, elle, un avertissement.

L'ensemble de ces déclarations, concordantes, précises et circonstanciées témoigne de techniques de management totalement inappropriées et de nature à entraîner une dégradation de la santé des personnes dont elle était le supérieur hiérarchique.

Mme X... était responsable de la gestion des ressources humaines et par conséquent des méthodes de gestion qu'elle mettait en place : elle ne saurait justifier son comportement par la propre attitude de son directeur général, qui bien qu'effectivement alerté à plusieurs reprises par les salariés, par les délégués du personnel mais également par le médecin du travail, n'a manifestement pas pris les mesures adéquates.

Ainsi, si le comportement de M. B... était critiquable, plusieurs personnes attestent avoir été directement victimes d'agissement directement imputables à Mme X... et le fait que la situation ait pu perdurer n'est pas de nature à en atténuer la gravité, plusieurs salariés évoquant les conséquences de ces agissements sur leur état de santé.

Pour justifier son comportement, Mme X... fait également valoir qu'elle aurait elle-même été victime de conditions de travail difficiles résultant notamment d'une surcharge de travail importante et des pressions fortes exercées sur elle par le directeur général.

S'il n'est pas contestable que Mme X... avait une charge de travail importante qui a d'ailleurs été relevée par l'enquête menée à la demande du président, d'une part, la cour a considéré ci-avant que les récupérations dont elle bénéficiait avaient compensé les heures supplémentaires effectuées.

D'autre part, les exigences de travail et de résultat que faisait peser sur elle M. B... ne peuvent pas l'exonérer de sa responsabilité quant aux actes de management décrits par les salariés qui étaient placés sous son autorité.

Enfin, il ne se déduit pas du certificat médical établi à la demande de Mme X... le 3 mai 2013, faisant état d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel postérieur à son licenciement, qu'il soit en lien avec un harcèlement moral qu'aurait subi la salariée pendant l'exécution de son contrat de travail, étant observé que le fait pour un employeur d'exiger de son salarié des résultats n'est pas constitutif en soi d'actes susceptibles de laisser présumer une telle situation.

Les agissements révélés par l'enquête suite au harcèlement dénoncé par Mme D... tant à son égard qu'à l'encontre d'autres salariés caractérisent un manquement grave et réitéré de Mme X... aux obligations lui incombant, ne permettant pas, eu égard à la nature de ces faits, de maintenir la salariée dans l'entreprise.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a débouté Mme X... de ses demandes relatives à la rupture du contrat et au harcèlement moral.

Il est établi que Mme X... travaillait fréquemment dans des conditions d'urgence: le rapport d'enquête mentionne d'ailleurs qu'elle était surchargée par un travail d'autant plus important qu'elle se retrouvait souvent en première ligne pour gérer les litiges, le directeur général passant une grande partie de son temps en mission à l'étranger.

Dès lors, il y a lieu de retenir que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité et de prévention de la santé de sa salariée en l'exposant à une charge de travail qui la conduisait à assumer des tâches ressortant des fonctions du directeur général, sans que ce dernier ait veillé à mettre en place les visites médicales légales de son personnel.

En conséquence, la cour considère qu'il est approprié d'allouer de ces chefs à Mme X... la somme de 5.000 € à titre de dommages intérêts.

Mme X... ne justifie pas de l'existence d'un préjudice distinct et personnel résultant de l'absence de mise à jour régulière du document unique d'évaluation des risques professionnels suite au premier document établi et validé par M. B..., directeur général le 31 août 2009 ; sa demande de dommages intérêts à ce titre sera rejetée.

Sur les autres demandes

Il y a lieu d'allouer la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile à Mme X... et de dire que l'ICOM, condamnée aux dépens, conservera à sa charge ses propres frais irrépétibles.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions de l'article 1153-1 du code civil, recodifiés sous l'article 1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en application desquelles les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Il convient de dire que les intérêts seront capitalisés année par année, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil devenu 1343-2 du même code.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Ecarte des débats la pièce 105, pages 1 à 7 incluse produite par Mme Lydie X...,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a considéré que Mme X... avait le statut de cadre dirigeant et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre du non respect de l'obligation de sécurité,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que Mme X... n'avait pas le statut de cadre dirigeant,

Condamne l' Association International Council of Museums à payer à Mme Lydie X... la somme de 5.000 € à titre de dommages intérêts pour non respect par l'employeur de son obligation de sécurité, avec intérêts au taux légal capitalisés par année entière, à compter de la présente décision,

Déboute Mme X... de se demandes au titre des heures supplémentaires effectuées,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne l' Association International Council of Museums aux entiers dépens ainsi qu'à payer à Mme Lydie X... la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 16/10787
Date de la décision : 05/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°16/10787 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-05;16.10787 ?
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