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31/05/2018 | FRANCE | N°16/07021

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 31 mai 2018, 16/07021


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 31 Mai 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/07021



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/06130





APPELANTE

Madame Malika X... épouse Y...

[...]

née le [...] à KOUBA ( ALGERIE ) (99352)

représentée par Me Marisa Z..., a

vocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 48

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/012501 du 12/06/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 31 Mai 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/07021

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/06130

APPELANTE

Madame Malika X... épouse Y...

[...]

née le [...] à KOUBA ( ALGERIE ) (99352)

représentée par Me Marisa Z..., avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 48

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/012501 du 12/06/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

SAS HOTEL MONCEAU BEL AIR

[...]

N° SIRET : 449 618 016

représentée par Me Nicolas A..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1626

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur B... L'HENORET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre

Monsieur B... L'HENORET, Conseiller

Monsieur Philippe MICHEL, Conseiller

Greffier : Mme Anna TCHADJA-ADJE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, et par Madame Anna TCHADJA ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme Malika X... épouse Y... a été engagée le 1er septembre 2003, en qualité de femme de chambre, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel par la SAS HOTEL MONCEAU BEL-AIR qui emploie moins de onze salariés.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention Collective des Hôtels, Cafés et Restaurants, Mme Malika X... épouse Y... percevait un salaire mensuel de 1 090,16 € brut, pour 26 heures hebdomadaires.

Le 25 avril 2012, à l'issue d'une visite médicale occasionnelle à la demande de la salariée, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste de femme de chambre, apte à un poste sans station debout prolongée et sans port de charge.

Le 31 mai 2012, à l'issue de la seconde visite médicale effectuée à la suite d'une étude de poste réalisée le 16 mai 2012, le Médecin du Travail a déclaré Mme Malika X... épouse Y... apte à un emploi sans station debout prolongée ni port de charge.

La société HOTEL MONCEAU BEL-AIR a proposé le 12 juin 2012 à Mme Malika X... épouse Y... un poste de veilleur de nuit que la salariée a décliné le 16 juin 2012 en indiquant que la proposition était incompatible avec ses charges de famille.

Mme Malika X... épouse Y... a fait l'objet le 21 juin 2012 d'une convocation à un entretien préalable à un licenciement fixé au 2 juillet 2012 avant d'être licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 juillet 2012 pour inaptitude et pour impossibilité de reclassement.

Le 13 mai 2013, Mme Malika X... épouse Y... a saisi le Conseil de prud'hommes de PARIS aux fins de faire juger que le licenciement intervenu le 10 juillet 2012 était dénué de cause réelle et sérieuse et a présenté les chefs de demandes suivants à l'encontre de la SAS HOTEL MONCEAU BEL-AIR :

- Indemnité compensatrice de préavis : 3 272,37 € ;

- Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 327,23 € ;

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 7 784,67 € ;

- DIF (Droit individuel à la formation) : 1 098,00 € ;

- Remise d'un certificat de travail,

- Remise de l'attestation d'employeur destinée au Pôle Emploi conforme avec la mention du préavis,

- Remise de bulletin(s) de paie mars 2010, septembre 2010 et octobre 2012,

-Article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle : 1 500,00 €

- Aide juridictionnelle totale,

- Exécution provisoire article 515 du code de procédure civile,

- Intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil,

- Dépens.

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par Mme Malika X... épouse Y... contre le jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS en date du 5 février 2016 qui a condamné la SAS HOTEL MONCEAU BEL-AIR à lui verser la somme de

1 098 € de dommages et intérêts au titre du DIF et l'a déboutée du surplus de ses demandes.

Vu les écritures du 21 février 2018 au soutien des observations orales par lesquelles Mme Malika X... épouse Y... demande à la cour de :

' Dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

' Condamner la SAS HOTEL MONCEAU BEL AIR à lui verser, avec intérêts légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes :

- 3272,37 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 327,23 € au titre de Congés Payés afférents ;

- 7 784,67 € au titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1098 € au titre de dommage et intérêts pour absence de mention relative au DIF ;

- 2000 € au titre de l'article 700 du CPC / Article 37 de la loi du 10 juillet 1991;

' Ordonner la remise du certificat de travail et attestation Pole emploi conformes, des bulletins de salaire de mars 2010, septembre 2010 à octobre 2012,

' Condamner l'HOTEL MONCEAU BEL AIR aux entiers dépens.

Vu les écritures du 21 février 2018 au soutien de ses observations orales au terme desquelles la SAS HOTEL MONCEAU BEL-AIR demande à la cour de :

' Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de paris du 5 février 2016,

' Débouter Mme Y... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' Condamner Mme Y... au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' Condamner Mme Y... aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture :

Pour infirmation et défaut de cause réelle et sérieuse, Mme Malika X... épouse Y... fait essentiellement plaider que son licenciement est intervenu avec une célérité particulière de la part de l'employeur qui n'a pas réellement cherché de poste de reclassement, se contentant de lui proposer un poste de veilleur de nuit qu'elle ne pouvait accepter, qu'il n'a jamais tenu compte des demandes antérieures du médecin du travail de lui alléger sa charge de travail, alors qu'elle est reconnue travailleur handicapé par la MDPMH qui n'a pas été associée par l'employeur dans les recherches d'adaptation de son emploi dont elle n'a pas été déclarée inapte ou d'orientation professionnelle.

Mme Malika X... épouse Y... ajoute que la proposition de l'employeur n'est pas loyale dès lors que ne lui ont pas été proposés les postes de réceptionniste de jour disponibles qu'elle a déjà occupés dans le cadre de remplacement et sollicite la réparation de son préjudice correspondant au montant cumulé de la différence entre son salaire et les indemnités perçues de Pôle Emploi.

La SAS HOTEL MONCEAU BEL-AIR rétorque qu'elle a satisfait à son obligation de recherche de reclassement qui est une obligation de moyen, qu'il n'y a au sein de l'établissement que dix salariés dont deux réceptionnistes, deux veilleurs de nuit, un veilleur polyvalent, un agent de maintenance et quatre femmes de ménage dont la salariée qui se garde d'indiquer qu'antérieurement à son avis d'inaptitude elle avait été en arrêt de travail pendant près de deux ans sans justifier de la totalité de ses absences, qu'elle a motivé son refus du poste de veilleur de nuit par le fait qu'elle ne maîtrisait pas suffisamment le français écrit et parlé ni la moindre langue étrangère, qu'il n'y avait aucun poste de réceptionniste disponible et aucune justification à la création d'un poste supplémentaire et que les développements relatifs à son handicap et son inaptitude qui n'ont pas une origine professionnelle sont inopérants.

En application de l'article L. 1226-2 du code du travail, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; l'employeur ne peut prononcer le licenciement que s'il justifie soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi dans les conditions prévues ci-dessus, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.

La lettre de licenciement du qui fixe les limites du litige et qui lie le juge est ainsi rédigée :

"(...)Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants : Inaptitude professionnelle au poste de Femme de ménage.

Suite à votre inaptitude constatée par la médecine du travail en date du 25/04/2012 et 31/05/2012 au poste de Femme de chambre nous vous avons proposé un reclassement au sein de l'Hôtel par courrier en date du 12/06/2012. Vous avez refusé le reclassement que nous vous avons proposé et nous sommes contraint de mettre fin à votre contrat.

Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.(...)"

En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats, en particulier des avis du médecin du travail qu'à l'occasion d'une visite de reprise du 6 octobre 2011, Mme Malika X... épouse Y... avait été déclarée apte avec restrictions (pas de port de charge $gt;5kg, limiter le nombre de chambres à 10 par jour), qu'il n'est pas produit d'avis concernant la visite qui aurait dû se tenir dans les 15 jours, que si l'avis du 25 avril 2012 indique "inaptitude au poste de femme de chambre (1ère visite), en précisant apte à un poste sans station debout prolongée et transport de charges, l'avis délivré à l'issue de la visite du 31 mai 2012 ne fait pas état d'une inaptitude de la salariée et précise "Etude de poste réalisée le 16/05/2012, Apte à un poste sans station debout prolongée et sans port de charges", de sorte que l'employeur qui n'a pas recherché à adapter le poste de Mme Malika X... épouse Y... et ne justifie s'être rapproché du médecin du travail pour ce faire, non seulement n'a pas rempli loyalement l'obligation qui lui incombait en ne proposant à la salariée qu'un poste de veilleur de nuit mais ne pouvait la licencier pour inaptitude et refus du reclassement proposé, les développements de l'employeur concernant les absences antérieures de la salariée ou les motifs de son refus, étant à cet égard inopérants.

Il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris et de déclarer abusive la rupture du contrat de travail de Mme Malika X... épouse Y... .

Compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise inférieur à onze salariés, de la perte d'une ancienneté de près de 8 ans pour une salariée âgée de 52 ans ayant charge de famille ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, correspondant au différentiel entre les indemnités qu'elle a perçues de Pôle Emploi jusqu'en janvier 2014 et le salaire qu'elle aurait perçu si elle avait conservé son emploi ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'articleL1235-5 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, abstraction faîte de la somme correspondant au préavis dont elle sollicite par ailleurs le paiement une somme de 7.000 € à titre de dommages-intérêts;

La rupture étant abusive, la salariée peut prétendre aux indemnités compensatrice de préavis et de congés afférents tel qu'il est dit au dispositif, pour les sommes dont le montant n'est pas discuté , application faite des dispositions de l'article L5213-9 du Code du travail au profit de Mme Malika X... épouse Y... reconnue travailleur handicapé pour la période du 16 décembre 2011 au 15 décembre 2016 .

Sur le DIF :

Mme Malika X... épouse Y... fait état du préjudice résultant pour elle de l'absence d'information concernant le DIF, l'ayant privée d'accès aux formations qui auraient pu être mises en oeuvre par Pôle Emploi à ce titre.

La SAS HOTEL MONCEAU BEL-AIR indique qu'elle a réglé la somme à laquelle elle avait été condamnée à ce titre, de sorte qu'il n'y a plus lieu d'en débattre.

La cour constate que la SAS HOTEL MONCEAU BEL-AIR ne remet pas en cause la décision entreprise de ce chef et au besoin la confirme.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée; il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-dessous sans qu'il y ait lieu à astreinte;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts alloués au titre du défaut d'information concernant le DIF,

et statuant à nouveau,

DÉCLARE abusive la rupture du contrat de travail de Mme Malika X... épouse Y...,

CONDAMNE la SAS HOTEL MONCEAU BEL-AIR à payer à Mme Malika X... épouse Y... :

- 7.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 3272,37 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 327,23 € au titre de congés payés afférents ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

CONDAMNE la SAS HOTEL MONCEAU BEL-AIR à remettre à Mme Malika X... épouse Y... un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification

CONDAMNE la SAS HOTEL MONCEAU BEL-AIR à payer à Mme Malika X... épouse Y... 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS HOTEL MONCEAU BEL-AIR de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la SAS HOTEL MONCEAU BEL-AIR aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 16/07021
Date de la décision : 31/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°16/07021 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-31;16.07021 ?
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