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31/05/2018 | FRANCE | N°15/13191

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 31 mai 2018, 15/13191


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 31 Mai 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/13191



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 13/01950





APPELANT



Monsieur Alexandre B...

Demeurant [...]

comparant en personne, assisté de Me Christine K..., avocat au barreau de

PARIS, toque : L0104





INTIMEE



La société LOGISTA FRANCE

Sise [...]

représentée par Me Géraldine X..., avocat au barreau de LYON



INTIMEE



La société LOGISTA GROUP

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 31 Mai 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/13191

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 13/01950

APPELANT

Monsieur Alexandre B...

Demeurant [...]

comparant en personne, assisté de Me Christine K..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0104

INTIMEE

La société LOGISTA FRANCE

Sise [...]

représentée par Me Géraldine X..., avocat au barreau de LYON

INTIMEE

La société LOGISTA GROUP

Poligono Industrial Polvoranca

[...] (MADRID)

non comparante, non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Emmanuelle BESSONE , Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Stéphane MEYER, Conseiller faisant fonction de président

Mme Isabelle MONTAGNE, Conseillère

Madame Emmanuelle BESSONE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Marine BRUNIE, lors des débats

ARRET :

- Réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

- signé par M. Stéphane MEYER, conseiller faisant fonction de président et par Mme Marine BRUNIE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSE DU LITIGE

M. Alexandre B... a été embauché à compter du 18 avril 1995 en qualité de chargé du développement commercial par la société SEITA.

Le 1er août 2007 son contrat de travail a été transféré à la SAS ALTADIS DISTRIBUTION FRANCE (ADF).

Il y occupait le poste de directeur logistique division distribution France. Il était à ce titre membre du comité de direction de la Business Unit Logistique (BLU) du groupe ALTADIS.

A compter du 1er avril 2008, en sus de ces fonctions salariales, il a été nommé président de la SAS ALTADIS DISTRIBUTION FRANCE, dans le cadre d'un mandat social non rémunéré.

En octobre 2012, le groupe LOGISTA SA a racheté le groupe ALTADIS. La SAS ALTADIS DISTRIBUTION FRANCE est devenue la SAS LOGISTA FRANCE.

Par courrier recommandé du 07 mai 2013, M. B... a été convoqué à un entretien préalable fixé au 21 mai 2013.

Par lettre du 27 mai 2013, il a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Le 24 juin 2013, M. B... a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil afin de voir annuler ce licenciement et subsidiairement le voir déclaré sans cause réelle et sérieuse, et obtenir paiement de la contrepartie de sa clause de non-concurrence, d'un rappel de salaire, d'un rappel de bonus, et de bonus de rétention, un rappel d'indemnité de licenciement, et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ces sommes devant être assorties des intérêts légaux avec capitalisation. Il sollicitait également la publication de la décision dans la presse spécialisée.

Par jugement du 17 novembre 2015, le conseil de prud'hommes de Créteil a débouté M. B... de toutes ses demandes, et l'a condamné aux dépens.

Par lettre recommandée expédiée le 22 décembre 2015, M. Alexandre B... a interjeté appel de cette décision, qui lui a été notifiée le 09 décembre 2015.

A l'audience du 30 mars 2018, M. B... demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré,

- de dire que son licenciement est nul, comme prononcé par la société LOGISTA GROUP qui n'était pas son employeur, et comme motivé par une dénonciation de harcèlement moral,

- subsidiairement, de constater que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de condamner la SAS LOGISTA FRANCE à lui payer la somme de 648.123,12 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, de condamner la SAS LOGISTA FRANCE à lui payer la somme de 41.283 euros au titre des bonus 2012, outre la somme de 4.128,30 euros au titre des congés payés afférents,

- de condamner la SAS LOGISTA FRANCE à lui payer la somme de 133.889 euros au titre des bonus 2013, outre la somme de 13.388,90 euros au titre des congés payés afférents,

- d'assortir ces condamnations des intérêts au taux légal capitalisés,

- d'ordonner la publication de l'arrêt dans la presse spécialisée (Le Losange et La Revue des Tabacs).

M. B... fait valoir que le 10 avril 2013, soit 18 jours avant le déclenchement de la procédure de licenciement, il avait dénoncé auprès de M. DOWNING, Secrétaire Général du groupe IMPERIAL TOBACCO, actionnaire du groupe LOGISTA, les agissements inappropriés et humiliants de son supérieur hiérarchique M. Y... Z..., et les craintes qu'inspiraient les méthodes de management brutales de celui-ci, qu'en violation du code d'éthique de l'entreprise, aucune enquête n'a été diligentée sur cette dénonciation, mais qu'il résulte au contraire des pièces du dossier, que M. Z... en a eu connaissance.

Il conteste la réalité de la baisse des résultats qui lui est reprochée dans la lettre de licenciement, comme celle des autres griefs formulés.

Rappelant que l'insuffisance professionnelle ne peut justifier un licenciement que lorsqu'elle s'explique par la carence du salarié, il ajoute qu'un tel motif ne peut fonder son licenciement, dès lors que 4 mois avant celui-ci, il s'est vue allouer une augmentation de 3% de sa rémunération fixe outre un bonus de rétention de 100%, et qu'il a été jugé qu'il avait atteint 78% de ses objectifs individuels, et qu'il n'existe aucun compte rendu d'une évaluation qui aurait été négative.

Il affirme qu'aucun objectif financier ou personnel individuel ne lui a été communiqué par écrit en début d'exercice (fixé dans l'entreprise du 1er octobre au 30 septembre), de sorte qu'il est en droit de percevoir l'intégralité de la rémunération variable subordonnée à la réalisation de ces objectifs.

Il ajoute que l'objectif budgétaire 2012 a été réévalué en novembre 2012, soit en cours d'exercice, et qu'en sa qualité de membre du comité de direction, ses objectifs devaient être calculés uniquement sur les résultats du LBU, mais non pas sur celui de la SAS LOGISTICA FRANCE, ainsi qu'il a été décidé unilatéralement par M. Z..., ce qui a eu pour effet de porter les objectifs financiers de 50% à 75%.

La SAS LOGISTA FRANCE sollicite la confirmation du jugement déféré, le rejet de toutes les demandes de M. B..., et sa condamnation à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle considère que M. Y... Z... directeur général de la société LOGISTA GROUP société mère de la SAS LOGISTA FRANCE, pouvait valablement signer la lettre de licenciement, aux motifs que si dans une SAS, le pouvoir de licencier revient au président ou en application des statuts au directeur général, il peut être délégué, que cette délégation peut être tacite, et que le licenciement opéré par une personne non délégataire n'encourt pas la nullité dès lors qu'il est a posteriori ratifié par les représentants légaux de la société, une telle ratification pouvant résulter du fait que la procédure de licenciement est menée à son terme.

Elle ajoute que l'insuffisance professionnelle qui motive la rupture du contrat de travail, est précisément caractérisée dans la lettre de licenciement.

Sur ce point, elle précise :

- que l'amélioration du résultat net, qui s'explique par la hausse des prix du tabac et la valorisation des stocks, ne peut masquer la forte baisse du résultat opérationnel avant impôts, qui s'explique par la passivité et l'absence d'anticipation de M. B... depuis 2007,

- que celui-ci n'a pris aucune mesure d'adaptation dans les processus de distribution du tabac, alors qu'il a été incité à le faire par M. Y... Z... à compter de 2010,

- que s'agissant du marché STRATOR, il n'a pas su mener à bien les projets déjà trop tardivement fixés en 2009, de sorte que cette filiale était lourdement déficitaire depuis plusieurs années,

- que son inaction dans la gestion des filiales SAF et SUPERGROUP, pour lesquelles il était décisionnaire, a conduit à la détérioration de leurs résultats,

- que M. B... a pris de mauvaises décisions s'agissant de la réorganisation de son activité

- que le taux d'accidents du travail des personnels dont il avait la responsabilité était trop élevé.

La SAS LOGISTA FRANCE fait valoir que M. B... n'établit aucun fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, et que les reproches qui lui ont été légitimement adressés s'agissant de ses résultats ne sauraient en tenir lieu.

Reprenant la chronologie des faits, elle souligne que l'évaluation négative de ses performances en janvier 2013 a précédé sa dénonciation de prétendus faits de harcèlement moral auprès du secrétaire général d'IMPERIAL TOBACCO, et que M. Y... Z... n'a été informé de la lettre de dénonciation qu'en juin 2013, soit postérieurement au licenciement.

S'agissant de la demande de rappel de bonus 2012, la SA LOGISTA FRANCE fait valoir que l'appelant, en sa qualité de directeur et de mandataire social, avait parfaitement connaissance des objectifs qui avaient été fixés par le groupe LOGISTA, et s'agissant du bonus 2013, que M. B... ne peut y prétendre à défaut de stipulation contraire, dès lors qu'il n'était plus présent dans l'entreprise à la date convenue du versement du bonus.

Elle relève enfin qu'il ne justifie d'aucun préjudice lié à la rupture du contrat de travail.

MOTIFS

- Sur la demande d'annulation du licenciement

* Sur le pouvoir du signataire de la lettre de licenciement

Par application de l'article 1998 du code civil, le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement.

M. Luis Y... Z... est depuis 2011, le président du conseil d'administration de la société de droit espagnol LOGISTA, qui détient 100% du capital de la SAS LOGISTA FRANCE. Il n'est donc pas étranger à cette dernière puisqu'il représente son actionnaire.

Il soutient, sans être contredit sur ce point par aucune pièce produite par M. B..., avoir reçu mandat tacite du conseil d'administration de la société LOGISTA FRANCE pour procéder au licenciement. Le fait que la procédure de licenciement ait été menée à son terme, et qu'elle soit défendue en justice par la société, établit la ratification de ce mandat par le conseil d'administration.

Il n'y a donc pas lieu de constater la nullité de la procédure de licenciement, faute de pouvoir de son auteur.

* Sur le motif du licenciement

Par application des articles L1152-1 à L1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral, ou pour les avoir relatés. Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est nulle.

La lettre de licenciement du 27 mai 2013 ne fait aucune référence à une dénonciation de harcèlement moral par M. B.... Elle est uniquement motivée par une insuffisance professionnelle.

Il convient toutefois de déterminer si, au delà de la motivation formelle de la rupture, celle-ci n'est pas fondée sur un harcèlement moral ou une dénonciation de ce harcèlement.

* Sur l'insuffisance professionnelle

L'insuffisance professionnelle reprochée à M. B... dans la lettre de licenciement est ainsi motivée :

' Nous avons eu l'occasion de vous faire part de l'absence d'adaptation des processus de distribution du tabac, ayant entraîné une baisse significative des résultats. La France constitue ainsi l'un des pays les moins performants du groupe.

Logista France a vu sa compétitivité et sa position stratégique détériorée, du fait de votre manque d'implication et d'action sur le réseau de distribution.

Nous avons notamment constaté :

- Non prise en compte du besoin des clients et l'évolution de l'activité,

- Un manque de réactivité sur Strator et la mise en place tardive d'une nouvelle version en ligne SW (NEOX V6) ayant entraîné des pertes importantes

- Une inertie patente concernant SAF et SUPERGROUP ayant entraîné une détérioration constante des ventes et des résultats

- Des mauvaises décisions en termes de réorganisation de votre activité.

Compte tenu de vos responsabilités et du caractère stratégique de votre poste, ces insuffisances sont fortement préjudiciables à Logista France et sont d'autant moins acceptables, au regard de votre expérience'.

A la date des faits litigieux, l'activité de la SAS LOGISTA FRANCE était composée :

- d'une branche 'Tabac - Distribution', comportant notamment la filiale STRATOR ayant pour activité les terminaux de gestion des points de vente dans le réseau tabac-presse,

- d'une branche grossiste ('Wholesale') incluant les filiales SAF, SUPERGROUP, RP DIFFUSION.

S'agissant de la baisse significative des résultats, la société LOGISTA FRANCE justifie que son résultat d'exploitation, dont elle entend à juste titre qu'il soit calculé 'hors POI' c'est-à-dire sans y intégrer la réévaluation des stocks par l'effet de la réglementation du tabac, a globalement évolué de façon défavorable entre 2008 et 2013.

Le résultat d'exploitation avant POI de la société a varié de la façon suivante : 60,8 millions d'euros en 2012, 63,2 en 2013, 60,7 en 2014, 71,2 en 2015 et 72,6 en 2016. (Pièce 51 de la SAS LOGISTA)

Toutefois la corrélation de l'évolution avec le licenciement de M. B... le 27 mai 2013 n'est pas évidente, puisqu'il résulte de ces chiffres que le résultat a été moindre en 2014 qu'en 2013.

Le volume des ventes de tabac n'a pas réellement augmenté entre 2012 et 2016 (63,9 millions d'euros en 2012, 59,3 en 2013, 56,8 en 2014, 56,9 en 2015 et 57,6 en 2016).

Le tableau des résultats hors POI produit par l'employeur pour les années 2008 à 2009 montre globalement une dégradation du résultat entre 2008 et 2010, une amélioration en 2011 et une baisse en 2012, ce qui là encore, ne permet guère de le corréler à la direction de M. B....

En outre, l'insuffisance de résultat ne constitue une cause de licenciement que si elle résulte de l'insuffisance ou du manque d'engagement professionnel du salarié. La société LOGISTA soutient que M. B... est resté passif et inactif face à cette dégradation.

S'agissant de la filière tabac-distribution, M. Y... Z... exprimait dans un mail du 08 novembre 2012 adressé à M. B..., sa préoccupation au sujet du bénéfice net, inférieur de 0,7 millions d'euros au prévisionnel, et lui indiquait qu'il attendait de sa part lors du prochain comité de direction 'des explications claires sur les mesures à prendre pour augmenter les prix et réduire les coûts'.

Fin 2012, M. B... proposait un plan chiffré et précis de réduction des coûts ('tobacco plan' : pièce 38 du salarié) impliquant une suppression d'emplois, la fermeture de deux centres de distribution (Nancy et Vitrolles) et la baisse des effectifs du siège social. Contrairement à ce qu'indique la société LOGISTA dans ses écritures, M. Y... Z... n'a jamais fait savoir à M. B... que ce plan lui paraissait trop coûteux, trop radical ou inadapté à la réalité du marché. Dans son mail du 12 avril 2013, il exprimait seulement des doutes sur la centralisation du marketing. L'employeur ne conteste par ailleurs pas qu'il a validé ce plan, puisqu'il affirme que celui-ci a été mis en oeuvre par M. A....

Il convient également de souligner qu'en 2010, M. B... avait présenté au précédent actionnaire un plan de restructuration sur 4 ans des activités de distribution de tabac, (pièce 37 du salarié), qui impliquait déjà notamment la fermeture du site marseillais, et l'implantation d'un nouvel outil de production à Lyon, mais que ce plan n'avait alors pas été validé par l'actionnaire.

S'agissant de la société STRATOR qui a pour activité l'équipement des buralistes en terminaux points de vente, et dont M. B... a pris la direction en janvier 2008, il n'est pas contesté qu'elle présentait des pertes de façon permanente de 2006 à 2013.

Devant le comité central d'entreprise du 06 avril 2009, M. B... présentait un plan stratégique pour redresser la situation de la société. Il prévoyait le lancement d'un nouveau matériel (gamme 6), et la réecriture du logiciel afin qu'il doit plus simple et plus réactif. Ce projet induisait un investissement de 7.250 jours de travail, qui devait être confié à l'équipe de Créteil s'agissant du pilotage, et sous-traité à un partenaire étranger pour le développement. (Pièce 84 de M. B...). M. B... indique sans être contredit sur ce point que le groupe était en accord avec cette stratégie, mais que le développement off-shore confié à une entreprise du Vietnam s'est avéré une erreur par manque de capacité d'encadrement sur un pays aussi distant. Il ne conteste pas que le développement du logiciel NEOX (gamme 6) a finalement pris plus de trois ans, accusant un retard de 18 mois. Ainsi en mars 2011, le comité d'entreprise européen relevait que ce nouveau produit était attendu depuis plus d'un an.

Les pertes de la société STRATOR n'ont toutefois pas été générées par le projet de mise en place du nouveau logiciel, puisqu'elles lui préexistaient. En outre, la société LOGISTA ne démontre pas en quoi le retard pris par la réalisation du projet résulte d'une inaction de M. B... plutôt que d'éléments dont il n'avait pas la maîtrise, et n'indique pas à quelle date le développement de la sixième génération de matériel a pu être finalisée et commercialisée. Enfin, il doit être relevé que le retard reproché à M. B... est antérieur de plus de deux ans à la date du licenciement.

S'agissant de l'activité de grossiste dite 'Wholesale', M. Y... Z... exprimait à M. B... dans un mail du 12 novembre 2010 son inquiétude de voir les résultats d'octobre 2010, qui étaient bien inférieurs à ceux de l'année précédente, et du budget prévisionnel, avec un recul important au niveau des ventes. Il demandait à M. B... de prendre provisoirement en charge la responsabilité des activités, en renforçant son rôle exécutif.

En mars 2011, le groupe LOGISTA adoptait un projet stratégique 'ERP' pour la filière grossiste, consistant dans une gestion intégrée et centralisée au niveau européen, concernant au premier chef la filiale française SAF qui devait expérimenter ce système avant qu'il ne soit diffusé dans les autres pays. M. B... était présenté comme le sponsor de ce projet. Il n'avait donc que très peu de marge de manoeuvre dans les réformes structurelles à apporter aux sociétés SAF et SUPERGROUP.

S'agissant de cette dernière, l'employeur soutient que c'est l'absence de rationalisation de son activité sur le plan national, qui l'a conduite à obtenir des résultats inférieurs de 20% à ceux des concurrents de LOGISTA, et qu'entre 2011 et 2012, le résultat de SUPERGROUP est tombé de 1.955.000 à 499.000 euros.

Il ressort toutefois des documents comptables produits par l'intimé que la société SUPERGROUP affichait des profits de 700.000 euros en 2013, année du licenciement, et des pertes de 728.000 euros en 2014, puis de 2 millions d'euros en 2015. Par ailleurs, en janvier 2012, la fonction transport de SUPERGROUP a été cédée au groupe Norbert DENTRESSANGLE

En ce qui concerne les 'mauvaises décisions (de M. B...) en termes de réorganisation de (son) activité' évoquées dans la lettre de licenciement, celle-ci ne précise pas quelles seraient ces décisions, ni à quelles dates elles auraient été prises. S'il s'agit, comme indiqué dans les écritures de la SAS LOGISTA, du projet de réorganisation de la Business Unit Logista France présentée par le salarié dans un mail à M. Y... Z... du 27 mars 2010, la cour ne peut que constater qu'elle date de plus de trois ans avant le licenciement, et qu'elle n'a jamais été contestée par ce dernier.

La SAS LOGISTA FRANCE évoque également un SMS envoyé par M. B... à M. C... salarié avec lequel elle était en litige, et dont l'intimé a reconnu en septembre 2011, qu'il n'aurait pas dû l'envoyer car défavorable à l'entreprise, considérant qu'il s'était laissé 'piéger' par son interlocuteur. Ce SMS ne saurait toutefois être considéré comme une prise de décision fautive de M. B... alors même que ni son contenu ni ses conséquences financières ne sont connues.

De façon générale, l'intimée ne justifie d'aucun compte-rendu d'évaluation ou de réunion du conseil d'administration de la SAS LOGISTA FRANCE constatant de façon objective et contradictoire des insuffisances ou manquements imputables à M. B..., et remettant en question son maintien à son poste. Au contraire, il s'est vu notifier le 23 janvier 2013 par M. Y... Z..., soit quatre mois avant son licenciement, le versement d'une prime de 88.717 euros au titre de la période 2011/2012, correspondant à une atteinte de 68,25 % de ses objectifs.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la passivité, l'absence de réactivité ou les décisions inadaptées reprochées à M. B... et qui seraient constitutives de son insuffisance professionnelle, ne sont pas établies.

* Sur le harcèlement moral

En application de l'article L1154-1 du code du travail, que lorsque survient un litige relatif à l'application de ces dispositions, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer un harcèlement moral.

Il revient au juge d'apprécier sur ces éléments sont établis, et si pris dans leur ensemble, ils permettent de suspecter un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le 19 avril 2013, M. B... dénonçait auprès de l'actionnaire britannique un management brutal de la part du directeur général du groupe LOGISTA, en demandant à M. DOWNING de lui faire connaître sa position avant la prochaine visite de Luis Y... Z... fixée au 24 avril 2013.

Il affirmait que celui-ci :

- concentrait toutes les décisions, empêchant toute initiative et tout dialogue, et instituant la désorganisation en quasi-règle de management,

- disqualifiait certaines personnes en public,

- utilisait un vocabulaire grossier en espagnol,

- exprimait une vision caricaturale des salariés venant d'autres pays (le Portugal, l'Italie, la France),

- monopolisait la parole lors des réunion du comité exécutif du LBU (Logistic Business Unit),

- le contournait et remettait en cause son rôle et son autorité, en organisant directement des réunions avec ses collaborateurs et hors sa présence.

M. B... indiquait enfin que lorsqu'avait été abordée la question de la nomination du fils de M. Y... Z... au sein du groupe, celui-ci était non seulement resté présent dans la réunion, mais également qu'il avait pris la parole pour en faire l'éloge.

Le 24 avril 2013, à l'issue d'une réunion au cours de laquelle il s'était vu reprocher les mauvaises performances de la société LOGISTA FRANCE, M. B... exprimait en ces termes son malaise à M. Y... Z...,: 'Je ne conteste pas ton évaluation personnelle de ma performance au cours des cinq dernières années, telle que présentée en février, même si je ne partage pas tout et suis surpris de la divergence entre elle et nos réunions au cours des cinq dernières années. Tu es entièrement responsable de cette évaluation à titre de PDG du groupe, aucun doute, et il n'est pas de mon ressort de la contester. (...) je suis de plus en plus inquiet au sujet de l'évolution de notre environnement managérial. Tu cristallises 100% des décisions et des orientations, même de faible importance, subordonnant tes rapports à l'échelon extrême. Il m'est ainsi difficile de remplir toutes mes missions en passant par dessus mes équipes, car tu partages sur des sujets importants directement avec elles, sans ma présence, comme par exemple à Paris le 13 mars. Je suis sûr que tu comprendras que cela me met dans une situation très difficile qui devient progressivement un fardeau psychologique.(...) Voilà ce que je voulais partager avec toi après cette nouvelle journée de bilans, pendant laquelle nous avons tous de nouveau ressenti qu'il était impossible d'exprimer entièrement nos opinions, en étant en permanence interrompus et manifestement à tout le moins écartés de par ta propre perception'.

Mme Mathilde D... ancienne directrice des ressources humaines de la société LOGISTA France, et à ce titre membre du comité exécutif, relate dans une attestation que la prise de contrôle de la société ALTADIS par le groupe espagnol LOGISTA s'est logiquement traduite par une supervision de la direction depuis Madrid et un reporting financier, mais aussi par une pression de plus en plus importante exercée par la direction espagnole à compter de 2011, jusqu'à un déstabilisation et un désaveu brutal de M. B... dans ses fonctions de président. Mme D... expose ainsi :

- que la direction du groupe a imposé à la société LOGISTA en cours d'exercice, une modification du système d'évaluation de la performance des cadres sans consultation des représentants du personnel, n'accordant aucune écoute aux protestations de M. B... sur la légalité et l'opportunité d'une telle modification,

- qu'il en est résulté une dégradation durable des relations entre la direction de la société LOGISTA et les représentants du personnel,

- que lors de ses visites en France, M. Luis Y... Z... a pris l'habitude de rencontrer les membres du comité de direction élargi, et notamment M. A..., afin de lui demander directement des informations sur les projets du groupe, ou de remettre en cause le management des relations sociales au sein de la société, alors que M. B... était le supérieur hiérarchique de M. A...,

- que lors de la réunion du comité de direction de janvier 2013, M. Louis Y... Z... assis en bout de table à côté de M. B..., indiqué à l'ensemble de l'équipe de direction qu'il souhaitait changer la mentalité des membres de l'équipe, qu'il a qualifiés de 'fonctionnaires comateux', 'd'incapables', 'devant se réveiller', ajoutant qu'il savait bien désormais 'où était le problème' en regardant M. B..., ce que toutes les personnes présentes ont perçu comme une mise en cause de celui-ci,

- qu'au cours de ces réunions, M. Luis L... s'exprimait dans de longs monologues, rappelant systématiquement sa totale indépendance de décision à l'égard du groupe IMPERIAL TOBACCO en matière de pilotage des activités de distribution, et signifiant ainsi qu'il pouvait prendre les décisions qu'il souhaitait en matière de management, sans en référer à quiconque, ce qui plaçait M. B... dans une position très difficile

- qu'à compter de l'été 2012, elle a vu M. B... affecté par ces actes de déstabilisation, sans qu'il remette jamais en cause les décisions du groupe devant ses équipes.

Cette attestation précise et circonstanciée de Mme D... est corroborée par l'attestation de M. Jean-Michel E..., chef de marché au sein de la société LOGISTA de janvier 2007 à juin 2014, qui indique avoir constaté l'interventionnisme croissant du siège madrilène du groupe, et suite à la modification du système d'évaluation des cadres en cours d'année 2011, avoir dû reconvoquer ceux-ci pour leur annoncer que leur évaluation et qui avait été validée par la direction des ressources humaines de LOGISTA FRANCE, avait été remise en cause, ce qui était démotivant pour les équipes.

La modification du mode de calcul de la rémunération variable des cadres en mai 2011 résulte par ailleurs des documents internes à l'entreprise, versés aux débats.

S'agissant du contournement des circuits hiérarchiques, M. B... produit des mails adressés en avril 2013 par M. Y... Z... à M. F... directeur général de la SAF, filiale de la SAS LOGISTA FRANCE, qui révèle qu'il donnait des instructions très précises tant à celui-ci qu'à M. Richard M... directeur marketing SAF et SUPERGROUP, dans l'exercice de leurs fonctions, alors que ces cadres étaient dans l'organigramme, placés sous l'autorité de M. B....

Enfin, il doit être relevé que M. Luis N... Y... fils de M. Luis Y... Z..., entré dans le groupe en 2011, présenté en mars 2013 en comité de direction à la revue annuelle de promotion interne pour les 'talents à fort potentiel', est devenu directeur général de la filiale espagnole LOGISTADIS SA le 02 juin 2016. Si cet élément ne fait pas preuve de l'attitude de M. Luis Y... Z... lors du comité de direction de mars 2013, il traduit l'ascendant personnel de celui-ci sur l'ensemble du groupe.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

L'employeur conteste en premier lieu la réalité des faits dénoncés.

Il ne peut être accordée qu'une valeur probante très relative à l'attestation de M. John DOWNING, secrétaire général de la société mère IMPERIAL TOBACCO, d'abord parce qu'elle émane du dirigeant de la société mère de l'intimée, et en second lieu parce que M. DOWNING soutient n'avoir averti M. Y... Z... des accusations portées à son encontre qu'après le début de la procédure de licenciement, mais ne prend pas position sur la réalité de ces accusations.

La société LOGISTA produit également les attestations de M. Rafael J... G..., son directeur des ressources humaines, de M. Francisco H... I..., directeur général de TABACO Y CONVENIENCIA IBERIA, de M. Manuel O..., directeur financier, et de M. David P... cadre directif, qui indiquent qu'ils n'ont jamais été témoins au cours des réunions du comité de direction de paroles insultantes ou d'un manque de respect à l'égard des personnes présentes, et que lors de la réunion annuelle de février 2013, M. Luis Y... Z... a quitté la séance lorsqu'a été abordée la situation de son fils.

Ces témoignages sont cependant ceux des cadres qui entourent aujourd'hui M. Y... Z... au sein du groupe LOGISTA en Espagne.

Mme Eva Q... directrice des ressources humaines du groupe à Madrid, mais ancienne directrice du Talent de janvier 2011 à juillet 2013, affirme qu'elle assistait en cette qualité à toutes les réunions avec le comité de direction où les potentiels et les évolutions de carrière étaient validés, et qu'elle n'a jamais assisté à des scènes où M. Y... Z... tenait des propos insultants ou déplacés à l'égard des salariés. Elle précise qu'il a toujours quitté la salle de réunion lors des débats concernant son fils, y compris lors de la réunion de mars 2013.

M. B... n'a toutefois pas fait état d'insultes de la part du directeur général du groupe, mais de propos désobligeants et humiliants, et surtout du fait qu'il était invalidé dans ses fonctions de directeur général de LOGISTA FRANCE par la pression constante, l'interventionnisme, et les méthodes de management du dirigeant du groupe.

M. Pascal A..., actuel directeur général du Pôle Tabac, et membre du comité de direction lorsque M. B... était en fonctions, indique dans une attestation que M. Luis Y... Z... 'se rendait deux à trois fois par an en France afin de faire des revues d'activité, soit individuelles, soit en réunion, avec les principaux directeurs de LOGISTA FRANCE'. Il dit avoir assisté à plusieurs de ces réunions en présence de Luis Y... dont celle du 10 janvier 2013, au cours desquelles celui-ci faisait part 'de manière très directe et appuyée de ses interrogations et attentes sur la gestion et le développement des activités'. Il précise ne l'avoir jamais entendu proférer des insultes nominatives envers les participants à ces réunions.

Toutefois, il n'est cependant pas contesté que M. Pascal A... a été désigné nouveau président de la société LOGISTA FRANCE immédiatement après le licenciement de M. B.... Or il a finalement refusé ce mandat, après avoir exprimé dans un mail du 05 juin 2013 à M. Y... Z... qu'il 'craignait des divergences de vue avec celui-ci quant au niveau d'autonomie dont il pourrait disposer', ce qui vient confirmer l'absence de latitude du président de LOGISTA FRANCE dans l'exercice de ses fonctions compte tenu du management de M. Y... Z.... M. A... (qui a établi dans le cadre de la procédure une attestation en faveur de l'employeur) écrivait d'ailleurs à M. B... le 09 juillet 2013 : 'Les valeurs que nous partageons qui ont conduit à ton 'départ' puis à mon refus (...) sont toujours bafouées sur l'autel de décisions et comportements d'un seul homme ou de ses hommes de paille'.

Les mails versés aux débats par l'employeur font apparaître une intervention croissante de M. Y... Z... dans les attributions de M. B..., au motif que les résultats de la société LOGISTA FRANCE étaient insatisfaisants.

Il lui écrivait le 12 avril 2013 : 'Cher Alex, Il existe encore des problèmes/doutes sur la centralisation de l'activité Marketing. Nous avons eu l'occasion de vérifier hier que les choses ne fonctionnaient pas correctement. Etant donné qu'une réunion BPO se tiendra lundi prochain et que bon nombre des participants sont impliqués dans l'affaire, nous consacrerons une partie du temps (à la fin de la réunion, 30 min. Ou 1 heure) pour prendre une décision sur ce sujet. Merci d'en tenir compte pour organiser en conséquence l'ordre du jour. Les participants en ont été informés hier afin de prendre leurs dispositions. Merci beaucoup. Bon Week-end.'

Ainsi, à cette date du 12 avril 2013, M. B... était le dernier à être informé d'une prise de décision relevant de son champs de compétence, fixée à une réunion dont il était censé fivxer l'ordre du jour.

Le harcèlement moral est donc constitué.

Par mail du 19 avril 2013, soit 18 jours avant sa convocation à un entretien préalable au licenciement, M. B... appelait l'attention de M. John DOWNING, secrétaire général de la société IMPERIAL TOBACCO actionnaire du groupe LOGISTA, sur ce qu'il considérait comme les dérives managériales du directeur général ('CEO' Chief Executive Officer) M. Luis Y... Z... sans jamais nommer celui-ci. Il y dénonçait en substance le harcèlement dont il faisait l'objet.

La concomitance entre ce mail et le déclenchement de la procédure licenciement , le fait qu'aucune enquête interne ni aucune vérification n'ait été diligentée suite à cette lettre, et le caractère non établi de l'insuffisance professionnelle reprochée au salarié, imposent de considérer que c'est sa dénonciation du harcèlement moral qui constitue la véritable motivation de la rupture. Il convient en conséquence de constater la nullité du licenciement, qui produira, en l'absence de demande de réintégration, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. B... avait 18 ans et deux mois d'ancienneté au moment de la rupture du contrat de travail. Le total des salaires bruts des six derniers mois travaillés avant la rupture s'élève à 101.366,86 euros. Il a retrouvé un emploi de directeur général trois mois après son licenciement. Il est actuellement directeur du développement au sein du groupe POMONA.

Compte tenu de ces éléments, il convient de condamner la société LOGISTA FRANCE à lui payer la somme de 200.000 euros.

Cette indemnité répare suffisamment le préjudice moral et économique causé par la rupture, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la publication du présent arrêt.

Elle produira intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent arrêt.

- Sur les demandes de rappel de bonus

Conformément à la 'politique da rémunération contractuelle variable' mise en place par le groupe LOGISTA, et diffusée à tous les cadres le 17 mai 2011, suite à sa modification, la rémunération de M. B... se composait comme suit :

- une part fixe,

- un bonus 'de rétention' mis en place depuis l'exercice 2011,

- une rémunération variable représentant un pourcentage du salaire fixe annuel brut monétaire (66,6%) calculée à partir d'un bonus cible lié à des objectifs de conformité déterminés, depuis mai 2011 (date à laquelle les règles de pondération ont été modifiées) :

- pour 50% du bonus cible : du pourcentage d'atteinte des objectifs financiers liés au Business Unit Logistic Europe du groupe LOGISTA (LBU), selon deux indicateurs : l'EBIT (c'est-à-dire le résultat avant impôts et frais financiers) et le 'working capital' (soit le besoin en fonds de roulement)

- pour 50 % du bonus cible : du pourcentage d'atteinte des objectifs individuels qui doivent tous être SMART (spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et couvrir une certaine durée dans le temps) et qui sont fixés une fois par an par le supérieur hiérarchique direct. Il s'agit de 2 à 5 objectifs liés au poste de travail et 2 objectifs de développement axés sur les domaines et/ou compétences à améliorer.

La somme de ces pourcentages devait se voir ensuite appliquer un ratio 'C&C' culture/contribution compris entre 0 et 1,5, défini selon 'l'engagement du salarié en faveur de la culture de l'entreprise' et de son 'niveau de contribution' à la création de valeur pour la Business Unit Logistique.

S'agissant du calcul des objectifs financiers, la circulaire interne intitulée 'Businesses Objectives FY12" indique que pour les membres du 'management commitee' (dont faisait partie M. B... selon les organigrammes) le résultat avant impôts et frais financiers (EBIT) et le besoin en fonds de roulement ('working capital') à prendre en compte étaient celui du LBU, et non pas celui du pays auquel ils étaient affectés.

- Rémunération variable versée en 2013, au titre de l'année 2011-2012

M. B... affirme que pour l'exercice 2012, M. Y... Z... a décidé unilatéralement de prendre en compte en sus des résultats financiers de la LBU, ceux de la société LOGISTA FRANCE SAS à hauteur de 25%, résultats qui avaient été corrigés et publiés en novembre 2011, et qui n'ont pas atteint le seuil de 95 % pour le déclenchement de la rémunération variable.

Pour l'établir, il produit un courrier du 23 janvier 2013, par laquel M. Y... Z... l'informe du versement d'un bonus de 88.717 euros, correspondant à un niveau de conformité aux objectifs de 68,25 %, dont M. Y... Z... n'indique pas comment il a été calculé.

L'intimée ne conteste toutefois pas dans ses écritures que ce ratio a été calculé uniquement sur les filiales françaises du groupe.

Le niveau d'atteinte des objectifs financiers dont dépendait le bonus n'a donc pas été calculé conformément à la politique de rémunération variable, s'agissant de M. B....

Les objectifs individuels qu'il devait atteindre, et dont dépendaient les 50% restant du bonus cible, n'ont pas été notifiés au salarié. La société LOGISTA FRANCE ne produit aucun élément en ce sens. Le mail adressé le 17 mai 2012 à Mme D... directrice des ressources humaines porte sur les objectifs financiers, et non pas sur les objectifs individuels, ce qui est encore confirmé en ce qu'il vise expressément l'article 4.1 de la Politique de rémunération variable.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de M. B..., et de condamner la SA LOGISTA FRANCE à lui payer la somme de 41.283 euros bruts à titre de rappel de bonus sur l'exercice 2011-2012, outre la somme de 4.128,30 euros au titre des congés payés afférents.

Ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2015, date à laquelle M. B... a formulé pour la première fois cette demande devant le conseil de prud'hommes.

Conformément à la demande de l'appelant, les intérêts seront capitalisés.

- Rémunération variable au titre de l'année 2013 :

Sauf stipulation contractuelle contraire, lorsque la rémunération variable doit être versée à une date déterminée, au terme d'une période de référence, le salarié ne peut y prétendre lorsqu'il n'est plus présent dans l'entreprise à cette date.

La politique de rémunération variable de l'entreprise, notifiée à tous les cadres, prévoit en son article 5.1 que si un contrat de travail est résilié avant la date de cumul ou de règlement de la rémunération variable, l'employé ne sera pas en droit de toucher un quelconque règlement de rémunération variable.

L'article 5.2 prévoit qu'en cas de 'licenciement pour cause réelle et sérieuse, l'employé perdra son droit de percevoir le bonus qui découle de son inclusion dans le système RV (rémunération variable) si la résiliation du contrat a lieu avant la date de paiement de la RV et si elle est motivée par des raisons valables de licenciement, et même en cas de recours, lorsqu'une telle résiliation est estimée justifiée ou juste par les différents organes judiciaires ou administratifs compétents dans chaque juridiction et que le jugement soit définitif'.

Il ne peut toutefois être déduit a contrario de ces dispositions contractuelles, que le salarié a droit au paiement de son bonus au pro rata de son temps de présence dans l'entreprise si son licenciement est invalidé ou considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse par une décision judiciaire définitive, dans la mesure où l'article 3.3 de politique de rémunération variable précise que le salarié doit avoir atteint ses objectifs à la fin de la période financière correspondante, et qu'il doit avoir un contrat de travail 'actif' à la clôture de cette période.

M. B... ayant quitté l'entreprise avant la fin de l'exercice 2012/2013, il convient de le débouter de sa demande.

- Sur les frais et dépens

Partie perdante, la SA LOGISTA FRANCE devra supporter les dépens de première instance, et d'appel.

Il n'est pas inéquitable de condamner la SA LOGISTA FRANCE, partie tenue aux dépens, à payer à M. B... la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, réputé contradictoire :

- INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil du 17 novembre 2015 ;

- CONSTATE la nullité du licenciement de M. Alexandre B... ;

- CONDAMNE la société LOGISTA FRANCE à payer à M. Alexandre B... :

* la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, outre intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent arrêt ;

* la somme de 41.283 euros bruts à titre de rappel de bonus sur l'exercice 2011/2012, et la somme de 4.128,30 euros bruts au titre des congés payés afférents, outre intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2015 ;

- ORDONNE la capitalisation des intérêts dûs pour une année entière, et dit qu'ils produiront eux-mêmes intérêts au taux légal ;

- CONDAMNE la société LOGISTA FRANCE à payer à M. Alexandre B... la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- CONDAMNE la société LOGISTA FRANCE aux dépens de première instance, et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/13191
Date de la décision : 31/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/13191 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-31;15.13191 ?
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