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30/05/2018 | FRANCE | N°17/02859

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 30 mai 2018, 17/02859


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 30 Mai 2018



(n° , 08 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 17/02859



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 5 septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS RG n° 09/16246, infirmé partiellement par le pôle 6 - chambre 4 de la Cour d'Appel de Paris par arrêt du 20 janvier 2015, dont la décision a été cassée partiellement par arrêt de la Cour de Cassation en

date du 15 décembre 2016 qui a ordonné le renvoi devant la Cour d'Appel de Paris autrement composée.





APPELANT

Monsieur Jean X...

[...]
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 30 Mai 2018

(n° , 08 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 17/02859

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 5 septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS RG n° 09/16246, infirmé partiellement par le pôle 6 - chambre 4 de la Cour d'Appel de Paris par arrêt du 20 janvier 2015, dont la décision a été cassée partiellement par arrêt de la Cour de Cassation en date du 15 décembre 2016 qui a ordonné le renvoi devant la Cour d'Appel de Paris autrement composée.

APPELANT

Monsieur Jean X...

[...]

né le [...] à ST MANDE (94160)

comparant en personne,

assisté de Me Tanguy F..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0543

INTIMEE

SARL Y... & CO

[...]

représentée par Me Véronique Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : R005

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Y... 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence A..., vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du

14 décembre 2017

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE'

Monsieur X... a été engagé le 1er septembre 1979 en qualité de conseiller de direction par la société Y... and Co.

Au dernier état de la relation de travail, il occupait les fonctions de vice-président.

Monsieur X... a, le 3 décembre 2009, saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Monsieur X... a été licencié pour faute grave le 2 juillet 2010.

Par jugement du 5 septembre 2012, le conseil de prud'hommes de Paris a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties avec effet au 3 juillet 2010, a dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il a condamné l'employeur à payer à Monsieur X... les sommes de :

- 897.500 € brut de rappels de salaire au titre des bonus dus pour les années 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010,

- 133.902 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 13.390 € au titre des congés payés y afférents,

- 451.299 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 300.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Il a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par arrêt du 20 janvier 2015, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement entrepris sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et vexatoire et la résiliation judiciaire prononcée au 3 juillet 2010.

Infirmant le jugement pour le surplus et statuant à nouveau, elle a condamné la société Y... and Co à payer à Monsieur X... les sommes de :

- 75 000 € à titre de rappel de salaire au titre des bonus sur les années 2004/2005

- 92 652 € à titre de préavis et 9 265 € pour congés payés afférents ;

- 363 163.75 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Elle a ordonné d'office le remboursement aux organismes intéressés des indemnités de chômage servies à Monsieur X... dans la limite de 6 mois.

Elle a rejeté les autres demandes.

Saisie d'un pourvoi par le salarié, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 20 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Y... and Co à payer à Monsieur X... les sommes de 75 000 euros à titre de rappel de salaire au titre des bonus annuels, et de 363 163,75 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, en ce qu'il limite les sommes allouées à Monsieur X... à 92 652 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, à 9 265 euros au titre des congés payés afférents, à 300 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté Monsieur X... du surplus de sa demande de rappel de salaire au titre des bonus annuels et de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 20 janvier 2015, a remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Dans ses conclusions après renvoi, Monsieur X... demande à la cour de constater la portée limitée de l'attestation prononcée par l'arrêt du 15 décembre 2015 et de déclaré irrecevable les demandes formulées par la société portant sur des points visés dans le dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation.

Il conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société à lui verser la somme globale de 897'500 € au titre des rappels de salaire sur les bonus non versés ainsi que 133'900 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents.

Il sollicite par ailleurs la condamnation de la société Y... & Co à lui verser une indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de 462'411,58 euros ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 1'700'000€.

S'agissant du harcèlement, il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de lui allouer 270'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi.

Enfin, il fixe à 50'000 € le montant de l'indemnité à lui revenir outre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Y... & Co demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties aux torts de la société à effet à compter du 3 juillet 2010, cette résiliation produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a prononcé diverses condamnations.

À titre principal, la société conclut au débouté de l'ensemble des prétentions formulées et réclame à son tour 50'000 € d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire, elle demande que les condamnations prononcées soient ramenées aux sommes suivantes :

- 75'000 € bruts de rappel de salaire pour les bonus des années 2004 à 60 à 2005,

- 92'652 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

- 360'242,88 euros pour l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 210'000 € pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

À titre infiniment subsidiaire, l'employeur offre le versement de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité conventionnelle aux sommes préalablement proposées.

En tout état de cause, il conteste l'existence d'un harcèlement moral et d'une discrimination salariale au détriment de M. X....

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Il convient à titre préliminaire de relever que suivant l'arrêt du 15 décembre 2016, la Cour de cassation n'a pas prononcé la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris en ce qu'il avait confirmé le jugement ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et précisé qu'elle aurait les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ces points ont donc été définitivement jugés. Ils sont irrévocables et revêtus de l'autorité de chose jugée.

En conséquence, les demandes tendant à remettre en cause la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et les conséquences de celle-ci dès lors qu'elle doit avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont irrecevables.

Sur la demande au titre du bonus'

La Cour de cassation a exposé que pour fixer à une somme le montant du rappel de salaire au titre d'un bonus annuel, il a été retenu que l'investissement du salarié était manifestement insuffisant, alors qu'il avait été retenu que le paiement de ce bonus qui présentait les caractères de constance, généralité et fixité, relevait d'un usage dans l'entreprise, que par suite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations.

Après avoir rappelé que le bonus n'était pas un élément contractuel, qu'une gratification même versée régulièrement mais susceptible de varier d'une année sur l'autre n'est pas davantage un élément de rémunération, la société conteste que les versements opérés en faveur de certains salariés soient de nature à caractériser un usage à défaut de présenter cumulativement les trois critères requis de généralité, de constance et de fixité.

S'agissant de ce dernier critère, l'employeur souligne qu'aucune règle commune ne permettait de déterminer le montant des bonus des autres salariés placés dans la même catégorie, que les ratio-bonus/salaire des Vps variaient de manière significative d'une année sur l'autre.

Elle évoque les situations de plusieurs salariés telle celle de Monsieur B... qui a perçu des bonus représentant, pour l'année 2000, 18 % de sa rémunération, pour l'année 2005 16%.

Monsieur C... avait perçu un bonus représentant 37% de sa rémunération pour l'année 2000, 76 % pour l'année 2005. Elle renvoie à cet égard au témoignage de Monsieur C... qui expose que son bonus a été diminué de 56 % entre 2006 et 2007 et qu'il a été nul pour 2009.

Il ressort des éléments communiqués que M. X... justifie avoir perçu chaque année à compter de la première année entière de travail remontant à 1990, des bonus représentant en dernier lieu près de 50 % de sa rémunération fixe. Il est avéré qu'il n'a pas perçu de bonus en 2004, que son bonus a été limité à la somme de 25'000 € en 2005, à 50'000 € en 2006, et à 50'000 € en 2007, en 2008 et en 2009.

Il est patent que pour la même période 2000 à 2005, les vice-présidents ont perçu régulièrement des bonus annuels évoluant généralement en fonction de leur rémunération fixe et présentant des pourcentages constants.

Les variations du montant des bonus pour 2 salariés résultent de circonstances ponctuelles et ne remettent pas en cause la réalité d'un usage tendant au versement aux vice-présidents d'un bonus présentant les conditions de constance, de fixité et de généralité dès lors que tous les vice-présidents et cadres en ont bénéficié sur de nombreuses années avant et après 2003 dans des conditions effectivement constantes pour chacun d'eux et évoluant généralement suivant un pourcentage stable en rapport avec l'augmentation de la rémunération fixe.

Il s'en déduit que M. X... est fondé à réclamer un complément de bonus pour les années postérieures à 2003 dans la proportion de l'ordre de 50 % de sa rémunération fixe, et ce, pour chacune des années jusqu'à la rupture du contrat de travail.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il avait alloué à M. X... la somme de 897'500 € bruts au titre des rappels de bonus.

En réintégrant le rappel des bonus, le salaire mensuel brut de référence devant servir au calcul des diverses indemnités sera arrêté à la somme de 44'634 €.

Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis'

Dès lors que les rappels de salaire ont été pris en compte par le conseil de prud'hommes, il sera fait droit à la demande formulée par le salarié s'agissant de la confirmation de la condamnation prononcée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis des congés payés afférents.

Sur la demande formulée au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement'

D'après l'article 19 de la convention collective applicable Syntec, «'après 2 années d'ancienneté, l'indemnité conventionnelle de licenciement s'élève à 1/3 de mois de salaire par année de présence sans pouvoir excéder 12 mois.'»

Le salarié est donc fondé à obtenir le paiement d'une somme de 462'411,58 euros.

Le jugement déféré sera réformé sur ce point.

Sur indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse'

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié ( 44634 euros), de son âge, de son ancienneté ( 30 ans et 10 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à Monsieur X..., en application de l'article'L.1235-3 du Code du travail, une somme de'270 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le harcèlement'

Aux termes des articles'L.1152-1 et L.1152-2 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Comme faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement, M. X... invoque la suppression unilatérale de la part de l'employeur d'un tiers de sa rémunération, des insultes et des propos dégradants, des man'uvres en vue de le mettre à l'écart d'un dossier Lafarge ce qui représentait une rétrogradation et une forme d'humiliation, l'intention manifeste de la part de l'employeur de provoquer une faute de sa part et son départ.

Il fait état de ce que ces divers agissements de l'employeur ont été à l'origine d'une atteinte de son état de santé.

S'agissant de la suppression unilatérale d'un tiers de sa rémunération, M. X... renvoie aux développements ayant trait au rappel de bonus.

Pour justifier des insultes et propos dégradants qui ont été tenus, M. X... communique plusieurs documents faisant apparaître que l'employeur n'a pas hésité à lui reprocher un «'comportement de fonctionnaire'» à lui exprimer sur son portable «'si tu n'es pas content, tu te casses'», mais encore à lui écrire à plusieurs reprises en ces termes':

- «'Basta, tu passes un temps fou à pondre des mails futiles au lieu de travailler[...] si tu voulais un boulot de fonctionnaire tatillon laissant beaucoup de temps libre, il aurait mieux valu que tu quittes Y... and Co depuis belle lurette'»

- «'ton attitude rond-de-cuir'», «'tu te contentes d'administrer mollement un client'» «'ton manque de tonicité de motivation'»,

- «'pendant que tu te reposes, il faut bien que quelqu'un réponde aux urgences du client'»

Le salarié produit encore un courriel aux termes duquel l'employeur s'exprimait en ces termes':«'[...] je commence à en avoir marre des crybabies qui veulent avoir un vie de fonctionnaire tout en ayant un salaire princier'! [...] Je suis fermement décidé à voir partir tous les crybabies dont toutes les fibres de mon corps méprisent l' état d'esprit et je compte sur vous pour être également impitoyables avec des gens à la mentalité de rond-de-cuir dont nous n'avons rien à faire chez nous même s'ils sont de bons analystes'»

M. X... communique par ailleurs, divers documents montrant qu'il était en charge du client Lafarge, depuis 2006, que des consignes ont été données notamment à M. D..., dont il était le supérieur hiérarchique pour qu'il assiste, seul, à une réunion importante aux USA et ne lui rende plus compte du suivi du dossier.

Sont également communiquées plusieurs feuilles d'un bloc-notes ayant appartenu à Monsieur D.... Sur l'une d'elles, apparaît la mention suivante : « j'aurais à écrire une lettre contre JGL'».

Il produit pourtant une lettre d'un cadre de haut niveau travaillant chez Lafarge qui indique:'«' j'ai beaucoup aimé travailler avec vous et vous avez toute mon estime, en tant que personne et pour le travail fait'».

Le salarié produit encore des courriels montrant que l'employeur s'interrogeait sur «'sa volonté de refuser de se rendre à une convocation'», lui faisait grief de «'ne pas procéder lui-même à l'actualisation des analyses financières'», d'avoir «'planté'» Monsieur D... volontairement en se rendant seul à un rendez vous chez un client, alors qu'il avait pris le soin d'expliquer qu'il partait en avance pour préparer l'accès de celui-ci chez le client, de «'mettre en péril la crédibilité du travail'», de «'brouiller l'image de la société'», d' «'agir en solo'».

M. X... communique enfin une attestation de son médecin traitant qui indique lui avoir apporté des soins depuis l'année 2007, en particulier pour une pathologie psychique en rapport avec une situation de harcèlement de la part de son employeur.

Un autre médecin témoigne avoir suivi M. X... à compter de l'année 2010 et du fait que «'sa prise en charge a nécessité suivi psychothérapeutique et la prescription de psychotropes et d'antidépresseurs dont les cibles étaient une humeur dépressive et des états anxieux récurrents».

Ces faits pris dans leur ensemble laissent présumer un harcèlement.

L'employeur répond que le bonus correspondait à une gratification bénévole, qu'il était encore parfaitement en droit de décider de le minorer.

S'agissant des prétendues insultes, la société expose que l'appellation «'rond-de-cuir'», comme celle de Crybabies correspondent à des métaphores que M. Y... avait déjà employées en 2004 dans un courriel adressé à l'ensemble de ses vice-présidents, lesquels ne s'en sont pas formalisés, que le clin d''il à Courteline pour l'expression «'rond de cuir'» ne peut caractériser une insulte, mais avait pour objet de permettre à M. X..., préoccupé par ses propres affaires familiales de s'affranchir de son «'apathie commerciale'».

La société fait valoir qu'elle n'a pas écarté M. X... du dossier Lafarge, qu'en réalité de janvier à juin 2010, et plus spécialement au cours du mois de mai 2010 M. X... a, de manière flagrante, délibérée, réitérée, passé outre toutes les demandes d'une action coordonnée, concertée, conjointe de M. Y... avec les vice-présidents en charge du client Lafarge et ce, malgré plusieurs rappels à l'ordre, que le client a été amené à déclarer de manière ironique «'il y a plusieurs positions chez Y... & co'».

Outre qu'il déplore la subtilisation condamnable réalisée par M. X... du bloc-notes de M. D..., l'employeur conteste avoir donné une consigne à ce dernier pour qu'il rédige une lettre contre le salarié, soutient qu'il s'agit de son seul ressenti personnel au regard de la collaboration difficile qu'il avait vécue avec M. X....

La société considère que le témoignage de M. E... n'est pas contradictoire avec le comportement par ailleurs inadmissible reproché au salarié au moment des faits dès lors qu'elle fait seulement ressortir que Monsieur X... exerçait ses missions techniques de manière satisfaisante. Elle renvoie au courriel que M. E... a rédigé le 10 novembre 2014 aux termes duquel celui-ci expose que la responsabilité de la relation globale entre Lafarge et Y... & Co est à la seule charge de M. Y....

Enfin, la société explique que la dégradation des relations résulte du comportement même de M. X... et de l'absence d'investissement de sa part dans son travail, tels qu'ils sont rapportés par divers témoignages communiqués ( Monsieur D..., Brachet), qu'une reprise en main directe du client Lafarge par Monsieur Y... a été rendue nécessaire à la demande du client en raison de l'attitude même de M. X....

S'agissant de la dégradation de l'état de santé du salarié, la société fait état des certificats d'aptitude rendus par la médecine du travail pour les années 2005, 2007 et 2009, et relève que les 2 ordonnances communiquées comportent une police de caractères pour les dates, différente de celle du corps des dites ordonnances.

La diminution importante et injustifiée du bonus revenant au salarié, les propos insultants adressés à Monsieur X... par Monsieur Y..., qui exprime avec insistance son mépris pour les «crybabies'» , «'rond-de-cuir'» et fonctionnaires, la reprise en direct du dossier Lafarge sans aucune remise en cause avérée du travail de Monsieur X... et l'importance donnée à Monsieur D..., dépendant hiérarchiquement de ce dernier caractérisaient un management blessant et de nature à l'humilier.

Dans ces conditions, les décisions et agissements de l'employeur ne reposaient pas sur des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Le préjudice moral en résultant sera réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à Monsieur X... une indemnité de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 4000 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d'appel.

La société qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 5 septembre 2012,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 20 janvier 2015,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 15 décembre 2016,

Déclare irrecevables les demandes tendant à remettre en cause le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Y... & Co, et le constat qu'elle doit avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Pour le surplus,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a alloué 451 299 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 300 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 30 000 euros au titre des dommages-intérêts pour préjudice moral et rejeté la demande de dommages-intérêts pour harcèlement ;

Le réforme sur ces points';

Statuant à nouveau et y ajoutant';

Condamne la société Y... & Co à verser à Monsieur X... les sommes suivantes':

- 462 411,58 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 270.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral en lien avec le harcèlement moral,

- 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite d'un mois.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Y... & Co aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/02859
Date de la décision : 30/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°17/02859 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-30;17.02859 ?
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