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30/05/2018 | FRANCE | N°16/24218

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 30 mai 2018, 16/24218


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 30 MAI 2018



(n° 331, 13pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/24218



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/57028





APPELANT



MONSIEUR X... JUDICIAIRE DE L'ETAT

Direction des Affaires Juiridiques

Bâtiment Condorcet - TEL

EDOC [...]



Représenté et assisté de Me Eric NOUAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493







INTIMES



Monsieur Denis Y...

[...]

né le [...] à BESANCON



Monsieur Robert ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 30 MAI 2018

(n° 331, 13pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/24218

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/57028

APPELANT

MONSIEUR X... JUDICIAIRE DE L'ETAT

Direction des Affaires Juiridiques

Bâtiment Condorcet - TELEDOC [...]

Représenté et assisté de Me Eric NOUAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493

INTIMES

Monsieur Denis Y...

[...]

né le [...] à BESANCON

Monsieur Robert Y...

[...]

né le [...] à PESMES

Représentés par Me Christian Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

assistés de Me Laurence A... substituant Me Emeric B..., avocat au barreau de TOULON

CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE

[...]

assignée le 27 avril 2018 à personne morale habilitée

MUTUELLE UNEO

[...]

assignée le 26 avril 2017 à personne morale habilitée

SA ALLIANZ VIE agissant poursuites et diligences en la personne de son Directeur Général y domicilié

[...]

N° SIRET 340 234 962

Représentée par Me Dominique C... de l'AARPI Dominique C... - Sylvie K..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

assistée de Me Arthur D..., substituant Me Olivia E... F... de la SCP LEMONNIER-DELION-GAYMARD E...-F..., avocat au barreau de PARIS, toque P 516

PARTIE INTERVENANTE FORCEE

Monsieur Christophe G...

Bureau des Sports 2e RPIMA Caserne H... Dupuis BP 386

97457 SAINT PIERRE CEDEX

assigné le 3 avril 2017 à personne

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Avril 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre

M. Renaud SORIEUL, Président de chambre

Mme Christina I... DA SILVA, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Véronique COUVET

ARRÊT :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre et par Véronique COUVET, Greffière.

Le 27 novembre 2008, M. Denis Y..., militaire servant au Tchad, a été victime d'un accident à bord d'un véhicule blindé. A la suite d'une expertise médicale amiable diligentée le 13 mars 2013, le ministère de la défense lui a proposé le 22 avril 2013 une indemnisation à hauteur de 3.800€ qu'il a refusée.

Les 17, 20, 21 et 28 juin 2016, MM. Denis et Robert Y... ont assigné l'agent judiciaire de l'Etat, M. Christophe G... ainsi que la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et la Mutuelle Uneo devant le juge des référés tendant notamment à obtenir la désignation d'un expert judiciaire.

Par ordonnance réputée contradictoire du 3 novembre 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :

- mis hors de cause M. Christophe G... et le Groupement militaire de prévoyance des armées,

- donné acte à la société Allianz Vie de son intervention volontaire comme assureur prévoyance de M. Denis Y...,

- rejeté l'exception d'incompétence,

Tous droits et moyens des parties restant, en l'état, expressément réservés,

- désigné en qualité d'expert dans le litige opposant M. Y... à l'agent judiciaire de l'Etat :

M. Yves J..., [...], Téléphone : [...] lequel pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne,

- donné à l'expert la mission suivante :

1° - Convoquer les parties ou leur conseil en les informant de la faculté de se faire assister par le médecin-conseil de leur choix ;

2° - Déterminer l'état de la victime avant l'accident (anomalies, maladies, séquelles d'accidents antérieurs) ;

3 ° - Relater les constatations médicales faites après l'accident ainsi que l'ensemble des interventions et soins, y compris la rééducation ;

4° - Examiner la victime, enregistrer ses doléances et décrire les constatations ainsi faites ;

5° - Déterminer compte tenu des lésions initiales et de leur évolution la durée de l'incapacité temporaire en indiquant si elle a été totale ou partielle, en ce cas en préciser le taux, et proposer la date de consolidation de ces lésions ;

6° - Dire si les anomalies constatées lors de l'examen sont la conséquence de l'accident ou d'un état ou d'un accident antérieur ou postérieur ;

Dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser :

- si cet état a été révélé ou aggravé par l'accident ;

- s'il entraînait un déficit fonctionnel avant l'accident ; dans l'affirmative, estimer le taux d'incapacité alors existant ;

- si, en l'absence de l'accident, il aurait entraîné un déficit fonctionnel ; dans l'affirmative, préciser dans quel délai et à concurrence de quel taux ;

7° - Décrire les gestes mouvements et actes rendus difficiles ou impossibles en raison de l'accident ;

- donner un avis sur le taux de déficit fonctionnel médicalement imputable à l'accident;

- estimer le taux de déficit fonctionnel global actuel du blessé, tous éléments confondus (état antérieur inclus) ;

Si un barème a été utilisé préciser lequel, ainsi que les raisons de son choix ;

Préciser la nature et le coût des soins en moyenne annuelle susceptible de rester à la charge de la victime ;

8° - Dire si le blessé a perdu son autonomie personnelle. Dans l'affirmative, dire pour quels actes de la vie quotidienne, et pendant quelle durée, l'aide d'une tierce personne à domicile a été ou est indispensable, ou si son état nécessite le placement dans une structure spécialisée en précisant les conditions d'intervention de son personnel ( médecins, infirmiers, kinésithérapeutes) ;

9 ° - Donner un avis détaillé sur la difficulté ou l'impossibilité pour le blessé de poursuivre l'exercice de sa scolarité ou de sa profession ou d'opérer une reconversion ;

Préciser la nature et le coût des travaux d'aménagement nécessaires à l'adaptation des lieux de vie de la victime à son nouvel état, et du matériel approprié à son nouveau mode de vie et à son amélioration ;

10° - Donner un avis sur l'importance des souffrances physiques et des atteintes esthétiques et sur l'existence d'un préjudice sexuel;

11° - Dire s'il existe un préjudice d'agrément, et notamment une atteinte aux conditions d'existence dans la vie quotidienne, en précisant la difficulté ou l'impossibilité du blessé de continuer à s'adonner aux sports et activités de loisirs ;

- désigné en qualité d'expert dans le litige opposant M. Denis Y... à la société Allianz Vie: M. Yves J..., [...], Téléphone : [...] lequel pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne,

- donné à l'expert la mission suivante :

1° - Convoquer les parties ou leur conseil en les informant de la faculté de se faire assister par le médecin-conseil de leur choix ;

2° - Déterminer l'état de la victime avant l'accident (anomalies, maladies, séquelles d'accidents antérieurs) ;

3 ° - Relater les constatations médicales faites après l'accident ainsi que l'ensemble des interventions et soins, y compris la rééducation ;

4° - Examiner la victime, enregistrer ses doléances et décrire les constatations ainsi faites ;

5 °- Déterminer si les séquelles de l'accident sont en rapport avec un état pathologique préexistant à la date du contrat

6 °- Examiner si les séquelles de l'accident entrent dans le cadre des risques exclus aux Conditions Générales du contrat dont la société Allianz Vie se prévaudra expressément par un avis motivé;

7°- Déterminer si M. Y... est consolidé, le cas échéant fixer la date de consolidation,

8°- Après avoir pris connaissance de la garantie Capital en cas d'Invalidité Permanente Par Accident et de ses règles d'évaluation de l'invalidité (article 20), fixer le degré d'invalidité permanente en fonction de ces règles d'évaluation ;

- condamné l'agent judiciaire de l'Etat à payer à M. Denis Y... une provision de 3800 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice personnel et la somme de 2000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré irrecevable la demande de M. Robert Y... à l'encontre de la société Allianz Vie,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné M. l'agent judiciaire de l'Etat et la société Allianz Vie chacun aux dépens les concernant, le surplus des dépens concernant M. G..., le GMPA, la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et UNEO restant à la charge des demandeurs,

- rappelé que l'ordonnance de référé est exécutoire de plein droit.

Par déclaration du 1er décembre 2016, M. l'agent judiciaire de l'Etat a interjeté appel de cette ordonnance.

Par ses conclusions transmises le 29 novembre 2017, il demande à la cour de :

- se déclarer incompétent au profit des juridictions de l'ordre administratif,

- renvoyer MM. Denis et Robert Y... à mieux se pourvoir,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a désigné le Docteur J... en qualité d'expert,

- subsidiairement, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a cantonné le montant de l'indemnité provisionnelle à 3.800 €,

- débouter MM. Denis et Robert Y... du surplus de leurs demandes,

- condamner MM. Denis et Robert Y... en tous les dépens, recouvrés par Maître Eric Noual, avocat, dans les formes prévus à l'article 699 du code de procédure civile.

Il fait valoir :

- que la cour doit infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a reconnu les juridictions de l'ordre judiciaire compétente dès lors que :

- M. G... ne peut pas être considéré comme l'auteur des dommages au sens de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 puisqu'il n'était ni conducteur du véhicule, ni associé à sa conduite de sorte que le mécanisme de substitution de l'Etat ne peut s'appliquer,

- M. Denis Y..., victime, ne peut agir contre lui-même pour bénéficier de ce mécanisme,

- les consorts Y... ne peuvent diriger leur action que contre l'administration au titre de l'accident de service relevant de la juridiction administrative,

- il n'appartient pas au juge des référés de déterminer si l'accident provient d'une erreur de conduite de M. Y... ou d'une faute d'organisation du service ;

- qu'il n'appartient pas à l'Etat de payer les frais de consignation et de déplacement de l'expertise dès lors qu'il revient aux consorts Y... de s'acquitter des frais de consignation et que l'Etat s'est opposé à l'organisation d'une nouvelle expertise car celle réalisée le 13 mars 2013 était suffisante ;

- que la cour doit rejeter la demande de désignation d'un sapiteur neurologique et d'un sapiteur ergothérapeute formulée par les consorts Y... dès lors que cette demande est satisfaite, le Docteur J... étant déjà diplômé en évaluation des traumatismes crâniens ;

- que c'est à tort que le premier juge a cru devoir désigner le Docteur J... en qualité d'expert dès lors qu'une nouvelle expertise est inutile puisque le rapport d'expertise du 13 mars 2013 comporte des éléments d'information suffisamment précis et détaillés et que seule une expertise complémentaire serait nécessaire en cas d'aggravation de l'état de santé de M. Y... révélée par les certificats médicaux de 2016 de sorte qu'il y aurait lieu d'actualiser la mission de l'expert par l'insertion des postes d'aménagement du véhicule et de préjudice d'établissement ;

- que la demande de provision formulée par M. Y... est contestable et non fondée dès lors que :

- la somme de 3 800€ accordée par le juge des référés correspond à l'indemnisation proposée par le service local du contentieux de Bordeaux qui, se fondant sur le rapport d'expertise du 13 mars 2013, n'a pas relevé de préjudices indemnisables à hauteur de 50.000€,

- M. Y... ne peut prétendre à l'indemnisation de ses préjudices économiques au titre de l'accident de service.

Par leurs conclusions transmises le 31 juillet 2017, MM. Denis et Robert Y... demandent à la cour de :

- se déclarer compétente pour le présent litige ;

- débouter l'agent judiciaire de l'Etat de l'intégralité de ses demandes ;

- confirmer l'ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Paris du 03 novembre 2016 en ce qu'elle a :

- déclaré que la faute alléguée par M. Y... n'est pas dépourvue de tout lien avec le service,

- déclaré que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation de dommages de toute natures causés par un véhicule quelconque,

- déclaré que la victime d'un accident de service causé par un véhicule a le choix soit d'exercer son action en responsabilité devant la juridiction administrative à l'encontre de la collectivité publique qui l'emploie, soit d'exercer une action en responsabilité devant la juridiction judiciaire contre la personne publique substituée par son agent,

- déclaré que la responsabilité de l'Etat est engagée et substituée à celle de son agent fautif,

- ordonné une expertise médicale pour le litige opposant M. Y... à l'agent judiciaire de l'Etat,

- ordonné une expertise médicale pour le litige opposant M. Y... à la compagnie Allianz,

- infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a mis en hors de cause M. G... et lui a alloué une provision de 3.800 euros,

- condamner l'Agent judiciaire de l'Etat, substituant son agent à une provision d'un montant de 50.000 euros au bénéfice de M. Y...,

- dire que la mission ordonnée par l'ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Paris du 03 novembre 2016 comportera en sus les éléments suivants :

* définir les compensations d'aménagement du véhicule soit en tant que conducteur, soit en tant que passager. Préciser la fréquence de renouvellement des adaptations et le surcoût du véhicule le cas échéant, * indiquer s'il existe ou existera un préjudice d'établissement,

- désigner tel expert qui lui plaira, spécialisé soit en neurologie soit en médecine physique et réadaptation,

- enjoindre à l'expert désigné de s'adjoindre un sapiteur ergothérapeute afin d'évaluer les préjudices relatifs à l'aide humaine et aux aides techniques, à l'aménagement du logement et à l'aménagement du véhicule,

- dire que le contrat prévoyance applicable concerne celui relatif à la police d'assurance n°10.008.076 souscrit auprès d'Allianz anciennement GMPA assurance,

- condamner la compagnie Allianz à verser une provision d'un montant de 50.000 € au bénéfice de M. Y... au titre de son contrat police d'assurance n° 10.008.076 de la convention 60.400 souscrit auprès d'Allianz anciennement GMPA assurance, qui prévoit une indemnisation en cas d'invalidité permanente ou partielle, ce qui n'est pas contestée au regard de l'état séquellaire de la victime,

- condamner l'agent judiciaire de l'Etat, substituant son agent, à verser à M. Denis Y... la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- condamner l'agent judiciaire de l'Etat, substituant son agent, à verser à M. Robert Y... la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Christian Z... dans les termes de l'article 69 du code de procédure civile.

Ils font valoir :

- que la cour doit confirmer l'ordonnance et déclarer que les juridictions judiciaires sont bien compétentes eu égard au mécanisme de substitution prévu à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 et de la décision du 16 novembre 2015 du tribunal des conflits dès lors que :

- l'accident s'est produit au moyen d'un véhicule, blindé en l'espèce,

- il a été causé par M. G... puisque le véhicule ne répondait plus aux critères de sécurité requis et que celui-ci a ordonné à son subordonné d'effectuer une mission en terrain hostile de sorte qu'il l'a délibérément mis en danger sa sécurité,

- il a également causé des préjudices à M. Robert Y..., père de la victime directe et victime par ricochet subissant un préjudice d'affection ;

- que la cour doit constater que les dispositions contractuelles applicables entre la compagnie Allianz Vie et M. Y... relèvent du contrat 10.008.076 de la convention n°60.400 de sorte que ses garanties vont bien au-delà du simple capital de base comme énoncé par la compagnie d'assurance ;

- que la cour doit confirmer les expertises ordonnées en première instance :

- concernant le litige avec l'agent judiciaire de l'Etat :

*l'expertise menée en 2013 s'est déroulée dans un contexte amiable qui ne saurait neutraliser une demande judiciaire ultérieure et qui a abouti à une offre d'indemnisation refusée par M. Y... compte tenu de son montant manifestement faible, n'étant pas en adéquation avec la réalité de l'état de santé de la victime,

* l'état de santé de la victime ne s'est pas consolidé en 2012,

* les certificats médicaux de 2016 justifie la demande de désignation d'un ergothérapeute,

* il convient toutefois d'ajouter à la mission de l'expert les postes relatifs à l'aménagement du véhicule et le préjudice d'établissement ;

- concernant le litige avec la compagnie Allianz Vie : la mesure d'expertise médicale est justifiée afin d'évaluer le degré d'invalidité de M. Denis Y... en vertu du contrat 10.008.076 de la convention n°60.400 ;

- que M. Denis Y... est bien fondé à solliciter le versement d'une provision à hauteur de 50.000€ à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat dès lors que :

- il subit depuis 2008 une perte totale de gains professionnels à hauteur de 144.000€, des souffrances à hauteur de 5.000€ et un déficit fonctionnel temporaire de 7.696€,

- il n'a plus repris d'activité professionnelle puisqu'il présente des troubles neuropsychologiques,

- il nécessite la présence d'un accompagnateur pour ses déplacements extérieurs qu'il ne peut financer compte tenu de la perte financière qu'il subit depuis l'accident ;

- que la cour doit fixer le montant de la provision due par la compagnie Allianz Vie à hauteur de 50.000€ au titre de la garantie invalidité absolue et définitive et de l'invalidité permanente correspondant à la police d'assurance n°10.008.076 dès lors que M. Y... présente un état séquellaire incontestable.

Par ses conclusions transmises le 22 décembre 2017, la société Allianz Vie demande à la cour de :

-confirmer l'ordonnance rendue le 3 novembre 2016,

- constater qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour s'agissant de l'incompétence de la juridiction judiciaire au profit de la juridiction administrative soulevée par l'Agent judiciaire de l'Etat,

- dire et juger la juridiction civile compétente s'agissant de la demande de M. Denis Y... à son encontre,

- donner acte à M. Y... de ce que la police d'assurance qui lui est opposable au titre de son contrat souscrit auprès de la SA Allianz Vie dans le cadre de la convention 60.400 est référencée 10.008.76,

- dire et juger la demande provisionnelle de M. Y... empreinte de contestations sérieuses,

- compléter la mission d'expertise ordonnée le 3 novembre 2016 du point suivant :

9°- Après avoir pris connaissance de la garantie Invalidité absolue et Définitive (article 11 des Conditions Générales), dire si M. Y... est inapte à tout travail et définitivement incapable de se livrer à la moindre activité susceptible de lui procurer salaire, gain ou profit,

- condamner tous succombant au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- qu'elle s'en rapporte à justice sur l'appel interjeté par l'Agent judiciaire de l'Etat qui ne la concerne pas ;

- que la demande provisionnelle de M. Y... s'oppose à des contestations sérieuses dès lors que :

-il n'est pas établi que son état de santé ouvrirait droit au bénéfice de la garantie invalidité absolue et définitive (IAD) de sorte qu'il est nécessaire de compléter la mission de l'expert à ce titre,

- la garantie IPPA a été mobilisée alors que son état de santé n'est pas consolidé d'autant plus que le rapport d'expertise ne permet pas de déterminer le degré d'invalidité fonctionnelle de M. Y... conformément aux règles d'évaluation contractuelles de l'invalidité stipulées à l'article 20 des conditions générales.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que l'article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 attribuant compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigés contre une personne de droit public, dispose :
'Par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque.

Cette action sera jugée conformément aux règles du droit civil, la responsabilité de la personne morale de droit public étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions.' ;

Considérant, en l'espèce, que le 27 novembre 2008, M. Denis Y..., militaire servant au Tchad, a été victime d'un accident à bord d'un véhicule blindé ; qu'il invoque la responsabilité de l'adjudant Christophe G... qui aurait eu connaissance de la défaillance technique du véhicule qu'il conduisait et l'aurait néanmoins envoyé en mission ;

Considérant que l'action dont M. Denis Y... et son père, Robert Y..., ont saisi la juridiction de l'ordre judiciaire tend à obtenir réparation, et la désignation d'un expert judiciaire à cette fin, à l'encontre de l'auteur de l'accident dont il a été victime, également agent public, auquel la personne publique est substituée ; que cette action ressort donc de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire en application des dispositions légales précitées ;

Que l'ordonnance sera confirmée qui a retenu sa compétence à l'égard de l'agent judiciaire de l'Etat ; qu'elle le sera également en ce qu'elle a mis hors de cause M. Christophe G..., auquel l'agent judiciaire de l'Etat se trouve substitué ;

Considérant qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé;

Considérant que, lorsqu'il statue en référé sur le fondement de ce texte, le juge n'est pas soumis aux conditions imposées par l'article 808 du code de procédure civile, qu'il n'a notamment pas à rechercher s'il y a urgence, que l'existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre de la mesure sollicitée, l'application de cet article n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé;

Que l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu'il existe un procès «en germe» possible, et non manifestement voué à l'échec au regard des moyens soulevés par les défendeurs, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui;

Considérant que l'agent judiciaire de l'Etat soutient que le rapport d'expertise médicale du 13 mars 2013 comporterait des informations suffisamment précises et détaillées pour éclairer la juridiction éventuellement saisie au fond ; que toutefois, M. Y... conteste les conclusions de cette expertise, et notamment la date de consolidation retenue ; qu'au vu des documents médicaux produits aux débats, le motif légitime de recourir à une expertise destinée à fournir à la juridiction saisie les éléments nécessaires à la réparation de l'intégralité de son préjudice est justifié par M. Denis Y... ; que l'ordonnance sera donc confirmée qui a désigné une expertise au contradictoire de l'agent judiciaire de l'Etat ; que, pour répondre à cet objectif, la mission d le'expert devra être étendue conformément aux demandes de M. Denis Y..., sans qu'il soit nécessaire de désigner un nouvel expert, l'expert désigné, qui a la qualité de neurologue, ayant toujours la possibilité de s'adjoindre un sapiteur dans les spécialités qui ne sont pas les siennes ;

Considérant que la société Allianz Vie ne conteste pas l'ordonnance en ce qu'elle a nommé un expert ; que le complément de mission qu'elle sollicite apparaît pertinent pour appréhender l'ensemble des chefs de réparation du préjudice subi par la victime ;

Considérant qu'en application de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ;

Considérant que c'est par des motifs pertinents en fait et en droit que la cour adopte, que le premier juge a tenu compte de la demande de pension militaire d'invalidité sollicitée par M. Denis Y... et de la possibilité que les arriérés et le capital de cette pension absorbe les préjudices soumis à recours, pour limiter la provision allouée à la réparation du préjudice personnel invoqué à la somme de 3 800 €, le taux de souffrance enduré proposé par l'expert amiable étant en l'état fixé à 3/7 ;

Considérant que M. Denis Y... et la société Allianz Vie s'accordent sur le champ contractuel qui les lie, à savoir la police n° 10 008 076 ; que ce contrat de prévoyance prévoit un montant de 16 922 euros correspondant à un capital de base, et un tableau de garanties dont les montants varient selon que l'assuré est atteint d'une invalidité absolue et définitive ou d'une invalidité permanente ; que M. Y... soutenant ne pas être consolidé, la demande de provision en exécution de ces garanties ne peut être accueillie ; que l'ordonnance sera confirmée de ce chef ;

Considérant que le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge ;

Qu'à hauteur de cour, il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que chaque partie conservera ses dépens ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant

Dit que la mission de l'expertise concernant l'agent judiciaire de l'Etat sera complétée comme suit :

- s'il y a lieu, définir les compensations d'aménagement du véhicule soit en tant que conducteur, soit en tant que passager et préciser la fréquence de renouvellement des adaptations et le surcoût du véhicule,

- indiquer s'il existe ou existera un préjudice d'établissement ;

Dit que la mission de l'expertise concernant la société Allianz Vie sera complétée comme suit :

- après avoir pris connaissance de la garantie Invalidité absolue et définitive, dire si M. Denis Y... est inapte à tout travail et définitivement incapable de se livrer à une activité susceptible de lui procurer un salaire, gain ou profit ;

Rejette toute autre demande des parties ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/24218
Date de la décision : 30/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°16/24218 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-30;16.24218 ?
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