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30/05/2018 | FRANCE | N°16/03205

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 30 mai 2018, 16/03205


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRÊT DU 30 MAI 2018



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03205



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 12/14829





APPELANTS



Monsieur Marc X...

demeurant [...]



Représenté par : Me Pascale Y..., avocat a

u barreau de PARIS, toque : K0090

Assisté de : Me Denis Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : G0706



Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, MAF société d'assurance mutuelle à cotisations va...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRÊT DU 30 MAI 2018

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03205

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 12/14829

APPELANTS

Monsieur Marc X...

demeurant [...]

Représenté par : Me Pascale Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

Assisté de : Me Denis Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : G0706

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, MAF société d'assurance mutuelle à cotisations variables, régie par le Code des Assurances

ayant son siège social [...]

[...]

agissant en la personne de son Directeur Général, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par : Me Jeanne A... de la B..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de : Me Cyrille C..., avocat au barreau de PARIS, toque : G262

INTIMÉES

SA GESPACE FRANCE

ayant son siège social [...]

agissant poursuites et diligences de son Directeur Général, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par : Me Marie-Catherine D... de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée de : Me Alice E... J..., avocat au barreau de PARIS, toque : J036 substituant Me Gilles F..., avocat au barreau de PARIS, toque : J036

SA BACOTRA, représentée par son liquidateur judiciaire,la Société B.T.S.G., société civile professionnelle immatriculée au RCS de Nanterre sous le N°434 122 511, dont le siège social est sis [...] , Représentée par son représentant légal, Maître Stéphane G...

ayant son siège social [...]

N° SIRET : 318 424 447

Représentée par : Me Charles H..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0488

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, présidente de chambre

Madame Maryse LESAULT, conseillère

Madame Sophie MACÉ, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Iris BERTHOMIER

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, présidente de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, présidente de chambre et par Madame Vidjaya DIVITY, greffier présent lors du prononcé.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

La Cour se réfère pour l'exposé complet des faits et de la procédure initiale à la relation qui en a été faite par le tribunal .

Par contrat du 5 juillet 2005, le Centre hospitalier intercommunal hôpitaux du LÉMAN, propriétaire d'un terrain à EVIAN, a consenti à la société GESPACE FRANCE un bail emphytéotique hospitalier à charge pour celle-ci de concevoir, financer et édifier un EHPAD (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes).

Suivant un contrat d'architecte et de maîtrise d'oeuvre du 28 juillet 2005, la société GESPACE FRANCE, maître d'ouvrage, a confié à M. Marc X..., assuré auprès de la MAF, une mission de conception, de direction et de suivi de l'exécution de l'ouvrage.

La société GESPACE FRANCE a également conclu le 1er décembre 2005 un contrat de travaux avec le groupement momentané d'entreprises conjointes non solidaires constitué par convention du même jour des sociétés BACOTRA, AMEC SPIE SUD EST et CRYSTAL.

La réception des travaux est intervenue suivant un procès verbal du 10 octobre 2007.

Se plaignant d'un retard important dans la réalisation de l'ouvrage et de malfaçons, notamment dans le lot gros oeuvre, ayant engendré de nombreux frais et surcoûts, la société GESPACE FRANCE a sollicité une expertise en référé sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. Dans le cadre de cette procédure, la société BACOTRA a demandé à titre reconventionnel le paiement de la somme de 999.937,55 € TTC correspondant au solde en sa faveur figurant sur le décompte général définitif établi par le maître d'oeuvre le 27 mars 2008 et subsidiairement celle de 254.655,47 € TTC au titre des situations de travaux n° 19 et 20 des 30 juin et 31 juillet 2007.

Par ordonnance du 7 juillet 2008, le juge des référés a désigné M. Marcel I... en qualité d'expert avec mission de décrire la situation du chantier et son déroulement chronologique, de décrire et évaluer les modifications et le montant des travaux supplémentaires, d'examiner les désordres allégués par le demandeur, d'en rechercher l'origine et la cause, d'examiner les pénalités de retard invoquées par le maître d'ouvrage, dire si elles lui paraissent fondées et donner son avis sur leur imputation, de fournir tous éléments permettant de déterminer les responsabilité éventuelles et de faire le compte entre les parties.

Par cette ordonnance du 7 juillet 2008, le juge des référés a aussi notamment condamné la société GESPACE FRANCE à payer à titre de provision à la société BACOTRA la somme de 254.655,47 € TTC avec intérêts au taux contractuel a condamné à payer à titre de provision à M. Marc X... la somme de 58.301 € HT augmentée de la TVA au taux en vigueur et ce au titre de l'honoraire complémentaire fixé par le contrat d'architecte à 6 % du montant HT des travaux supplémentaires.

La société GESPACE FRANCE a interjeté appel de cette ordonnance de référé dont elle a demandé l'infirmation s'agissant uniquement de la provision allouée à la société BACOTRA.

Par arrêt du 27 mai 2009, la cour d'appel de Paris a condamné la société GESPACE FRANCE à verser à titre provisionnel à la société BACOTRA la somme de 666.942,11 € à valoir sur la rémunération de ses prestations, en se fondant sur le décompte général définitif validé par le maître d'oeuvre le 27 mars 2008, soit 999.937,55 € TTC déduction faite de la somme de 254.655,47 € réglée en exécution de l'ordonnance du 7 juillet 2008 et de celle de 78.339,97 € adressée par erreur à la société BACOTRA.

La société GESPACE FRANCE s'est acquittée de cette somme et a parallèlement formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt du 27 mai 2009, lequel a été déclaré non admis au visa de l'article 1014 du code de procédure civile aux termes d'un arrêt de la Cour de cassation du 25 février 2010.

A la requête de la société GESPACE FRANCE, la mission de l'expert I... a été étendue par une ordonnance du 9 septembre 2009, à l'examen du décompte définitif de la société BACOTRA établi par le maître d'oeuvre et le projet de mémoire définitif de la société BACOTRA ainsi qu'à l'examen du décompte général de la société CRYSTAL.

L'expert a déposé son rapport le 30 septembre 2011, lequel met en évidence une différence de 583.359,10 € TTC entre le décompte établi par le maître d'oeuvre et celui établi par l'expert judiciaire (cf P 235 du tome 2 du rapport d'expertise) .

Par acte d'huissier du 16 octobre 2012, la société GESPACE FRANCE a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société BACOTRA, M. Marc X... et son assureur la MAF aux fins d'obtenir à titre principal la condamnation de la société BACOTRA à lui payer la somme de 300.291,68 € au titre des pénalités de retard et la somme de 74.683,69 € au titre du surcoût lié aux malfaçons, outre la somme de 915.377,32 € (ou a minima celle de 503.930,13 €) indûment réglée en exécution de l'arrêt de la cour d'appel du 27 mai 2009 et à titre subsidiaire, en cas de délégation par le maître d'ouvrage au maître d'oeuvre de la vérification du mémoire définitif de la société BACOTRA, la condamnation de M. Marc X... et de son assureur la MAF à lui payer la somme de 1.290.352,60 € ou a minima celle de 878.905,50 € à titre de dommages-intérêts.

La société BACOTRA a conclu principalement à l'irrecevabilité des demandes de la société GESPACE FRANCE sur le fondement de l'article 1269 alinéa 1er du code de procédure civile. Elle a estimé que la société GESPACE FRANCE est irrecevable à contester le décompte final du marché en date du 27 mars 2008, devenu irrévocable, puisque celui-ci a été établi conformément à la procédure contractuelle d'établissement des comptes, ainsi que l'ont retenu la cour d'appel statuant en référé et la Cour de cassation.

Par ordonnance du 8 avril 2014, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a dit que le débat au fond opposant la société GESPACE FRANCE à la société BACOTRA, à M. Marc X... et à la MAF serait fractionné en deux temps :

1/ un premier débat purgera la fin de non recevoir soulevée par la société BACOTRA,

2/ un second débat, instauré ultérieurement, s'intéressera aux questions de fond proprement dites sur l'établissement des comptes entre les parties.

C'est dans ce contexte que par jugement du 1er décembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a au visa de l'ordonnance du juge de la mise en état du 8 avril 2014 :

- accueilli la fin de non de recevoir soulevée par la société BACOTRA et déclaré irrecevable la société GESPACE FRANCE en sa demande de révision du décompte final du 27 mars 2008,

- débouté la société BACOTRA de sa demande de dommages-intérêts,

- condamné la société GESPACE FRANCE à verser à la société BACOTRA la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 21 mars 2016 pour les conclusions au fond de la société GESPACE FRANCE suite à la présente décision.

Par déclaration du 2 février 2016, M. Marc X... et son assureur la MAF ont interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du 10 mars 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société BACOTRA et a notamment désigné la SCP BTSG en la personne de Maître Stéphane G... en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société BACOTRA.

Le 13 avril 2016, M. Marc X... et son assureur la MAF ont signifié leur déclaration d'appel par un acte d'huissier remis à la personne de Maître Stéphane G... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BACOTRA.

Par conclusions des 15 avril et 15 septembre 2016 et 16 novembre 2017, M. Marc X... demande à la Cour de :

- le déclarer avec la MAF recevables et bien fondés en leur appel ;

Y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger qu'il a qualité et intérêt à agir pour obtenir le rejet de la fin de non-recevoir, opposée par la société BACOTRA à la demande de révision de la société GESPACE, du décompte du 27 mars 2008 ;

En conséquence

- rejeter ladite fin de non-recevoir ;

- renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance de Paris 6ème chambre 1ère section afin qu'il soit statué sur le fond ;

- condamner la société BACOTRA en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Pascale Y..., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 9 février 2018, la MAF demande à la Cour, au visa du contrat de maître d''uvre du 28 juillet 2005, de l'article 5.4 du contrat de travaux du 1er décembre 2005 et de l'ensemble des pièces visées de:

À titre principal

- dire que la notification du décompte général et définitif est, par nature, une prérogative exclusive du maître d'ouvrage non délégable au maître d''uvre en l'absence de mandat express donné à ce dernier par le maître d'ouvrage ;

- constater que les dispositions du contrat de maîtrise d''uvre du 28 juillet 2005 ne prévoient aucun mandat express donné par GESPACE FRANCE à M. X... de notifier le décompte général et définitif au titulaire du marché ;

- constater que M. X... n'étant pas partie au contrat de travaux du 1er décembre 2005 conclu entre GESPACE FRANCE et BACOTRA, son article 5.4 ne saurait l'engager ;

- dire et juger que la transmission par M. X... du décompte vérifié du 27 mars 2008 à BACOTRA ne vaut pas notification du décompte général et définitif par le maître d'ouvrage ;

En conséquence,

- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a considéré que GESPACE FRANCE aurait délégué à M. X... la notification du décompte général et définitif ;

Statuant à nouveau,

- rejeter la fin de non-recevoir soulevée par BACOTRA ;

- juger recevable la demande de GESPACE FRANCE de condamnation de la société BACOTRA au titre du solde négatif de son marché ;

À titre subsidiaire,

- constater que le décompte du 27 mars 2008 contient des omissions et une présentation inexacte des faits ;

En conséquence,

- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé GESPACE FRANCE irrecevable en sa demande de redressement du décompte dit définitif sur le fondement de l'article 1269 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- rejeter la fin de non-recevoir soulevée par BACOTRA ;

- juger recevable la demande de GESPACE FRANCE en redressement du 'décompte définitif'du 27 mars 2008 ;

En tout état de cause,

- renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance de Paris pour débattre, au fond, de l'établissement des comptes entre GESPACE FRANCE et BACOTRA ;

- condamner la société BACOTRA à verser la somme de 5.000 € à la MAF au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions du 15 juin 2016, la SA GESPACE FRANCE demande à la Cour de:

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la fin de non-recevoir soulevée par la société BACOTRA entraînant son irrecevabilité en sa demande de révision du décompte finale du 27 mars 2008 ;

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a rejeté la demande formulée par la société BACOTRA de la voir condamner à lui verser la somme de 50.000 € pour abus du droit d'agir en justice ou violation principe de l'estoppel ou de l'obligation de cohérence ;

- infirmer la décision dont appel en ce qu'elle l'a condamnée à verser la somme de 10.000 € à la société BACOTRA au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Et statuant à nouveau

- condamner la société BACOTRA, prise en la personne de son liquidateur, la société civile professionnelle BTSG en la personne de Maître Stéphane G..., à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société BACOTRA, prise en la personne de son liquidateur, la société civile professionnelle BTSG en la personne de Maître Stéphane G... aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- dire que les frais de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens seront employés en frais privilégiés de justice.

Maître Stéphane G... représentant la société BTSG en qualité de liquidateur judiciaire de la société BACOTRA a constitué avocat le 14 septembre 2016 mais n'a pas conclu. Le présent arrêt est par conséquent contradictoire à l'égard des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2018.

La cour se réfère pour plus ample exposé des demandes aux conclusions ainsi visées.

MOTIFS

- Sur la recevabilité de la contestation du décompte final de la société BACOTRA du 27 mars 2008

Considérant que M. Marc X... et son assureur, la MAF ont interjeté appel du jugement qui a déclaré irrecevablela contestation opposée par la société GESPACE au décompte final de la société BACOTRA;

Que par des conclusions distinctes, M. Marc X... et la MAF font notamment valoir:

- que le maître d'ouvrage a la prérogative exclusive de la notification du décompte général définitif et qu'il ne peut le déléguer au maître d''uvre que par un mandat express,

- que les dispositions de l'article 5.4 du contrat de travaux signé avec la société GESPACE sont en contradiction avec la norme AFNOR FNP 03 001 édition décembre 2000 visée en page 4/14 du contrat,

- que le contrat de travaux ne respecte pas les dispositions du CCAG norme P 03001,

- que l'ordre de prévalence des documents prévu par l'article 3 du contrat ne s'applique qu'entre les documents particuliers et non pas entre les documents particuliers et les documents généraux,

- que M. Marc X... n'a jamais reçu délégation de la société GESPACE de notifier le décompte définitif final à la société BACOTRA et que ce décompte n'ayant pas été notifié par le maître d'ouvrage peut être contesté par ce dernier,

- que M. X... n'étant pas partie au contrat de travaux du 1er décembre 2005 conclu entre GESPACE FRANCE et BACOTRA, son article 5.4 ne saurait l'engager ;

- que le document dont se prévaut la société BACOTRA n'est pas le décompte général et peut-être remis en cause,

- que la transmission par M. X... du décompte vérifié du 27 mars 2008 à BACOTRA ne vaut pas notification du décompte général et définitif par le maître d'ouvrage ;

- que la révision du compte est possible en application de l'article 1269 du code de procédure civile en raison d'une inexactitude matérielle puisque l'expert a dans le cadre de ses opérations d'expertise relevé des erreurs dans le décompte établi par la maîtrise d''uvre ;

Considérant qu'en vertu de l'article 1199 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, antérieurement article 1165 du même code,

'Le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties.

Les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraints de l'exécuter, sous réserve des dispositions de la présente section et de celles du chapitre III du titre IV ' ;

Que c'est au regard de ce texte que doivent s'examiner les obligations respectives des parties ;

Considérant qu'aux termes du contrat d'architecte et de maîtrise d'oeuvre du 28 juillet 2005, la société GESPACE FRANCE a notamment confié à M. Marc X..., assuré auprès de la MAF, une mission de contrôle des dépenses (article E 9) énoncée de la manière suivante:

'- L'architecte vérifie la décomposition financière du prix forfaitaire proposée par les entreprises pour l'établissement des situations de travaux;

....

- L'architecte vérifie le mémoire définitif établi par chaque entreprise. En cas de carence de telle ou telle entreprise, il établit lui-même ce mémoire sur sa seule appréciation conformément aux Cahier des Clauses Générales ;

- Le cas échéant, l'architecte propose au maître d'ouvrage le décompte des pénalités calculées en fonction des réalisations de chaque entreprise par rapport au planning contractuel';

Considérant que ce contrat donne certes mission à l'architecte de vérifier le mémoire définitif établi par l'entreprise mais pas celle de lui notifier son décompte définitif final ;

Considérant que l'expert judiciaire a considéré que le maître d'ouvrage avait délégué à l'architecte le soin d'établir ce décompte général définitif mais il n'a néanmoins apporté aucune précision sur les éléments lui permettant de l'affirmer ; que suite au dépôt du rapport, la société BACOTRA a demandé au tribunal de ' constater' que la société GESPACE FRANCE a délégué à son maître d''uvre, M. Marc Henri X..., l'établissement et la notification du décompte final de son marché ;

Que cependant, le contrat d'architecte du 28 juillet 2005 ne prévoit aucun mandat exprès donné par la société GESPACE FRANCE à M. Marc X... de notifier le décompte général et définitif au titulaire du marché et aucun autre document ne permet de rapporter la preuve de la réalité d'une telle délégation, laquelle ne saurait se présumer;

Considérant que pour leur part, la société GESPACE et la société BACOTRA sont en ce qui les concerne liées par le contrat de travaux du 1er décembre 2005 qui précise expressément que l'architecte X... est un tiers à ce contrat ;

Considérant que l'article 5.4 dudit contrat, intitulé 'décompte final' est rédigé de la manière suivante :

- 'Après l'achèvement des travaux l'entrepreneur établi (sic) le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble.

- Ce projet de décompte est établi à partir des prix de base comme les projets de décomptes mensuels et comporte les mêmes parties que ceux-ci (cf. paragraphe ci-dessus).

- Le projet de décompte final complété et signé par le titulaire devra être adressé impérativement par lettre recommandée avec accusé de réception postal, dans le délai maximal de 45 jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux.

Le maître d'oeuvre établit le décompte général qui comprend :

- Le projet de décompte final ;

- L'état du solde établi à partir du projet de décompte final et du dernier décompte mensuel ;

- La récapitulation des acomptes mensuels et du solde.

- Le maître d'oeuvre notifie à l'entrepreneur, par ordre de service ou courrier adressé par lettre recommandée avec accusé de réception postal, le décompte final, avant 45 jours décomptés à partir de la date de remise du projet de décompte final par l'entrepreneur'.

Que la société GESPACE et la société BACOTRA ont ainsi convenu que c'est le maître d''uvre qui adresse par lettre recommandée avec accusé de réception à l'entrepreneur le décompte final avant 45 jours décomptés à partir de la date de remise du projet de décompte final par l'entrepreneur ;

Que cependant, ce contrat est inopposable à l'architecte qui n'y était pas partie et qui en vertu de son propre contrat n'avait pas reçu mission d'établir ce décompte général définitif ;

Considérant par ailleurs que le contrat de travaux signé par la société BACOTRA énumère en son article 3 les pièces contractuelles composées de documents particuliers et de documents généraux et précise en son article 5 les modalités de paiement de l'entreprise;

Que selon ce contrat, les documents particuliers prévalent entre eux dans l'ordre d'énumération qu'il retient ; que le contrat n'établit en revanche pas d'ordre de prévalence entre les documents particuliers et les documents généraux lesquels sont, comme il l'indique, eux aussi applicables aux relations entre les parties ;

Qu'il convient par conséquent d'examiner également les dispositions du cahier des clauses administratives générales NF P 03-001 (édition décembre 2000) qui est le premier document général énuméré à ce titre dans le contrat et qui est par conséquent également applicable en l'espèce ;

Considérant que ce cahier des clauses administratives générales NF P 03-001 prévoit précisément la procédure de vérification du mémoire définitif et de l'établissement du décompte définitif (article 19.6) ;

Qu'il précise ainsi :

19.6.1

Le maître d'oeuvre examine le mémoire définitif et établit le décompte définitif des sommes dues en exécution du marché. Il remet ce décompte au maître de l'ouvrage.

19.6.2

Le maître de l'ouvrage notifie à l'entrepreneur ce décompte définitif dans un délai de 45 jours à dater de la réception du mémoire définitif par le maître d'oeuvre. Ce délai est porté à 4 mois à dater de la réception des travaux dans le cas d'application du paragraphe 19.5.4 .

Si le décompte n'est pas notifié dans ce délai, le maître de l'ouvrage est réputé avoir accepté le mémoire définitif remis au maître d'oeuvre après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours.

La mise en demeure est adressée par l'entrepreneur au maître d'ouvrage avec copie au maître d'oeuvre.

19.6.3

L'entrepreneur dispose de 30 jours à compter de la notification pour présenter, par écrit, ses observations éventuelles au maître d'oeuvre et pour en aviser simultanément le maître de l'ouvrage. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte définitif.

19.6.4

Le maître de l'ouvrage dispose de 30 jours pour faire connaître, par écrit, s'il accepte ou non les observations de l'entrepreneur. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté ces observations.

Considérant qu'il en ressort que le maître d''uvre remet le décompte définitif des sommes dues en exécution du marché au maître de l'ouvrage qui le notifie à l'entrepreneur;

Qu'ainsi même en faisant application du cahier des clauses administratives générales NF P 03-001, document général qui doit en principe s'effacer devant un document particulier contraire, il incombe au seul maître d'ouvrage de notifier le décompte général définitif à l'entrepreneur ;

Considérant que le contrat signé entre l'entreprise et le maître d'ouvrage n'a pas eu pour effet de modifier les obligations pesant sur l'architecte en vertu de son propre contrat signé avec le maître d'ouvrage de sorte que la transmission par M. X... du décompte vérifié du 27 mars 2008 à la société BACOTRA ne vaut pas notification du décompte général et définitif laquelle incombe au maître d'ouvrage ;

Considérant en définitive que le décompte envoyé par M. Marc X... à la société BALESTRA n'avait pas valeur de décompte général définitif, même s'il portait par suite d'une erreur cet intitulé, puisqu'il n'était pas notifié par le maître d'ouvrage ;

Considérant que par conséquent, la société GESPACE FRANCE est recevable à contester le décompte final du marché de la société BACOTRA du 27 mars 2008 ;

- Sur les autres demandes

Considérant que la SA GESPACE FRANCE demande à la Cour deconfirmer la décision dont appel en ce qu'elle a rejeté la demande formulée par la société BACOTRA de la voir condamner à lui verser la somme de 50.000 € pour abus du droit d'agir en justice ou violation principe de l'estoppel ou de l'obligation de cohérence ;

Qu'en l'absence de demande contraire formée par Maître Stéphane G... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BACOTRA qui a désormais seul qualité pour représenter cette société et de tout élément justificatif de cette prétention, le jugement est confirmé en ce sens ;

Considérant que l'infirmation du jugement en ce qu'il a accueilli la fin de non recevoir soulevée par la société BACOTRA et déclaré irrecevable la société GESPACE FRANCE en sa demande de révision du décompte final du 27 mars 2008 conduit à l'infirmer également en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 10.000 € à la société BACOTRA au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant qu'il est conforme à l'équité de condamner Maître Stéphane G... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BACOTRA à payer à la société GESPACE France la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que les entiers dépens de première instance et d'appel restent à la charge de Maître Stéphane G... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BACOTRA, qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS,

la Cour,

- Déclare M. Marc X... et la MAF recevables et bien fondés en leur appel;

Y faisant droit,

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- Dit que M. Marc X... a qualité et intérêt à agir pour obtenir le rejet de la fin de non-recevoir opposée par la société BACOTRA à la demande de révision de la société GESPACE du décompte du 27 mars 2008 ;

- Dit que la notification du décompte général et définitif est, par nature, une prérogative exclusive du maître d'ouvrage non délégable au maître d''uvre en l'absence de mandat express donné à ce dernier par le maître d'ouvrage ;

- Constate que les dispositions du contrat de maîtrise d''uvre du 28 juillet 2005 ne prévoient aucun mandat express donné par la société GESPACE FRANCE à M. Marc X... de notifier le décompte général et définitif au titulaire du marché ;

- Constate que M.Marc X... n'étant pas partie au contrat de travaux du 1er décembre 2005 conclu entre GESPACE FRANCE et BACOTRA, l'article 5.4 de ce contrat ne l'engage pas;

- Dit que la transmission par M. Marc X... du décompte vérifié du 27 mars 2008 à la société BACOTRA ne vaut pas notification du décompte général et définitif par le maître d'ouvrage ;

En conséquence

- Rejette la fin de non-recevoir opposée par la société BACOTRA à la demande de révision de la société GESPACE et déclare la société GESPACE FRANCE recevable à contester le décompte final du marché de la société BACOTRA du 27 mars 2008;

- Juge recevable la demande de la société GESPACE FRANCE de condamnation de la société BACOTRA au titre du solde négatif de son marché ;

- Renvoie les parties devant le tribunal de grande instance de Paris 6ème chambre 1ère section afin qu'il soit statué sur le fond ;

- Condamne Maître Stéphane G... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BACOTRA à payer à la société GESPACE France la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne Maître Stéphane G... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BACOTRA aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- Autorise le recouvrement des dépens par les avocats de la cause dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 16/03205
Date de la décision : 30/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris G5, arrêt n°16/03205 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-30;16.03205 ?
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