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30/05/2018 | FRANCE | N°15/07288

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 30 mai 2018, 15/07288


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 30 Mai 2018

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/07288



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/09219





APPELANT

Monsieur Georges X...

[...]

comparant en personne, assisté de Me Thierry Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : R046
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INTIMÉE

L' EPIC RATP

[...]

représentée par Me Thomas Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : B0920





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 30 Mai 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/07288

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/09219

APPELANT

Monsieur Georges X...

[...]

comparant en personne, assisté de Me Thierry Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : R046

INTIMÉE

L' EPIC RATP

[...]

représentée par Me Thomas Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : B0920

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Avril 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, conseillère, faisant fonction de président

Mme Aline DELIERE, conseillère

Mme Séverine TECHER, vice-présidente placée,

Greffier : Mme Clémence UEHLI, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, conseillère, faisant fonction de présidente et par Madame Clémence UEHLI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur Georges X... a été embauché par la régie autonome des transports parisiens ci-dessous dénommée RATP en qualité d'élève exploitant du réseau ferré par contrat du 7 avril 1986 et a occupé à compter du 9 avril 2015 et jusqu'à sa retraite le 1 er mars 2016, un emploi d'opérateur administratif assistant logistique.

Il a occupé des fonctions de délégué du personnel de novembre 2006 à novembre 2013 et de représentant syndical FO au sein du CHSCT du département SEM du 19 juin 2011 au 11 janvier 2013.

Par mail du 30 avril 2013, Monsieur Georges X... a manifesté son souhait de réintégrer son poste.

Le 7 juillet 2014, Monsieur Georges X... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes visant à voir constater l'existence d'un harcèlement moral, d'une discrimination syndicale et d'un délit d'entrave et à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ainsi qu'un arriéré de prime.

Par jugement du 10 juin 2015 auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Monsieur Georges X... a régulièrement relevé appel de ce jugement .

L'affaire a été plaidée à l'audience du 9 avril 2018. Les parties ont soutenu oralement leurs conclusions visées ce jour par le greffier et déposées.

Monsieur Georges X... demande à la cour d'infirmer le jugement du 10 juin 2015 en toutes ses dispositions en conséquence :

' de dire qu'il a été victime d'un harcèlement moral, que la RATP a manqué à son obligation de sécurité de résultat, qu'il a été victime d'une discrimination syndicale, que l'employeur a commis un délit d'entrave à son encontre et n'a pas respecté l'accord relatif à la représentation du personnel et aux parcours professionnels du département gestion innovation social,

' de condamner la RATP à lui payer les sommes suivantes :

*37 816, 68 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,

*37 816,68 euros à titre d'indemnité spécifique pour manquements à l'obligation de sécurité de résultat et préjudice moral,

*18908,34 euros à titre de dommages intérêts pour discrimination syndicale,

*3 151,39 euros à titre de dommages intérêts pour délit d'entrave,

*3 155,39 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de l'accord relatif à la représentation du personnel et aux parcours professionnels du département GIS,

*2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse la RATP demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et en conséquence de débouter Monsieur Georges X... de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de supporter les entiers dépens.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné justifie de la matérialité de faits précis, qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que son comportement est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Pour fonder sa demande Monsieur Georges X... évoque les faits suivants:

- le refus de lui accorder des primes,

- le non respect de l'accord relatif à la représentation du personnel et le parcours professionnel du département GIS,

- la mise au placard à compter de sa réintégration,

- l'incompatibilité des postes proposés avec les préconisations du médecin du travail,

- la dégradation de son état de santé qui en est résultée.

Sur les primes.

Le 29 juillet 2013 Monsieur Georges X... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes de versement de primes pour les samedis, dimanches et jours fériés, entre le 18 mars 2011 et le 18 janvier 2013.

Ce litige s'est clos par la conclusion d'une transaction retranscrite dans le procès-verbal de conciliation du 30 septembre 2013 prévoyant le versement au salarié d'une somme de 2815 euros ce dont il résulte la preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation du paiement de tous les éléments de salaire, susceptible de caractériser un agissement de harcèlement moral.

Sur le non respect de l'accord relatif à la représentation du personnel.

Monsieur Georges X... explique que la RATP n'a pas fait application de son accord relatif à la représentation du personnel .

Mais l'accord dont Monsieur Georges X... sollicite l'application, a été conclu le 12 novembre 2013 et n'était donc pas opposable à la RATP lors de la réintégration de Monsieur X... au mois d'avril 2013.

En outre l'article 12 du chapitre 2.3 de cet accord précise que les dispositifs spécifiques d'évaluation et de valorisation des compétences, ne sont ouverts qu'aux agents ayant exercé des mandats de représentants du personnel pendant huit ans, condition que ne remplissait pas Monsieur Georges X... délégué syndical du mois de novembre 2006 jusqu'au mois de janvier 2013.

Ainsi aucune violation aux obligations résultant de cet accord constitutive d'agissements susceptibles de caractériser une harcèlement moral n'est constatée àce titre.

Sur la mise au placard.

Avant d'être délégué syndical permanent à compter de novembre 2006, Monsieur Georges X... occupait un poste de responsable opérationnel et coordinateur d'équipes mobiles (ROC EM).

Or le protocole d'accord METROSERVICE, signé en juin 2009, a supprimé le poste de ROC EM et l'a remplacé par le poste d'assistant d'exploitation en prévoyant que 'les ACS et ROC EM seront nommés assistant d'exploitation après avoir suivi la formation complémentaire correspondant à leur profil '.

En conséquence au moment de la réintégration de Monsieur Georges X... au mois de mai 2013, l'employeur devait tenir compte de cette évolution en lui proposant de suivre la formation nécessaire pour lui permettre d'intégrer le poste d'assistant d'exploitation, ou, le cas échéant, devait tirer les conséquences de son refus d'accepter de suivre cette formation et donc d'accepter les modifications à son contrat de travail intervenues pendant son absence.

Par ailleurs au moment de la réintégration l'employeur devait également tenir compte des réserves émises par le médecin du travail, à l'aptitude de Monsieur Georges X... à occuper le poste de responsable opérationnel et coordinateur, et donc d'assistant d'exploitation, puisque lors de la visite périodique du 15 mai 2013 organisée à la demande du salarié le médecin a précisé 'pas de port de charges de plus de 2 kg, pas de travaux pénibles bras en l'air, pas de contrôle, pas de station debout prolongée, limiter les déplacements, maintenir en horaires réguliers type horaires de bureau, rechercher des travaux de type administratifs'.

Or alors même que dès le mois de mai 2013 le salarié a manifesté, sous divers prétextes, son refus de suivre les formations indispensables pour lui permettre d'intégrer le poste d'assistant d'exploitation qui avait remplacé celui de ROC EM qui avait disparu, et alors même que le médecin du travail avait émis des réserves importantes à l'aptitude de Monsieur Georges X... à occuper le poste de responsable opérationnel et coordinateur et d'assistant d'exploitation, la RATP l'a réintégré dans son ancien poste sur la ligne 4 sans lui proposer d'avenant comprenant les modification intervenues dans son poste de travail, sans le sanctionner pour un refus de formation obligatoire et sans justifier de recherches d'un aménagement de son poste de travail pour respecter les préconisations du médecin du travail.

Dans un courrier du 21 novembre 2013 adressé à l'employeur, Monsieur Georges X... s'en est plaint et sa demande a été appuyée par un avis du 21 novembre 2013, du médecin du travail qui se référant à ses prescriptions précédentes du 15 mai 2013 a rajouté que 'ces prescriptions par affectation au centre de liaison, supposent que le salarié remplisse des tâches effectives compatibles et réelles ..'.

Aussi la situation de Monsieur Georges X... qui en novembre 2013 soit 7 mois après sa réintégration était toujours affecté provisoirement à son ancien poste qui avait disparu, constitue un agissement pouvant caractériser un harcèlement moral.

Sur la sanction du 18 novembre 2013.

Dans ces conditions alors que la société n'a eu à délivrer aucune sanction au salarié pendant toute sa période d'emploi de 27 ans, le rappel à l'ordre qu'elle a choisi de lui adresser le 18 novembre 2013 pour un retard de 20 minutes sans qu'elle ne justifie des conséquences de fait de ce retard sur le fonctionnement du service au regard des tâches provisoires et indéfinies confiées à Monsieur Georges X..., apparait également comme un agissement susceptible de caractériser un harcèlement moral.

Sur l'incompatibilité des postes proposés avec les préconisations du médecin du travail.

Monsieur Georges X... a été en arrêt maladie à compter du 29 novembre 2013, renouvelé jusqu'au 21 novembre 2014 pour syndrome dépressif.

Lors de la visite reprise du 20 novembre 2014, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste et ' apte à un poste de type administratif, sans contact de clientèle, sans travail sur le métro ni le RER, pas de poste de sécurité, pas de travail en hauteur, pas de conduite, en horaires de bureau'.

En est résultée pour l'employeur, une obligation de recherches de reclassement du salarié dans un poste compatible avec ces préconisations médicales.

Dans un premier temps l'employeur a justifié de recherches loyales et sérieuses.

Ainsi Monsieur Georges X... a été reçu le 24 novembre 2014 par le responsable RH de la ligne quatre et un poste répondant aux prescriptions lui a été proposé étant précisé que celles-ci n'incluaient pas à cette date des restrictions quant au port de charges, qui n'ont été rajoutées que quelques jours plus tard par le médecin du travail dans son avis du 27 novembre 2014 'interdiction de port de charges de plus de 2 kg et limitation des déplacements à pied'.

Lui a ensuite été proposée le 2 décembre 2014, pendant la durée de son inaptitude provisoire à son emploi de ROC/EM, une mission 'opérateur- minimum 4 mois' au sein du département M2E au centre de maintenance d'Arcueil que celui-ci a acceptée après un accord sur un décalage du début d'activité de 7H24 à 8H35/40.

Monsieur Georges X... a rempli ses fonctions jusqu'au 8 avril 2014.

Néanmoins il ne s'agissait que d'une mission provisoire qui ne dispensait pas la RATP de recherches sérieuses et loyales de reclassement.

Or l'employeur ne démontre d'aucune recherche pendant ces 4 mois, d'aucune proposition de reclassement et il reconnaît n'avoir proposé à Monsieur Georges X... de poursuivre cette mission que le 7 avril soit la veille de son terme.

Et la seule et nouvelle mission qu'il lui a ensuite proposée lors d'un entretien au pôle RH le lundi 13 avril 2015 a manifestement été trouvée précipitamment, sans prise en compte des compétences du salarié, de ses souhaits ou de l'avis du médecin du travail, pour palier en urgence le refus légitime du salarié le 8 avril 2014, de poursuivre la précédente mission.

Il n'est pas même démontrer que cette seconde mission temporaire sur laquelle l'employeur ne donne pas suffisamment d'éléments, ne supposait pas ainsi, que le soutient le salarié, des compétences en power point qu'il n'avait pas, des temps de marche à pied et de fatigue contraires aux prescriptions médicales s'agissant d'être à Noisiel à 8h13 ou qu'elle correspondait à un emploi disponible dans lequel le salarié était susceptible d'être reclassé et non pas un pis aller supplémentaire.

Dans ces conditions la convocation de Monsieur Georges X... le 12 mai 2015 à un entretien préalable à sanction disciplinaire au motif d'une absence injustifiée le 10 avril 2015 alors qu'il n'était affecté à cette date sur aucun poste et du refus d'accepter la mission au centre de formation de Noisiel alors qu'il a été vu que le refus de la poursuite de la mission provisoire l n'était pas fautif, tout comme la sanction disciplinaire de disponibilité d'office de 2 jours qui lui a ensuite été notifiée par courrier du 15 juin 2015 pour ces motifs, constituent d'autres agissements suceptibles de caractériser un harcèlement moral.

Sur la dégradation de l'état de santé de Monsieur Georges X....

Alors qu'aucun problème de santé du salarié n'est évoqué par les parties avant le mois de novembre 2013, à compter de cette date la dégradation de son état de santé est constatée tant par le médecin du travail le 27 novembre 2013, qui, dans le cadre d'une visite de pré-reprise à l'initiative du salarié le déclare désormais 'inapte temporaire, à revoir avant la reprise, une mutation sur un poste adapté en dehors du centre de liaison parait d'ores et déjà indispensable. Copie RH, CHST..', que par la déclaration d'accident du travail du 29 novembre 2013 du salarié pour choc psychologique et inactivité depuis 7 mois, plaintes de perte de mémoire et de conflit professionnel et qu'enfin par ses arrêts maladie à compter du 29 novembre 2013, renouvelés jusqu'au 21 novembre 2014 pour syndrome dépressif.

Monsieur Georges X... sera à nouveau en arrêt maladie à compter du 14 avril 2015 soit à l'issue du conflit l'ayant opposé à son employeur quant au refus de prolongation de la mission temporaire et jusqu'au 30 novembre 2015, pour syndrome dépressif .

En conséquence Monsieur Georges X... a justifié de la matérialité de faits précis et de la dégradation de son état de santé qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Il incombe alors à la RATP au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que son comportement est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La RATP oppose alors au salarié ses propres manquements en lui reprochant son refus de suivre la formation nécessaire pour intégrer le poste d'assistant d'exploitation.

En effet le salarié a refusé à plusieurs reprises, pour des motifs inopérants (rendez vous chez le dentiste, radiologue et autres..horaires de train inadaptés...') ou sans motifs, de suivre plusieurs formations proposées.

Mais si les refus du salarié de suivre les formations alors qu'il s'y était engagé dans son mail de réintégration du 30 avril 2013, peuvent expliquer son affectation provisoire sur la ligne 4 du centre de liaison de la station Strasbourg Saint Denis , ils ne peuvent justifier l'inaction postérieure de l'employeur.

Et si le salarié a été reçu par Monsieur A... responsable des ressources humaines du département le 18 septembre 2013 le dossier ne porte trace du contenu de cet entretien que par l'attestation de Madame B... qui ne permet pas d'exclure, qu'il s'est tenu dans les 10 minutes évoquées par le salarié, ni qu'il n'a été ni précédé ni suivi de recherche particulière puisque la DRH adjointe explique 'qu'au cours de l'entretien l'avenir professionnel de Monsieur Georges X... et une éventuelle mobilité au sein du département commercial ont été envisagés; a été abordée la question de son avenir professionnel, il a été invité à transmettre un CV, aucun poste n'était à ce moment ouvert à candidature, il a été ensuite rapidement en arrêt de travail et les démarches relatives à sa mobilité ont donc été suspendues..'.

En outre la RATP ne peut se retrancher pour justifier sa totale carence à lancer des recherches pendant des mois, ni d'un envoi tardif par le salarié de son CV le 28 octobre 2015 ni de la carence de celui-ci à effectuer ses propres recherches au sein de la bourse de l'emploi, alors qu'elle était débitrice d'une obligation de réintégration et d'aménagement du poste puis de recherches de reclassement.

Par ailleurs si l'accident du travail déclaré par le salarié le 29 novembre 2013, n'a pas été reconnu à ce titre par décision du 20 février 2014 de la caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP, au motif que Monsieur Georges X... n'apportait pas la preuve qu'à la date du 29 novembre 2013 sa situation professionnelle avait été marquée par un événement précis susceptible de constituer un fait accidentel, la seule constatation d'un désaccord avec la hiérarchie ne pouvant suffire à caractériser un fait accidentel et le médecin-conseil considérant que les motifs signalés sur le certificat ne présentait pas un caractère professionnel au sens de l'article L411.1 du code de la sécurité sociale, il ne s'en déduit pas pour autant l'absence de lien entre la dégradation de la santé du salarié et les agissements constatés de l'employeur à cette date.

Et si postérieurement à l'avis médical d'inaptitude émis, la RATP a présenté au salarié deux missions compatibles avec sa situation, elle ne lui a proposé de poursuivre la première que la veille de son échéance, lui a demandé d'effectuer une autre mission à Noisiel sans lui présenter préalablement de fiche de fonctions et a ainsi balancé le salarié entre des lieux et des fonctions sans l'assurer parallèlement de recherches de reclassement pérennes et sérieuses exécutées dans le cadre d'une exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail.

Enfin si la RATP a répondu le 22 juillet 2013 à la demande de paiement de ses primes formulée par le salarié le 19 juillet 2013, elle ne l'a pas pour autant rassuré à cette date sur le bien-fondé de sa demande, mais seulement «d'une relance du dossier sans garantie de réponse pendant la période estivale». Et elle n'a soldé cette créance que devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes du 30 septembre 2013.

En conséquence les carences de la RATP dans ses recherches de poste de réintégration , d'aménagement puis de reclassement de Monsieur Georges X... et dans le refus de paiement de primes, qui ont conduit à la dégradation de son état de santé, caractérisent des agissements de harcèlement moral.

A ce titre la RATP est condamnée à lui payer la somme de 8000 euros en réparation du préjudice subi.

Sur la violation de l'obligation d'assurer la santé du salarié au travail.

Sur le fondement de l'article L4121 '1 du code du travail l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent notamment des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés et lui imposent de veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

La RATP soutient qu'elle a mis en 'uvre tous les moyens nécessaires pour assurer le respect de cette obligation notamment en mettant en place des formations animées par le département juridique sur le harcèlement moral et un système de demande d'attention résultant d'un protocole sur la prévention des risques psychosociaux du 11 décembre 2009 ouvert à tout agent qui rencontrerait des problèmes de souffrance au travail.

Mais la mise en place de ces dispositifs généraux est insuffisante à démontrer qu'en l'espèce elle a mis en 'uvre les mesures nécessaires et suffisantes pour s'assurer de l'absence de risque sur la santé de Monsieur Georges X... lors de sa réintégration et de ses recherches de reclassement.

Aussi Monsieur Georges X... est fondé à lui réclamer réparation du préjudice subi.

À ce titre la RATP est condamnée à payer à Monsieur Georges X... la somme de 8000 euros.

Sur la discrimination syndicale.

En application des dispositions des articles L1132-1, L 2141 '5 et L2141-8 du code du travail, l'employeur ne peut prendre en considération, l'exercice d'une activité syndicale, pour arrêter ses décisions notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle d'avancement, de sanction ou de répartition du travail.

Selon l'article L 1134 '1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions, le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie adverse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce Monsieur Georges X... a été désigné délégué syndical par le syndicat force ouvrière au cours du mois de novembre 2006 et le 10 juin 2011 il a été nommé secrétaire du CH SCT du département SEM.

A ce titre il a été détaché à temps plein en qualité de permanent syndical de novembre 2006 à janvier 2013.

Il soutient que laisse présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte l'absence de promotion et l'évolution de sa carrière depuis 2006 uniquement liée à son ancienneté; que l'employeur à ce titre se garde de transmettre les tableaux des commissions de classement dans lesquelles il était souvent en tête.

Mais la lecture de l'évolution de carrière de Monsieur Georges X... recruté au niveau E3 et parvenu au niveau E 10/XP en 2005, démontre qu'avant même sa prise de fonction syndicale, il n'a bénéficié d'aucune promotion et n'a évolué qu'à l'ancienneté avec un changement de niveau tous les deux à quatre ans.

L'évolution qu'il a poursuivie après ses fonctions syndicales passant au E11/XP en juillet 2007 puis au E12/XP en décembre 2010, est donc conforme à celle qu'il avait avant de prendre des fonctions syndicales.

Par ailleurs il ne verse pas de panel de comparaison avec d'autres agents et celui proposé par l'employeur le place très nettement au-dessus de la moyenne.

En conséquence Monsieur Georges X... ne présente pas d'éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination pendant l'exercice de son activité syndicale.

En revanche les conditions dans lesquelles a été organisé son retour laissent présumer une discrimination syndicale ainsi que l'évoque parfaitement Monsieur Georges X... dans son courrier du 21 novembre 2013 «j'ai passé huit ans dans une organisation syndicale. À mon retour sur la ligne j'ai dû supplier la RH de me recevoir et ça a pris 10 minutes de son temps. Après sept mois passés au centre de Strasbourg Saint-Denis je me retrouve sans poste réel. Bien sûr je me pose la question de savoir si on me ferait payer depuis mon retour mon ancienne appartenance à cette organisation syndicale.. Après 27 ans d'entreprise et un dossier plutôt irréprochable pourquoi me laisse on sans fiche de poste ou ne m'a-t-on pas accompagné vers une reconversion afin d'avoir un emploi pour les trois années restantes».

Aucun entretien d'évaluation, de compétences, de bilan de compétences ne sont produits.

Ainsi si Monsieur Georges X... a connu une évolution de carrière jusqu'à sa réintégration conforme à celle de ses collègues, en revanche celle-ci a été bloquée lors de sa réintégration.

Considérant que celui-ci était à cette date proche de la retraite, qu'il a refusé d'effectuer des formations proposées et n'a pas manifesté d'intérêt pour une évolution de carrière, il ne peut prétendre à une classification au niveau agent de maîtrise expérimentée 128 qui ne correspond pas à l'évolution de carrière qu'il avait suivie jusqu'en avril 2013.

En revanche la discrimination ouvre droit à réparation du préjudice.

À ce titre la RATP est condamnée à lui verser une somme de 3 000 euros.

Sur le délit d'entrave.

Selon l'article L2315 '8 alinéa 1 du code du travail, les délégués du personnel sont reçus collectivement par l'employeur au moins une fois par mois et, en cas d'urgence, ils sont reçus sur leur demande.

Monsieur Georges X... se plaint d'une violation à ces dispositions ouvrant droit à réparation du préjudice subi à hauteur de la somme de 3154,39 euros correspondant à un mois de salaire, en reprochant à l'employeur de ne pas lui avoir envoyé les convocations mensuelles aux réunion des délégués du personnel courant 2013 et jusqu'au mois d'octobre 2013 et de les avoir déposées dans le casier d'un local dont il n'avait pas la clé.

Mais pèse sur celui qui demande réparation d'un préjudice, la charge de la preuve d'un manquement et du préjudice en ayant résulté.

Or en l'espèce le dossier ne porte pas trace des allégations de Monsieur Georges X... et de manquement de l'employeur à ce titre évoqués pour la première fois qu'en cause d'appel en 2017.

En conséquence Monsieur Georges X... est débouté de sa demande en réparation.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il ne paraît pas inéquitable de condamner la RATP à payer à Monsieur Georges X... la somme de 2 500 euros pour l'ensemble de la procédure et de la débouter de ses prétentions à ce titre.

Partie succombante, la RATP sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la RATP payer à Monsieur Georges X... les sommes suivantes:

*8 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral,

*8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

*3 000 euros à titre de dommages intérêts pour discrimination syndicale;

Déboute Monsieur Georges X... de sa demande en réparation d'un préjudice pour délit d'entrave et pour non-respect de l'accord relatif à la représentation du personnel et parcours professionnel ;

Déboute Monsieur Georges X... du surplus de ses prétentions;

Condamne la RATP à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la RATP aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le conseiller, faisant fonction de Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/07288
Date de la décision : 30/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°15/07288 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-30;15.07288 ?
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