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23/05/2018 | FRANCE | N°16/23362

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 23 mai 2018, 16/23362


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL X... K...

Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 23 MAI 2018



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/23362



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Octobre 2016 - Tribunal de Grande Instance de K... - RG n° 16/03498





APPELANTE :



SARL R & C LAMOT prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de sous le nu

méro 330 503 061

[...]



Représentée par Me Bruno Y... de la Z... - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de K..., toque : L0050, avocat postulant

Assistée de Me Véronique A..., avoc...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL X... K...

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 23 MAI 2018

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/23362

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Octobre 2016 - Tribunal de Grande Instance de K... - RG n° 16/03498

APPELANTE :

SARL R & C LAMOT prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de sous le numéro 330 503 061

[...]

Représentée par Me Bruno Y... de la Z... - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de K..., toque : L0050, avocat postulant

Assistée de Me Véronique A..., avocat au barreau de K..., toque : A0052, avocat plaidant

INTIMÉE :

Madame Françoise B... épouse L...

Née le [...] à K... XVI (75)

[...]

Représentée par Me Jean-Philippe C..., avocat au barreau de K..., toque : L0053, avocat postulant

Assistée de Me Isaac D..., avocat au barreau de K..., toque : C0132, avocat plaidant

COMPOSITION X... LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 Mars 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sandrine GIL, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Marie-Brigitte FRÉMONT, conseillère

Madame Sandrine GIL, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle X...

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Anaïs CRUZ, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 22 mars 2001, Mme Françoise B... épouse L... a donné bail en renouvellement à la SARL R&C LAMOT, des locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [...], pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 1998, moyennant un loyer annuel de 47.125,84 francs.

Par jugement du 17 juin 2010, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de K... a fixé le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2007 à la somme annuelle en principal de 9.360 euros.

Par acte extrajudiciaire du 30 septembre 2015, Mme L... a fait délivrer à la SARL R&C LAMOT un congé pour le 31 mars 2016 avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er avril 2016, moyennant un loyer annuel de 51.350 euros, hors taxes et hors charges.

Par mémoire préalable signifié le 1er décembre 2015, la SARL R&C LAMOT a sollicité la fixation du prix du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2016 en appliquant la règle du plafonnement.

Par acte du 22 janvier 2016, la SARL R&C LAMOT a assigné Mme L... devant le juge des loyers commerciaux.

Par jugement en date du 31 octobre 2016, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de K... a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;

- débouté la SARL R&C LAMOT de sa demande tendant à voir écarter des débats le rapport amiable de M. E... sur des locaux situés [...] ;

- constaté l'accord des parties sur le principe du renouvellement du bail à effet du 30 septembre 2015 ;

- dit que le loyer doit être déplafonné et fixé à la valeur locative ;

- ordonné une mesure d'expertise et désigne en qualité d'expert :

M. Thierry F...

avec mission de :

(...)

- rechercher la valeur locative au 30 septembre 2015 des lieux loués situé [...] au regard des caractéristiques du local, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité, des prix couramment pratiqués dans le voisinage, en retenant tant les valeurs de marché que les valeurs fixées judiciairement, en application des dispositions des articles L145-33 et R145-3 à R145-8 du code de commerce,

(...)

- fixé à la somme de 3000 (trois mille) euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par Mme L... à la régie du tribunal de grande instance de K... (escalier D 2ème étage) jusqu'au 2 janvier 2017 inclus, avec une copie de la présente décision ;

(...)

- fixé le loyer provisionnel, pour la durée de l'instance, à la somme annuelle de 20.000 euros en principal, outre les charges,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- réservé les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SARL R&C LAMOT a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 23 novembre 2016.

Par dernières conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 14 février 2018, la société SARL R&C LAMOT, SARL, demande à la Cour de :

- déclarer la SARL R&C LAMOT recevable et bien fondé en son appel ;

Et y faisant droit,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de K... le 31 octobre

2016 en ce qu'il a :

- constaté l'accord des parties sur le principe du renouvellement du bail à effet du 30 septembre 2015 ;

- désigné M. Thierry F... en qualité d'expert judiciaire ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de K... le 31 octobre 2016 en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;

- débouté la SARL R&C LAMOT de sa demande tendant à voir écarter des débats le rapport amiable de M. E... sur des locaux situés [...] ;

- dit que le loyer doit être déplafonné et fixé à la valeur locative ;

- réservé les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau,

- faire droit à la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;

En conséquence,

- déclarer irrecevable en sa demande de fixation à 51.350 € hors taxes et hors charges le loyer dû par la SARL R&C LAMOT au titre de la location des locaux dépendant de l'immeuble sis [...] eu égard à l'autorité de la chose jugée en application des articles 125 alinéa 2 et 480 du Code de procédure civile ;

Vu la nomination de M. Thierry F... en qualité d'expert judiciaire,

- écarter des débats 'L'estimation de la valeur locative et de la valeur vénale en novembre 2015 d'un local commercial lots n° 7, 12, 14 et 24 situés à K... (75017)-74, rue Jouffroy d'Abbans' établie par M. Patrick E..., expert immobilier le 18 décembre 2015 pour non respect du principe du contradictoire en application de l'article 16 du Code de procédure civile ;

- fixer le loyer annuel dû par la SARL R&C LAMOT à 9.360 € hors taxes et hors charges indexé sur l'indice publié à la date de renouvellement du bail du 30 septembre 2015 pour un renouvellement de trois, six ou neuf années entières et consécutives à compter de la même date en application de l'article L 145 ' 34 du code de commerce;

- dire et juger que la fixation du loyer provisionnel, pour la durée de l'instance, à la somme actuelle de 20.000 € en principal, outre les charges se compensera avec la fixation du loyer annuel de 9.360 €, hors taxes et hors charges indexé sur l'indice publié à la date du renouvellement du bail du 30 septembre 2015 en application de l'article 1289 du code civil;

A titre subsidiaire,

Vu le rapport d'expertise définitif de M. Thierry F..., expert judiciaire du 20 décembre 2017,

- fixer la valeur locative des locaux à usage commercial et à usage d'habitation à la valeur arrondie de 37.700 €/an hors taxes et hors charges ;

- dire et juger que la limitation annuelle à 10 % de la hausse de loyer doit s'appliquer au bail renouvelé du 30 septembre 2015 en application des articles 11 et 21 de la loi n° 2014 -626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises ;

En conséquence,

- dire et juger qu'après application de la loi Pinel, le loyer est fixé annuellement comme suit :

- Le loyer au 30 septembre 2015 augmenté de 10 % est égal à : 10.766,60 € x 1,1 = 11.745,36 €/An hors taxes et hors charges ;

- Le loyer augmenté de 10 % au 30 septembre 2016 est égal à : 11.745,36 € x 1,1 = 12.919,90 €/An hors taxes et hors charges ;

- Le loyer augmenté de 10 % au 30 septembre 2017 est égal à : 12.919,90 € x 1,1 = 14.211,89 €/An hors taxes et hors charges ;

- Le loyer augmenté de 10 % au 30 septembre 2018 est égal à : 14.211,89 € x 1,1 = 15.633,07 €/An hors taxes et hors charges ;

- Le loyer augmenté de 10 % au 30 septembre 2019 est égal à : 15.633,07 € x 1,1 = 17.196,38 €/An hors taxes et hors charges ;

- Le loyer augmenté de 10 % au 30 septembre 2020 est égal à : 17.196,38 € x 1,1 = 18.916,02 €/An hors taxes et hors charges ;

- Le loyer augmenté de 10 % au 30 septembre 2021 est égal à : 18.916,02 € x 1,1 = 20.807,62 €/An hors taxes et hors charges ;

- Le loyer augmenté de 10 % au 30 septembre 2022 est égal à : 20.807,62 € x 1,1 = 22.888,38 €/An hors taxes et hors charges ;

- Le loyer augmenté de 10 % au 30 septembre 2023 est égal à : 22.888,38 € x 1,1 = 25.177,22 €/An hors taxes et hors charges.

- Condamner Mme Françoise B..., épouse L... à régler à la SARL R&C LAMOT la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive en application de l'article 1382 du Code civil ;

- débouter Mme Françoise B..., épouse L... de ses demandes plus amples ou contraires ;

- Condamner Mme Françoise B..., épouse L... à régler à la SARL R&C LAMOT la somme de 6000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions n°3 signifiées par voie électronique le 21 février 2018, Mme Françoise L... née B... demande à la Cour de :

Vu l'article 1351 du Code civil ;

Vu l'article 1134 du Code civil et les articles L 145-33, L 145-34 et R. 145-3 et R. 145-8 et R 145-30 du Code de commerce,

Vu le bail en date du 24 mars 1980 et les actes des 18 décembre 1989 et du 22 mars 2001;

Vu le jugement du 17 juin 2010 ;

Vu le congé avec offre de renouvellement du 30 septembre 2015, le mémoire du locataire du 1er décembre 2015 et celui en réponse du 29 décembre 2015 ;

Recevant Mme L... en ses demandes,

- l'y déclarer bien fondée;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée;

- débouté la SARL R & C LAMOT de sa demande à voir écarter des débats le rapport amiable de M. E... ;

- constaté l'accord des parties sur le principe du renouvellement du bail à effet du 30 septembre 2015 ;

- dit que le loyer doit être déplafonné et fixé à la valeur locative ;

- désigné M. F... en qualité d'expert.

- adjuger à la concluante le bénéfice des conclusions de son mémoire en date 29 décembre 2015,

- voir fixer le loyer à 51.350 € hors taxes et hors charges à compter du 30 septembre 2015 par an le loyer en principal dû par la société la SARL R & C LAMOT pour un renouvellement de bail de trois, six ou neuf années à compter de la même date dans les termes de l'article L 145-4 du code de commerce,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le loyer annuel provisionnel à 20.000 euros,

Statuant à nouveau,

- voir fixer en ce cas le montant du loyer provisionnel annuel à la somme de 51.350 € hors taxes et hors charges ;

- condamner la SARL R & C LAMOT au paiement des intérêts au taux légal en vertu de l'article 1155 du Code civil avec capitalisation annuelle,

- débouter la SARL R & C LAMOT de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

- entériner le rapport d'expertise de M. Thierry F..., expert judiciaire, sur la valeur locative des locaux donnés à bail,

- voir fixer le loyer à 37.700 € hors taxes et hors charges à compter du 30 septembre 2015 par an le loyer en principal dû par la société la SARL R & C LAMOT pour un renouvellement de bail de trois, six ou neuf années à compter de la même date dans les termes de l'article L 145-4 du code de commerce,

- condamner la SARL R & C LAMOT en tous les dépens, dont les frais d'expertise conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner la SARL R & C LAMOT à payer à l'intimée la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la SARL R & C LAMOT de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions précitées des parties pour ce qui concerne l'exposé détaillé de leurs moyens et prétentions.

La clôture est intervenue le 6 mars 2018.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour observe que les parties s'accordent sur le principe du renouvellement du bail à effet du 30 septembre 2015, accord qui a été constaté par le jugement de première instance.

Sur la fin de non recevoir :

L'appelante considère que le jugement du 17 juin 2010 intervenu entre les mêmes parties pour la fixation du loyer renouvelé au 1er avril 2007, dont il n'a pas été interjeté appel, a considéré que les travaux exécutés par le preneur étaient de nature à constituer une amélioration des lieux loués lorsqu'ils auraient fait accession au bailleur mais qu'ils ne pouvaient être qualifiés de modifications notables a autorité de la chose jugée, rappelant que les prétentions des parties sont identiques et qu'elles ont déjà été discutées en droit et en fait.

L'intimée réplique qu'il n'y a pas autorité de la chose jugée eu égard au nouveau contexte juridique résultant du second renouvellement suivant les travaux et que le dispositif du jugement du 17 juin 2010 se limite à la fixation du loyer.

En vertu des dispositions de l'article 480 du code de procédure civile, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif, et que cette autorité ne s'attache qu'au dispositif du jugement et non à ses motifs, et ce nonobstant la décision exprimée par les juges dans les motifs de leur jugement constituant le soutien nécessaire du dispositif, alors que ces motifs dits 'décisifs' auraient dû se trouver dans son dispositif.

Le jugement rendu le 17 juin 2010 par le juge des loyers commerciaux est ainsi motivé:

'Si les travaux exécutés par le preneur sont manifestement de nature à constituer une amélioration des lieux loués lorsqu'ils auraient fait accession au bailleur et si l'appropriation des sanitaires anciennement communs du 6ème étage a augmenté la surface habitable de 2m², soit 2,82% de la surface totale des lieux loués, ces éléments ne peuvent être qualifiés de modifications notables des caractéristiques des lieux loués. Il n'y a donc pas lieu de faire exception à la règle du plafonnement.'.

Comme l'a exactement relevé le jugement entrepris, ces précisions relatives aux travaux et à l'appropriation des sanitaires qui figurent dans les motifs du jugement n'ont pas été reprises dans le dispositif du jugement du 17 juin 2010 et n'ont donc pas autorité de la chose jugée. En outre l'instance a pour objet le loyer renouvelé à compter du 30 septembre 2015 alors que le jugement du 17 juin 2010 est relative au loyer renouvelé à compter du 1er avril 2007.

Dans ces conditions, le jugement entrepris qui a rejeté la fin de non-recevoir du preneur qui demandait de voir déclarer irrecevable la bailleresse en sa demande de fixation à 51.350 € hors taxes et hors charges le loyer eu égard à l'autorité de la chose jugée sera confirmé.

Sur la demande de voir écarter des débats le rapport amiable sur la valeur locative établi par M. Patrick E... le 18 décembre 2015 :

Le rapport amiable établi le 18 décembre 2015 par M. E... versé aux débats par le bailleur concerne l'estimation de la valeur locative et de la valeur vénale en novembre 2015 de locaux situés '74 rue Jouffroy d'Abbans'. Au demeurant nonobstant l'adresse erronée, puisque les locaux sont situés [...], le contenu de l'estimation est bien relatif aux locaux donnés à bail à la société R&C LAMOT dont la situation locative est rappelée page 3 de cette estimation.

Mais une partie peut produire un rapport amiable d'estimation de la valeur locative concernant les locaux objets du litige (ou d'ailleurs d'autres locaux à titre de comparaison) sans que la circonstance selon laquelle ce rapport a été établi non contradictoirement conduise le juge à écarter cette pièces des débats. Et ce d'autant que ledit rapport a été versé aux débats tant en première instance qu'en cause d'appel et qu'il a été communiqué à M. F... dans le cadre de l'expertise judiciaire; qu'il est donc soumis au débat contradictoire.

Le jugement entrepris qui a rejeté la demande de la société R&C LAMOT sera par conséquent confirmé.

Sur le déplafonnement du loyer :

La société R&C LAMOT relève que la bailleresse n'invoque plus en cause d'appel le remplacement des fenêtres au titre des travaux d'amélioration mais la climatisation du logement ; la création d'un coin kitchenette et d'une douche au 6ème étage, la rénovation de la vitrine ainsi que la création d'un sas d'entrée. L'appelante réplique que la cuisine a toujours existé selon le règlement de copropriété et l'état descriptif de division ; que la douche existe depuis l'origine du bail, de sorte que le studio décrit par M. F..., comprenant un coin cuisine et un coin douche, correspond bien à la configuration initiale des locaux. Elle précise que contrairement à ce que prétend la bailleresse, il n'y a pas eu création d'une douche mais déplacement en 2003 de la douche existante attenante au lavabo. Elle reprend les motifs du jugement du 17 juin 2010 qui a retenu qu'il n'y avait pas eu de modification notable des locaux donnés à bail, ni d'incidence notable sur l'exploitation commerciale. L'appelante estime que la mise en place du sas de sécurité répond à une exigence de la compagnie d'assurance car elle a été victime de plusieurs vols main armée ; que ces travaux et ceux de la vitrine ont été réalisés après le 1er renouvellement de sorte qu'ils ne peuvent être entraîner déplafonnement dans le cadre du présent renouvellement.

L'intimée expose que la locataire a installé une climatisation dans le logement, créé un coin kitchenette ainsi qu'une douche au 6ème étage sans autorisation ; fait une utilisation privative des sanitaires du 6ème étage qui étaient communs augmentant ainsi la superficie du studio, rénové la vitrine du commerce et créé un sas d'entrée. Elle estime que ces travaux, aux frais du preneur, ont fait accession au bailleur et constituent une amélioration notable des lieux loués ; que le déplafonnement du loyer est donc acquis.

Par application de l'article R145-8 du code de commerce, 'Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.'

Pour entraîner le déplafonnement du loyer lors du second renouvellement suivant leur exécution, les améliorations doivent avoir été financées par le preneur, la modification doit être suffisamment notable et elle doit avoir une incidence potentielle sur l'activité du preneur.

Il incombe au bailleur de rapporter la preuve de la date ou de la période à laquelle les améliorations ont été réalisées.

Aux termes du bail, la société R&C LAMOT s'oblige de 'laisser en fin de bail, sans aucune indemnité, tous changements, décorations, embellissements et installations'. Il s'ensuit que la bailleresse ne pourra s'en prévaloir que lors du second renouvellement suivant leur exécution étant rappelé qu'il n'est pas contesté que le bailleur n'a pas participé au financement des travaux.

Les locaux loués sont 'destinés uniquement au commerce de: BIJOUTERIE-JOAILLERIE-ORFÈVRERIE-HORLOGERIE' à l'exclusion de tout autre.'.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire en date du 20 décembre 2017 établie par M. F... que les locaux donnés à bail comprennent :

- au rez-de-chaussée, une boutique (aire de vente, arrière boutique, bureau, sanitaires)

- au sous-sol, une cave non reliée,

- au 1er étage accessible depuis l'arrière boutique par un escalier étroit en mauvais état d'entretien et par les parties communes de l'immeuble (par escalier et par ascenseur), un appartement (entrée, séjour, salle à manger, chambre, cuisine, salle de douche avec WC)

- au 6ème étage, accessible par les parties communes de l'immeuble (par escalier et ascenseur), un studio comprenant :

* coin chambre, fenêtre sur cour

* coin cuisine et douche, fenêtre sur cour

M. F... a indiqué que la surface utile pour le commerce est de 60,70 m², pour l'appartement au 1er étage de 59m² et de 18,5 m² pour le studio au 6éme étage.

Il a précisé que le studio était composé d'une pièce principale et d'une pièce secondaire dans laquelle se trouve à la fois une douche et un coin kitchenette et que 'Pour le studio du 6ème étage, les WC sont situés à l'extérieur du logement'.

Le bail renouvelé par acte du 24 mars 1980 mentionne que les locaux donnés à bail comprennent, entre autre, (...) '3e) Une chambre au sixième étage.'

Le renouvellement par acte sous seing privé en date du 22 mars 2001 fait un descriptif des locaux du 6ème étage comme suit : 'une chambre formant le lot n°24 du règlement de copropriété'.

Le lot 24 est décrit dans le règlement de copropriété et état descriptif de division des 4 et 8 juin 1970 ainsi :

'Lot n°24 - Dans le bâtiment A au sixième étage, droite ;

- Chambre et cuisine sur cour.

Lors de sa visite dans les lieux le 4 décembre 2008, M. G..., expert judiciaire qui avait été désigné dans le cadre de l'instance en fixation du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2007 décrit au 6éme étage une pièce principale et à la suite une seconde pièce comprenant une kitchenette et un coin douche, d'une configuration identique au vu des photographies figurant aux deux rapports d'expertise judiciaire. La présence de la douche et de la cuisine est également mentionnée dans le rapport d'expertise amiable de M. E... établi le 30 mars 2007.

M. H... dans une estimation amiable de la valeur locative faite en février 1999 à la demande du bailleur, décrit les locaux du 6ème étage ainsi '- chambre de service avec lavabo et WC privatif'. Il n'est fait nulle mention du coin cuisine et d'une douche.

Pour autant, en l'absence d'élément venant corroborer que la cuisine n'existait pas avant le 1er janvier 1998, date d'effet du bail, cela ne suffit pas pour que le bailleresse rapporte la preuve que la cuisine aurait été créée au cours du bail renouvelé par acte du 22 mars 2001 (à effet au 1er janvier 1998) dés lors que cet acte fait expressément référence à 'une chambre formant le lot n°24" et que celui-ci est décrit comme étant composé dans le règlement de copropriété et état descriptif de 1970 d'une 'Chambre et cuisine sur cour', ce qui correspond également au plan manifestement contemporain du règlement de copropriété figurant au rapport d'expertise judiciaire de M. F.... Au demeurant, au vu de la teneur du jugement entrepris, le bailleur ne s'était pas prévalu de la création d'une cuisine lors de la première instance.

Pour ce qui concerne la douche, il sera observé qu'elle n'est pas mentionnée au bail du 22 mars 2001, ni dans lot 24 tel que décrit dans le règlement de copropriété de 1970, ni dans le plan sus-visé, ni dans le rapport amiable de M. H... de 1999. La seule attestation émanant de Mme X... N... I... déclarant qu'elle effectuait le ménage de la chambre du 6ème étage chez les précédents locataires, à savoir M. et Mme J... qui ont cédé leur fonds de commerce en 1984, n'est pas suffisante pour établir que cette douche existait avant le bail conclu le 22 mars 2001 à effet au 1er janvier 1998. X... surcroît, la société R&C LAMOT a admis dans ses conclusions en réplique et récapitulatives n°2 en première instance que 'La salle de douche a été créée en 2003" ; que désormais en cause d'appel elle prétend que 'la création de la douche consiste à avoir déplacé le lavabo attenant à la douche pour des raisons de commodité', précision qui ne figurait curieusement pas dans ses écritures de première instance.

La création de la douche par la société R&C LAMOT au cours du bail renouvelé par acte du 22 mars 2001, à effet au 1er janvier 1998, qui a expiré le 30 mars 2007 constitue une amélioration de la partie habitation des locaux donnés à bail, plus précisément du studio du 6ème étage, dont peut se prévaloir le preneur dans le cadre du bail renouvelé au 30 septembre 2015 s'agissant du second renouvellement suivant sa création.

Si les WC situés sur le palier du 6ème étage étaient communs jusqu'en 2006, ils n'étaient utilisés que par la société R&C LAMOT qui s'en est vue remettre les clés par lettre du gestionnaire de l'immeuble le 7 juillet 2003. Depuis le 30 novembre 2006, Mme L... née B... en est la propriétaire et la société R&C LAMOT bénéficie toujours de la jouissance exclusive de ces WC, ce qui ressort des deux rapports d'expertise judiciaire de M. G... et de M. F....

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire de M. G... que cette jouissance exclusive des WC par la société R&C LAMOT à compter de 2003 se traduit par une augmentation de 2,82% de la surface habitable. L'utilisation privative des WC conduisant à une augmentation de la surface habitable au cours du bail ayant expiré le 30 mars 2007 et qui s'est poursuivie pendant le bail renouvelé à compter du 1er avril 2007 constitue une amélioration dont peut se prévaloir le bailleur dans le cadre du bail renouvelé au 30 septembre 2015 s'agissant du second renouvellement suivant sa jouissance exclusive au profit preneur.

Il en est de même pour l'installation d'une climatisation par le preneur dans le logement du [...] ayant expiré le 30 mars 2006, tel que cela a été constaté par M. E... dans son rapport amiable du 30 mars 2007 et par M. G... expert judiciaire page 26 de son rapport, et n'est pas contesté par le preneur. Il n'est pas en revanche rapporté la preuve par la bailleresse d'une climatisation de l'appartement du 1er étage.

Mais ces éléments, pris ensemble ou isolément, ne constituent pas une amélioration notable au sens de l'article R 145-8 du code de commerce. En effet, la jouissance exclusive des WC a un impact limité sur la surface habitable des locaux donnés à bail et ces WC, situés sur le palier, ne sont pas rattachés directement au studio du 6ème étage. La création de la douche et l'installation de la climatisation dans le studio du 6ème étage ne concerne pas la totalité de la surface habitable. Et surtout, ces améliorations n'ont trait qu'à la surface habitable des locaux donnés à bail de sorte qu'elles ne présentent aucun intérêt direct ou indirect pour le commerce considéré de bijouterie et il n'est pas démontré une quelconque incidence de ces améliorations sur l'activité commerciale de la société R&C LAMOT.

Dans ces conditions, l'utilisation privative par la société R&C LAMOT des WC du 6ème étage, la création d'une douche et l'installation de la climatisation dans le studio du 6ème étage ne sont pas de nature à justifier le déplafonnement du loyer.

Enfin la création d'un sas d'entrée ainsi que la rénovation de la vitrine dont se prévaut l'intimée au titre des améliorations notables ayant fait accession ont été effectués par la société R&C LAMOT entre février et mai 2010 selon les devis et facture produits des sociétés MARION FERMETURE et GUNNERO. Au vu des photographies et devis produits, il s'agit de travaux d'amélioration financés par la société locataire qui ne pourront faire accession, le cas échéant, que lors du second renouvellement suivant leur exécution, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Par conséquent, il n'y a pas lieu à déplafonnement du loyer de sorte que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit que le loyer doit être déplafonné et fixé à la valeur locative.

Par conséquent, il convient de débouter Mme L... née B... de sa demande de fixation du loyer du bail renouvelé à compter du [...] à la valeur locative à la somme de 51.350 € hors taxes et hors charges, et à titre subsidiaire à celle de 37.700 € , ainsi que de voir fixer le montant du loyer provisionnel annuel à la somme de 51.350 € hors taxes et hors charges. Mme L... née B... sera également déboutée de sa demande subséquente de voir condamner la SARL R & C LAMOT au paiement des intérêts au taux légal en vertu de l'article 1155 du Code civil avec capitalisation annuelle.

Sur le montant du loyer :

En l'absence de motifs de déplafonnement, le loyer du bail renouvelé à compter du 30septembre 2015 doit être plafonné conformément aux dispositions de I'article L145-34 du code de commerce.

Dans ces conditions, conformément à la demande de l'appelante qui n'a pas fait l'objet d'observations par Mme L... née B..., il convient de fixer le loyer [...] dû par la SARL R&C LAMOT à 9.360 € hors taxes et hors charges indexé sur l'indice publié à la date de renouvellement du bail au 30 septembre 2015, date de prise d'effet du renouvellement, pour un renouvellement de trois, six ou neuf années entières et consécutives à compter de la même date en application de l'article L 145-34 du code de commerce.

Le loyer provisionnel ayant été fixé à la somme de 20 000 euros pour la durée de l'instance, la demande de la société R&C LAMOT de voir dire et juger que la fixation du loyer provisionnel pour la durée de l'instance se compensera avec la fixation du loyer annuel de 9.360 €, hors taxes et hors charges indexé sur l'indice publié à la date du renouvellement du bail du 30 septembre 2015 en application de l'article 1289 du code civil sera accueillie.

Sur la procédure abusive :

La société R&C LAMOT demande l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts faisant valoir que la bailleresse multiplie les procédures pour voir déplafonner le loyer en méconnaissance du jugement rendu le 17 juin 2010.

Outre le fait que le jugement du 17 juin 2010 relatif à la fixation du loyer renouvelé au 1er avril 2007 n'a pas autorité de chose jugée pour ce qui relève de la fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 30 septembre 2015, Mme L... née B... a soulevé des moyens de droit afin d'assurer la défense de ses intérêts légitimes dans le cadre de la fixation du loyer du bail renouvelé, lequel est un loyer modéré pour les locaux dont s'agit, sans qu'il ne soit rapporté la preuve par la société R&C LAMOT d'un comportement fautif de sa part. Il n'y a donc pas lieu à dommages et intérêts pour procédure abusive de sorte que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de faire masse des dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise et de dire qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le loyer doit être déplafonné et fixé à la valeur locative,

Confirme les autres dispositions du jugement entrepris,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme L... née B... de sa demande de fixation du loyer du bail renouvelé à compter du [...] à la valeur locative et de ses demandes subséquentes de fixation du loyer renouvelé à la somme de 51.350 € hors taxes et hors charges, et à titre subsidiaire de à 37.700 €, ainsi que de voir fixer le montant du loyer provisionnel annuel la somme de 51.350 € hors taxes et hors charges,

Déboute Mme L... née B... de sa demande subséquente de voir condamner la SARL R & C LAMOT au paiement des intérêts au taux légal en vertu de l'article 1155 du Code civil avec capitalisation annuelle,

Fixe le loyer annuel dû par la SARL R&C LAMOT à 9.360 € hors taxes et hors charges indexé sur l'indice publié à la date de renouvellement du bail du 30 septembre 2015 pour un renouvellement de trois, six ou neuf années entières et consécutives à compter de la même date en application de l'article L 145-34 du code de commerce,

Dit que la fixation du loyer provisionnel pour la durée de l'instance à la somme actuelle de 20.000 € en principal, outre les charges se compensera avec la fixation du loyer annuel de 9.360 €, hors taxes et hors charges indexé sur l'indice publié à la date du renouvellement du bail du 30 septembre 2015 en application de l'article 1289 du code civil,

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Fait masse des dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/23362
Date de la décision : 23/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°16/23362 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-23;16.23362 ?
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