RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 23 Mai 2018
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/06894
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Avril 2016 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 11/03165
APPELANT
Monsieur [J] [X]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]
représenté par Me Thibaut BONNEMYE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0726
INTIMEES
Me [Q] [J] - Mandataire liquidateur de la SOCIETE DE PROSPECTION ET DE DIFFUSION DE PRESSE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Emilie SOLLOGOUB, avocat au barreau de PARIS, toque : C1413
SOCIETE NOUVELLE DU JOURNAL L'HUMANITE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
N° SIRET : 562 085 308 00053
représentée par Me Hervé TOURNIQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1883
Organisme AGS CGEA IDF EST
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représenté par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985
substitué par Me Garance COURPIED, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Véronique PAMS-TATU, Président de Chambre
Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère
Madame Florence OLLIVIER, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 14 décembre 2017
Greffier : Mme Sylvie FARHI, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Président de Chambre et par Madame Sylvie FARHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [X] a été embauché par la Société de prospection et de diffusion de presse (SPDP), le 13 décembre 2004, en qualité de VRP.
Le 23 juin 2011, la société a été mise en liquidation judiciaire.
M. [X] a adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle le 26 juillet 2011.
Le 1er août 2011, il a attrait devant le conseil de prud'hommes de Bobigny le mandataire liquidateur de la société SPDP et la Société nouvelle du journal l'Humanité (SNJH) ainsi que l'AGS afin de voir, à titre principal, déclarer la SNJH co-employeur avec la SPDP, obtenir le paiement de rappels de salaire, de prime, commissions, remboursement de frais professionnels et échantillonnage, indemnité au titre de l'article L. 2422'4 du code du travail, ordonner sa réintégration dans son emploi de VRP exclusif ou tout autre emploi similaire, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de réintégration.
Par jugement de départage du 19 avril 2016, le conseil de prud'hommes a mis hors de cause la SNJH, rejeté les demandes de M. [X] et condamné celui-ci à payer à cette société la somme de 1500 €.
Il a interjeté appel et sollicite de voir :
- à titre principal,
*déclarer la SNJH coemployeur avec la SPDP et condamner la SNJH à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire au titre d'heures de délégation, prime de fidélité, commissions et congés payés afférents à ces sommes, remboursement de frais professionnels et échantillonnage, indemnité en application de l'article L. 1422'4 du code du travail, ordonner à la SNJH de le réintégrer dans son emploi de VRP exclusif ou dans tout autre emploi similaire sous astreinte, à titre subsidiaire, de la condamner au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le montant des sommes réclamées est précisé au dispositif des conclusions.
*fixer la créance de M. [X] passif de la liquidation de la société SPDP aux mêmes sommes.
- à titre subsidiaire, à défaut de situation de coemploi, fixer au passif de la liquidation les mêmes sommes,
- dire que l'AGS'CGEA Île-de-France garantira le montant des "condamnations"prononcées,
- en toute hypothèse, si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée au regard des pièces justificatives produites par M. [X] au soutien de ses demandes de salaire, frais, échantillonnage, ordonner une expertise.
Me [Q], ès qualités de mandataire liquidateur de la SDPD, conclut à la confirmation du jugement et au débouté de l'appelant.
La SNJH sollicite de voir confirmer le jugement, débouter M. [X] de toutes ses demandes dirigées à son encontre, juger qu'elle n'a jamais été coemployeur de M. [X], que les conditions d'application de l'article L. 1224'1 du code du travail ne sont pas remplies et condamner M. [X] à lui verser 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'AGS'CGEA Île-de-France Est sollicite de voir confirmer le jugement, débouter l'appelant de ses demandes, à titre subsidiaire, ramener au minimum légal les sommes sollicitées au titre de l'indemnisation de la rupture, à titre infiniment subsidiaire, dire que l'arrêt ne lui est opposable que dans les limites légales.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Sur la qualité de coemployeur de la société SNJH
M. [X] allègue que la société SNJH est coemployeur avec la SDPD.
Hors état de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme coemployeur, à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.
Si la confusion d'intérêts existe en l'espèce, dès lors que l'intérêt de la SNJH est de vendre le plus de journaux possible et celui de la SPDP de chercher à conclure le plus d'abonnements possible, il n'existe pas de confusion d'activités ni de direction ainsi que l'a relevé à juste titre le conseil de prud'hommes. En effet, s'agissant de la confusion d'activités, la SDPD recherche des abonnés à des publications de presse alors que la SNJH, éditeur de presse, conçoit, fabrique et distribue des publications ; quant à la confusion de direction, au vu des documents versés aux débats, les deux sociétés n'ont eu le même dirigeant que du 11 mars au 24 mai 2011, soit pendant une période trop brève pour permettre de retenir l'existence d'une confusion de direction.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dénié à la SNJH la qualité de coemployeur, l'a mise hors de cause la SNJH et a condamné M. [X] à lui payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En appel, il n'est pas inéquitable de ne pas condamner M. [X] à une indemnité à ce titre en faveur de cette société.
Sur les heures de délégation
L'appelant sollicite le rappel de journées de délégation entre août 2006 et juin 2011.
Il résulte des dispositions du code du travail que le temps nécessaire à l'exercice des fonctions de représentants du personnel est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale.
L'appelant ne conteste pas que la société a payé les heures de délégation. En effet, dès le 10 juillet 2006, la société lui a expliqué les modalités de calcul des journées forfaitairement rémunérées lorsqu'il exerçait ses mandats : le mode de calcul retenu pour l'indemnisation de ses journées était la moyenne des 3 ou 12 derniers mois selon ce qui était le plus favorable sur la base de 26 jours ouvrables. Le salaire des 3 ou 12 derniers mois précédents prenait en compte les commissions et les journées forfaitairement calculées, le salaire de référence divisé par 26 tenant compte d'un salaire reconstitué comme si le salarié avait travaillé pendant 26 jours. Il résulte des pièces versées aux débats que le calcul de la société n'est pas utilement contesté par M. [X].Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement d'heures de délégation.
Sur l'application de l'article L. 1224'1 du code du travail
M. [X] soutient, subsidiairement, que la SNJH a poursuivi l'activité de la SPDP qui constituait une entité économique autonome car elle a nécessairement besoin d'abonneurs pour assurer la diffusion des revues qu'elle édite, que le fichier clientèle est aujourd'hui exploité par la SNJH, que le mandataire liquidateur s'est adressé à la SNJH pour connaître les fichiers clients des commerciaux SPDP, que le matériel était commun, que l'activité s'est poursuivie dans les mêmes locaux, que la convention de commercialisation entre la SNJH et la SPDP confirme le maintien de l'activité transférée, que l'activité d'abonneur a été reprise en régie directe, que la SNJH a, par l'intermédiaire d'une SCOP, constituée pour les besoins de la cause, repris et sélectionné quelques abonneurs parmi les salariés de SPDP pour poursuivre les abonnements et l'activité de prospection.
Cependant, il existe une contradiction entre cette thèse et celle relative au coemploi selon laquelle il aurait existé une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les deux entités.
Par ailleurs, les éléments d'actifs de la SPDP ont été vendus aux enchères à la requête du mandataire liquidateur ; il ne résulte d'aucun élément que la SNJH aurait repris l'exploitation d'un quelconque fichier ; aucun salarié n'a été repris et il n'est pas établi que la mission confiée à la SCOP DL diffusions ait été la même. Aucune entité économique autonome n'a donc été poursuivie ou reprise.
Le moyen tiré de l'application de l'article L. 1224'1 n'est pas fondé.
Sur la prime de fidélité
L'appelant soutient que son contrat travail prévoyait le versement d'une prime de fidélité dès que l'abonnement réalisé atteignait une certaine durée de vie comprise entre 15 et 24 mois et dont le montant variait en fonction du type d'abonnement.
Cependant, le conseil de prud'hommes a retenu à juste titre que les documents produits par le salarié n'étaient pas explicites et n'établissaient pas qu'il remplissait les conditions d'obtention de cette prime notamment la condition de durée des abonnements placés. Le bien-fondé de cette demande ne résulte pas non plus des documents versés en cause d'appel.
Sur les commissions
Les tableaux récapitulatifs et listes fournis par le salarié n'établissent aucunement le bien-fondé de cette demande.
Sur les frais professionnels et échantillonnage
Le conseil de prud'hommes a exactement retenu que les pièces fournies par le salarié constituées notamment de tableaux dont l'origine n'était pas connue et comportant des éléments dont l'origine n'était pas non plus déterminée, ne présentaient aucun caractère probant.
Sur l'indemnité au titre de l'article L. 2422'4 du code du travail
Aux termes de ces dispositions, lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422'1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.
L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.
Le 23 juin 2011, la société SPDP a été mise en liquidation judiciaire. Le 28 juillet 2011, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement, décision confirmée le 3 février 2012 par le ministre du travail. Par jugement du 4 décembre 2012, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions de l'inspecteur du travail et du ministre du travail.
L'appelant soutient que le jugement lui a été envoyé le 7 décembre 2012, qu'il l'a reçu le 10 décembre 2012 et qu'il a sollicité sa réintégration le 6 février 2013 auprès du mandataire liquidateur. Cependant, aucune pièce n'établit la date de notification de ce jugement à M. [X].
Par ailleurs, par lettre datée du 6 février 2013, celui-ci a sollicité sa réintégration au sein de la SPDP. Cependant, la photocopie du feuillet de la poste ne comporte aucune mention (lisible) de la date de présentation de ce courrier. En revanche, un tampon de la poste indique « courrier arrivé le 11 février 2013 ». Il n'est donc aucunement justifié que M. [X] a formulé sa demande dans le délai légal.
En tout état de cause, cette réintégration était impossible compte tenu de la liquidation judiciaire de la société.
M. [X] n'ayant pas sollicité sa réintégration dans le délai légal, il convient de faire application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 2422'4, reproduit dans ses conclusions, et de lui accorder une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement, le 1er août 2011, et l'expiration du délai de deux mois .
Il convient donc de lui allouer à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L. 2422'4 du code du travail la somme figurant au dispositif.
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le tribunal administratif a annulé l'autorisation de licenciement au motif que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement.
Il résulte des pièces versées aux débats que le mandataire liquidateur a adressé aux sociétés du groupe auquel appartenait la société SPDP et auprès d'entreprises extérieures une lettre circulaire ne précisant pas la situation personnelle de M. [X] ; il s'ensuit qu'il n'a pas procédé à des recherches sérieuses de reclassement.
Compte tenu de l'ancienneté du salarié, de sa rémunération et des circonstances de la rupture, il convient des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant est précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [X] de ses demandes de rappels de salaires sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse ;
Statuant à nouveau,
Y ajoutant,
Fixe la créance de M. [X] à ce titre au passif de la liquidation judiciaire de la société SPDP aux sommes de :
- 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 37 699,27 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L. 2422'4 du code du travail
Déclare l'arrêt opposable à l'AGS-CGEA Île-de-France Est dans les limites et plafonds de sa garantie légale ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Dit que les dépens seront compris dans les frais de la procédure collective de la société SPDP.
LE GREFFIERLE PRESIDENT