La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/05/2018 | FRANCE | N°16/06562

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 22 mai 2018, 16/06562


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 22 Mai 2018

(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/06562



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 15/02971





APPELANTE

Madame [I] [N]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 2]

comparante en personne, as

sistée de Me Annick PETIT LHERMITE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1293 substitué par Me Armelle RONZIER JOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0255





INTIMEE

SAS ENDE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 22 Mai 2018

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/06562

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 15/02971

APPELANTE

Madame [I] [N]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Annick PETIT LHERMITE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1293 substitué par Me Armelle RONZIER JOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0255

INTIMEE

SAS ENDEMOL PRODUCTIONS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 414 154 237

représentée par Me Laurent CARRIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Valérie AMAND, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Valérie AMAND, Faisant fonction de Présidente

Madame Jacqueline LESBROS, conseiller

Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller

Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Valérie AMAND, faisant fonction de Présidente et par Madame Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [I] [N] née le [Date naissance 1] 1950 à été engagée à compter du mois de décembre 2000 jusqu'au 31 juillet 2013 aux termes de divers contrats à durée déterminée d'usage par les sociétés DVD Prod, Formidooble, et Endémol lesquelles produisaient l'émission "Attention à la marche" devenue en 2010 les "12 coups de midi". Dans ce cadre la salariée a signé 504 contrats de travail à durée déterminée d'usage, la collaboration étant interrompue pendant les congés d'été à partir du mois d'avril 2005.

La société Endémol Productions a absorbé les sociétés DVD Prod et Formidooble ; elle comprend plus de 11 salariés.

Par courrier remis en main propre daté du 1er juillet 2013, la société Endémol Productions a rappelé à Madame [I] [N] que son dernier contrat à durée déterminée d'usage prendrait fin le 31 juillet 2013 et lui annonçait qu'elle ne pourrait pas lui proposer un nouveau contrat de travail "pour la saison prochaine" et qu'elle percevrait l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article V.2.4 de la convention collective nationale de la production audiovisuelle, c'est à dire due pour les contrats à durée d'usage de longue durée, cette dernière étant définie par la disposition conventionnelle.

Une transaction est alors signée entre Madame [N] et les sociétés Endémol Productions et Formidooble le 27 août 2013 aux termes de laquelle :

- les parties exposent en premier lieu leurs différends : la salariée conteste la licéité des contrats à durée déterminée d'usage et considère avoir occupé un poste lié à l'activité permanente de l'entreprise obligeant cette dernière à engager une procédure de licenciement et à payer des indemnités de rupture sans pouvoir se contenter de verser l'indemnité conventionnnelle de fin de contrat ; les sociétés estiment avoir respecté les conditions légales de recours au contrat à durée déterminée d'usage prévu notamment par la convention collective applicable pour l'emploi considéré et qu'elles n'avaient donc pas à procéder à un licenciement lorsque le dernier contrat à durée déterminée est venu à échéance le 31 juillet 2013.

- les parties conviennent en second lieu, que :

*Madame [N] donne acte aux sociétés de la fin de la collaboration de travail au 31 juillet 2013

* la somme de 26 200 € bruts est versée à Madame [N] à titre de dommages intérêts en réparation de tous ses préjudices ;

* Madame [I] [N] s'estime remplie de ses droits et renonce à toute action contre ses employeurs.

Concomitamment à cette transaction, Madame [I] [N] signe un contrat de travail à compter du 26 août 2013 en qualité d'attachée de direction à temps partiel avec la société Jereluc Paris 'uvrant dans le secteur audiovisuel présidée par Monsieur [Y] [P], contrat qui prend fin par la démission de la salariée à effet au 31 août 2015.

Le 30 juin 2015 Madame [I] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny  d'une action en annulation de la transaction du 27 août 2013, d'une action requalification de la relation contractuelle ayant lié les parties en un contrat à durée indéterminée rompu sans motif légitime et en paiement de diverses aux indemnités de rupture et de requalification.

Par jugement en date du 25 mars 2016, le conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté Madame [I] [N] de l'ensemble de ses demandes, a débouté la société Endémol Productions de sa demande reconventionnelle et condamné Madame [N] aux entiers dépens.

Le 27 avril 2016  Madame [N] a formé appel de ce jugement notifié le 31 mars 2016.

Par conclusions visées par le greffier, Madame [I] [N] demande à la cour de :

Infirmer le jugement déféré

Statuant à nouveau

Constater et prononcer la nullité de la transaction du 27 août 2013

Constater le non respect des dispositions de l'article L 1242 du code du travail  et en particulier de l'article L 1242-13 relativement aux contrats à durée déterminée d'usage des 27 juin 2004, 17 novembre 2008 et 22 décembre 2008

En conséquence constater que Madame [I] [N] était en contrat durée indéterminée

Requalifier l'ensemble des contrats à durée déterminée d'usage en contrat à durée indéterminée

En conséquence condamner la société Endémol Productions au paiement des sommes suivantes :

13 195,15 euros à titre d'indemnité de licenciement

5833,34 euros à titre d'indemnité de préavis (un mois)

593,33 euros brut  à titre d'indemnité de congés payés sur préavis

5416,67 euros à titre d'indemnité de requalification

32 500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

31 298,14 euros bruts à titre de rappel de salaire 

le tout avec intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine du conseil des prud'hommes

3500 € HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonner la remise des documents suivants : attestation Pôle emploi, certificat de travail, bulletin de salaire conformes, sous astreinte de 100 € chacun par jour de retard.

Par conclusions visées par le greffier, la société Endémol Productions demande à la cour de débouter Madame [I] [N] de l'intégralité de ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'audience des débats, les parties ont soutenu oralement les conclusions susvisées auxquelles elles ont renvoyé la cour qui s'y réfère pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

En cours de délibéré les parties ont fait savoir à la cour qu'elles entendaient recourir à une médiation.

Par ordonnance du 21 mars 2017, une médiatrice été nommée  laquelle faisait savoir que les discussions engagées en médiation n'avait pas permis d'aboutir à un accord.

L'affaire été rappelée à l'audience du 5 avril 2018 au cours de laquelle les dossiers de plaidoirie ont été remis à la cour par les conseils des parties et l'affaire a été mise en délibéré au 22 mai 2018.

MOTIVATION

Sur la transaction

Madame [I] [N] conteste la validité de la transaction en faisant valoir que la transaction ne comporte pas de concessions suffisantes de la part de l'employeur, qu'en effet l'indemnité transactionnelle de 26 200 € bruts est insuffisante et dérisoire au regard d'une indemnité d'au moins 6 mois de salaire outre les indemnités de préavis et de licenciement à laquelle elle aurait pu prétendre en conséquence de la requalification de ses contrats à déterminée successifs en contrat à durée indéterminée et de la réparation de sa rupture nécessairement sans cause réelle et sérieuse. Elle soutient que la requalification de sa relation contractuelle en contrat à durée indéterminée est manifeste au motif que ces contrats ne respectent pas les conditions de forme et les délais de transmission exigées par la loi, que les contrats à durée déterminée d'usage conclus entre 2000 et 2013 avaient en fait pour objet de pourvoir un poste permanent et que ces irrégularités de forme et de fond manifestes ne nécessitant pas un examen approfondi des faits doivent être relevées par la cour pour statuer sur la validité de la transaction querellée par la vérification du caractère réel de la concession de l'employeur.

La société intimée fait valoir que la transaction signée le 27 août 2013 rend ses demandes irrecevables, dès lors le juge ne peut sans heurter l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction trancher le litige que cette transaction avait pour objet de clore en se livrant à l'examen des éléments de fait et de preuve; elle affirme encore que l'indemnité versée, correspondant à 5 mois de salaires, n'est ni dérisoire, ni insuffisante et ajoute qu'en tout état de cause le recours aux contrats à durée déterminée d'usage s'inscrivait en l'espèce dans le respect de la réglementation applicable et que la requalification de la relation contractuelle n'est pas encourue.

Au préalable la cour relève que sont applicables au litige les dispositions du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'instance ayant été introduite avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de ladite ordonnance relativement aux dispositions en cause.

Conformément aux dispositions de l'article 2044 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.

Pour être valable la transaction ne doit pas contenir des concessions dérisoires lesquelles s'apprécient en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte et le différend que les parties décident de clore à l'amiable doit comporter un aléa pour qu'il y ait transaction.

La salariée qui indique que la relation contractuelle était manifestement à durée indéterminée produit les 504 contrats à durée déterminée entre décembre 2000 et juillet 2013 qui montrent qu'elle a travaillé régulièrement quelques jours par mois de décembre 2000 à janvier 2008 en qualité de conseillère artistique et en qualité d'administratrice de production (statut cadre) de février 2008 au 31 juillet 2013.

Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire notamment lorsqu'il s'agit d'emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

En application du 3° de l'article L. 1242-2, les secteurs d'activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois comprennent notamment :

"6° Les spectacles, l'action culturelle, l'audiovisuel, la production cinématographique, l'édition phonographique".

Il appartient au juge de vérifier que la succession de CDDU intervient dans l'un des secteurs d'activités définis par décret, qu'il existe dans ce secteur un usage permettant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée pour l'emploi considéré, mais aussi que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

En l'espèce, il est constant que le secteur de l'audiovisuel est mentionné dans l'article D 1242-1 comme constituant l'un des secteurs d'activité pouvant permettre la conclusion de CDDU, ce qui est confirmé par la convention collective applicable en ce qui concerne "les emplois des catégories B et C de la présente convention, qui se rapportent directement à la conception, la fabrication et au contenu même des programmes" (Titre V article V2.2).

Si les emplois de conseillère artistique et d'administrateur de production appartiennent à la catégorie B regroupant les filières A à I, liées à la conception, la production et la réalisation des productions dans lesquels il est possible conventionnellement de recourir au contrat d'usage, encore faut-il que soit établi que l'emploi tel qu'effectivement pourvu par Madame [I] [N] devait nécessairement faire l'objet de CDDU.

Or, l'analyse concrète du travail réalisé par Madame [I] [N] fait apparaître que celle ci a essentiellement effectué des tâches administratives comme le montrent les nombreux frais professionnels relatifs à l'achat de documentations, de commandes de cafés, d'appareils ménagers, de papeterie de timbres etc en sorte que son appartenance à tout le moins partielle à la filière administrative qui n'est pas visée dans la convention collective comme autorisant le recours à des CCDU est établie ; en outre et en toute hypothèse il est constant que la salariée a participé exclusivement à la réalisation d'une émission quotidienne animée par le même animateur ( [Y] [P]), d'abord "Attention à la Marche" puis "Les 12 coups de midi" qu'elle a remplacée, émission diffusée quotidiennement 365 jours par an et ce, à compter d'avril 2001 de manière continue jusqu'à juillet 2013, soit pendant plus de 12 années, ce qui démontre le succès non démenti et la pérennité certaine de cette émission, l'aléa invoqué étant dès lors très limité alors même que cette émission est toujours diffusée ; il est constant qu'elle a travaillé avec une réelle régularité quasiment tous les mois de l'année (sauf au premier trimestre 2001 et pendant les mois d'été entre 2001et 2004 ) avec des durées en moyenne d'une quinzaine de jours en sorte que cet emploi ne pouvait dès lors être qualifié de temporaire.

Ainsi, les contrats à durée déterminée successifs avaient pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise en sorte que la qualification de contrat à durée indéterminée qui liait les parties était manifeste.

En outre et à titre surabondant comme le fait à juste observer la salariée, au vu des pièces produites il apparaît que le contrat de travail à durée déterminée portant sur la période de travail du 21 juin au 24 juin 2004 a été signé le 25 juin 2004, ce dont il résulte qu'il n'a pas été transmis dans les deux jours ouvrables ; il en est de même pour le contrat de travail portant sur les journées du 15 décembre 2008 au qui été signé le 22 décembre 2008 soit hors du délai de deux jours ouvrables ; à défaut de respecter ce délai prévu par l'article L 1242-13 du code du travail, le contrat est considéré comme ayant été conclu sans écrit ce qui justifie la requalification de la relation contractuelle en relation contractuelle à durée indéterminée en application de l'article L 1245-1 du code du travail.

Au vu de la requalification encourue et de l'ancienneté de la salariée, il apparaît que la somme de 26 200 euros bruts correspondant à environ cinq mois de salaire apparaît dérisoire au regard des sommes indiscutablement dues à la salarié par la simple application de la loi, à savoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à au moins six mois de salaire en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, outre l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à plusieurs mois de salaire (cf infra).

Compte tenu du caractère dérisoire de la concession de l'employeur, il convient de faire droit à la demande d'annulation de la transaction querellée.

Sur les sommes dues à la salariée au titre de la requalification et de la rupture de la relation contractuelle

Au vu de la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, la salariée est fondée à obtenir une indemnité de requalification équivalente à au moins un mois de salaire ; or au vu des bulletins de paie produits, le salaire mensuel de référence est fixé à 5 000 euros bruts et non à 5 416,67 euros ; par suite , la société Endémol Productions est condamnée à payer à Madame [I] [N] la somme de 5 000 euros à ce titre.

Il est constant que Madame [I] [N] n'a plus signé de contrats à partir du 1er août 2013 ; il s'agit d'un licenciement verbal qui ne respecte pas la procédure légale ; la rupture doit être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La salariée est donc fondée à obtenir :

- une indemnité compensatrice de préavis équivalent à deux mois de salaire en application de l'article l'article V.1.2.1 de la convention collective applicable et dont elle entend déduire la somme reçue à titre de congés payés en juillet 2013 ; il convient de faire droit à ses prétentions dans la limite de sa demande soit 5 000 euros, outre la somme de 500 euros à titre de congé payé afférent ( et non 6 416,67 euros réclamés sur la base d'un salaire mensuel de référence fixé à tort à 5 416,67 euros).

- une indemnité de licenciement : la salariée se réfère à l'indemnité de licenciement telle que prévue par l'article V.1.2.2 de la convention collective de la production audiovisuelle en cas de licenciement pour motif économique ; or en l'espèce il ne s'évince d'aucun élément que la rupture serait fondée sur une cause économique ; par suite, les dispositions de l'article V.1.2.2 b) sont revendiquées à tort par la salariée ; il convient d'appliquer le a) de l'article V.1.2.2 qui indique que l'indemnité de licenciement en cas de licenciement pour motif personnel injustifié se calcule ainsi : à partir de 10 ans d'ancienneté : 2/10 de mois de salaire par année ou fraction d'année d'ancienneté, plus 2/15e de mois de salaire par année ou fraction d'année d'ancienneté au-delà de 10 ans.

Au regard de ces dispositions conventionnelles, l'indemnité due à la salariée est, sur la base de l'ancienneté que la salariée fixe elle-même au 1er avril 2001, dès lors qu'il est constant qu'elle n'a pas travaillé le premier trimestre 2001 et qu'elle se termine au 31 juillet 2013, date de fin de la relation contractuelle, fixée à la somme de 12 555, 55 euros ( 2/10 x 11 X 5 000 + 2/15 X 2 X 5000 + 2/15x 4/12x 5000).

- des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de Madame [I] [N], de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, la société Endémol Productions sera condamnée à verser à la salariée à titre de dommages intérêts la somme forfaitaire de 30 000 € sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail.

Par ailleurs, compte tenu de la nullité de la transaction il conviendra que les parties fassent leur compte entre elles, au vu de l'indemnité payée à la salariée en exécution de la transaction annulée.

Sur le rappel de salaires

Le salarié dont les contrats de travail à durée déterminée successifs sont requalifiés en contrat à durée indéterminée peut prétendre au paiement des salaires correspondant aux périodes entre deux contrats à durée déterminée s'il prouve qu'il s'est tenu à disposition de l'entreprise pendant ces périodes pour y effectuer un travail effectif.

En l'espèce la salariée qui demande la requalification en temps plein de son contrat de travail réclame en réalité des rappels de salaires portant sur la période du 27 août 2008 au 27 août 2013 à hauteur de 43 541,90 euros au motif que si elle a travaillé chaque mois un nombre de jours à peu près identique ce nombre variait un peu et qu'elle n'avait jamais plus d'un mois de visibilité quant à la stabilité de son emploi et de ses ressources financières ; elle demande en réalité le paiement de salaires pour les périodes interstitielles entre deux contrats de travail.

Mais d'une part, le contrat ayant pris fin le 31 juillet 2013, la salariée ne peut revendiquer un rappel de salaire jusqu'à la date de la transaction.

D'autre part, la salariée ne démontre pas suffisamment avoir dû rester à la disposition permanente de son employeur entre deux contrats et n'établit pas qu'elle n'aurait pas organisé son travail de manière à réaliser ses tâches sur les jours travaillés indiqués au contrat en sorte qu'elle sera déboutée de sa demande infondée de rappel de salaire.

Sur les autres demandes

Il sera ordonné la remise des documents sociaux conformes à la présente décision sans qu'il y ait lieu à prononcer une astreinte non justifiée en l'espèce.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Il serait inéquitable que Madame [I] [N] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la société Endémol Productions qui succombe doit en être déboutée.

La société intimée qui succombe en ses prétentions est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions

ANNULE la transaction signée des parties le 27 août 2013

REQUALIFIE la relation contractuelle ayant lié Madame [I] [N] à la société Endémol Productions de contrat de travail à durée indéterminée

DIT que la rupture du contrat à effet au 1er aout 2013 est sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société Endémol Productions à payer à Madame [I] [N] les sommes suivantes :

12 555, 55 euros euros à titre d'indemnité de licenciement

5000 euros à titre d'indemnité de préavis

500 euros brut  à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

ces trois sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par la société Endémol Productions de la convocation devant le conseil de prud'hommes

5000 euros à titre d'indemnité de requalification

30 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

ces deux sommes avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt

ORDONNE à la société Endémol Productions de remettre à Madame [I] [N] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, et un bulletin de salaire conformes à l'arrêt dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt

CONDAMNE la société Endémol Productions à payer à Madame [I] [N] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Endémol Productions aux entiers dépens de première instance et d'appel

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 16/06562
Date de la décision : 22/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°16/06562 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-22;16.06562 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award