RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 22 Mai 2018
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/13293
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/01127
APPELANTE
Madame [U] [S]
[Adresse 2]
[Localité 5]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 6] (92)
comparante en personne, assistée de Me Xavier MATIGNON de l'AARPI ONYX AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0833 substituée par Me Lisa VINCENT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Madame [X] [Z]-[M]
[Adresse 4]
[Localité 3]
N° SIRET : 412 776 833
comparante en personne, assistée de Me Pierre BLEXMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0140
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Sylvie HYLAIRE, présidente
Madame Jacqueline LESBROS, conseillère
Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller
Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente, et par Madame Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [S], née en 1964, a été engagée le 6 septembre 2010 dans le cadre d'un contrat de professionnalisation par l'auto-école [Z] que dirige Madame [Z]-[M], pour exercer des fonctions de secrétaire.
Elle a ensuite été engagée par contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2011, pour exercer les fonctions d'enseignant de conduite, échelon 1. En dernier lieu, son salaire brut mensuel s'élevait à 2.426,72 euros pour 35 heures de travail hebdomadaire.
L'auto école [Z] employait à la date des faits moins de onze salariés et la relation de travail était régie par la convention collective nationale des services de l'automobile.
Madame [S] a été placée en arrêt maladie du 3 décembre 2012 jusqu'au 3 avril 2014.
Par courrier du 24 décembre 2012, Madame [S] a demandé à Madame [Z]-[M] de lui payer les heures supplémentaires effectuées durant son contrat de professionnalisation et la prime de fin d'année 2012. Dans ce même courrier, elle se plaignait de l'attitude désobligeante et insultante de Madame [Z]-[M] à son égard. Ce courrier n'a pas reçu de réponse de la part de Madame [Z]-[M].
Par courrier du 21 janvier 2014, Madame [S] faisait part à Madame [Z]-[M] de divers griefs dans l'exécution du contrat de travail et l'informait qu'elle saisissait le conseil de prud'hommes en vue d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail à ses torts.
C'est dans ces conditions que Madame [S] a saisi le 23 janvier 2014 le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement des indemnités de rupture en découlant, d'une demande de rappel au titre d'heures supplémentaires, de demandes de dommages-intérêts pour rupture abusive et pour préjudice moral et d'une demande d'indemnité au titre du travail dissimulé. Devant le bureau de jugement, elle demandait en outre un rappel de salaire au titre du mois d'août 2014.
Madame [S] indique qu'à sa reprise, le 3 avril 2014, elle ne s'est plus vue confier aucune heure de conduite mais qu'elle a été employée à des tâches subalternes et que ses horaires de travail ont été modifiés sans son accord. Elle indique également avoir été en butte au comportement humiliant de Madame [Z]-[M] et à l'hostilité de deux autres salariés, Madame [I] et Monsieur [C].
Par jugement en date du 11 septembre 2014 dont Madame [S] a relevé appel, le conseil de prud'hommes l'a déboutée de ses demandes, a débouté la société de sa demande reconventionnelle et condamné Madame [S] aux dépens.
Madame [S] a été placée en arrêt maladie le 29 août 2014 pour anxiété sévère, arrêt de travail prolongé le 20 septembre 2014. Elle a été déclarée inapte définitivement à la reprise de son poste par le médecin du travail dès la première visite de reprise le 19 novembre 2014, au visa de l'article R. 4624-31 du code du travail.
Convoquée à un entretien préalable fixé au 11 décembre 2014 auquel elle ne s'est pas rendue, Madame [S] a été licenciée le 17 décembre 2014 pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.
A l'audience du 12 décembre 2017, les conseils des parties ont soutenu les conclusions déposées et visées par le greffe.
Le conseil de Madame [Z] a sollicité in limine litis le rejet de la pièce n°61 communiquée le 30 novembre 2017 ainsi que les dernières conclusions de l'appelante notifiées par RPVA le même jour, comme étant tardives. Le conseil de Madame [S] s'y oppose.
Au fond, Madame [S] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :
A titre principal,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de Madame [Z]-[M],
- dire et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire :
- dire et juger que son licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause :
- fixer la moyenne des douze derniers mois de salaires à la somme de 2.479,45 euros,
- condamner Madame [Z]-[M] à lui verser les sommes suivantes :
* 1.522 euros (hors majoration à parfaire) à titre de rappel d'heures supplémentaires,
* 152 euros au titre des congés payés afférents,
* 775,81 euros au titre d'une retenue de salaire,
* 77,58 euros au titre des congés payés afférents,
* 4.853 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 485 euros au titre des congés payés sur préavis,
* 614,38 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement,
* 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 14.560 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- débouter Madame [Z]-[M] de ses demandes reconventionnelles,
- condamner Madame [Z]-[M] à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [Z]-[M] aux entiers dépens.
Madame [Z]-[M] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ; de déclarer bien-fondé le licenciement pour inaptitude définitive d'origine non professionnelle de Madame [S]; de condamner à titre reconventionnel Madame [S] à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, financier et de réputation subi par l'auto-école et au titre du recours abusif, en application des articles 1240 du code civil et 559 du code de procédure civile; de condamner Madame [S] au paiement d'une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et frais de procédure, enfin d'ordonner l'exécution provisoire.
A l'issue des débats, la cour a invité les parties à recevoir l'information sur la médiation. Par message reçu par RPVA le 20 décembre 2017, Maître [G] a informé la cour que les parties ne souhaitaient pas entrer en voie de médiation.
La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qu'elles ont soutenus.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'incident de procédure
A l'audience du 2 décembre 2016 à laquelle les conseils des parties étaient présents, le calendrier des échanges entre les parties a été fixé avec leur accord, les dernières conclusions devant être transmises à la cour par RPVA le 2 octobre 2017.
Le conseil de Madame [S] a notifié le 30 novembre 2017 des conclusions et une pièce 61 constituée par l'attestation du docteur [B] en date du 3 décembre 2016 dont il est demandé le rejet des débats par le conseil de Madame [Z]-[M].
La cour ne fait pas droit à la demande de rejet des conclusions, étant relevé que le seul développement nouveau figurant en page 27 de ces conclusions est consacré au rejet de la demande de dommages-intérêts formée par Madame [Z]-[M], argumentaire auquel son conseil qui a disposé de plusieurs jours pour en prendre connaissance, était en mesure de répondre utilement à l'audience.
En revanche, la cour estime tardive la communication le 30 novembre 2017, de l'attestation du docteur [B] datée du 3 décembre 2016 et l'écarte des débats.
Sur la rupture du contrat de travail
Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
A l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, Madame [S] invoque plusieurs manquements.
Sur le non paiement d'heures supplémentaires
Madame [S] soutient avoir accompli 168,50 heures supplémentaires impayées pendant la durée de son contrat de professionnalisation mais également pendant l'exécution de son contrat à durée indéterminée, sa présence étant requise au-delà de son horaire de travail pendant toute la durée d'ouverture de l'auto-école, à la différence que les heures supplémentaires effectuées pendant l'exécution de son contrat à durée indéterminée lui étaient payées en espèces et n'ont donné lieu à aucune cotisation sociale.
Madame [Z]-[M] conteste la réalisation d'heures supplémentaires ainsi que les relevés et agendas produits par Madame [S], établis selon elle pour les besoins de la cause, trois ans après la saisine du conseil de prud'hommes, et qui ne seraient pas de nature, selon elle, à démontrer la réalité des heures prétendument effectuées, dans la mesure où, pendant la durée de son contrat de professionnalisation, Madame [S] partageait son temps entre le centre de formation et l'auto-école. De plus, elle n'était pas seule en charge du secrétariat puisque Monsieur [Z], père de Madame [Z]-[M], s'y consacrait bénévolement pendant quelques heures. Elle fait observer enfin que les décomptes de Madame [S] présentent des incohérences, le relevé d'heures ne correspondant pas à ses agendas, privant ces pièces de toute valeur probante.
Selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Pour la période du 6 septembre 2010 au 31 août 2011, Madame [S] affirme avoir réalisé 168,50 heures supplémentaires.
Le contrat de professionnalisation précise que la durée de travail hebdomadaire est de 35 heures réparties entre le centre de formation et la présence en auto-école, sans autre précision.
Madame [S] soutient qu'elle travaillait en réalité 44 heures par semaine réparties comme suit :
- le lundi, au centre de formation: de 9h30 à 12h 30 et de 13h 30 à 17h 30,
- du mardi au jeudi: le matin, au centre de formation et l'après-midi à l'auto école (sans précision d'horaire),
- le vendredi à l'auto-école de 10h à 13 h et de 14h à 19 h,
- le samedi de 10h à 13 h et de 14 h à 16h.
Elle produit aux débats un relevé d'heures hebdomadaires faisant apparaître des dépassements systématiques de l'horaire contractuel de 35 heures (sa pièce 17). Elle produit également les agendas à partir desquels elle a établi ce relevé.
Madame [Z]-[M] à qui il appartient de justifier des horaires de travail de la salariée et de la répartition de son temps de travail dans la semaine ne produit aucun élément permettant de déterminer l'horaire de travail auquel était soumise Madame [S]. Elle n'a pas répondu aux courriers de réclamation de Madame [S] des 24 décembre 2012, 5 juin 2013et 21 janvier 2014 et . Elle admet néanmoins dans ses conclusions ( page 11) que Madame [S], à qui elle accordait des jours d'absence pendant les semaines où elle avait la charge de ses enfants, était effectivement amenée à compenser ces absences par des heures supplémentaires. Elle n'est toutefois pas en mesure de justifier que les heures supplémentaires réalisées ont effectivement été compensées par un repos compensateur de même durée.
Au vu des pièces produites, la cour a la conviction que Madame [S] a travaillé au-delà de l'horaire contractuel mais pas dans les proportions qu'elle indique puisque :
- dans un courrier du 21 janvier 2014, elle réclamait à l'employeur le paiement de 133 heures supplémentaires, portées à 168h50 dans le cadre de l'instance,
- elle admet que Monsieur [Z] consacrait du temps au secrétariat en plus d'elle-même,
- les agendas qu'elle produit ne comportent, au jour le jour, aucune mention concernant ses jours et horaires de présence au centre de formation et à l'auto-école, ni aucune mention de rendez-vous pendant les horaires à l'auto-école permettant de connaître les heures travaillées mais mentionnent uniquement les activités privées de Madame [S] ; les agendas ont simplement été complétés par la mention manuscrite portée sous chaque jour de la semaine de l'amplitude de travail quotidien, sans mention des horaires effectués, faisant apparaître des semaines de travail de 40 heures et plus.
Au vu de ces éléments, la cour est en mesure d'allouer à Madame [S] la somme de 1.188 euros pour 133 heures supplémentaires sur la base du taux horaire retenu par l'appelante outre les congés payés afférents.
Concernant les heures supplémentaires effectuées pendant l'exécution du contrat à durée indéterminée, le contrat de travail prévoit une durée de travail hebdomadaire de 35 heures réparties dans les plages horaires de 7h à 20h du lundi au vendredi et le samedi entre 8h et 16h.
Madame [S] affirme qu'elle travaillait en moyenne 44 heures par semaine réparties comme suit :
- du lundi au vendredi : de 9h à 13h puis de 14h à 18h, soit 40 heures de travail (8 heures travaillées x 5 jours) ;
- un samedi sur deux : de 9h à 13h puis de 14h à 18h, soit 8 heures de travail une semaine sur deux.
Elle produit des relevés d'horaire hebdomadaire (ses pièces 38 et 39) et ses agendas comportant les heures de conduite qu'elle assurait quotidiennement et a fait sommation à l'employeur de communiquer les fiches de suivi des élèves pour la période du 2 janvier au 10 novembre 2012 permettant de corroborer les jours et nombre d'heures d'enseignement par élève, sommation à laquelle l'employeur n'a pas déféré.
Madame [Z]-[M] à qui il appartient de justifier des horaires de travail de la salariée et de la répartition de son temps de travail dans la semaine ne produit aucun élément permettant de déterminer l'horaire de travail auquel était soumise Madame [S].
Il est acquis au vu des pièces produites par Madame [S], et non utilement contredites par l'intimée, que des heures supplémentaires ont été réalisées sans que l'employeur ne les reporte sur les bulletins de paie de Madame [S] et n'ont donc été soumises à aucune cotisation sociale, Madame [S] qui déclare avoir été payée de ces heures en espèces ne réclamant aucun rappel de salaire à ce titre.
Il résulte de ce qui précède que le premier manquement de l'employeur invoqué par Madame [S] est établi.
Sur l'attitude injurieuse de l'employeur
Madame [S] reproche à Madame [Z]-[M] d'avoir tenu des propos injurieux à son égard auprès de tiers, de s'être adressée à elle en hurlant et en la menaçant de la dénoncer à l'inspection du travail lorsqu'elle s'est présentée le 22 décembre 2012 à l'auto-école, pendant son arrêt maladie, pour chercher son bulletin de paie du mois de novembre 2012. Elle lui reproche également d'avoir appeler son médecin traitant pour connaître son état de santé.
Madame [Z]-[M] conteste les griefs et les attestations produites par l'appelante. Elle indique qu'elle a, au contraire, toujours soutenu Madame [S] avait laquelle elle avait noué des liens d'amitié mais qui, par son attitude agressive, a compromis l'ambiance au sein de l'auto-école à partir de 2012, au point qu'un salarié a préféré donner sa démission.
Elle ajoute que Madame [S] a menacé de ruiner sa société, faits pour lesquels elle a déposé une main-courante le 17 mai 2013 (sa pièce 5-1), que cherchant toujours à la déstabiliser, Madame [S] a eu cinq absences injustifiées entre avril et août 2014 et qu'elle a faussement déclaré un accident du travail non reconnu par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie. Elle indique enfin que, Madame [S] lui ayant interdit de la contacter, elle a appelé son médecin dans le seul but de lui faire préciser la date de reprise de Madame [S] figurant sur son arrêt de travail.
Madame [S] produit l'attestation de Madame [N] qui a effectué en novembre 2012 un stage de formation à l'auto-école [Z] et qui indique qu'à l'occasion d'une discussion au cours de laquelle elles évoquaient la maladie de Madame [S], Madame [Z]-[M] a déclaré devant un élève: «La santé de [U], j'en ai rien à foutre...», et encore que Madame [S] ne savait pas élever ses enfants, qu'elle était procédurière et qu'elle prenait trop de vacances, propos qu'elle avait réitérés le 21 décembre 2012.
Madame [Z]-[M] soutient que cette attestation émanant d'une amie de Madame [S] est de pure complaisance. La cour considère que les propos rapportés par le témoin sont précis et réitérés et qu'aucun élément ne permet de mettre en cause la sincérité de ce témoignage, de sorte que le grief est suffisamment établi.
Madame [S] produit également l'attestation de Monsieur [P], ancien salarié licencié pour faute grave, qui confirme que Madame [Z]-[M] a accueilli Madame [S] le 22 décembre 2012 en lui disant qu'elle n'avait rien à faire à l'auto-école et en la menaçant de la dénoncer à l'inspection du travail pour « venue illégale ».
Madame [Z]-[M] conteste les faits et indique que Madame [S] l'a immédiatement prise à parti en arrivant, que l'attestation de Monsieur [P] est de pure complaisance, celui-ci ayant été licencié pour faute grave et assisté lors de l'entretien préalable par Madame [S], les salariés ayant attesté l'un pour l'autre dans leurs instances respectives devant le conseil de prud'hommes.
La cour estime que l'attestation de Monsieur [P] est insuffisante à elle seule à établir le grief, compte tenu du contexte décrit et des intérêts communs des salariés contre l'employeur.
Concernant l'intrusion dans sa vie privée consistant à s'informer de sa maladie auprès de son chirurgien, le docteur [Y], dans une attestation délivrée le 16 juillet 2014 à Madame [Z]-[M], confirme que celle-ci l'a interrogé uniquement sur les dates de l'arrêt de travail de Madame [S], qu'elle ne lui avait posé aucune question sur l'état de santé de cette dernière et ne l'avait pas menacé de déposer plainte auprès de l'Ordre des médecins pour avoir établi des certificats médicaux de complaisance, contrairement à ce que soutient Madame [S] (page 4 et 24 de ses conclusions). Le grief n'est donc pas établi.
Sur la réticence dans la communication des éléments à l'assurance maladie
Madame [S] reproche à l'employeur d'avoir retardé son indemnisation par la caisse d'assurance maladie en ne fournissant pas l'attestation de salaire nécessaire au calcul de ses prestations de sécurité sociale, et ce malgré plusieurs relances.
Aucune négligence imputable à l'employeur n'est établie dès lors qu'il résulte des pièces produites que la caisse primaire d'assurance maladie s'est adressée à Madame [S] pour obtenir l'attestation de salaire, par courrier du 28 mars 2013 et une relance le 2 mai 2013.
A cette date, Madame [Z]-[M] établit (sa pièce 30-3) qu'elle avait envoyé l'attestation de salaire à la CPAM qui en a accusé réception le 4 avril 2013.
Madame [S] n'établit pas qu'elle a subi un retard dans le versement des indemnités journalières de sécurité sociale.
Enfin, les démarches auprès de la caisse de prévoyance ont été faites dès le 14 mars 2013 ( pièce 30-4 de l'intimée), de sorte que le retard de versement des prestations au mois de juin 2013 n'est manifestement pas imputable à l'employeur. Le grief n'est pas établi.
Sur la mise à l'écart et la modification des horaires de travail
Madame [S] reproche à Madame [Z]-[M] d'avoir vidé son contrat de travail de toute substance en ne lui confiant plus d'heures de conduite à son retour de congé maladie et en la cantonnant à l'enseignement du code au sous-sol de l'auto-école et d'avoir modifié ses horaires de travail en lui imposant de rester tard le soir, contrainte qu'elle savait incompatible avec ses obligations familiales.
Madame [Z]-[M] confirme que Madame [S] n'a plus assuré d'heures de conduite à son retour d'arrêt maladie mais justifie le changement de poste à l'enseignement du code par la restriction du médecin du travail dans son avis d'aptitude portant sur le port de charges lourdes, interdisant en particulier le changement de roue.
Madame [S] considère que cette restriction pouvait être respectée en lui adjoignant l'autre moniteur en cas de problème ou en mettant à sa disposition une bombe anti-crevaison et ne pouvait justifier une modification de ses attributions.
La restriction médicale ne justifiait pas en effet que Madame [S] soit privée de toute heure de conduite et cantonnée à l'enseignement du code, alors que le médecin du travail l'avait déclarée apte à la reprise de son poste d'enseignante de conduite.
De même, si le changement d'horaire relève normalement du pouvoir de direction de l'employeur, dans le cas présent, force est de constater que Madame [Z]-[M] connaissait les contraintes familiales de Madame [S] pour lui avoir délivré dans le cadre de sa procédure de divorce une attestation concernant l'aménagement de ses horaires de travail lui permettant d'accueillir ses enfants et qu'elle ne pouvait de bonne foi lui imposer une modification de ses horaires l'obligeant à rester tous les soirs de la semaine jusqu'à 19 ou 20 heures.
Par ailleurs, elle n'établit pas que ces modifications de poste et d'horaires étaient nécessaires pour l'organisation de l'activité de l'auto-école.
Cette modification des conditions de travail imposées par l'employeur a eu des répercussions sur l'état de santé de Madame [S], déjà affaiblie sur le plan psychologique par la maladie dont elle venait de se remettre, ainsi que le démontre son arrêt de travail du 20 septembre 2014 pour état anxio dépressif réactionnel et l'avis d'inaptitude. Le grief est donc établi.
Sur la retenue de salaire du mois d'août 2014
Madame [S] fait valoir que l'employeur a procédé à une retenue injustifiée sur son salaire de 775,81 euros dont elle demande le paiement, pour une absence qualifiée à tort d'injustifiée du 20 au 28 août 2014 alors qu'elle était en congé autorisé.
Madame [Z]-[M] soutient qu'il s'agissait bien d'une absence injustifiée.
Il résulte d'un courrier recommandé du 7 mai 2014 de Madame [Z]-[M] ( pièce 49 de l'appelante) que celle-ci avait autorisé les congés de Madame [S] du 1er u 28 août 2014, dont 15 jours au titre d'un report de congés de 2012/2013 dont Madame [S] n'avait pu bénéficier en raison de son arrêt maladie, ainsi que Madame [Z]-[M] le lui a confirmé par courrier du 27 mai 2014. La fiche de paie de Madame [S] confirme qu'elle avait acquis au titre de l'année en cours 7,50 jours de congés payés.
Par conséquent, c'est à tort que l'employeur a considéré que Madame [S] était en absence injustifiée du 20 au 28 août 2014, ayant expressément accordé ces congés à la salariée qui disposait du crédit de congés payés suffisant.
Il y a lieu par conséquent de condamner Madame [Z]-[M] au remboursement de la somme de 775,81 euros outre celle de 77,58 euros au titre des congés payés afférents. Le grief est caractérisé.
***
Il résulte de ce qui précède que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [S] est justifié par des manquements suffisamment graves de l'employeur rendant impossible le maintien du contrat de travail à savoir: le non-paiement d'heures supplémentaires malgré plusieurs demandes de la salariée, l'absence de déclaration des heures supplémentaires, l'attitude injurieuse établie à une reprise, une modification imposée à la salariée de ses conditions de travail qui n'était justifié ni par les nécessités d'organisation de l'auto-école, ni par l'état de santé de Madame [S] et qui n'était pas compatibles avec la vie privée de cette dernière, ce que l'employeur n'ignorait pas, outre une retenue de salaire injustifiée.
Il y a donc lieu de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de Madame [Z]-[M] à effet au 17 décembre 2014, date du licenciement. Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé
Madame [S] sollicite en application de l'article L. 8221-5 du code du travail la somme de 14.560 euros pour travail dissimulé pour absence de mention sur les bulletins de paie des heures supplémentaires et pour soustraction aux déclarations relatives aux cotisations sociales dues au titre de ces heures.
Madame [Z]-[M] s'y oppose au motif qu'il n'y a pas eu d'heures supplémentaires.
La cour a retenu que les éléments apportés par Madame [S] permettait d'établir que des heures supplémentaires ont été réalisées. Toutefois, le défaut de mention sur le bulletin de paie des heures supplémentaires ne suffit pas à lui seul à établir le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié, ni les seules déclarations de Madame [S] selon lesquelles ces heures lui étaient payées en espèces, ce que conteste Madame [Z]-[M].
Il y a donc lieu de débouter Madame [S] de sa demande à ce titre et de confirmer le jugement de ce chef.
Sur les conséquences de la résiliation judiciaire
La résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [S] a droit à l'indemnité de préavis ainsi qu'à l'indemnité de licenciement conventionnelle.
L'article 2.12 de la convention collective nationale des services de l'automobile applicable au litige fixe à deux mois le préavis pour un salarié ayant une ancienneté de plus de deux ans.
Il y a donc lieu d'allouer à Madame [S] les sommes qu'elle sollicite soit 4.853 euros à titre d'indemnité de préavis outre 485 € à titre de congés payés y afférents.
L'article 2.13 de la convention collective nationale des services de l'automobile dispose que, sauf en cas de faute grave ou lourde, une indemnité de licenciement est due au salarié ayant au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise, appréciée par années et mois complets pour le calcul de cette indemnité de licenciement. L'indemnité de licenciement est, à partir d'un an d'ancienneté, égale à 2/10e de mois par année, à compter de la date d'entrée dans l'entreprise.
Justifiant à l'issue du préavis d'une ancienneté de 4 ans et 5 mois, Madame [S] a droit à une indemnité de licenciement de 2.190,18 euros calculée comme suit :
- 2.479,45 x (1/5) x 4 ans = 1.983,56 euros
- 2.479,45 x (1/5) /12 x 5 mois = 206,62 euros.
Madame [S] ayant perçu à ce titre la somme de 1.575,80 euros limite sa demande au solde dû de 614,38 euros. Il convient de faire droit à sa demande.
Le jugement est donc infirmé sur ces chefs de demande.
Madame [S] sollicite la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Madame [Z]-[M] s'y oppose.
Madame [S] était âgée au jour de son licenciement de 50 ans et avait une ancienneté de 4 ans et 5 mois au sein d'une entreprise de moins de onze salariés.
Au vu des circonstances de la rupture et du préjudice de Madame [S] tel qu'il résulte des pièces produites, la cour estime la juste réparation du préjudice résultant de la perte injustifiée d'emploi à la somme de 15.000 euros en application de l'article L. 1235-5 du code du travail.
Sur les demandes de dommages-intérêts pour préjudice moral
Madame [S] sollicite la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'attitude injurieuse et humiliante de Madame [Z]-[M] qui a divulgué des éléments de sa vie privée et de sa maladie et qui, bien que connaissant sa situation personnelle, s'est néanmoins employée à la priver d'emploi.
Les propos désobligeants tenus par Madame [Z]-[M] à Madame [N] au sujet de Madame [S], sa mise à l'écart délibérée ont causé à Madame [S] un préjudice qui sera réparé par la somme de 500 euros.
Madame [Z]-[M] sollicite à titre reconventionnel la somme de 3.000 euros pour recours abusif sur le fondement des articles 1240 du code civil et 559 du code de procédure civile et à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice moral, financier et de réputation subi en raison du comportement de Madame [S] qui l'a menacée de ruiner sa société, a agressé verbalement les autres salariés, a multiplié les absences injustifiées à son retour en 2014, ne s'est pas acquittée convenablement des enseignements dont elle avait la charge, a méconnu la plus élémentaire courtoisie en refusant tout dialogue et a faussement déclaré un accident du travail non pris en charge par la l'assurance maladie.
D'une part, le recours de Madame [S] qui obtient gain de cause en appel n'est pas abusif.
D'autre part, Madame [Z]-[M] ne justifie d'aucun préjudice personnel, moral ou financier, résultant de deux absences injustifiées de Madame [S] en mai et juin 2014, n de l'agressivité dont celle-ci a pu faire preuve à l'égard de deux salariés qui en attestent.
Aucun élément concernant la défaillance de Madame [S] dans ses enseignements n'est produit et aucune intention délibérée de nuire à la réputation de l'employeur n'est établie.
La demande de Madame [Z]-[M] est donc rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'issue du litige conduit à infirmer le jugement qui a laissé les dépens à la charge de Madame [S] et de condamner Madame [Z]-[M] aux dépens de première instance.
Succombant à l'instance, Madame [Z]-[M] est condamnée au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Dit n'y avoir lieu de rejeter les conclusions de Madame [S] notifiées par RPVA le 30 novembre 2017,
Ecarte des débats la pièce 61 produite par Madame [S] (attestation du docteur [B] en date du 3 décembre 2016) communiquée tardivement,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Madame [S] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de Madame [Z]-[M],
Condamne Madame [Z]-[M] à payer à Madame [S] les sommes suivantes :
- 1.188 euros au titre des heures supplémentaires outre 118,80 euros au titre des congés payés afférents,
- 775,81 euros au titre de la retenue de salaire d'août 2014 et 77,58 euros au titre des congés payés afférents,
- 4.853,44 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 485,30 euros au titre des congés payés afférents,
- 614,38 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 15.000 euros pour licenciement abusif,
- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
Déboute Madame [Z]-[M] de sa demande de dommages-intérêts,
Condamne Madame [Z]-[M] à payer à Madame [S] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [Z]-[M] aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT