Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 16 MAI 2018
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/14981
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2016 -Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 13/17064
APPELANTE
Madame [N] [K]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]
Représentée par Me Charles ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E2130, ayant pour avocat plaidant Me Paul-André CHARLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2138
INTIMÉE
SARL PLAY BAC PRESSE
[Adresse 3]
[Adresse 4]
RCS Paris n° 398 872 846
Représentée par Me Michèle DURAND, avocat au barreau de PARIS, toque : A0501
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre
Mme Isabelle MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère
Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente Placée, rédactrice
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Martine JOANTAUZY
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, président et par Mme Martine JOANTAUZY, greffier présente lors du prononcé.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Après une première période d'emploi en contrat de travail à durée déterminée datant de 1998, Mme [N] [K] a été engagée par la SARL Play bac presse suivant contrat de travail à durée déterminée ayant pris effet le 10 septembre 2009 et devant s'achever le 30 juin 2010, en qualité de rédactrice confirmée.
Par avenant du 29 juin 2010, la fin de ce contrat a été reportée au 13 juillet 2010.
Mme [K] a été ensuite engagée une nouvelle fois par la société Play bac presse suivant contrat de travail à durée déterminée ayant pris effet le 16 août 2010 et devant s'achever le 2 mars 2011, en qualité de rédactrice en chef adjointe confirmée.
À compter du 3 mars 2011, la relation s'est poursuivie en contrat de travail à durée indéterminée.
Mme [K] a été en arrêt de travail à compter du 29 avril 2013.
À l'issue de la seconde visite de reprise, qui a eu lieu le 17 juin 2013, le médecin du travail a déclaré Mme [K] inapte à son poste et indiqué qu'elle serait 'apte au même poste avec plus de moyens, par exemple embaucher un rédacteur pour la seconder'.
Par lettre du 12 juillet 2013, Mme [K] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
L'entreprise, qui employait habituellement au moins onze salariés lors de la rupture de la relation contractuelle, applique la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987.
Contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de l'intégralité de ses droits, Mme [K] a saisi, le 27 novembre 2013, le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement rendu le 4 novembre 2016, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
- requalifié le contrat de travail à durée déterminée en date du 10 septembre 2009 en contrat de travail à durée indéterminée,
- condamné la société Play bac presse à payer à Mme [K] les sommes de 2 220,03 euros à titre d'indemnité de requalification et 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que les condamnations étaient assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la société Play bac presse à remettre à Mme [K] des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés conformément au jugement,
- ordonné l'exécution provisoire,
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 3 710,85 euros,
- débouté Mme [K] du surplus de ses demandes,
- et condamné la société Play bac presse aux dépens.
Le 23 novembre 2016, Mme [K] a interjeté appel du jugement.
Par conclusions transmises le 23 janvier 2018 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [K] demande à la cour de :
- déclarer l'intimée irrecevable et mal fondée en son appel incident,
- requalifier le contrat de travail à durée déterminée conclu le 10 septembre 2009 en contrat de travail à durée indéterminée,
- dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Play bac presse à lui payer les sommes suivantes :
* 3 710,05 euros à titre d'indemnité de requalification,
* 12 964,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 296,47 euros au titre des congés payés afférents,
* 103 717,92 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
* 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi rectifiée, d'un certificat de travail du 10 octobre 2009 au 12 octobre 2013, des bulletins de paie incluant sa période de préavis, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document, quinze jours après la notification de la décision à intervenir,
- condamner la société Play bac presse aux dépens,
- et ordonner les intérêts légaux.
Par conclusions transmises le 27 septembre 2017 par voie électronique, auxquelles il est expressément fait référence, la société Play bac presse sollicite :
- l'infirmation de jugement en sa requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu le 10 septembre 2009,
- la constatation de la prescription de l'action en requalification,
- le rejet de la demande de rappel de salaire,
- la confirmation du jugement en son rejet des demandes liées au licenciement et à la violation de son obligation de sécurité,
- la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.
La clôture de l'instruction est intervenue le 31 janvier 2018 et l'affaire a été plaidée le 13 mars 2018.
MOTIFS
Sur la requalification du contrat de travail conclu le 10 septembre 2009 en contrat de travail à durée indéterminée
Le délai de prescription de l'action indemnitaire liée à la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée était, lors de la saisine, le 27 novembre 2013, du conseil de prud'hommes par l'appelante, celui prévu par l'article L. 1471-1 du code du travail pour les actions portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail, soit deux ans, comme le soutient à juste titre l'intimée.
Ce délai, qui a commencé à courir à compter du 17 juin 2013, alors que le précédent délai, de cinq ans, était toujours en cours, que le jour où Mme [K] a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit soit fixé au 13 juillet 2010, terme du contrat de travail conclu le 10 septembre 2009 en tenant compte du report convenu par avenant en date du 29 juin 2010, ou au 10 septembre 2009, date à laquelle le contrat de travail à durée déterminée a pris effet, n'était pas expiré lorsque l'appelante a introduit son action le 27 novembre 2013.
Il s'en déduit que l'action indemnitaire liée à la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée n'est pas prescrite.
La fin de non-recevoir invoquée par l'intimée, qui n'avait pas été soumise aux premiers juges, est, en conséquence, rejetée.
Selon l'article L. 1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance, notamment, des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail.
Aux termes de l'article L. 1242-1 du même code, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
L'article L. 1242-2 du même code énonce que, sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
1° Remplacement d'un salarié en cas :
a) D'absence ;
b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;
c) De suspension de son contrat de travail ;
d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe ;
e) D'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;
2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;
3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;
4° Remplacement d'un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d'une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l'activité de l'entreprise à titre professionnel et habituel ou d'un associé non salarié d'une société civile professionnelle, d'une société civile de moyens ou d'une société d'exercice libéral ;
5° Remplacement du chef d'une exploitation agricole ou d'une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 du code rural, d'un aide familial, d'un associé d'exploitation, ou de leur conjoint mentionné à l'article L. 722-10 du même code dès lors qu'il participe effectivement à l'activité de l'exploitation agricole ou de l'entreprise.
En cas de litige sur le motif de recours au contrat de travail à durée déterminée, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.
En l'espèce, comme l'ont constaté les premiers juges, le contrat de travail à durée déterminée conclu le 10 septembre 2009 ne mentionne aucun cas de recours au contrat de travail à durée déterminée conformément à l'article L. 1242-2 susvisé.
L'intimée, qui conclut, en cause d'appel, que si l'action de l'appelante est déclarée recevable, la cour 'ne pourrait que confirmer le montant de la condamnation en ce qu'il correspond au montant de la demande formulée par Madame [K] en première instance', n'invoque l'existence d'aucun motif de recours au contrat de travail à durée déterminée.
Le contrat de travail à durée déterminée conclu le 10 septembre 2009 est donc requalifié en contrat de travail à durée indéterminée et le jugement déféré est confirmé sur ce point.
L'article L. 1245-2 du code du travail dispose que lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
Ce mois de salaire s'entend du dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction.
En l'espèce, le dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction, que ce soit en avril 2013, dernier mois travaillé par la salariée, ou en juin 2013, dernier mois complet précédant la rupture, est supérieur à la moyenne des trois derniers mois de salaire, fixé par les premiers juges à la somme de 3 710,85 euros, qui est réclamée par l'appelante.
La cour statuant dans la limite des prétentions émises octroie à Mme [K] la somme de 3 710,85 euros à titre d'indemnité de requalification, le jugement entrepris étant infirmé uniquement sur le quantum de la condamnation prononcée.
Sur l'obligation de sécurité
L'article L. 4121-1 du code du travail prévoit que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
En application de ce texte, l'employeur est tenu, vis-à-vis de son personnel, d'une obligation de sécurité en vertu de laquelle il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale et physique de chaque salarié.
En cas de litige, il incombe à l'employeur de justifier avoir pris des mesures suffisantes pour s'acquitter de cette obligation.
En l'espèce, Mme [K] n'a pas fait l'objet de la visite médicale d'embauche ni de la visite médicale périodique prévues par les articles R. 4624-10 et R. 4624-16 du code du travail, ce qui n'est pas discuté par l'intimée.
Elle établit qu'à plusieurs reprises elle a alerté l'employeur sur ses conditions de travail :
- entre octobre et décembre 2009, en réclamant une journée de travail supplémentaire pour une autre salariée de son équipe, sollicitée également par l'intéressée, et en évoquant un état de fatigue important,
- en septembre 2011, lorsqu'ils ont évoqué ensemble le recrutement et la charge de travail d'une nouvelle salariée à mi-temps, en faisant part de son agacement,
- en septembre 2012, lorsque des difficultés relationnelles ont été signalées à l'employeur entre Mme [K] et la salariée recrutée à mi-temps,
- en janvier 2013, lorsqu'elle a fait part à l'employeur de l'organisation idéale de son équipe, en évoquant son rythme très soutenu de travail.
Elle verse en outre au débat un échange de courriels datant de décembre 2012 au cours duquel elle fait état auprès de son employeur d'un arrêt de travail de trois jours, qu'elle n'a pas produit, et de son projet de travail à domicile pendant cet arrêt, auquel l'employeur a répondu en lui demandant de l'appeler le lendemain pour faire le point et si elle avait une 'une' de réserve, sans lui interdire de travailler pendant son arrêt.
Enfin, le médecin du travail a examiné la situation de Mme [K] après l'arrêt de travail prescrit à cette dernière le 29 avril 2013 et conclu :
- au cours de la première visite de reprise, le 3 juin 2013, que la salariée ne pouvait reprendre son poste tel qu'il était défini 'actuellement', qu'une inaptitude définitive au poste était à envisager,
- au cours de la seconde reprise, le 17 juin 2013, que la salariée était inapte définitivement à son poste tel qu'il était défini 'actuellement', que la salariée serait apte au même poste avec plus de moyens, par exemple l'embauche d'un rédacteur pour la seconder,
- au cours du processus de recherche de reclassement, le 18 juin 2013, que la salariée était dans un état d'épuisement professionnel et se trouvait dans une situation de danger grave et imminent pour sa santé, qu'un reclassement pouvait être envisagé dans le sens d'un travail secondé efficacement.
Sur les réclamations de la salariée en 2009, l'employeur a refusé d'apporter à Mme [K] l'aide qu'elle sollicitait au motif que le budget ne le permettait pas. Il lui a donné des conseils sur l'organisation de son temps de travail et lui a proposé de lui faciliter la tâche, notamment en lui fournissant des contacts et des idées de sujets. Il n'a à aucun moment contesté les difficultés rencontrées par la salariée. Il ne les a pas davantage contestées après les alertes postérieures, en 2011, 2012 et 2013.
Mme [K] reconnaît, dans ses écritures, que l'employeur a tenté d'apporter des remèdes :
- en affectant, en juin 2010, la secrétaire de rédaction partiellement à la rédaction,
- en confiant, en janvier 2011, l'interview de la dernière page à sa compagne,
- en lançant, en mars 2011, un processus de recrutement d'une nouvelle rédactrice à mi-temps, qui a commencé à travailler en juin 2011.
Elle souligne, cependant, que la première mesure a réduit de moitié le temps consacré par la salariée envoyée en renfort sur la rédaction à ses tâches de secrétariat de rédaction, sans la décharger, elle, de ses tâches de présélection des sujets et de veille d'actualité sur la rédaction ainsi confiée, que la deuxième mesure a vu arriver dans son équipe une salariée qui n'était pas journaliste et que la troisième mesure a eu pour effet de lui attribuer, à elle, les tâches de secrétariat de rédaction et qu'elle n'a été que provisoire puisque la salariée nouvellement recrutée a été en arrêt de travail durable à compter du 23 septembre 2012.
L'intimée évoque l'absence de contestation d'autres salariés sur les conditions de travail, ce qui est contredit par le courriel de Mme [C] [L] en date du 15 octobre 2009, au terme duquel celle-ci soutient la demande de Mme [K] d'obtenir une journée de travail supplémentaire en renfort en soulignant qu'à défaut, ce serait la pression permanente.
Elle fournit, par ailleurs, des indications sur le rythme de travail de ses salariés pour d'autres journaux, sans communiquer de pièce permettant de procéder à une comparaison objective, notamment sur la pertinence de cette comparaison, qui est discutée par l'appelante.
Elle soutient que la salariée a changé d'organisation de travail courant 2011 pour revenir à l'organisation initiale fin 2012, ce qui est contesté par l'appelante, étant observé qu'elle ne justifie d'aucune mesure prise après cette date alors que la salariée recrutée en juin 2011 était en arrêt de travail durable depuis septembre 2012 et qu'elle n'a pas été remplacée.
Elle invoque également le fait que le successeur de l'appelante a bénéficié d'un nombre de jours réduit pour la fabrication du journal, mais son estimation, contestée par la salariée, n'est corroborée par aucune pièce objective, étant observé, surabondamment, qu'il ressort de sa liste comparative que la salariée nouvellement recrutée n'assurait pas les fonctions de secrétaire de rédaction que devait exercer Mme [K] et que cette dernière a dû, à tout le moins à compter du 23 septembre 2012, pallier l'absence de sa rédactrice pour qui 2,5 jours de travail étaient comptabilisés.
Enfin, elle fait valoir que des activités de détente sont proposées aux salariés de la société pendant la semaine de travail, mais elle ne démontre pas, d'une part, que Mme [K] avait le temps d'en profiter, d'autre part, que cette dernière y a eu recours de manière effective.
Bien que Mme [K] ait vanté les qualités de l'employeur avant son embauche et qu'elle n'ait justifié d'une dégradation de son état de santé qu'en avril 2013, la cour considère, au vu de l'ensemble des éléments ainsi recueillis, que la société Play bac presse a manqué à ses obligations de sécurité, qu'elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du caractère suffisant des mesures ponctuelles qu'elle a prises pour améliorer la situation de la salariée et que les manquements ainsi commis sont à l'origine de l'inaptitude de la salariée.
Il est alloué, en conséquence, à Mme [K] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui est résulté pour elle de ces manquements.
Le jugement déféré est infirmé en son rejet de ce chef de demande.
Sur la rupture du contrat de travail
L'imputabilité de l'inaptitude médicalement constatée de Mme [K] aux manquements de l'employeur à son obligation de sécurité prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, ce, sans qu'il soit besoin d'examiner le respect, par ce dernier, de son obligation de reclassement, étant retenu que l'appelante a placé ses moyens relatifs à l'obligation de sécurité dans le paragraphe relatif à sa contestation de la rupture du contrat de travail, même si elle n'en pas expressément tiré les conséquences juridiques.
Selon l'article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, ou si l'inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.
L'employeur est, en application de ce texte, tenu au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis lorsque l'inexécution du préavis par le salarié lui est imputable.
En l'espèce, l'inaptitude de Mme [K] ayant été jugée imputable à l'employeur, la salariée a droit à une indemnité compensatrice de préavis.
En application de l'article L. 1234-1 du code du travail, le préavis est égal à deux mois lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave et que le salarié justifie d'une ancienneté de services continus chez le même employeur d'au moins deux ans.
La convention collective applicable ne prévoit pas de disposition plus favorable et l'appelante ne fonde pas en droit sa prétention à un préavis de trois mois du fait de son statut de cadre.
Compte tenu du salaire mensuel brut précédemment évoqué et de l'ancienneté de la salariée, soit 3 ans et 10 mois, la cour octroie à Mme [K] les sommes de 7 421,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 742,17 euros au titre des congés payés afférents,
Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, de l'ancienneté de la salariée, du salaire qui lui a été versé au cours des six derniers mois ayant précédé la rupture, soit 27 458,69 euros, de son année de naissance, soit 1967, des circonstances de la rupture et des conséquences qu'elle a eues à son égard, aucune pièce n'ayant été communiquée sur sa situation postérieure, la cour alloue à Mme [K] la somme de 28 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris est infirmé en son rejet de ces chefs de demandes.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner à l'employeur fautif le remboursement au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [K] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de trois mois des indemnités versées.
Sur les autres demandes
La cour ordonne à la société Play bac presse de remettre à Mme [K] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif, ventilant les sommes allouées par poste, conformes au présent arrêt, les deux derniers documents incluant la période de préavis de deux mois, cette remise devant avoir lieu dans les deux mois suivant la notification de l'arrêt, sans astreinte, dont la nécessité n'a pas été justifiée.
Il est rappelé que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2013, date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, s'agissant d'une demande de requalification qui n'a fait l'objet d'aucune conciliation préalable, et que les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
La société Play bac presse succombant principalement à l'instance, il est justifié de la condamner aux dépens d'appel et à payer à Mme [K], en cause d'appel, la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de lui laisser la charge.
La demande qu'elle a présentée de ce dernier chef est, en conséquence, rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action indemnitaire liée à la requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu le 10 septembre 2009 en contrat de travail à durée indéterminée ;
Confirme le jugement déféré uniquement en sa requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu le 10 septembre 2009 en contrat de travail à durée indéterminée et en ses condamnations au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SARL Play bac presse à payer à Mme [K] les sommes suivantes :
- 3 710,85 euros bruts à titre d'indemnité de requalification,
- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- 7 421,70 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 742,17 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 28 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Dit que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2013 et que les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Ordonne à la société Play bac presse de remettre à Mme [K] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif, ventilant les sommes allouées par poste, conformes au présent arrêt, les deux derniers documents incluant la période de préavis de deux mois, cette remise devant avoir lieu dans les deux mois suivant la notification de l'arrêt ;
Ordonne à la SARL Play bac presse le remboursement au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [K] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de trois mois des indemnités versées ;
Ajoutant,
Condamne la SARL Play bac presse à payer à Mme [K] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Play bac presse aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE