RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 16 Mai 2018
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/07727
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/03987
APPELANT
Me [B] [J] (SCP BTSG) - Mandataire liquidateur de SAS DELTA TECH
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Marie-Caroline MARTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0397
INTIMÉ
Monsieur [F] [E]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Mandine BLONDIN de la SELARL FIDU-JURIS, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 689
PARTIE INTERVENANTE :
AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Mathilde BOBILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : T10
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère faisant fonction de Président, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère faisant fonction de président
Mme Aline DELIÈRE, Conseillère
Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente placée
Greffier : Mme Martine JOANTAUZY, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Mme Aline DELIÈRE, conseillère, pour la conseillère faisant fonction de président et par Madame Martine JOANTAUZY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [F] [E] a été embauché par la SAS DELTA TECH par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à effet au 6 juin 2006 en qualité de développeur, statut non cadre, position 2-1 coefficient 115 de la convention collective des éditions de logiciels.
Il a été convoqué par lettre du 20 février 2012 à un entretien préalable à son licenciement fixé le 2 mars 2012, et a été licencié pour faute lourde par courrier recommandé du 10 mars 2012.
Contestant le bien fondé de son licenciement Monsieur [F] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 9 juillet 2015, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties :
' a dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
' a condamné la SAS DELTA TECH à lui payer les sommes suivantes :
*20 500 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
*100 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,
*10 173 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
*1 017,30 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents,
*6 782 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
*1 899 56 euros de rappel de salaire sur mise à pied,
*189,05 euro d'indemnité de congés payés afférents,
*135,04 euros de salaire pour la journée du 21 février 2012,
*13,50 euros d'indemnité de congés payés afférents,
' a condamné la société à lui payer des intérêts sur ces sommes du jour de la convocation devant le bureau de conciliation pour les condamnations de nature salariale, et du jour du jugement pour les condamnations de nature indemnitaire,
' a condamné la société à lui payer les intérêts ayant couru sur une année sur les intérêts,
' a condamné la SAS DELTA TECH à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' a condamné la SAS DELTA TECH à rembourser à pôle emploi les indemnités versées dans la limite d'un mois,
' a ordonné à la SAS DELTA TECH à lui remettre un certificat de travail, une attestation pôle emploi en conformité avec les condamnations,
' a débouté les parties du surplus de leurs demandes,
' a condamné la SAS DELTA TECH au paiement des dépens.
La SAS DELTA TECH a régulièrement interjeté appel du jugement le 27 juillet 2015.
La liquidation judiciaire de la SAS DELTA TECH a été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 octobre 2015 qui a désigné la SCP BTSG en la personne de Maître [J] [B], mandataire judiciaire liquidateur.
Un plan de cession été prononcée par jugement du 6 janvier 2016 qui a maintenu le mandataire judiciaire liquidateur dans ses fonctions
L'instance s'inscrit dans le cadre des dispositions de l'article L625 '3 du code de commerce, l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA d'île de France intervenante forcée à la procédure.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 5 mars 2018 au cours de laquelle les parties ont déposé leurs conclusions régulièrement visées par le greffier.
Maître [B] ès-qualité de mandataire liquidateur de la SAS DELTA TECH demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de débouter Monsieur [F] [E] de l'ensemble de ses demandes et de faire droit à ses prétentions visant à voir :
' condamner Monsieur [F] [E] à rembourser la somme perçue à titre d'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 10 173 euros outre 1 017, 30 euros de congés payés et, en cas de confirmation de la décision, de réduire la somme due à hauteur de 9 567 24 euros et de condamner le salarié à rembourser à la société BTSG le trop-perçu de 611, 76 euros outre 60,18 euros de congés payés trop-perçu.
- condamner Monsieur [F] [E] à lui rembourser la somme perçue à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied de 1 888,56 euros de congés payés afférents,
' condamner Monsieur [F] [E] à payer à la SCP BTSG la somme de 10 000 euros au titre de comportement fautif et déloyal ayant causé un préjudice à la SAS DELTA TECH,
' condamner Monsieur [F] [E] à payer à la SCP BTSG la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamner Monsieur [F] [E] aux entiers dépens.
En réponse, Monsieur [F] [E] demande à la cour de confirmer le jugement, de rejeter la demande reconventionnelle formulée par la SCP BTSG devant la cour, de condamner la SCP BTSG à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner au paiement des dépens.
L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA d'île de France Ouest demande à la cour de lui donner acte du fait qu'elle s'associe aux explications et à l'argumentation des organes de la procédure collective s'agissant des conditions de la rupture du contrat de travail, de constater que le licenciement pour faute grave est fondé et de débouter Monsieur [F] [E] de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire de condamner Monsieur [F] [E] à rembourser à la société BTSG, à charge pour elle de les reverser à l'AGS, les sommes de 611,76 euros, de 66,18 euros et de 769,04 euros.
Elle demande par ailleurs à la cour, en tout état de cause sur sa garantie, de dire que s'il y a fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale et des plafonds, toutes créances avancées pour le compte du salarié, définies à l'article D3253 '5 du code du travail, et qu'elle ne peut concerner que les sommes dues en exécution du contrat de travail et exclue donc les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile, et enfin de statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge.
MOTIFS
Sur le licenciement
Monsieur [F] [E] a été licencié pour faute lourde, par lettre du 10 mars 2012 qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L 1232 ' 6 du code du travail et qui contient des motifs développés par l'employeur autour de sa participation à un collectif de salariés cherchant à nuire à la société, et par là-même à nuire à son président, Monsieur [U] [Z], en violation avec son obligation de loyauté.
En application des articles L1232'1 et L 1235-1 du code du travail, l'administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l'entreprise et justifier le licenciement du salarié, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles mais si un doute persiste, il profite au salarié.
En revanche la charge de la preuve de la qualification de faute lourde des faits reprochés qui est celle correspondant à un fait ou un ensemble de faits démontrant une intention de nuire pèse sur l'employeur.
Sur le fondement des articles L 1232 '1 et L 1235 ' 3 du code du travail, la cour, à qui il appartient de qualifier les faits invoqués et qui constate l'absence de faute lourde doit vérifier, si ils ne sont pas, tout au moins, constitutifs d'une faute grave ou d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.
En l'espèce la société DELTA TECH développe dans sa lettre de licenciement qu'elle reproche à Monsieur [F] [E], qui exerçait en dernier lieu les fonctions de développeur, statut cadre, chargé du développement de la gamme de logiciels WINFLOTTE sous la supervision de Monsieur [H] [A] , chef de projet, d'avoir participé à un complot collectif visant à l'évincer et explique:
-que du 9 au 16 février 2012 Monsieur [F] [E] s'est absenté de la société, en même temps que 7 autres salariés sur la dizaine que comptait l'entreprise, et notamment en même temps que tout le personnel technique, en laissant la plupart des postes clés de la société inoccupée et l'entreprise dans une situation extrêmement délicate, paralysée dans son activité, incapable de répondre aux besoins et problèmes techniques des clients et en contraignant la société à faire appel à des ressources externes pour que l'activité ne s'arrête pas,
' qu'il a été sollicité de diverses manières pour donner des informations nécessaires, voire vitales, pour la continuité de l'exploitation ainsi que d'autres de ses collègues dans la même situation, et qu'il a répondu ne pas vouloir répondre à ces demandes,
' qu'après avoir interrogé les salariés restés à travailler d'entreprise, Monsieur [Z] a appris les man'uvres mises en place pour saboter l'activité de la société dont des réunions organisées au sein de la société, à son insu, entre tous les salariés absents pour coordonner leur absence par des arrêts maladie et pour comploter, sur son éviction au profit de Monsieur [H] [A], ou sur le rachat de la société ou de sa clientèle à vil prix,
- qu'il a alors pris immédiatement des dispositions pour reprendre la main sur la maîtrise du logiciel WINFLOTTE, vital pour l'activité de la société en mandatant une société de sécurité informatique pour empêcher toute intrusion dans le système informatique de la société de l'équipe technique qui bénéficiait d'accès à distance et qui s'y connectait,
' que notamment le 16 février 2012, lendemain d'un ultimatum qui avait été fixé par Monsieur [A] pour être fait droit ses prétentions, Monsieur [F] [E] en arrêt maladie, s'est connecté à distance dès 8 heures du matin, au système de la société, avec d'autres personnes de l'équipe technique ce dont la société de sécurité informatique s'est rendue compte avant de décider de débrancher physiquement les accès au système informatique du siège de la société pour tenter d'éviter la suppression et/ou l'exportation des données,
' que la société intervenante a constaté l'absence des codes sources des logiciels sur son ordinateur et sur les ordinateurs du chef de projet et des autres développeurs,
' que le lendemain, vendredi 17 février 2012, Monsieur [F] [E] est apparu tardivement à son poste de travail sans pouvoir s'y connecter du fait de l'intervention de la société de sécurité informatique et a dit devant témoins qu'il ne donnerait pas un mois à la société étant donné que plus personne n'y travaillait,
' qu'alors qu'il lui était clairement indiqué les implications qui pouvaient résulter de son comportement, et alors qu'il était passif et regardait la société de sécurité informatique effectuer ses man'uvres, il a tout d'un coup apporté son aide, prenant conscience de sa propre responsabilité dans cette affaire,
' que le lundi 20 février 2012 Monsieur [F] [E] a pu se connecter sur son poste de travail et a nécessairement constaté que le répertoire contenant les codes sources, proposait une version vieille de deux ans, alors que la dernière version modifiée datait du 8 février 2012 et étrangement, il n'a pas tenu informer l'employeur de cette disparition des codes sources de son ordinateur, alors même qu'il avait été un témoin privilégié de la sécurisation du système informatique de la société,
' que un peu plus tard dans la matinée du 20 février 2012 Monsieur [Z] lui a demandé de lui fournir les codes sources des logiciels WINFLOTTE mais qu'il n'a été en mesure de le faire que le lendemain, en lui remettant un CD ROM gravé du 21 février 2012,
' qu'il a avoué pendant l'entretien préalable qu'il ne souhaitait plus travailler avec Monsieur [Z], ni au sein de la société et avait demandé à récupérer ses affaires personnelles puis a adressé une demande rupture conventionnelle en espérant ainsi échapper à une sanction qu'il considérait donc évidente au vu des faits reprochés.
Monsieur [F] [E] explique qu'il a été victime d'un amalgame avec la situation de ses collègues alors :
' qu'il n'a été arrêté qu'une semaine, en raison d'une angine, du 9 au 16 février 2012 et que le fait d'être arrêté pour maladie ne saurait constituer une faute, quand bien même d'autres salariés seraient arrêtés au cours de la même période,
' qu'il est certain par ailleurs que les conditions de travail étaient de nature à altérer la santé physique ou mentale des salariés et expliquer des arrêts de travail en cascade,
- que si l'employeur produit des demandes de renseignements qui ont été adressées aux autres salariés, il ne justifie d'aucune demande particulière qui lui aurait été adressée à titre personnel et à laquelle il n'aurait pas répondu,
' que la lettre de licenciement mentionne des réunions dans le but d'un sabotage alors qu'aucun élément probant dont les mails, attestations établies, copies de SMS ou constats d'huissier produits qui ne mentionnent pas son nom et ne le visent pas, ne démontrent qu'il avait connaissance ou qu'il a participé à une quelconque entreprise de sabotage, menacé Monsieur [Z] ou la survie de la société,
-que s'il s'est effectivement connecté à distance au système informatique de la société le 16 février 2012 à 8 heures du matin, la veille de sa reprise, ce fait ne peut être regardé comme fautif dans la mesure où le télétravail est d'usage au sein de la société ainsi que celle-ci le reconnait dans ses écriture et qu'il traduit sa conscience professionnelle en ce qu'il désirait prendre connaissance de ses mails et de sa charge de travail,
' qui n'a jamais constaté l'absence des codes sources de son ordinateur, n'a pas supprimé ces codes qui étaient présents lorsqu'il a rallumé celui-ci le 20 février 2012, qu'il disposait à cette date des dernières sources disponibles, et non pas de celle de deux ans plus tôt, raison pour laquelle aucune alerte de Monsieur [Z] n'était nécessaire, d'autant que les codes sources sur son ordinateur ne sont qu'une copie des véritables sources sur le serveur qui permettent aux développeurs de travailler simultanément,
' que la demande de gravure du CD a été faite le 21 février 2012 soit après sa convocation à entretien préalable et qu'il y a déféré.
Mais si Monsieur [F] [E] n'a été arrêté qu'une semaine, il importe de constater que cette semaine s'inscrit dans une période particulière qui a couru de janvier à mars 2012.
Ainsi Madame [J] assistante de gestion atteste qu'à la suite d'un retard de paiement dans la paie du mois d'août 2011 un certain nombre de collègues de l'époque,ont ressenti un certain malaise' , ont décidé de saisir la médecine du travail et par une 'décision collective et concertée' de se mettre ensemble en arrêt maladie début 2012, qu'elle 'devait apporter sa contribution' mais n'a pas répondu à cette demande par suite de contrainte personnelle.
Et en effet Monsieur [A] a été en arrêt maladie du 6 janvier 2012 au 9 mars 2012 sans interruption, Madame [U], du 26 janvier 2012 au 16 mars 2012, Monsieur [C] du 1er février 2012 au 21 mars 2012, Monsieur [G] du 8 février au 12 mars 2012 , Monsieur [E] du 8 au février 2012 et Monsieur [N] du 15 février au 14 mars 2012 ce qui à la lecture de l'organisation interne de la société qui plaçait Monsieur [A] au poste de chef de projet, assisté du responsable informatique Monsieur [C] et de deux développeurs, Monsieur [N] et Monsieur [F] [E] outre un technicien de maintenance, Monsieur [G] et une gestionnaire, Madame [U], offraient à ces personnes, ensemble, la maîtrise technique totale du principal logiciel commercialisé par la société, WIN FLOTTE, source et documentation, qui permet de centraliser et consolider dans une base de données unique toutes les informations pour gérer une flotte de véhicule et développé en interne depuis sa première version pour l'adapter au marché.
Et si Monsieur [F] [E] n'a au cours de cette période été arrêté qu'une semaine, celle-ci apparait particulièrement stratégique en ce que elle correspond à la période au cours de laquelle les négociations entre Monsieur [A] et Monsieur [Z], retranscrites par constat d'huissier se sont durcies et entraient dans leur phase finale puisque Monsieur [A] avait posé un ultimatum qui arrivait à échéance le 15 février 2012 pour trouver un accord transactionnel.
Elle apparaît particulièrement utile au succès de la coalition puisque elle est concomitante à l'arrêt maladie du technicien de maintenance Monsieur [G] (à compter du 8 février), qu'elle suit de près celle de son collègue développeur Monsieur [C] ( à compter du 1 er février), et finissait donc de vider l'équipe technique ce qui déstabilisait définitivement cette petite société privée dont le dirigeant démontre d'une part qu'il avait vainement réclamé aux absents, par email puis courriers recommandés, leurs codes d'accès et les éléments permettant de poursuivre l'exploitation du logiciel, les facturations et services aux clients et d'autre part qu'il a dû, à compter du 15 février 2012 au soir dde l'ultimatum, faire appel à des conseils et sociétés extérieurs pour assurer la survie et le fonctionnement des activités.
Ainsi des attestations de Monsieur [T], responsable de la division Entreprise stratégie chez Microsoft intervenu 'afin de conseiller Monsieur [Z] dans un contexte de perte de contrôle de ses outils de production et de coordonner les intervenant et les actions nécessaires au maintien de la production et la sécurisation des données des clients de la société' et de Monsieur [W], ancien chef de développement qui avait travaillé sur les outils de développement et de gestion pour la réalisation des logiciels WINFLOTTE et appelé par l'employeur, il ressort qu'ils ont constaté « ... que les configurations des systèmes de production ne respectaient pas les règles élémentaires en matière de conditions opérationnelles, que ces négligences ont entraîné de grandes difficultés et un investissement important de la part de la société pour la remise en condition opérationnelle des environnements de production .. qu'au-delà de mettre en évidence un manque de professionnalisme grave et dangereux pour la société, ces faits montrent la volonté manifestée des responsables du développement et du maintien en condition opérationnelle, de se rendre indispensables et de garder une main mise sur les systèmes de production et les logiciels de l'entreprise, au mépris des risques pour les clients et pour l'entreprise.. ».
Ainsi Monsieur [F] [E] a été arrêté pendant une semaine stratégique au cours de la période d'action collective menée par ses collègues dont le complot fomenté depuis plusieurs mois et visant à paralyser la société pour mettre à sa tête Monsieur [A] en lieu et place de Monsieur [Z] attesté par Monsieur [S] et Madame [J], a conduit à la reconnaissance de la faute lourde de Messieurs [G], [C] et [A], de Mesdames [U] et [O], qui contestaient le bien fondé de leur licenciement, par des décisions définitives de conseils de prudhommes.
Il ne peut sérieusement soutenir qu'il n'avait pas connaissance de cette action collective fautive, ni même qu'il ne l'a pas cautionnée.
En effet il a été destinataire du mail de 'candidature au remplacement de Monsieur [Z]' de Monsieur [A] adressé aux salariés, sans copie à Monsieur [Z], 'pour avoir leur aval unanime et la légitimité pour intervenir', le 11 octobre 2011, dans lequel les intentions de celui-ci apparaissent clairement, a été destinataire du mail du 25 janvier 2012 de Madame [U] et de Monsieur [A] qui informaient les salariés des avancées de cette action collective et qui mentionne 'la validation obtenue auprès des présents ( et donc de lui) pour l'envoi à Monsieur [Z], avec copie à l'inspecteur du travail, d'un courrier' , a signé une lettre ouverte le 25 janvier 2012 adressée à Monsieur [Z], qui contient des plaintes sur les problèmes rencontrés au travail supposés avoir eu des répercussions importantes sur la santé et préparant donc leurs absences pour maladie déjà en cours pour certains et annoncées pour d'autres.
Et les fonctions de Monsieur [E], le plaçait au c'ur de l'équipe technique qui rassemblait les frondeurs de sorte que l'ampleur du complot liée à l'absence prolongée de ses collègues ne pouvait que l'interpeler et le rendre témoin des grandes difficultés rencontrées par l'employeur pour récupérer auprès de ses collègues absents les codes d'accès aux systèmes ainsi que les procédures permettant de gérer les services externalisés des clients.
En outre si Monsieur [E] développe qu'il est certain que les conditions de travail étaient de nature à altérer la santé physique ou mentale des salariés et expliquer des arrêts de travail en cascade, il n'en justifie pas.
En effet s'il démontre bien que les salariés se sont plaints auprès du médecin du travail qui s'en est fait l'écho dans un courrier du 26 janvier 2012 à l'employeur, de l'existence d'un stress lié au travail, force est de constater, que le dossier ne porte pas un commencement de trace de la consistance et de la réalité de problèmes rencontrés par les salariés qui auraient pû avoir un impact sur leur santé, qu'ils n'ont pas sollicité de visite au près de ce médecin du travail et que le docteur [D] qui a réceptionné 'des courriers individuels de la majorité des salariés relatant leur mal être en rapport avec des dysfonctionnements de gestion dans l'entreprise depuis 4 mois ', ne dénonce aucun fait précis reproché par ceux-ci à l'employeur dont ils auraient été victimes.
Si de même il allègue de 'l'existence d'insuffisances graves et prolongées de trésorerie au cours de l'année 2011 2012 ayant provoqué des retards fréquents dans le paiement des salaires et des plaintes incessantes des fournisseurs impayés auprès des salariés', il n'évoque lui-même dans son courrier du 29 mars 2012 qu'un seul retard de salaire au mois d'août 2011 et que celui-ci a été régularisé rapidement et compensé par le paiement d'une prime ainsi qu'en atteste Madame [J] assistante de gestion de sorte que n'existait aucun problème de trésorerie au moment de la mise en place de la fronde.
Enfin Monsieur [F] [E] arrêté pendant une semaine stratégique au cours de la période d'action collective dont il avait forcément connaissance, s'est de surcroit connecté à distance, sur le logiciel de l'entreprise, le 16 février 2012, pendant son arrêt maladie.
Si le fait de se connecter à distance avant un retour d'arrêt maladie peut effectivement témoigner d'une conscience professionnelle, celle-ci ne peut expliquer que cette connexion se fasse dès 8H 52 du matin, la veille du retour du salarié qui n'évoque pas même l'intérêt professionnel qu'il avait à lire ses mails, exactement en même temps que s'opéraient, à distance les connexion de Monsieur [A] (à partir de 6H32 avec le compte administrateur) et de ses collègues techniciens Messieurs [N] (10H23) et [C] (17H52) et que disparaissaient 44 000 fichiers et les codes sources de l'application WIN FLOTTE ainsi que le constatait Monsieur [L] [H], expert auprès de la cour d'appel de Paris qui décrit les opérations menées en présence d'un huissier de justice le 17 février 2012 pour vérifier les opérations et connexions.
Il peut être rajouté, que Monsieur [T] atteste qu'avec la société ARSEO, il a constaté que pendant que des salariés absents se connectaient à distance aux ordinateurs de la société les codes source de l'application WIN FLOTTE ont disparu et que Monsieur [W], précité atteste qu'en vérifiant le contenu des serveurs et ordinateurs de travail des salariés afin de prendre la main sur le logiciel, il a constaté que les codes source de celui-ci qui permettaient de modifier le logiciel ont été supprimés.
Il précise que, exclue l'hypothèse où aucun salarié n'a travaillé au développement de l'application depuis au moins six mois et que tous ont arrêté ce travail au même instant, sa constatation ne peut s'expliquer que par le fait que une ou plusieurs personnes ont réinstallé sur les serveurs et postes de travail, une version de développement vieille d'au moins six mois ce qui, étant donné la complexité de l'opération, est impossible à réaliser par une personne seule, et suppose la complicité de tous les membres de l'équipe de développements ainsi que de l'admirateur réseau.
Il en résulte que la contribution de Monsieur [F] [E] à l'action collective menée par un ensemble de salariés de l'entreprise pour empêcher la société de répondre aux besoins de sa clientèle et de continuer à fonctionner est démontrée.
Ce comportement fautif présente un caractère de gravité évident, démontre l'intention de Monsieur [F] [E] de soutenir Monsieur [A] qui devait être nommé Directeur général et Madame [O] pressentie au poste de directrice générale adjointe tel qu'évoqué dans le mail du mois d'octobre 2011 précité.
Néanmoins les éléments développés ne démontrent pas mais qu'il avait eu une pleine conscience de nuire aux intérêts de l'entreprise, la lettre de licenciement relevant d'ailleurs que le vendredi 17 février 2012, alors qu'il lui était clairement indiqué les implications qui pouvaient résulter de son comportement, et alors qu'il était passif et regardait la société de sécurité informatique effectuer ses man'uvres, il a tout d'un coup apporté son aide, prenant conscience de sa propre responsabilité dans cette affaire et qu'il a coopéré avec l'équipe de secours.
En conséquence la cour d'appel retient l'absence de démonstration de l'existence d'une faute lourde de Monsieur [F] [E].
En revanche au regard de la gravité des faits dont la matérialité a été développée et démontrée, la faute grave de Monsieur [F] [E] est retenue.
En conséquence le jugement du conseil de prud'hommes est infirmé en ce qu'il dit le licenciement de Monsieur [F] [E] sans cause réelle et sérieuse et lui accorde des indemnités de rupture et rappel de salaire pendant la mise à pied et Monsieur [F] [E] est tenu de rembourser les sommes perçues en exécution provisoire du jugement du conseil de prud'hommes infirmé.
En revanche en l'absence de faute lourde démontrée la société DELTA TECH est déboutée de sa demande en condamnation de Monsieur [F] [E] à lui payer des dommages intérêts en réparation du préjudice en résultant.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il n'est pas inéquitable de condamner Monsieur [F] [E] à payer à la SCP la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner au paiement des entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau et ajoutant:
Dit que le licenciement de Monsieur [F] [E] repose sur une faute grave,
Déboute Monsieur [F] [E] de toutes ses demandes,
Condamne Monsieur [F] [E] à payer à Maître [B] ès-qualité de mandataire liquidateur de la SAS DELTA TECH la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que l'AGS CGEA ne doit pas sa garantie,
Condamne Monsieur [F] [E] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffierLe conseiller
p/ le conseiller faisant fonction de président