La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2018 | FRANCE | N°14/14287

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 15 mai 2018, 14/14287


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 15 Mai 2018

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/14287



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/06608





APPELANTE

Madame [D] [V] épouse [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

compara

nte en personne, assistée de Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002





INTIMEE

SA EUROCLEAR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Aurélien LOUVET, avocat ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 15 Mai 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/14287

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/06608

APPELANTE

Madame [D] [V] épouse [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

INTIMEE

SA EUROCLEAR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Aurélien LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Valérie AMAND, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Valérie AMAND, faisant fonction de Présidente

Madame Jacqueline LESBROS, conseillère

Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller

Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Valérie AMAND, faisant fonction de Présidente et par Madame Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [D] [V] a été engagée par la société Sicovam à compter du 1er août 1998 d'abord par contrat de travail à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 1999 cadre classe 5.1 avec 785 points de base. Elle était sous chef de service à la DRH.

La convention collective d'entreprise est celle de la Sicovam et la convention de branche la convention Syntec. A compter du 18 janvier 2000, elle a été soumise à une convention de forfait ;

- Au 1er janvier 2001, elle a été promue cadre classe 5.2 et sa classification est passée à 840 points de base ; elle a bénéficié de l'attribution de 50 points personnels sur proposition de son chef de service

- Au 1er janvier 2002, elle a été promue cadre classe 6.1 et sa classification est passée à 900 points de base ; elle a bénéficié de l'attribution de 50 point personnels sur proposition de son chef de service.

A partir de 2002, Madame [V] a emménagé avec Monsieur [N], collègue de travail qu'elle épousera le [Date mariage 1] 2003.

A compter du 1er janvier 2005, dans le cadre d'un transfert d'activité, Madame [N] est devenue salariée de la société Euroclear ; à compter du retour de son premier congé maternité soit le 1er septembre 2006, elle passe à temps partiel à hauteur de 4 jours par semaine, puis à compter du 1er février 2011, Madame [N] repasse quasiment à temps complet, travaillant à hauteur de 96,43%.

En raison de difficultés à avoir un enfant et la nécessité de recourir à des fécondations in vitro, Madame [N] a été régulièrement en arrêt maladie et en congé maternité ; elle a été ainsi absente aux périodes suivantes :

- en 2003 dans le cadre d'une première grossesse difficile n'ayant pu être menée à terme : arrêt maladie du 5 mai au 13 juin 2003, du 16 juillet au 20 juillet 2003 (1 semaine), du 1er septembre au 19 octobre 2003 (1,5 mois), du 2 au 26 décembre 2003 (3 semaines).

- en 2004, arrêt maladie du 8 au 26 mars, du 28 juin au 20 juillet, du 6 au 26 octobre, soit un total de 2,5 mois ;

- en 2005 et 2006 dans le cadre d'une deuxième grossesse : arrêt maladie du 7 avril au 13 novembre 2005 (7 mois), congé maternité du 14 novembre 2005 au 8 avril 2006 puis congé allaitement et congés payés jusqu'au 31 août 2006

- en 2007 et 2008 dans le cadre d'une troisième grossesse : arrêt maladie du 19 avril au 22 novembre 2007 (7 mois) ; congé maternité du 28 novembre 2007 au 22 avril 2008, puis congé allaitement puis congés payés jusqu'au 22 octobre 2008.

Madame [N] estimant que depuis 2003, à savoir ses maternités, elle aurait stagné dans ses fonctions, dans son salaire, et régressé dans ses responsabilités a protesté lors de son évaluation de 2006 puis fait relayer sa réclamation par les délégués du personnel lors d'une réunion en date du 23 mars 2010 et envoyé un mail en mars 2010 à la directrice des ressources humaines.

Par mail du 30 juillet 2011, Madame [N] était informée que son poste figurait dans la liste des postes supprimés, le poste Event Management supprimé à la Direction commerciale sur un total de 1 poste dans le cadre d'un plan de départ volontaire et qu'elle pouvait donc quitter la société dans ce cadre.

Après avoir candidaté pour ce plan de départ volontaire pour un projet envisagé conjointement avec son mari elle a bénéficié de ce plan : elle a quitté les effectifs à compter du 30 septembre 2011et effectué un congé de reclassement de neuf mois à compter de cette date, soit du 1er octobre 2011 au 30 juin 2012 incluant les trois mois de préavis après avoir perçu une indemnisation égale à 210.566,25 euros, soit près de 48 mois de salaire, bénéficié d'un congé de reclassement rémunéré à 100 % durant les 3 premiers mois et à 75 % durant les 6 mois restants.

A la date de son départ, son salaire mensuel était de 4.720,353 € euros par mois.

Madame [N] a saisi le 13 juin 2012 le conseil de prud'hommes de Paris pour voir reconnaître qu'elle avait été victime de discrimination et de violation du principe d'égalité de traitement et obtenir notamment le paiement de dommages intérêts en réparation de ces agissements.

Par jugement du 13 octobre 2014, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Madame [N] de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Madame [N] a fait appel de ce jugement.

Par conclusions visées par le greffe, Madame [N] demande à la cour de :

- Condamner la société à verser à Madame [N] en réparation du préjudice financier subi en raison de la discrimination, sur le fondement des articles L.1134-5 et L.1132-1 du code du travail et du principe d'égalité de traitement

* A titre principal : la somme de 395.727 euros à titre de dommages intérêts

* A titre infiniment subsidiaire, si la cour retenait un panel constitué uniquement par Madame [B] alors qu'elle propose le panel de deux salariés avec M. [Z] : la somme de 534.300 euros à titre de dommages intérêts

* A titre infiniment subsidiaire, si la cour ne retenait pas les deux salariés du panel, sur la base d'une évolution de carrière sur un base de 50 points par an : la somme de 291.087 euros

* en tout état de cause, la somme de 50.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi en raison de la discrimination, sur le fondement des articles L.1134-5 et L.1132-1 du code du travail et du principe d'égalité de traitement

* 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* les intérêts légaux avec anatocisme

Par conclusions visées par le greffe, la société Euroclear demande à la cour de :

- Confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Constater que Madame [N] a toujours fait l'objet d'un traitement objectif ;

- Débouter Madame [N] de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner Madame [N] aux entiers dépens.

Statuant à nouveau

- Condamner Madame [N] à verser à la société Euroclear SA la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'audience des débats, les parties se sont d'abord expliqué sur la demande d'audition d'un témoin en la personne de [R] cité par l'appelante ; la cour a joint l'incident au fond, et a entendu les observations des parties sur leurs conclusions déposées à l'audience auxquelles elles ont renvoyé la cour qui s'y réfère expressément pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

MOTIVATION

Sur l'audition de témoin

Par acte d'huissier la salariée appelante a fait citer Monsieur [R] DRH de la société sur la période de 2005 à 2009, en qualité de témoin et demande à la cour d'entendre cette personne au motif qu'il aurait confié aux époux [N] que depuis leur mariage et les traitements entrepris pour avoir un enfant, la Direction avait à plusieurs reprises manifesté son souhait de les voir quitter l'entreprise.

La société intimée s'oppose à cette audition de témoin au motif d'une collusion entre le témoin et l'appelante et du manque d'objectivité de ce temoin qui a eu des contacts avec cette dernière, qu'au titre de l'égalité des armes elle souhaite, si le témoin est entendu, pouvoir répliquer et faire également citer des témoins ; que le témoin a quitté la société avec laquelle une transaction a été conclue.

A l'audience des débats, la cour a joint l'incident au fond et fait sortir l'intéressé des débats pour préserver sa neutralité en cas d'audition retenue par la cour qui a fait savoir aux parties qu'en cas d'audition la cour fixerait, par un arrêt avant-dire droit, une date pour entendre ce témoin avec la possibilité pour la société intimée de faire également citer le cas échéant des témoins à cette même date.

La cour observe qu'aucun texte ni aucun principe n'oblige le juge à procéder à l'audition d'un témoin proposé par une partie ; que l'audition requise par l'appelante ne paraît pas déterminante sur la solution du litige, puisqu'elle a pu obtenir la production de tous les éléments nécessaires à ses prétentions relatives à la discrimination et à la violation du principe de l'égalité de traitement (notamment les éléments de rémunération relatifs aux salariés invoqués dans le panel de comparaison, éléments de réunion de délégués du personnel sur le ranking).

En outre, le témoin sollicité ayant conclu une transaction avec la société Euroclear envers laquelle il s'est engagé à ne pas témoigner à l'encontre de cette dernière, ne saurait contrevenir à cet engagement en témoignant en justice alors qu'au surplus la sincérité de son témoignage à le supposer obtenu n'est pas garantie au vu du différend survenu avec la société intimée ayant abouti à une transaction.

Dans ces conditions la cour confirme le jugement qui a débouté la salariée de sa demande d'audition en justice du témoin cité .

Sur la discrimination

La salariée soutient qu'à compter de 2003, soit à compter de ses difficultés pour avoir un enfant et suite à ses maternités sa carrière a stagné ; qu'alors qu'elle avait été très rapidement promue sur la période du 1er août 1998 au 1er janvier 2002 elle n'évoluait plus dans son coefficient à compter de 2003, que ses primes annuelles importantes sur la période de janvier 2001 à mars 2003 diminuaient suite à sa 1ère grossesse en 2003 (1500 euros en mars 2004 et 2000 euros en mars 2005) pour ne plus être versées du tout à compter de 2006, qu' elle n'avait plus d'augmentation sur proposition de son chef de service à compter de 2003 ; qu'elle n'avait pas d'évaluation pour l'année 2003 et qu'à compter de fin 2004, elle perdait ses fonctions managériales et n'avait plus de salarié sous ses ordres ; elle ajoute que sa situation est moins avantageuse que celle des deux collègues auxquelles elle estime devoir se comparer comme étant des sous chefs de service au service RH à savoir Madame [B] et Monsieur [Z] puisque son nombre de points de base seul à prendre en compte similaire en 2000 est inférieur à celui de chacun des deux salariés et même inférieur à la moyenne des deux salaires à compter de 2003 ; qu'elle ne perçoit plus de bonus à la différence des salariés du panel ; que ses évaluations très bonnes entre 1999 à 2002 sont soit absentes en 2003 et 2005 soit donnent lieu à l'attribution d'un nombre de points personnels inférieur à 50 à la différence de ses précédentes évaluations et en tout cas inférieur au nombre de points alloués aux salariés du panel pour un même niveau d'évaluation ; elle fait observer que le système d'évaluation de ranking ou quota était imposé par la direction et pas seulement recommandé et que ce système appliqué à la salariée était illicite et ne reflétait pas la qualité réelle de sa performance et ne peut donc suffire à justifier objectivement les différences de notations avec le panel ; qu'en toute hypothèse les performances des salariés du panel ne justifiaient pas les notations retenues pour eux et à l'inverse aucun lien n'est établi entre son évaluation et l'attribution de points (soit la reconnaissance professionnelle par une augmentation de salaire) et même qu'il existe une discordance entre les félicitations et marques de satisfaction et la notation obtenue.

La société intimée fait valoir que Madame [N] n'invoque aucun des motifs de discrimination sans que l'on sache si c'est le mariage avec l'un de ses collègues ou le fait qu'elle ait subi des difficultés dans sa grossesse, ou même le simple fait d'avoir été enceinte, qui est à l'origine de la prétendue discrimination et fait valoir que des couples salariés dans l'entreprise ont une progression de carrière normale comme l'illustrent deux situations données ; que la salariée a connu une progression de carrière et de rémunération constante chez Euroclear puisqu'elle a débuté sa carrière avec une rémunération annuelle, 39.030 euros et l'a terminée à environ 59.004 euros, soit une progression de près de 35 % ; qu'elle a bénéficié de bonus pour les années 2001, 2002, 2003, 2004 et 2006, alors que la politique de rémunération de la société ne lui en donnait pas nécessairement le droit et bénéficié de deux promotions en passant de cadre 5.1 à cadre 5.2 puis cadre 6.1.; qu'elle a accepté le temps partiel demandé par la salariée ; que la progression de carrière de l'appelante est le strict reflet de ses performances professionnelles, à savoir en progrès lorsque les performances sont très bonnes, stagnante lorsque les performances sont tout juste conformes aux attentes et que ses performances ont déçu à compter de 2003 ; la progression de sa rémunération est en réalité constante et que l'absence de progression hiérarchique se vérifie dès 2001, bien avant son mariage et ses difficultés de grossesse et qu'à partir de l'année 2004, la salariée n'a obtenu que des évaluations correspondant à un niveau de « performance comme attendu », qui n'ouvre pas droit à rémunération exceptionnelle, conformément à la politique de rémunération d'Euroclear ; elle conclut à la licéité du système d'évaluation mis en place dès lors qu'aucun quota d'évaluation n'était imposé mais seulement recommandé et qu'il n'existait pas de critères préétablis fixes ; l'appelante a quitté l'entreprise dans des conditions avantageuses en percevant une indemnité de 210.566,25 euros et en bénéficiant d'un congé de reclassement rémunéré à 100% durant les 3 premiers mois et à 75 % durant les 6 mois restants ; que le salarié n°2 (Monsieur [Z]) ne peut être retenu dans le panel de comparaison car engagé en août 1989 il bénéficie d'une ancienneté de plus de dix ans par rapport à la salariée et qu'en toute hypothèse il a toujours obtenu de très bonnes performances qui justifient son évolution de carrière et le montant de ses bonus en sorte que la différence de traitement est objectivement justifiée et que d'ailleurs sa progression de salaire a été de 39% voisine de celle de la salariée ( 35%) ; que les évaluations respectives de la salariée et de Madame [B] (salariée dans le panel de comparaison n°2) à compter de 2005 (en l'absence d'évaluations de produites par l'employeur) montrent que cette dernière a fourni régulièrement un travail d'une qualité exceptionnelle justifiant objectivement une meilleure évolution de carrière qu'elle ; que la situation de la salariée n'est pas isolée puisque au 7 octobre 2014, 81 salariés d'Euroclear n'ont pas connu la moindre progression de classification depuis 1999 ou leur date d'embauche (sur un total de 311), soit plus de 26 %, que 77 salariés d'Euroclear ont connu un changement de classification depuis 1999 ou leur date d'embauche (sur un total de 311), soit près de 25 %, 65 salariés d'Euroclear ont connu, comme Madame [N], deux changements de classification depuis 1999 ou leur date d'embauche (sur un total de 311), soit près de 21 % et qu'au total, près de 72 % des salariés d'Euroclear ont, soit connu aucun changement de classification, soit un seul changement de classification, soit deux changements de classification ; que des salariés effectuant un travail de qualité sensiblement meilleur ont une progression de carrière semblable à la sienne ainsi que l'illustrent les situations des salariés n°3 et n°4.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son sexe.

En vertu de l'article L. 1134-1, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions qui précèdent, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il résulte des dispositions de l'article L 3221-2 du code du travail, que l'employeur doit assurer l'égalité de traitement entre salariés lorsqu'ils effectuent un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application des dispositions de l'article 1315 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser cette inégalité et il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

Il est constant que la société intimée procède à des évaluations annuelles des salariés et que depuis 2004, elle leur attribue une note CDR1 à 5, le CDR1 correspondant à « performance exceptionnelle », le CDR 2 à très bonne performance, le CDR 3 à "bonne performance", le CDR 4 à « performance comme attendu » et le CDR 5 à « amélioration requise ».

Avant 2004 les évaluations se traduisaient par des notes étaient réparties comme suit : d) : « très bon » c) : « bon » b) : « moyen » a) : « insuffisant ».

Il ressort des pièces produites que les évaluations de la salariée ont été les suivantes : en 2000 3 notes d) « Très bon », 7 notes c) « Bon », en 2001 2 notes d) « Très bon » 8 notes c) « Bon » puis CDR 3 en 2004 et CDR 4 sur les années 2005 à 2010.

La seule baisse des évaluations à compter de 2004 et donc postérieurement à la date à laquelle la salariée situe le début de sa discrimination ne peut suffire à faire présumer une discrimination ; en réalité, la société intimée démontre que les évaluations annuelles de la salariée correspondent à une appréciation objective et précise de ses qualités ; contrairement à ce qu'indique la salariée, le recours à des critères comportementaux est a priori licite tant qu'ils sont appréciés dans un cadre professionnel ; qu'ainsi il apparaît légitime pour les salariés devant travailler en équipe ou ayant des fonctions d'animation ou d'encadrement par exemple, leur comportement constitue un critère à évaluer mais au regard de ces fonctions uniquement ; en l'espèce, Madame [N] qui exerçait les fonctions d'« Event Manager » (ou « Chargé de communication ») avait pour principale mission de planifier et organiser des événements pour tout le Groupe Euroclear, poste requérant une forte aptitude à la communication, tant en externe qu'en interne, ainsi qu'un travail en équipe au sein de sa Direction et avec d'autres directions (notamment à [Localité 2] et à [Localité 3]).

Il résulte des diverses évaluations produites que le développement de l'esprit d'équipe faisait partie des objectifs impartis à la salariée à qui il était demandé de « jouer un rôle actif dans le renforcement de l'esprit d'équipe (e.g. assister aux meetings mensuels organisés à [Localité 2], [Localité 3] et [Localité 1], partager les expériences, etc') », de « travailler en étroite collaboration avec le RM en charge de l'événement afin de trouver un lieu le mieux adapté pour chaque client », « travailler avec l'équipe DTP », « en étroite collaboration avec l'équipe Sales Marketing pour le speech éventuel »

Or la société justifie avoir indiqué à plusieurs reprises à Madame [N], lors de ses entretiens annuels, qu'elle devait améliorer son comportement et son attitude vis-à-vis de ses collègues ; contrairement à ce qu'indique la salariée, des objectifs lui étaient assignés tels qu'indiqué dans la section 1 « des document performance produits » aux débats ; en outre, les reproches adressés à Madame [N] sont objectifs et dénués de subjectivité, puisqu'il est demandé à la salariée d'« améliorer la rédaction pour la rendre plus fluide », de « développer des compétences internes pour la fabrication de documents multiples, ne pas toujours sous-traiter avec l'extérieur » , d'« être plus à l'écoute des collaborateurs sur le terrain » 'la communication avec ses collègues aurait pu être améliorée' [traduction libre de « communication with colleagues could have been improved »]; les quelques marques de satisfaction ponctuelles émanant de collègues ne suffisent pas à contredire la note globale retenue par l'employeur correspondant à l'appréciation objective de la qualité du travail de la salariée évaluée sur les années 2003 à 2010 ; centrée très légitimement sur son projet personnel de vie, ce qui ne saurait lui être reproché, la salariée a manifestement été moins performante dans son poste de travail ce qui explique objectivement une baisse relative de son évaluation par rapport à celle des premières années et justifie l'absence de point personnels d'augmentation réservée aux salariés les plus performants.

Vainement la salariée soutient elle qu'en lui attribuant la note CDR 4 la société a en fait appliqué un système illicite de quotas d'attribution des notes consistant à ne pas lui donner la note que mériteraient ses compétences au seul motif que le quota des notations sur cette note est atteint.

En effet, il ne s'évince pas des pièces produites aux débats la preuve suffisante que les évaluations de la salariée ont été dictées par un système de quota auxquels ses différents notateurs auraient été tenus de se conformer en s'appuyant sur des quotas préétablis de manière fixe ; au contraire, il ressort du procès-verbal d'une réunion du comité d'entreprise du 8 novembre 2007 versé aux débats que " « il n'existe pas de forced ranking. Cette pratique est effectivement illicite, car elle est discriminante" et que le pourcentage indiqué est donc seulement conseillé », " qu' « une certaine flexibilité a été accordée dans la répartition des niveaux « bonne performance » et « comme attendue ». (') et qu'il s'agit de « Pourcentages indicatifs », ces affirmations n'ayant pas été contestées par les représentants du personnel.

En l'espèce, les annotations contenues dans les évaluations et les réserves sur certaines compétences suffisent à fonder la note retenue.

La cour observe que vainement la salariée compare-t-elle sa situation à celle de Monsieur [Z] dont l'employeur ne conteste pas que ses fonctions sont comparables à celles de Madame [N] ; en effet selon les bulletins de paie produits Monsieur [Z] a été embauché avec une ancienneté en août 1989 - et pas 1992 comme l'indique de manière erronée l'appelante- soit près de dix ans avant la salariée et que par suite son parcours professionnel a pu être différent du sien en ce sens que son expérience a été prise en compte dans son évaluation, indépendamment de son ancienneté qui seule donne lieu à des points automatiques sans se confondre avec la qualité du travail du salarié expérimenté.

En outre, comme l'indique la société Euroclear, l'analyse des grilles d'évaluation de Monsieur [Z] montre que ce dernier a des performances largement supérieures à celles de l'appelante ;

En effet, dès 2001 soit à un moment antérieur à la période discriminatoire invoquée par l'appelante, cette dernière s'est vue attribuer en 2001 2 notes d) « Très bon » 8 notes c) « Bon » , tandis que Monsieur [Z] avait 7 notes d) « Très bon » 3 notes c) « Bon » , que par la suite, les meilleures évaluations du salarié n°2 se sont confirmées sur les années 2004 à 2006, ce dernier recevant une notation de 3 soit « Bonne performance " à compter de 2004 tandis que Madame [N] recevait la note 4 « Performance comme attendu » à compter de 2005 .

La comparaison avec la situation de Madame [B] est en revanche pertinente dès lors que l'employeur ne conteste pas qu'elle avait des fonctions d'une valeur égale à celles de l'appelante et qu'elle avait une ancienneté semblable ; toutefois l'analyse comparée des évaluations de ces salariées montre que Madame [B] a obtenu des CDR 1 en 2006, 2007, 2008, CDR 2 en 2005 et 2009 et CDR 3 en 2010 ; les performances exceptionnelles et très bonnes performances de la salariée ont justifié un traitement différent de celui la salariée appelante et alors même que la première a également connu des congés maternité.

Il résulte de ces éléments que la différence de rémunération de Madame [N] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Enfin la salariée a obtenu deux changements de classification à compter de son embauche à la classe 5-1 en passant à la classe 5-2 puis à la classe 6-1 à compter du 1er janvier 2002 et que son salaire global a progressé entre sa date d'embauche en contrat à durée indéterminée (3.051,54 € euros par mois) et la fin de son contrat de travail (4.720,353 € euros par mois) de 35% en sorte que la stagnation de sa carrière est très relative et qu'elle est conforme à la moyenne des progressions de carrière dans la société.

En effet, il résulte du tableau comparatif de la société Euroclear que la situation de la salariée n'est pas isolée puisque au 7 octobre 2014, 81 salariés d'Euroclear n'ont pas connu la moindre progression de classification depuis 1999 ou leur date d'embauche (sur un total de 311), soit plus de 26 %, que 77 salariés d'Euroclear ont connu un changement de classification depuis 1999 ou leur date d'embauche (sur un total de 311), soit près de 25 %, 65 salariés d'Euroclear ont connu, comme Madame [N], deux changements de classification depuis 1999 ou leur date d'embauche (sur un total de 311), soit près de 21 % et qu'au total, près de 72 % des salariés d'Euroclear ont, soit connu aucun changement de classification, soit un seul changement de classification, soit deux changements de classification.

En définitive, ces éléments retenus par la cour démontrent que la salariée appelante n'a pas fait l'objet de discrimination ni de différence de traitement qui ne soit pas objectivement justifiée.

La salariée est déboutée de ses demandes financières relatives à la discrimination et à la différence de traitement alléguées mais écartées par la cour.

Sur les autres demandes

L'issue du litige conduit la cour à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles exposés en première instance ; il convient également de débouter Madame [N] qui succombe en ses prétentions de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens d'appel ; compte tenu de la disparité de la situation économique des parties, la société intimée est déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Rejette l'audition du témoin cité Monsieur [R] ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Madame [D] [N] aux dépens d'appel ;

Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/14287
Date de la décision : 15/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/14287 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-15;14.14287 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award