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14/05/2018 | FRANCE | N°17/15046

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 14 mai 2018, 17/15046


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 14 MAI 2018



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/15046



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 16/06565





APPELANT



MONSIEUR LE MINISTRE DES FINANCES DES COMPTES PUBLICS, au nom de :

- Monsieu

r le Directeur Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRD)

- Monsieur le Receveur de la DNRED

ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Mme [...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 14 MAI 2018

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/15046

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2017 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 16/06565

APPELANT

MONSIEUR LE MINISTRE DES FINANCES DES COMPTES PUBLICS, au nom de :

- Monsieur le Directeur Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRD)

- Monsieur le Receveur de la DNRED

ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Mme [V] [J], inspectrice des douanes, en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

Société SOLTEAM

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Marguerite TRZASKA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1727

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHALdans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, président et par Mme Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Les agents des douanes de la II° division d'enquêtes de la Direction Nationale du renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED) ont procédé au contrôle des opérations d'importation effectuées par la société Solteam entre le 11 septembre 2009 et le 31 décembre 2013.

La société Solteam est une société d'importation de marchandises destinées à l'alimentation animale (bétail, aquaculture, animaux de compagnie). L'importation de tourteaux de soja constitue 90 % de son activité.

Dans ce secteur, la société s'est spécialisée dans l'importation de tourteaux de soja non-OGM, et ce à plus de 50 % de son activité. Les produits sont principalement destinés à des coopératives agricoles françaises, des entreprises spécialisées dans l'aquaculture ou le «petfood» (nourriture pour animaux de compagnie).

Le contrôle réalisé par les enquêteurs de la DNRED a permis de mettre en évidence que la société Solteam a importé du Brésil des produits à base de soja de type « concentré de protéines », dénommés « concentrés de tourteaux de soja trac ». Ce produit est non-OGM et se distingue des tourteaux de soja par sa très forte concentration en protéines (60 à 62 % selon les formulations du produit).

Ces concentrés de protéines de soja ont été déclarés en totalité sous la nomenclature tarifaire 2304 00 00, à savoir « tourteaux et autres résidus solides, même broyés ou agglomérés sous forme de pellets, de l'extraction de l'huile de soja ».

Il ressort de l'enquête que ces produits auraient dû être classés sous la nomenclature tarifaire 2309 90 31, « autres préparations des types utilisés pour l'alimentation des animaux » qui prévoit, pour les produits originaires du Brésil, une taxation de 23 euros par tonne de produit.

En outre, le règlement communautaire de classement n° 444/2013 du 7 mai 2013 a eu pour objet le classement d'un produit présentant les mêmes caractéristiques que le concentré de protéines de soja importé par la société Solteam à la position 2309 90 31.

Par avis préalable de taxation du 15 juin 2015, l'administration des douanes a fait part de ses observations à la société Solteam. La procédure du droit d'être entendu, prévue aux articles 67A à 67D du code des douanes a, ainsi, été enclenchée.

La société y a répondu par courrier du 5 août 2015. Toutefois, ses arguments n'ont pas été de nature à modifier la position de l'administration des douanes. En conséquence, le service a relevé à l'encontre de la société Solteam une fausse déclaration d'espèce par procès-verbal du 2 septembre 2015. Cette fausse déclaration d'espèce a permis, à la société Solteam, d'éluder le paiement de 271 973 euros de droits et taxes(257 404 euros de droits de douanes et 14 569 euros de TVA).

Un avis de mise en recouvrement (AMR) n° 2015/47 a été émis le 18 septembre 2015 pour un montant de 271 973 euros.

Par courrier du 26 octobre 2015, la société Solteam a contesté l'AMR émis, conformément à la procédure prévue à l'article 346 du code des douanes, et demandé un remboursement des droits de douanes dus sur le fondement de l'article 220 §2 b) du code des douanes communautaire en invoquant le principe de confiance légitime.

Les arguments avancés, concernant la contestation d'AMR, n'étant pas de nature à modifier la position de l'administration, celle-ci a rejeté cette contestation par courrier du 27 avril 2016.

Concernant la demande de remboursement, l'administration des douanes a mis en 'uvre la procédure du droit d'être entendu afférente, conformément aux articles 67A à 67D du code des douanes, par courrier du 3 mars 2016).

La société y a répondu par courrier du 4 avril 2016. Les arguments avancés n'étant pas, non plus, de nature à modifier la position de l'administration des douanes, celle-ci a rejeté cette demande de remboursement des droits de douanes dus par courrier du 27 avril 2016.

En conséquence, et par acte délivré le 1er juillet 2016, la société Solteam a assigné l'administration des douanes devant le tribunal de grande instance de Créteil et demandé l'annulation de l'AMR n° 2015/47 émis le 18 septembre 2015.

Par jugement du 9 février 2017, le tribunal de grande instance de Créteil a ordonné la réouverture des débats et invité la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) à justifier la date de prise en compte des droits dus par la société Solteam et la date de réception de l'avis préalable de taxation.

Par jugement du 23 juin 2017, le tribunal de grande instance de Créteil a :

annulé l'avis en recouvrement n° 2015/47 émis à l'encontre de la société Solteam ;

ordonné le remboursement des droits acquittés à hauteur de 271 973 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de la signification de l'assignation ;

condamné l'administration des douanes à payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé qu'en vertu de l'article 367 du code des douanes, il n'y a pas lieu aux dépens,

rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires de parties.

L'administration des douanes a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions soutenues à l'audience , l'administration des douanes demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- validé les modalités de prise en compte de la dette douanière conformément au code des douanes communautaire ;

- rejeté l'application du principe de confiance légitime sur le fondement de l'article 220 §2

b) du code des douanes communautaire ;

et de l'infirmer en ce qu'il a annulé l'AMR n° 2015/47 du 18 septembre 2015.

Elle prie la cour de :

- dire que la position tarifaire applicable aux marchandises en cause est bien la position tarifaire 2309 90 31 ;

- rejeter la demande d'annulation de l'AMR n° 2015/47 du 18 septembre 2015.

- constater que l'AMR émis est bien fondé et doit être maintenu ;

- débouter la société Solteam de sa demande de remboursement des droits assortie de l'intérêt au taux légal.

Elle sollicite la condamnation de la société Solteam à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions soutenues à l'audience, la société Solteam demande, au visa des articles 221 et 217 du code des douanes communautaires, du règlement CEE n° 2658/87 du Conseil, du règlement de classement n° 444-2013 du 7 mai 2013, de la directive 95/53/CE du 25 octobre 1995, de l'article 700 du code de procédure civile, de la juger recevable en son action et de confirmer le jugement entrepris et, en conséquence, d'annuler l'AMR n° 2015/47 portant sur la somme de 271 973 euros émis par la recette de la DNRED le 18 septembre 2015 et en conséquence, d'enjoindre à l'administration à rembourser à l'opérateur les sommes acquittées ainsi que les intérêts au taux légal à compter du jour dudit règlement.

Elle sollicite, en tout état de cause, la condamnation de l'administration des douanes à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la régularité de la procédure de contrôle douanier

Le tribunal a, aux termes de sa motivation estimé la procédure régulière et aux termes de son dispositif, annulé l'AMR et ordonné le remboursement des droits acquittés et rejeté « toute toutes les autres demandes plus amples ou contraires de parties ».

Il convient de constater qu'en cause d'appel, la société Solteam conteste la régularité de la procédure de contrôle douanier par une prise en compte tardive de la dette douanière et invoque le principe de confiance légitime tout en sollicitant, aux termes du dispositif de ses écritures, la confirmation du jugement entrepris qui a rejeté cet argument.

La procédure étant orale et l'irrégularité de la procédure étant invoquée, il convient de statuer sur ce point.

1) sur la prise en compte de la dette douanière

La société Solteam indique que l'AMR n'est pas fondé au motif qu'à défaut de justifier d'une prise en compte sur le plan comptable dès 2013, la présente procédure, par la tardiveté de la notification d'infraction envisagée, ne saurait être considérée comme fondée sur le plan légal.

Elle estime que l'administration avait terminé son enquête dès décembre 2013 et le règlement de classement dont elle se prévaut date de mai 2013 et que rien n'explique qu'elle ait attendu deux ans pour rouvrir l'enquête. Elle considère que le procès-verbal d'audition du 18 décembre 2013 mettait fin à l'enquête de l'administration des douanes.

L'administration des douanes soutient que la période qui a suivi ce procès-verbal du 18 décembre 2013 a été consacrée, par les enquêteurs, à l'examen des différents documents obtenus pendant l'enquête et à leur analyse, en parallèle des informations fournies lors des auditions de M. [L], président de la société Solteam, et reprises par procès-verbaux du 17 et du 18 décembre 2013 ; que la période allant du 15 juin 2015 au 2 septembre 2015 correspond à la mise en 'uvre du droit d'être entendu, conformément aux dispositions du code des douanes ; que ce n'est qu'après examen minutieux de ces informations qu'elle a disposé des éléments nécessaires pour procéder au calcul du montant de droits dû, conformément à l'article 217 du code des douanes communautaire ; que la Cour de justice des Communautés Européennes n'a pas fixé de délai entre le moment où a lieu la prise en compte du montant des droits et celui où ces droits sont communiqués au débiteur. Elle a uniquement rappelé l'exigence selon laquelle la prise en compte est le préalable nécessaire à la communication du montant des droits, comme indiqué dans la jurisprudence susmentionnée ; qu'en l'espèce, le montant des droits dus a été pris en compte dans le registre de prise en compte, de communication de la dette douanière et de mise en 'uvre du droit d'être entendu le 16 juin 2015 ; que l la dette douanière a été communiquée à la société Solteam par le biais de l'avis préalable de taxation reçu le 18 juin 2015 ; que le montant des droits dus a bien été pris en compte dans le registre de prise en compte, de communication de la dette douanière et de mise en 'uvre du droit d'être entendu le 16 juin 2015, soit préalablement à la communication de la dette douanière par l'avis de taxation préalable réceptionné par la société Solteam le 18 juin 2015.

Ceci étant exposé, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que l'administration des douanes justifiait avoir enregistré dans le registre de prise en compte douanier, le 16 juin 2015 à 15 h 45 le montant des droits dus par la société Solteam préalablement à sa communication à la partie adverse et précisé que qu'il n'y avait pas de délai fixé à l'administration des douanes pour notifier cet avis préalable de taxation après le procès-verbal d'audition du 18 décembre 2013 qui ne mettait pas fin à l'enquête douanière , la prescription triennale ayant été valablement interrompue conformément aux dispositions de l'article 351 du code de douanes national.

Le moyen tiré de la tardiveté de la prise en compte tardive de la dette douanière sera rejetée.

2) sur la protection de la confiance légitime de la société Solteam

La société Solteam considère que la simple acceptation d'une déclaration équivaut à une reconnaissance par la douane que la position tarifaire déclarée est correcte et qu'elle est en droit à ce titre d'invoquer le principe de confiance légitime.

Selon la société Solteam, l'erreur des autorités douanières serait constituée :

- par l'acceptation par la douane sans objection de la position tarifaire SH 2304 déclarée par la société Solteam sur les 40 déclarations d'importation que la société a validées pendant la période contrôlée (2009-2013),

- par la non remise en cause de cette position tarifaire par les services vétérinaires lors des vérifications qu'ils ont opérées sur ces mêmes importations.

. l'absence d'objection sur la position tarifaire déclarée de la part des services douaniers

Il convient de constater sur ce point également que la société Solteam conteste la régularité de la procédure de contrôle douanier sur le fondement de la protection de la confiance légitime tout en tout en sollicitant la confirmation du jugement entrepris qui a rejeté cet argument.

La société Solteam expose qu'elle a procédé depuis 2009 à plus de 40 déclarations en douane systématiquement validées par l'administration.

L'administration des douanes soutient que l'acceptation sans objection de déclarations d'importation n'est pas considérée par la jurisprudence européenne comme une erreur des autorités douanières au sens de l'article 220 § 2 b) du code des douanes communautaires ;

- l'article 59 §1 du code des douanes consacre le principe selon lequel toute marchandise destinée à être placée sous un régime douanier doit faire l'objet d'une déclaration en douane ;

- la détermination des éléments nécessaires à l'application de la réglementation douanière aux marchandises est ainsi effectuée non pas sur la base des constatations des autorités douanières, mais sur celles des informations fournies par le déclarant ;

- s'agissant des déclarations en douane faites par écrit, l'article 68 du code des douanes communautaires confère aux autorités douanières la faculté de vérifier les informations fournies par le déclarant.

- Dans le but, exprimé au sixième considérant du code des douanes 1, de limiter autant que possible les formalités et contrôles douaniers, ce code n'impose pas aux autorités douanières d'effectuer systématiquement de telles vérifications. Aux termes de l'article 71 paragraphe 2, dudit code, lorsqu'il n'est pas procédé à la vérification de la déclaration en douane, l'application des dispositions régissant le régime douanier sous lequel les marchandises sont placées s'effectue en fonction des éléments figurant dans cette déclaration.

Le déclarant fournit aux autorités douanières des informations exactes et complètes. En effet, l'article 199 paragraphe 1, premier tiret du règlement d'application prévoit que le dépôt dans un bureau de douane d'une déclaration signée par le déclarant ou son représentant vaut engagement conformément au dispositions en vigueur en ce qui concerne l'exactitude des indications figurant dans la déclaration.

Lorsque les autorités douanières acceptent une déclaration en douane signée par le déclarant ou son représentant, l'article 63 du code des douanes leur impose de se limiter au contrôle du respect des conditions prévues à cette disposition et à l'article 62 de ce code.

Lors de l'acceptation d'une déclaration en douane, l'administration des douanes ne se prononcent pas sur l'exactitude des informations fournies par le déclarant dont ce dernier assume la responsabilité. En effet, il découle du libellé de l'article 68 dudit code que l'acceptation de la déclaration ne prive pas lesdites autorités de la possibilité de vérifier par la suite et, le cas échéant, même après la mainlevée des marchandises, l'exactitude de ces informations.

En acceptant sans objection les déclarations d'importation validées par la société Solteam, l'administration des douanes ne s'est donc pas prononcée sur la régularité des énonciations fournies par le déclarant et, en particulier, sur l'exactitude de la position tarifaire déclarée.

Ceci étant exposé, l'article 220 § 2 b) du code des douanes communautaire dispose qu'il n'est pas procédé à la prise en compte des droits a posteriori « lorsque le montant des droits légalement dus n'avait pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières, elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement pas être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane ».

L'article 236 § 1alinéa 1 du code des douanes communautaire précise qu'il est « procédé au remboursement des droits à l'importation dans la mesure où il est établi qu'au moment de son paiement leur montant a été pris en compte contrairement à l'article 220 paragraphe 2 ».

La non prise en compte des droits a posteriori (ou le remboursement si les droits ont été payés) ne peut être accordée que si les trois conditions cumulatives suivantes sont réunies :

- la non prise en compte des droits résulte d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes ;

- cette erreur ne pouvait pas raisonnablement être décelée par le redevable ;

- le redevable doit avoir observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane et avoir agi de bonne foi.

En l'espèce et ainsi que l'a relevé le tribunal, la société Solteam ne démontre pas que l'administration des douanes aurait fourni des renseignements erronés sur la position tarifaire litigieuse à déclarer ni qu'elle aurait adopté un comportement passif dès lors qu'il était difficile après un simple contrôle formel des déclarations en douanes de déceler une position tarifaire erronée étant précisé qu'aucune contrôle physique portant sur l'espèce tarifaire 'n a été opéré et que les fiches techniques des produits importés n'étaient pas présentés dans le dossier d'importation des marchandises et alors que le code des douanes communautaire n'impose pas aux autorités douanières de vérifier systématiquement les informations fournies par une déclarant.

En acceptant une déclaration en douane, l'administration ne se prononce pas sur l'exactitude des informations fournies par le déclaration qui en assume la responsabilité ni ne se prive pas de la possibilité vérifier l'exactitude de ces informations.

. les contrôles vétérinaires

La société Solteam expose que l'ensemble des déclarations a fait l'objet de contrôles documentaires (en point d'inspection frontalier ' PIF) et que certaines ont fait l'objet d'un contrôle documentaire et d'une vérification d'identité et d'autres ont fait l'objet d'un contrôle documentaire, d'une vérification d'identité et d'un contrôle physique, à titre d'exemple, DCE 58 produit à l'appui de pas moins de 13 déclarations entre le 20 août 2010 et le 24 février 2011.

L'administration des douanes expose que les contrôles effectués par les services vétérinaires sont ceux réalisés en application de la directive 95/53/CE du Conseil du 25/10/1995 fixant les principes relatifs à l'organisation des contrôles officiels dans le domaine de l'alimentation animale et la directive 95/68/CE de la Commission du 10/09/1998 établissant le document type prévu par l'article 9 § 1 de la directive 95/53/CE.

Lorsque des produits importés sont destinés à l'alimentation animale, les services vétérinaires sont donc chargés de vérifier, avant leur mise en libre pratique, leur conformité aux exigences prescrites par les directives précitées aux fins de prévenir les risques pour la santé animale et la santé humaine et de garantir, en particulier, la salubrité de l'aliment qui sera consommé par les animaux et la qualité de la denrée alimentaire.

Le contrôle physique lié au DCE n° 58 a été demandé par un agent des services vétérinaires en poste au PIF aux fins de contrôler la présence de mélamine dans les produits. Cela ne concerne pas le classement tarifaire des marchandises litigieuses.

Ainsi que le soutient l'administration des douanes et comme l'a relevé le tribunal, les services vétérinaires ne sont pas compétents pour apprécier la régularité des informations fournies par l'importateur concernant la réglementation douanière communautaire et notamment l'exactitude, au regard des règles de classement tarifaire, de la position tarifaire indiquée par l'opérateur sur les documents présentés lors de ce contrôle. Les attributions des services vétérinaires ne visent qu'à garantir la salubrité et l'innocuité des produits mis sur le marché européen.

Ainsi, en l'absence pour la société Solteam de rapporter la preuve d'une faute commise par l'administration des douanes, le moyen soulevé par la société Solteam tiré de la protection de la confiance légitime sera rejetée.

La procédure sera déclarée régulière.

Sur la position tarifaire applicable

L'administration des douanes soutient que les produits litigieux relèvent de la position tarifaire 23 04.

Elle expose que :

L'espèce d'une marchandise est la dénomination qui lui est attribuée dans le Tarif Douanier Commun, en vertu de l'article 28 du code des douanes. Elle correspond à une ligne du Tarif désignant expressément la marchandise en cause. La détermination de cette espèce, appelée classement de la marchandise, est une opération importante qui permet de déterminer les normes applicables à l'importation mais également le taux de droits de douane relatif à cette opération du commerce international. Le classement tarifaire s'opère au moyen des règles générales interprétatives et des notes explicatives de la nomenclature de base du Tarif, le Système Harmonisé (SH) : les règles générales d'interprétation (RGIN) et les notes explicatives (NESH).

S'ajoutent à ces instruments des notes complémentaires relatives aux sous-positions de la nomenclature du tarif douanier commun, appelée Nomenclature Combinée (NC) : les notes explicatives (NENC).

Elle soutient que le produit est donc un concentré protéique qui n'est pas un résidu direct de l'extraction des graines de soja. Le classement dans la position 2304 est donc exclu et doit être classé sous la nomenclature tarifaire 2309 90 31 en tant qu'autre préparation des types utilisés pour l'alimentation des animaux. Elle invoque le règlement d'exécution n° 444-2013 de la Commission du 7 mai 2013 a pour objet le classement d'un produit se présentant sous la forme d'une poudre dont la composition est la suivante : protéines 62,5 %, amidon/glucose 7 %, humidité 9 %, cellulose brute 3,9 %, matières grasses brutes 1,1 % et cendres 6 % sous le code NC 2309 90 31, soulignant que ces valeurs sont très proches du concentré de protéines de soja importé par la société Solteam sur la période contrôlée.

La société Solteam soutient que les produits importés sont de des tourteaux des tourteaux de soja qui sont des résidus solides obtenus après extraction de l'huile des graines ou des fruits oléagineux et que la fiche technique des produits importés nommées « IMCOSOY 6 » précise expressément qu'ils se présentent sous forme de « farine » et sont obtenus à partir d'un tourteau de soja co-produit d'huilerie obtenu par extraction de fève de soja » et que l'extraction des hydrates de carbone du produit ne lui fait pas perdre la qualité de tourteau ; qu'avant d'être vendu, il est lavé dans une solution eau + éthanol et que cette étape n'ajoute aucune substance au produit et constitue une extraction par solvant (éthanol).

Elle ajoute que la note NESH n'exclut pas que le tourteau ait subi un traitement supplémentaire ; que la position 23/09 est une catégorie résiduelle qui ne s'applique pas au produit ; qu'en application de la règle générale 3. a) de la Nomenclature Combinée, la position 23.04 plus spécifique doit être appliquée au produit importé puisqu'elle concerne spécifiquement les tourteaux provenant de l'extraction de l'huile des graines de soja.

Elle soutient que ces produits ont été justement déclarés sous la position tarifaire 2304 intitulée « Tourteaux et autres résidus solides, même broyés ou agglomérés sous forme de pellet, de l'extraction de l'huile de soja ».

Ceci étant exposé, définie par l'article 28 du code des douanes national l'espèce tarifaire ou nomenclature douanière est le libellé qui est attribué à la marchandise dans le tarif douanier commun auquel correspond un numéro de nomenclature, la détermination de cette codification conditionnant le taux taux des droits de douanes et les les taux de TVA applicables.

La société Solteam soutient que les produits ont été justement déclarés sous la positon tarifaire 2304 intitulée intitulée « Tourteaux et autres résidus solides, même broyés ou agglomérés sous forme de pellet, de l'extraction de l'huile de soja ». L'administration des douanes soutient qu'ils auraient dû l'être sous la position tarifaire 2309 90 intitulée « Préparations de type utilisé pour l'alimentation des animaux ' autres que les aliments pour chiens et chats, conditionnés pour la vente au détail ».

Les notes explicatives du Système Harmonisé (NESH) de la position 2304 précisent que la présente position comprend « les tourteaux et autres résidus solides de l'extraction par solvants ou par centrifugation, de l'huile contenue dans les graines de soja ».

Les notes explicatives du Système Harmonisé (NESH) de la position 23.04 précisent que « la présente position comprend les tourteaux et autres résidus solides de l'extraction par pressage, solvants ou par centrifugation, de l'huile contenue dans les graines de soja. Ces résidus constituent des aliments pour le bétail très appréciés

Les résidus de la présente position peuvent se présenter en pains aplatis (galettes), en grumeaux ou sous forme de farine grossière (farine de tourteaux). Ils peuvent également être agglomérés sous forme de pellets (voir les conditions générales du présent chapitre »).

La présente position couvre également la farine de fèves de soja déshuilées non texturée, propre à l'alimentation humaine.

Sont exclus de cette position :

a) les lies ou facès d'huiles (n° 15.22)

b) les concentrats de protéines obtenus par élimination de certains constituants de farine de soja déshuilés, destinés à être ajoutés à des préparations alimentaire, et la farine de fèves de soja texturée (n° 21.06) »

Les NESH de la position 23.09 indique que « sont inclus dans cette position les produits de types utilisés pour l'alimentation des animaux, obtenus par traitement de matières végétales ou animales et qui de ce fait, ont perdu les caractéristiques essentielles de la matière d'origine, par exemple dans le cas de produits obtenus à partir de matières végétales, ceux qui ont subi un traitement tel que les structures cellulaires spécifiques des matières végétales ne sont plus reconnaissables au microscope. »

La fiche technique du produit IMCOSOY 60, indique que le concentré de protéines de soja 60 % (selon son appellation) est élaboré à partir d'un tourteau de soja HIPRO (40 % de protéines) co-produit d'huilerie obtenu obtenu par extraction des fèves de soja non ogm ayant subi un traitement thermique. Il est précisé que le tourteau de soja est également lavé dans une solution eau + éthanol.

La fiche produit précise qu'il s'agit de tourteaux d'extraction de soja cuits en farine destinés à l'alimentation animale par solvant, hexane, eau et éthanol avec un taux minimum de protéines de 62 %.

Monsieur [L], président de la société Solteam a indiqué aux termes du procès-verbal du 17 décembre 2013 « le produit « concentré de protéine de soja » importé entre le 10 septembre 2009 et novembre 2012 a toujours présenté les mêmes caractéristiques. Il est issu de la même recette de fabrication (bain d'hexane, suivi d'un bain d'alcool et d'eau, d'un même fournisseur (l'usine IMCOPA) et présente les mêmes caractéristiques (taux de protéines autour de 60 % c'est à dire 60 % de protéine. Peu à peu ce produit a évolué vers une concentration à 62 % de protéines mais le mode de fabrication (bain d'hexane, suivi d'un bain d'alcool et d'eau ) est resté le même ».

C'est à tort que le tribunal a reproché à l'administration des douanes de n'avoir pas prélevé des échantillons tout en validant la possibilité de contrôles a postériori d'autant plus, au surplus de M. [L] a indiqué ne pas avoir importé ces produits en 2013.

Si le traitement thermique n'est ni expressément prévu ni expressément exclu par par les NESH de la position 2304 et si l'administration des douanes ne peut invoquer le règlement d'exécution de de la Commission Européenne du 7 mai 2013 ayant pour objet le classement d'un produit analogue sous la position 2309 90 31, car postérieur à la période contrôlée, il est néanmoins établi que les produits litigieux, exclusivement destiné à l'alimentation animale, ne sont pas des tourteaux de soja mais des concentrés de tourteaux de soja issus d'un traitement supplémentaire des graines de soja dégraissées visant à extraire une partie importante des hydrates de carbone complexes ayant pour conséquence d'augmenter le taux de protéines, de sorte que celles-ci ont perdu les caractéristiques essentielles de la matière d'origine.

La note 1 du chapitre 23 renvoie à la position 2309 « les produits des types utilisés pour l'alimentation des animaux, non dénommés ni compris ailleurs, obtenus par le traitement de matières végétales et qui ont perdu les caractéristiques essentielles de la matière d'origine », ce qui est le cas en l'espèce de sorte que les produits litigieux Imcosoy 60 et Imcosoy 63 sur la période objet du contrôle devaient être classés sous la nomenclature tarifaire 2309 90 31.

La société Solteam ne saurait invoquer le RGIN n° 3 aux termes duquel « lorsque les marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions tarifaires par application de la règle 2 b) ou dans tout autre cas, le classement s'opère comme suit : a) la position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d'une portée plus générale » pour soutenir que ses produits devaient être classés sous la nomenclature 2304 00 00 car les produits ne paraissent pas devoir être classés sous deux ou plusieurs positions.

Ainsi, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a annulé l'AMR et ordonné le remboursement par l'administration des douanes des droits acquittés par la société Solteam.

En application de l'article 367 du code des douanes, il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens.

La société Solteam, sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée sur ce même fondement, à payer à l'administration des douanes la somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil le 23 juin 2017 en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative aux dépens ;

Statuant à nouveau,

REJETTE les moyens tirés de la prise en compte tardive de la dette douanière et de l'application du principe de confiance légitime ;

DIT le procédure régulière ;

DIT que la position tarifaire applicable aux marchandises en cause est la position tarifaire 2309 90 31 ;

DÉBOUTE la société Solteam de sa demande d'annulation de l'AMR n° 2015/47 du 18 septembre 2015 et de sa demande de remboursement des droits acquittés ;

Vu l'article 367 du code des douanes,

DIT n'y avoir lieu à condamnation aux dépens ;

DÉBOUTE la société Solteam de sa demande d'indemnité de procédure ;

CONDAMNE la société Solteam à payer à l'administration des douanes la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 17/15046
Date de la décision : 14/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°17/15046 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-14;17.15046 ?
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