Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 11 MAI 2018
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/19189
Décisions déférées à la Cour :
Jugement du 15 octobre 2010 du tribunal de commerce de PARIS - RG 2005082534
Arrêt du 24 février 2012 - Cour d'appel de PARIS - Pôle 5 Chambre 2 - RG 10/24237
Arrêt du 21 mars 2014 - Cour d'appel de PARIS - Pôle 5 Chambre 2 - RG 10/24237
Arrêt du 14 Juin 2016 -Cour de Cassation de PARIS - Pourvois n° A 14-19.583 et
J 14-29.688
DEMANDEUR A LA SAISINE
Monsieur [J] [K]
Né le [Date naissance 1] à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
DÉFENDERESSE A LA SAISINE
LA FACTOFRANCE anciennement dénommée GE FACTOFRANCE venant aux droits de la société GE FACTOR anciennement dénommée RBS Factor et encore anciennement dénommée EURO SALES FINANCE
RCS NANTERRE 063 802 466
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440
Ayant pour avocat plaidant Me Danitza PASTEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0668
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre
M. Marc BAILLY, Conseiller
Mme Pascale LIEGEOIS, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Mme Josélita COQUIN
ARRET :
- Contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise CHANDELON, présidente et par Madame Josélita COQUIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 11 décembre 2003 la société Euro Sales Finances, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Factofrance a conclu avec la société No Limit, qui exploitait un commerce de gros en quincaillerie, un contrat d'affacturage lui garantissant trois types de services, le traitement des comptes client (recouvrement, éventuellement contentieux, des créances cédées), la garantie contre le risque d'insolvabilité et le financement des créances.
Par acte séparé du même jour, son gérant, Monsieur [J] [K] s'est porté caution solidaire de la société dans la limite de 100 000 €.
Après avoir constaté de nombreux dysfonctionnements dans les comptes de la société auxquels cette dernière n'a pas remédié malgré la mise en demeure délivrée le 28 septembre 2005, la société Euro Sales Finances a engagé la présente procédure par exploits des 28 octobre et 7 novembre 2005.
Le 19 décembre 2006 la chambre commerciale du tribunal de grande instance d'Annecy a prononcé la liquidation judiciaire de la société No Limit.
Après avoir régulièrement déclaré sa créance le 12 janvier 2007, la société Euro Sales Finances a attrait à la procédure Maître [G], son liquidateur, le 11 avril suivant.
Par jugement du 15 octobre 2010, le tribunal de commerce de Paris, après avoir joint les instances, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- fixé la créance de la société GE Factor, venant aux droits d'Euro Sales Finances, au passif de la société No Limit, à la somme de 83 203,96 €,
- condamné Monsieur [K] au paiement de cette créance en lui accordant des délais de paiement,
- condamné Monsieur [K] au paiement d'une indemnité de 2 500 € au titre des frais irrépétibles engagés.
Par déclaration du 16 décembre 2010, Monsieur [K] a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 24 février 2012, la présente juridiction, autrement composée, a confirmé le jugement en ce qu'il avait admis la validité de l'engagement de caution et rejeté la demande tendant à le voir juger disproportionné et, avant dire droit sur les autres demandes, ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur [B], chargé notamment de chiffrer la créance du factor contre la société No Limit.
L'expert a déposé son rapport en l'état le 30 septembre 2013 et par arrêt du 21 mars 2014, la présente juridiction, autrement composée, entérinant les conclusions de l'expert, a condamné Monsieur [K] au paiement de la somme de 82 051,26 € portant intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2005.
Dans sa motivation, la cour précise notamment qu'il n'y a pas lieu de statuer à nouveau ni sur la validité de l'engagement de caution.., ni sur la disproportion alléguée.., ni encore sur l'obligation de mise en garde.., ces points ayant déjà été jugés.
Sur le pourvoi formé par Monsieur [K] et par arrêt du 14 juin 2016, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt « mais seulement en ce qu'il condamne Monsieur [K] à payer à la société GE Factor, actuellement dénommée GE Factofrance, la somme de 82 051,26 € », renvoyant la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
La Cour de cassation fait grief à la cour d'appel de ne pas s'être prononcée sur le manquement à l'obligation de mise en garde reproché par Monsieur [K] au factor alors que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif et que l'arrêt du 24 février 2012 avait seulement d'une part confirmé le jugement en ce qu'il avait jugé que l'engagement de caution souscrit par M. [K] était valable et qu'il n'existait pas de disproportion de cet engagement au regard de sa situation financière, d'autre part ordonné une expertise comptable et enfin, sursis à statuer sur le surplus des demandes présentées par les parties, sans se prononcer dans son dispositif sur la question distincte de la responsabilité de l'affactureur pour manquement à son devoir de mise en garde ;
Monsieur [K] a saisi la cour d'appel de renvoi le 26 juillet 2016.
Dans ses dernières conclusions du 12 février 2018, il demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré,
- d'annuler son engagement de caution pour irrégularité formelle,
- de le juger disproportionné et d'en prononcer la caducité,
- de débouter la société Factofrance au motif qu'elle ne rapporte pas la preuve de sa créance,
- de la condamner au paiement de 100 000 € de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de mise en garde et de 169 690,21 €, montant de factures cédées qu'elle n'aurait pas financées,
- subsidiairement, de la débouter des intérêts échus entre le premier incident de paiement et la date à laquelle il en a informé la caution,
- de condamner le défendeur à la saisine au paiement d'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 12 janvier 2018, la société Factofrance demande principalement à la cour :
- de déclarer irrecevable la demande d'annulation de l'engagement de caution,
- de lui allouer la somme de 82 501,26 € portant intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2005 outre une indemnité de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2018.
CELA ETANT EXPOSE,
LA COUR
Sur l'irrecevabilité des demandes d'annulation du cautionnement et au titre de la disproportion de l'engagement pris
Considérant que ces questions ont été tranchées par l'arrêt mixte du 24 février 2012 ainsi qu'il résulte des termes de son dispositif précisés ci-dessus ;
Que l'autorité de la chose jugée s'oppose en conséquence à tout nouvel examen ;
Sur le manquement du factor à une obligation de mise en garde
Considérant qu'après avoir rappelé le principe selon lequel la caution peut opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette, Monsieur [K] reproche au factor un manquement tant à l'égard de la société No Limit dont il s'emploie à démontrer qu'elle ne serait pas un emprunteur averti qu'au sien, se décrivant également comme profane en financement, ayant pris la direction de la société No Limit après une période de chômage ;
Que pour caractériser le manquement allégué, il précise que le contrat a été conclu alors que quelques jours plus tard, le 22 décembre 2003, les associés ont décidé de la poursuite de l'activité malgré la perte de la moitié du capital social, ce dont il déduit que la société Euro Sales Finances ne s'est pas suffisamment renseignée sur la situation financière de la société No Limit avant de conclure le contrat litigieux ;
Qu'il lui fait encore grief de ne pas l'avoir informé des risques inhérents, et lui reproche d'avoir consenti un crédit inapproprié rendant inéluctable la mise en 'uvre de sa propre garantie ;
Considérant qu'un manquement par le débiteur d'une obligation de mise en garde est, par définition personnelle de sorte que Monsieur [K] ne saurait se prévaloir de sa violation par le factor dans ses rapports avec la société No Limit ;
Mais considérant en toute hypothèse que l'affacturage, qui associe une opération de crédit à une prestation de service de nature commerciale, ne met à la charge du factor qu'une obligation d'information sur le mécanisme proposé, les garanties susceptibles de compléter la mobilisation des créances, en l'espèce, une assurance contre les impayés, et le coût de la prestation proposée ;
Qu'en l'espèce aucun manquement n'est reproché à ce titre au factor et la cour ne peut que constater la clarté des termes du contrat décrivant les services proposés ;
Considérant qu'un compte d'affacturage, lorsqu'il fonctionne normalement, n'a pas vocation à être débiteur de sorte qu'aucune mise en garde contre un risque d'endettement ne peut être envisagé ;
Que des difficultés ne peuvent naître que dans deux hypothèses principales, la défaillance des clients avec qui l'adhérent a décidé d'entretenir des relations commerciales et dont le factor ne peut préjuger pour ne les connaître qu'au moment de la mobilisation des créances, ou les man'uvres de son co-contractant, lequel, en violation des accords pris, présente des factures cédées à l'encaissement, ce que le factor ne peut davantage anticiper ou alerter la caution, à l'origine de ces manquements lorsqu'elle dirige la société ;
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation au titre d'une violation d'une prétendue violation du devoir de mise en garde ;
Sur la créance de la société Factofrance
Considérant qu'après avoir repris l'ensemble des comptes, analysé leur fonctionnement, imputé les réserves et le fonds de garantie et pris en compte les dires de Monsieur [K], l'expert conclut à l'existence d'un solde débiteur de 82 051 €, la somme réclamée initialement par la société Factofrance comportant une erreur de calcul par suite d'une confusion entre francs et euros ;
Considérant que Monsieur [K] ne saurait contester ces conclusions en renvoyant à ses dires auxquels l'expert a répondu, précisant en substance qu'il disposait d'éléments suffisants pour accomplir sa mission, et sans présenter à la cour son propre décompte étant encore observé que Monsieur [B] a sollicité l'autorisation de déposer un rapport en l'état en l'absence de tout justificatif produit par Monsieur [K] à la suite de ses dernières réclamations (les précédentes ayant été écartées) ;
Qu'il sera donc condamné au paiement de la somme réclamée ;
Considérant que la société Factofrance versant aux débats le courrier recommandé adressé à Monsieur [K] le 28 septembre 2005, réceptionné le 6 octobre suivant, cette créance produira intérêts au taux légal à compter de cette dernière date ;
Sur la demande en paiement de 169 690,21 €
Considérant, outre que Monsieur [K] n'a aucune qualité pour contester les conditions d'exécution du contrat d'affacturage, que les pièces produites démontrent à suffisance que la société Factofrance a bien financé toutes les factures transférées par la société No Limit de sorte le grief allégué qui n'est pas autrement démontré ne peut prospérer ;
Sur les intérêts de retard
Considérant que Monsieur [K] sollicite, sur le fondement de l'article L341-1 (ancien) du code de la consommation le rejet des demandes de la société Factofrance au titre des intérêts échus entre la date du premier incident de paiement et celle à laquelle il en a été informé, sans autre précision ;
Mais considérant que ce texte ne s'applique pas à une caution commerciale tandis que l'article L313-22 du code monétaire et financier ne prive l'établissement financier que des intérêts conventionnels ;
Que seuls les intérêts légaux de la créance étant sollicités par le factor à compter de la mise en demeure précitée, cette demande est sans objet ;
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Factofrance une indemnité de 5 000 € ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré :
- en ce qu'il a condamné Monsieur [K] à payer le solde débiteur du compte courant de la société No Limit, rejetant ainsi ses demandes reconventionnelles notamment au titre d'un manquement de la société Euro Sales Finances à une obligation de mise en garde,
- du chef de la condamnation prononcée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Condamne Monsieur [J] [K] à payer à la société Factofrance la somme principale de 82 051 € portant intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2005 outre une indemnité de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [J] [K] aux dépens comprenant les frais d'expertise qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT