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03/05/2018 | FRANCE | N°15/12973

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 03 mai 2018, 15/12973


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 03 Mai 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/12973



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 14/03613



APPELANT

M. [T] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté

de Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355

substituée par Me Sophie KERIHUEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355



INTIMEE

SAS Z...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 03 Mai 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/12973

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 14/03613

APPELANT

M. [T] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355

substituée par Me Sophie KERIHUEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355

INTIMEE

SAS ZODIAC ACTUATION SYSTEMS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 542 103 031

représentée par Me Michèle CORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171

PARTIE INTERVENANTE :

LE SYNDICAT CGT ZODIAC ACTUATION SYSTEMS

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

représentée par Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355

substituée par Me Sophie KERIHUEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Décembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre

Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

Philippe MICHEL, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Claudia CHRISTOPHE, lors des débats

Anna TCHADJA-ADJE, lors de la mise à disposition

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé ce jour.

- signé par Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, et par Madame Anna TCHADJA ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [A] a été engagé en contrat à durée indéterminée par la société Labinal à compter du 9 juin 1981, en qualité de câbleur au niveau I échelon 3 coefficient 155 de la classification des ouvriers de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne.

Il avait été précédemment engagé par contrats à durée déterminée entre le 3 décembre 1979 et le 26 mars 1980, le 9 juin 1980 et le 8 décembre 1980, entre le 9 décembre 1980 et le 8 juin 1981.

L'activité à laquelle il était rattaché a été successivement cédée au groupe SNECMA (Société Messier-Bugatti), puis à la société Précolec devenue la SAS Zodiac Actuation Systems, son employeur depuis 2006.

L'entreprise emploie plus de 11 salariés.

M.[A] exerce actuellement son activité au sein du bureau d'études mécaniques de l'établissement de [Localité 2], établissement anciennement situé à [Localité 3], en qualité de dessinateur études au niveau IV, échelon 3, coefficient 285 de la classification des administratifs et techniciens de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne.

De 2002 à novembre 2015, M. [A] a exercé plusieurs mandats de représentant du personnel, dont celui de délégué du personnel titulaire.

Estimant être l'objet d'une discrimination syndicale depuis son premier mandat, M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 4] le 4 août 2014, à l'effet de l'entendre, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- Dire qu'il a été victime d'une discrimination syndicale ;

- Fixer au 1er janvier 2015 son coefficient à 335 et son salaire mensuel brut de base hors prime à 3 110,55 € ;

- Ordonner un rappel de prime d'ancienneté depuis le 1er janvier 2015 sur la base du coefficient 335 ;

- Ordonner un rappel de salaires et de congés payés afférents sur la base d'un salaire mensuel brut de base en prime de 3 110,55 € ;

- Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

'121 680 € à titre d'indemnité pour préjudice financier subi ;

'26'000 € à titre d'indemnité pour préjudice moral ;

'3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonner la remise de bulletins de salaire rectifié à partir du 1er janvier 2015 sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de la décision.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 16 décembre 2015 par M. [A] à l'encontre du jugement rendu le 10 décembre 2015 par le conseil de prud'hommes de [Localité 4] qui a condamné la SAS Zodiac Actuation Systems à lui verser les sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination, et de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et qui a rejeté le surplus de ses demandes.

Aux termes de ses conclusions déposées le 14 décembre 2017 et soutenues oralement à l'audience, M. [A] demande à la cour de :

- Dire qu'il a été victime d'une discrimination syndicale ;

en conséquence et à titre principal

- Fixer au 1er janvier 2015 son coefficient à 365 et son salaire mensuel brut de base hors prime à 3 110,55 € ;

- Ordonner un rappel de prime d'ancienneté depuis le 1er janvier 2015 sur la base du coefficient 365 ;

- Ordonner un rappel de salaires et de congés payés afférents sur la base d'un salaire mensuel brut de base en prime de 3 110,55 € ;

- Ordonner la délivrance des bulletins de paie rectifiée à partir du 1er janvier 2015, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir ;

- Condamner la SAS Zodiac Actuation Systems à lui verser la somme de 121 680 e à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier ;

À titre subsidiaire,

- Ordonner à la SAS Zodiac Actuation Systems la communication des éléments

suivants :

'la liste des salariés embauchés entre 1978 et 1980 en qualité de câbleur coefficient 155 présents dans les effectifs aux 31/12/2014 avec la mention de leur date d'embauche, leur rage, leur sexe, leur coefficient, leur positionnement et l'échelon à l'embauche, et leur rémunération brute de base et variable aux 31/12/2014 ;

'la liste de tous les salariés qui ont occupé depuis 2002 un poste de dessinateurs d'études au sein du bureau d'études mécaniques de l'établissement d'[Localité 3] présents dans les effectifs aux 31/12/2014 avec mention de leur date d'embauche, leur rage, leur sexe, leur coefficient, leur positionnement et l'échelon à l'embauche, et leur rémunération brute de base et variable aux 31/12/2014 ;

le tout sous astreinte de 150 € par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la notification de l'ordonnance à intervenir le conseil [la cour] se réservant le droit de liquider l'astreinte ordonnée,

en tout état de cause,

- Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

'28'000 € à titre d'indemnité pour préjudice moral en raison de la discrimination,

'5 000 € à titre de dommages-intérêts pour violation des accords collectifs applicables,

- Ordonner la capitalisation des intérêts, conformément dispositions de l'article 1343,2 du Code civil,

-Condamner la SAS Zodiac Actuation Systems à lui verser la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions également déposées le 14 décembre 2017 et soutenues oralement à l'audience, le syndicat CGT Zodiac Actuation Systems demande à la cour de condamner la SAS Zodiac Actuation Systems à lui verser la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice moral et financier, direct ou indirect, et celle de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions déposées le 14 décembre 2017 et soutenues oralement à l'audience, la SAS Zodiac Actuation Systems demande à la cour de :

- Infirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a retenu l'existence d'une discrimination envers M. [A] en ce que les appréciations professionnelles de celui-ci auraient été obérées par ses fonctions délégué du personnel,

En conséquence

- Débouter M. [A] de l'intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause,

- Débouter le syndicat CGT Zodiac Actuation Systems de ses demandes.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Pour infirmation partielle du jugement entrepris et au soutien de ses demandes au titre de la discrimination syndicale, M. [A] invoque, en premier lieu, un blocage de carrière se manifestant par :

- un blocage de coefficient à compter de son premier mandat puisqu'il est resté 4 ans au coefficient 155 ; 8 ans au coefficient 170 ; 1 an aux coefficients 180 et 190 ; 3 ans au coefficient 225 ; 12 ans au coefficient 240 (de 1997 à 2009), 1 an au coefficient 255 (passage de coefficient sans augmentation de salaire), 5 ans au coefficient 270 ; (passage de coefficient sans augmentation de salaire) et qu'il est, depuis le 16 juin 2014, au coefficient 285,

- un défaut d'évolution salariale, puisqu'il a bénéficié d'augmentations individuelles dérisoires depuis son premier mandat, à savoir 43,82 € en 2002 (mise à niveau de la grille Messier Bugatti), 40 € en 2004, 30 € en 2007, 25 € en 2009, 30 € en 2010, 20 € en 2012, 50 € en 2014 et 50 € en 2016 ce qui a eu pour effet de placer sa rémunération en dessous de la rémunération moyenne de base des salariés de niveau IV de la Convention collective de la Métallurgie, travaillant sur le site d'[Localité 3],

- la négation de la réalité de ses fonctions exercées en ce qu'il a intégré le pôle Harnais en septembre 2000 aux fonctions de dessinateur d'études mais a travaillé sous l'intitulé de son précédent emploi, 'Gestionnaire de production' de 2000 à 2002, a été promu 'Assistant technique d'études' en 2002 et qu'il a dû ainsi attendre 2003, soit près de trois ans, pour que ses fonctions de 'Dessinateur d'études' soient mentionnées sur ses bulletins de salaire.

Il avance, en deuxième lieu, un blocage professionnel révélé par les entretiens d'évaluation eux-mêmes en raison de l'absence sur certaines années d'entretien annuel d'évaluation, et de la prise en compte de ses mandats dans l'appréciation de ses qualités professionnelles.

Il se prévaut, en troisième lieu, d'un défaut de formation nécessaire à son évolution professionnelle, pour n'avoir bénéficié que des formations suivantes :

- 13 et 14 juin 2002 : Excel version 97 ' niveau avancé

- 12 et 13 juin 2003 : Word version 97 ' niveau perfectionnement

- 12 mars 2004 : BPCS

- 8 décembre 2004 : COREL DRAW

- Du 25 au 29 février 2004 et les 3 et 4 mars 2008 : CATIA V5

- 2010 (quelques heures) : MFG Pro

- 2014 (2 jours) : Câble

Il soutient, en quatrième lieu, que la discrimination est confirmée par la méthode de comparaison avec des salariés placés dans une situation comparable, à savoir :

- [R] [Q] engagé en 1974 en qualité de câbleur au coefficient 145,

- [V] [S], engagé en 1974 en qualité de câbleur au coefficient 140,

- [A] [O], engagée en 1979 en qualité de câbleur au coefficient 145,

- [O] [R], engagée en 1980 en qualité de câbleur au coefficient 145,

- [Q] [I], engagée en 1980 en qualité de câbleur au coefficient 145,

- [J] [E], engagée en 1982 en qualité de câbleur au coefficient 145,

qui révèle :

- une progression en pourcentage de son coefficient d'embauche inférieure à celle du panel de (74,19 % contre 83,87 %) avec un écart s'accentuant à partir de 2002,

- un salaire plus bas que la moyenne du panel, en raison d'une progression salariale supérieure avant 2002 mais inférieure à compter de cette année.

À toutes fins utiles, il avance que la discrimination est mise en exergue par la comparaison de sa situation avec ses collègues dessinateurs d'études [F] [P], [Y] [Z] et [H] [T] en termes de coefficient et de salaire.

Il ajoute que la SAS Zodiac Actuation Systems ne peut justifier cette différence de situation par des éléments objectifs, puisque ses aptitudes professionnelles et la qualité de son travail ont toujours été reconnues, qu'il a toujours manifesté une volonté d'évoluer au sein de l'entreprise et que l'employeur a toujours refusé de communiquer les éléments nécessaires à une comparaison objective de sa situation avec ses collègues de travail.

Il critique la pertinence des arguments avancés en réponse par la SAS Zodiac Actuation Systems.

Pour infirmation du jugement entrepris, en ce qu'il a retenu une discrimination à l'égard de M. [A] et condamné l'employeur au paiement de dommages-intérêts, la SAS Zodiac Actuation Systems réplique que les éléments présentés par M. [A] ne laissent apparaître aucun fait susceptible d'être qualifié de discriminatoire, en ce que M. [A] a incontestablement connu une évolution fonctionnelle normale avant comme après son premier mandat en 2002, a tout aussi incontestablement connu une évolution salariale normale avant comme après son premier mandat en 2002, produit des documents, notamment sa pièce 42, qui n'attestent d'aucune inégalité de traitement dans l'évolution de carrière et salariale, que sa comparaison avec les 3 personnes ayant travaillé ou travaillant au bureau d'études mécaniques est impossible au regard des dates d'entrées, qualifications, diplômes et parcours différents, et que la société justifie objectivement et de façon pertinente des évolutions de carrière des uns ou des autres avec lesquels se compare Monsieur [A], sans grande logique d'ailleurs, et que de ce fait, rien ne permet à Monsieur [A] d'affirmer avoir fait l'objet d'une discrimination syndicale.

Cela étant, M. [A] invoquant une discrimination syndicale, il convient plus particulièrement d'examiner sa situation à compter de son premier mandat de représentation du personnel, soit 2002.

Ainsi, les affirmations de M. [A] sur la dénégation par l'employeur jusqu'en 2003 de ses fonctions de dessinateur d'études réellement exercées à partir de 2000, manquent de portée dans l'appréciation du litige en ce que la période visée est en grande partie antérieure à son premier mandat. Et surtout, elles ne sont pas confirmées par les pièces produites par M. [A].

En effet, l'entretien d'évaluation 2006-2007 auquel se réfère M. [A] mentionne une fonction de 'Projeteur', que le salarié ne revendique pas, et une ancienneté de 6 ans qui peut renvoyer à l'ancienneté générale dans le service alors que la SAS Zodiac Actuation Systems verse une demande de mutation acceptée le 14 décembre 2000 à effet au 1er janvier 2001qui vise une catégorie professionnelle inchangée de «'Gestionnaire de production'» et se réfère à une lettre du 22 octobre 2002 (produite par M. [A]) qui lui notifie un changement de situation en ces termes.

« Sur proposition de votre chef de service, Monsieur [E] [Y], nous vous informons du changement de votre situation à partir du 1er octobre 2002 :

- Ancienne : gestionnaire de production,

- Nouvelle : assistant technique d'études ».

Dès lors, les mentions portées sur les bulletins de paie, outre qu'elles n'ont jamais été contestées par M. [A], sont confirmées par les documents sociaux produits par la SAS Zodiac Actuation Systems, qui n'ont pas davantage été contestés par le salarié à leur époque.

Ce constat ne peut être combattu par l'attestation de M. [K] qui mentionne que M. [A] a rejoint le service en février 2000 en qualité de dessinateur d'études et qui à ce titre comporte une incohérence en ce qu'il résulte des pièces du dossier que le salarié a rejoint le bureau d'études fin 2000, début 2001 (septembre 2000 selon M. [A] dans ses conclusions), ni par celle de M. [Z] qui indique avoir été formé sur le métier de câbleur par M. [A] lors de son arrivée au bureau d'études mécaniques câblage harnais en 2003, ce qui ne peut établir des fonctions de dessinateur.

La dénégation de ses fonctions durant trois ans par l'employeur n'est donc pas établie.

Il doit, dès lors, être constaté que, depuis 2002, date de son premier mandat, M. [A] a bénéficié d'un premier changement de fonction (de gestionnaire de production à assistant technique d'études) accompagné d'une augmentation individuelle en octobre 2002 (lettre du 22 octobre 2002), d'un autre changement de fonction en 2003 (dessinateur d'études), de trois élévations de coefficient en 2009 (240 à 255), en 2010 (270) et en 2014 (285).

Les élévations de coefficient depuis 2009 ne sauraient être écartées de l'appréciation de la situation de M. [A] au seul motif allégué par le salarié qu'elles sont destinées à masquer la discrimination dont il serait l'objet puisqu'elles constituent un fait matériel objectif indépendamment de l'interprétation que le salarié en donne. Au surplus, ces élévations de coefficient ont été accordées au salarié avant la saisine du conseil de prud'hommes.

Certes, M. [A] a été maintenu au coefficient 240 durant 12 ans entre 1997 et 2009, soit sur une période de 5 ans précédant son mandat, augmentée d'une nouvelle période de 7 ans postérieure à son mandat.

Mais, ce maintien s'explique par le fait que M. [A] n'avait aucune compétence en dessin industriel ni en mécanique lorsqu'il est devenu assistant technique d'études en 2002 c'est-à-dire concomitamment à l'obtention de son premier mandat, alors que le niveau 3 de la grille de classification est défini par « d'après les instructions précises et détaillées et des informations fournies sur le mode opératoire et sur les objectifs, il [le salarié] exécute des travaux comportant l'analyse et l'exploitation simples d'informations du fait de leur nature ou de leur répétition, en application des règles d'une technique déterminée », et que le niveau 4 est ainsi déterminé : « d'après les instructions de caractère général portant sur des méthodes connues ou indiquées, en laissant une certaine initiative sur le choix des moyens à mettre en 'uvre et sur la succession des étapes, il [le salarié] exécute des travaux administratifs ou techniques d'exploitation complexe ou d'étude d'une partie d'ensemble, en application des règles d'une technique connue ».

Le caractère dérisoire des augmentations individuelles dont a bénéficié M. [A] ne ressort que des seules affirmations du salarié qui ne sont pas confirmées par les pièces du dossier qui démontrent, au contraire, que les augmentations individuelles (hors augmentations collectives) accordées aux salariés du panel utilisé par M. [A] sont comparables aux siennes en leur fréquence et en leur montant.

Comme justement relevé par la SAS Zodiac Actuation Systems, le salaire moyen des salariés de niveau IV affectés à l'établissement d'[Localité 3] n'est pas pertinent car il est calculé sur la base de tous les coefficients confondus d'un même niveau. En outre, aucun élément ne permet de vérifier la répartition des salariés par coefficient du niveau IV et donc l'incidence de celle-ci sur le calcul de cette moyenne.

Comme également relevé par la SAS Zodiac Actuation Systems, si le panel utilisé par M. [A] (Mmes [S], [R], [O], [E], [I] et M. [Q]) est constitué de personnes engagées en qualité d'ouvriers câbleurs entre 1974 et 1982, l'évolution fonctionnelle différente de ces salariés rend difficile, voir impossible la comparaison.

En effet, Mmes [S], [R] et [O], respectivement engagées en 1974, 1981, et 1979, ont toutes trois évolué vers des postes administratifs et ont, à ces occasions, changé de grille de classification. M. [Q], et Mmes [E] et [I] sont restés ouvriers.

Cette situation est confirmée par le tableau de M. [A] qui mentionne que Mme [S], assistante administrative confirmée en 2002 était Assistante contrôle de gestion en 2012, que Mme [R], Câbleuse en 2002 était Agent administratif pôle affaire en 2012 et que Mme [O], Responsable d'accueil en 2002 était Chargée d'achats frais généraux en 2012, alors que M. [Q], Câbleur en 2002 était Technicien atelier en 2012, que Mme [E], Monteuse câbleuse en 2002 était Technicienne atelier en 2012 et Mme [I], Câbleuse en 2002 était Monteuse en 2012.

Ces différences s'expliquent par des parcours individualisés en raison des choix d'évolutions fonctionnelles des intéressés. Ainsi, en ce qui le concerne, M. [A] explique qu'il a été débauché par M. [P] [D], responsable du Bureau d'études « recherche et développement mécanique » en 2000, en ce que, suite à la création du service « actionneurs de siège » au sein du pôle Harnais, M. [D] était à la recherche de Dessinateurs d'étude justifiant d'une solide expérience en câblage. M. [A] a donc répondu favorablement à la sollicitation d'un responsable d'un autre service, étant précisé qu'il indique avoir postulé en 2004 au poste de réceptionniste seul poste disponible pour rester dans le groupe SNECMA.

M. [A] rappelle, à juste titre, que la comparaison ne doit pas porter sur les salariés qui exercent au jour où le juge statue les mêmes fonctions que le salarié qui se prétend discriminé mais sur ceux qui ont été embauchés à la même date et au même niveau de diplôme et que la question n'est pas de savoir si le salarié qui se prétend discriminé occupe les mêmes fonctions que ceux avec lesquels il se compare au moment où le juge statue mais bien de rechercher si précisément, alors que le salarié était au départ dans une situation identique à celle du panel de comparaison, son évolution de carrière a été ou non comparable.

Dès lors, au vu de ce principe, la comparaison entre M. [A], d'une part, et MM. [Z], [P] et [T], d'autre part, manque de pertinence dans l'appréciation de la situation de M. [A].

En effet, M. [Z] est entré dans l'entreprise le 8 décembre 1982 au niveau 4 coefficient 270 de la grille des techniciens et administratifs de la convention et en qualité de Dessinateur études (selon la pièce 26 de M. [A]), après avoir obtenu en 1975 un CAP de dessin industriel.

M. [T] est entré dans l'entreprise le 1er avril 2011, au niveau 4 coefficient 255, étant titulaire d'un diplôme bac + 2, d'un diplôme de mécanique de production, délivré par un institut supérieur de technologie Péruvien en 1992 et ayant validé ses compétences en qualité de « technicien méthodes et préparation en mécanique générale » en 2006.

M. [P] est entré dans l'entreprise en 1972, en qualité de stagiaire service fabrication. Il est devenu dessinateur détaillant en 1973, puis dessinateur petites études, puis dessinateur études en 1979, niveau 4, coefficient 255 après avoir suivi une formation dans le cadre d'un CAP de dessinateur.

Aucun de ces salariés ne peut donc être comparé à M. [A] engagé en qualité de câbleur en 1980, et ayant acquis le titre de dessinateur en 2003.

Aux actions de formation énoncées par M. [A], doivent s'ajouter les formations EN9100 en 2003, LEAN en 2011 et Sensibilisation en 2016 qui, bien que dispensées à l'ensemble des salariés, ont également profité à M. [A] et s'inscrivent dans le devoir de formation et d'adaptation du salarié à son poste de travail s'imposant à l'employeur. Il doit être également tenu compte d'un stage d'habilitation électrique d'une durée de 7 heures suivi par M. [A] le 6 mars 2014.

Dès lors, aucune pièce du dossier ne permet de constater que M. [A] aurait été dans une situation de formation moins favorable que ses collègues.

Dans ces conditions, le seul fait que certaines des demandes de stage de M. [A] n'aient été que partiellement satisfaites avec un décalage dans le temps (l'évocation de formations Excel et Zuken dans l'entretien de janvier 2013 a été suivie d'une formation Zuken en avril 2014 et l'évocation d'une formation MFG Pro dans l'entretien du 19 mars 2007 a été concrétisée en janvier 2009) ne fait pas présumer une discrimination.

Ainsi, en l'état des explications et des pièces fournies telles qu'examinées ci-dessus, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus n'est pas démontrée.

Il en est cependant différemment, d'une part, de l'absence d'entretiens individuels d'évaluation concernant M. [A] sur certaines années que la SAS Zodiac Actuation Systems ne peut justifier par des éléments objectifs autres que de simples affirmations sur la carence de chefs de services et, d'autre part, de la prise en compte des activités représentatives de M. [A] dans l'appréciation de sa disponibilité, de l'organisation de son travail, des modalités de répartition de son temps entre activités professionnelles et syndicales, et son implication au travail, qui a ainsi affecté ces critères d'évaluation professionnelle jugés pour certains insuffisants pour les autres à améliorer.

Cette circonstances atteste d'une discrimination syndicale dans l'évaluation professionnelle du salarié et ouvre droit ainsi à M. [A] à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Compte tenu de la récurrence de cette situation dans les entretiens d'évaluation de 2007, 2012, 2013, 2015 et 2016, et de sa portée sur les évaluations professionnelles du salarié sur les années concernées telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant pour M. [A] sera réparé par l'octroi d'une somme de 10 000 €.

Le jugement entrepris sera infirmé sur le montant des dommages-intérêts pour discrimination alloués à M. [A].

Sur la demande subsidiaire de communication de pièces

La cour s'estimant suffisamment informée sur la situation de M. [A] au regard de la discrimination syndicale alléguée et au vu des pièces produites de part et d'autre, la demande subsidiaire tendant à ordonner à la SAS Zodiac Actuation Systems la communication de listes de salariés mentionnant leur date d'embauche, leur âge, leur sexe, leur coefficient, leur positionnement et l'échelon à l'embauche, sera rejetée.

Sur la demande de dommages-intérêts pour violation des accords collectifs

M. [A] rappelle que :

- la Convention collective de la Métallurgie de la Région parisienne consacre le droit

syndical et la liberté d'opinion en son article 3 : « L'entreprise étant un lieu de travail, les employeurs s'engagent à ne prendre en considération le fait d'appartenir ou non à un syndicat (') pour arrêter leur décision en ce qui concerne l'embauchage, la conduite ou la répartition du travail, les mesures de discipline, de congédiement ou d'avancement et pour l'application de la présente convention ; à ne faire aucune pression sur le personnel en faveur de tel ou tel syndicat (') »,

- l'accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) du 30 juin 2016 rappelle quant à lui le principe de non-discrimination.

Faisant valoir qu'il a fait l'objet d'une véritable stagnation dans son évolution professionnelle et salariale et qu'il n'a en outre pas bénéficié chaque année d'un entretien individuel et s'est heurté à un blocage dans l'accès aux formations, il relève une contradiction patente entre, d'une part, les principes énoncés par les accords d'entreprise et, d'autre part, la réalité de la situation vécue par les salariés, dont lui-même

Il en déduit une violation par l'employeur des dispositions ci-dessus, violation qui entraîne, selon lui, nécessairement la responsabilité de la SAS Zodiac Actuation Systems à l'égard de ses salariés

Mais, il appartient au salarié qui réclame des dommages-intérêts en raison de la faute commise par l'employeur de rapporter la preuve du préjudice qu'il prétend avoir personnellement subi de ce fait.

Or, en invoquant une violation qui entraîne nécessairement la responsabilité de l'employeur à l'égard de ses salariés, M. [A] procède par voie d'affirmation de principe.

M. [A] sera donc débouté de sa demande en dommages-intérêts pour violation des accords collectifs.

Sur les demandes du syndicat CGT Zodiac Actuation Systems

Le syndicat CGT Zodiac Actuation Systems fait valoir que le comportement discriminatoire a pour but ou pour effet d'empêcher l'adhésion à un syndicat, la militance ou la présence de salariés sur les listes électorales d'un syndicat et de façon plus générale, le développement des organisations syndicales sur le lieu de travail.

La société Zodiac Actuation Systems réplique qu'aucune discrimination ne pouvant être relevée en l'espèce, les demandes du le syndicat CGT Zodiac Actuation Systems ne pourront également qu'être écartées.

Mais, la discrimination à l'égard de M. [A] a été établie.

Les éléments développés ci-dessus établissent que cette discrimination a porté atteinte aux intérêts moraux tant collectifs et individuels des salariés que le syndicat est chargé de représenter et de défendre en ayant affecté les principes d'égalité entre les salariés, et de la liberté d'opinion et d'adhésion à un syndicat de son choix.

En conséquence, la SAS Zodiac Actuation Systems sera condamnée à verser à syndicat CGT Zodiac Actuation Systems la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier.

Sur les frais non compris dans les dépens

Par application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Zodiac Actuation Systems sera condamnée à verser à M. [A] la somme de 2 000 €, et au syndicat CGT Zodiac Actuation Systems la somme de 1 000 € qui s'ajouteront à celles allouées en première instance, au titre des frais non compris dans les dépens qui ont été exposés par l'appelant et la partie intervenant.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

DÉCLARE recevable l'appel de M. [A],

CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur le montant des dommages-intérêts pour discrimination alloués à M. [A] ,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

CONDAMNE la société Zodiac Actuation Systems à verser à M. [A] la somme de 10 000 € (dix mille euros) à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant de la discrimination,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Zodiac Actuation Systems à verser au le syndicat CGT Zodiac Actuation Systems la somme de 1 000 € (mille euros) à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier,

DÉBOUTE M. [A] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la société Zodiac Actuation Systems à verser à M. [A] la somme de 2 000 € (deux mille euros), et au syndicat CGT Zodiac Actuation Systems la somme de

1 000 € (mille euros), en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE la société Zodiac Actuation Systems aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 15/12973
Date de la décision : 03/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°15/12973 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-03;15.12973 ?
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