RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 02 Mai 2018
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/12123
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Août 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F 13/15752
APPELANTE
Madame [M] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 1]
représentée par Me Véronique LESNE BERNAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0528
INTIMEES
SARL [F] CONSULTING
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 528 509 557
représentée par Me Dan NAHUM, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 36
SAS SEDAD
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 480 172 022
représentée par Me Dan NAHUM, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 36
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Mme Florence OLLIVIER, Vice Président placé faisant fonction de Conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 14 décembre 2017, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de Chambre
Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère
Madame Florence OLLIVIER, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 14 décembre 2017
Greffier : Mme Sylvie FARHI, lors des débats
ARRET :
- contradictoire,
- prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de Chambre et par Madame Sylvie FARHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [M] [V] a été embauchée par la société à responsabilité limitée [F] CONSULTING en qualité de cadre responsable administrative et financière, en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en date du 20 août 2012.
Madame [M] [V] a été déclarée temporairement inapte par le médecin du travail le 21 octobre 2013 et placée en arrêt maladie.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 octobre 2013, Madame [M] [V] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 31 octobre 2013, auquel elle ne s'est pas présentée.
Elle a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire à compter du 21 octobre 2013.
Elle a saisi le conseil des prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 30 octobre 2013.
Son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 7 novembre 2013.
Par jugement en date du 12 août 2016, le conseil des prud'hommes de Paris, a reconnu la qualité de co-employeurs de la SARL [F] CONSULTING et de la SAS SEDAD et les a condamnés solidairement à payer à Madame [M] [V], avec intérêts de droit :
- 15.000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.500 euros au titre des congés payés y afférents,
- 2.914,47 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 3.231,76 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,
- 323,18 euros au titre des congés payés y afférents,
- 5.000 euros de dommages et intérêts pour non-respect des temps de repos,
- 15.000 euros de dommages et intérêts pour rupture illicite du contrat de travail.
Le conseil des prud'hommes a débouté Madame [M] [V] du surplus de ses demandes, a débouté la société [F] CONSULTING et la société SEDAD de leurs demandes et les a condamnés solidairement à payer à la salariée la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La société [F] CONSULTING et la société SEDAD ont interjeté appel du jugement par déclaration au greffe en date du 15 septembre 2016.
Madame [M] [V] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 28 septembre 2016.
Dans leurs dernières conclusions, déposées et signifiées par voie électronique le 18 septembre 2017, la société [F] CONSULTING et la société SEDAD demandent à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a reconnu le statut de co-employeurs aux sociétés SEDAD et [F] CONSULTING,
- débouter Madame [M] [V] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Madame [M] [V] à leur payer la somme de 5 000 € chacune au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile, pour procédure abusive,
- condamner Madame [M] [V] à leur payer la somme de 1.500 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions, déposées et signifiées par voie électronique le 22 décembre 2016, Madame [M] [V] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la qualité de co-employeurs des sociétés [F] CONSULTING et SEDAD et les condamnées solidairement à lui payer les sommes suivantes :
* 15.000 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois),
* 1.500 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
* 2.914,47 € à titre d'indemnité de licenciement,
* 3.231,76 € bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
* 323,18 € bruts à titre de rappel de congés payés y afférents ;
- infirmer le jugement pour le surplus, et, à titre principal, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [V] à la date du 7 novembre 2013, aux torts de la société [F] CONSULTING et la société SEDAD ;
- subsidiairement, dire que le licenciement pour faute grave notifié le 7 novembre 2013 est nul et vexatoire,
- en tout état de cause, condamner in solidum la société [F] CONSULTING et la société SEDAD à lui payer les sommes suivantes, assorties des intérêts légaux :
* 20.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif aux agissements de harcèlement moral,
* 60.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de la rupture illicite du contrat de travail, et subsidiairement de la nullité du licenciement notifié le 7 novembre 2013 à Madame [V],
* 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du caractère vexatoire de la procédure de licenciement disciplinaire initiée à l'encontre de Madame [V],
* 67.682,14 € bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et travail le dimanche et les jours fériés,
* 6.768,21 € bruts à titre de rappel de congés payés y afférents,
* 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au non respect des durées maximales de travail et des temps de repos,
* 59.232,05 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue en cas de travail dissimulé et de rupture du contrat de travail,
* 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
La société [F] CONSULTING et la société SEDAD font valoir qu'il n'y a pas de confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les deux sociétés, aucune immixtion de l'une dans la gestion de la direction de l'autre et que Madame [M] [V] ne prouve pas avoir travaillé de manière effective pour la société SEDAD ni avoir été mise à la disposition de cette entreprise.
Elles soutiennent que les faits de harcèlement moral reprochés ne sont pas fondés, ne justifient pas une rupture contractuelle aux torts de l'employeur, et que le contrat a été rompu par le licenciement, qui n'est pas contesté.
Elles ajoutent que le licenciement pour faute grave est justifié, et qu'il est à tout le moins fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Elles affirment que Madame [M] [V] ne prouve pas l'accomplissement d'heures supplémentaires, alors qu'elle avait une totale liberté dans son emploi du temps et qu'elle n'était pas soumise aux dispositions du code du travail relatives aux heures supplémentaires.
Elles contestent les faits de harcèlement moral et le caractère illicite et vexatoire du licenciement.
Madame [M] [V] fait valoir qu'elle n'était pas cadre dirigeant, qu'elle était soumise à l'horaire collectif de travail et qu'elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires. Elle affirme avoir été victime de harcèlement moral et que la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat justifie la résiliation du contrat de travail. Elle soutient que la procédure de licenciement, engagée sur des fondements fallacieux pour échapper aux conséquences des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, est vexatoire. Elle ajoute qu'elle était à la disposition et sous la subordination du directeur général de la société SEDAD, qui lui dictait ses missions au bénéfice des différentes entités du groupe, en contrôlait l'exécution et décidait des conditions de son emploi.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties.
Par ordonnance en date du 14 mars 2017, les affaires ont été jointes et la clôture a été fixée au 8 février 2018.
L'audience de plaidoirie s'est tenue le 8 mars 2018.
MOTIFS
Sur le co-emploi
La qualité de co-employeurs peut résulter du lien de subordination existant entre un salarié et deux employeurs à l'occasion de l'exercice d'une seule activité professionnelle.
En l'espèce, le conseil des prud'hommes a justement retenu que le contrat de travail de Madame [M] [V] stipulait qu'elle devait accomplir ses missions au profit de la société [F] CONSULTING et des sociétés associées, filiales ou partenaires liées directement ou indirectement à la société SEDAD, avec les directeurs généraux de ces sociétés, que Monsieur [Q] [F], directeur général de la holding la société SEDAD et dirigeant de nombreuses autres sociétés du groupe, lui reconnaissait dans les procurations produites aux débats la qualité de responsable administratif et financier du groupe, qu'il ressort des pièces communiquées que Madame [M] [V] travaillait effectivement pour le compte de la société SEDAD et qu'elle recevait de Monsieur [Q] [F] des instructions relatives aux tâches à effectuer pour l'ensemble du groupe.
Il résulte de ces éléments que Madame [M] [V] était également sous la subordination de la société SEDAD, à laquelle il convient de reconnaître la qualité de co-employeur.
La société SEDAD sera en conséquence condamnée in solidum au paiement, au profit de Madame [M] [V], des sommes mises à la charge de la société [F] CONSULTING.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires ou complémentaires
L'article L3111-2 du code du travail dispose que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III.
Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
La société [F] CONSULTING et la société SEDAD soutiennent que Madame [M] [V] avait le statut de cadre dirigeant, qu'elle avait signé un avenant à son contrat de travail en ce sens le 1er novembre 2013 et qu'elle n'était pas soumise aux dispositions du code du travail relatives à la durée du travail et à ses modalités de contrôle, ce que conteste Madame [M] [V].
Outre que les employeurs ne produisent pas l'avenant selon lequel Madame [M] [V] aurait obtenu par la suite le statut de cadre dirigeant, il résulte de l'analyse des éléments du dossier que son contrat de travail stipulait qu'elle était soumise à l'horaire collectif de travail à raison de 151,67 heures mensuelles, qu'elle bénéficiait d'une pause d'une heure à l'heure du déjeuner durant laquelle elle était libre de ses activités, la gestion de l'emploi du temps de travail et des temps de repos étant comptabilisée de manière déclarative.
Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces de la procédure que la salariée était habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome et qu'elle percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiquées dans l'entreprise.
Au contraire, les pièces communiquées, et notamment l'attestation de Madame [H] ou les échanges de mails, démontrent qu'elle ne disposait pas d'une telle autonomie et que son activité était soumise à un contrôle étroit de Monsieur [Q] [F], dirigeant de la société [F] CONSULTING et de la société SEDAD.
Dès lors, il n'est pas établi que Madame [M] [V] bénéficiait du statut de cadre dirigeant et les dispositions relatives à la durée légale du travail doivent lui être appliquées.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Il incombe au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce, Madame [M] [V] produit aux débats le badge enregistré au nom de Monsieur [Q] [F] qu'elle utilisait pour circuler dans l'entreprise à compter du 22 mars 2013, les relevés de ce badge et du badge nominatif qu'elle utilisait avant le 22 mars 2013, faisant état de ses heures d'arrivée et de sortie sur la période du 3 décembre 2012 au 18 octobre 2013, ainsi que les tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires effectuées sur la période du 21 août 2012 au 18 octobre 2013, journaliers et mensuels, réalisés à partir de ces relevés et des archives de sa boîte e-mail.
Elle étaie donc sa demande par ces éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.
La société [F] CONSULTING et la société SEDAD ne fournissent aucun justificatif sur les horaires de la salariée, dont elles avaient connaissance par la réception des mails horodatés adressés par Madame [M] [V], observation étant faite qu'il n'est pas établi que les employeurs ont manifesté une quelconque opposition à l'accomplissement de ces heures.
Il ressort des tableaux communiqués que Madame [M] [V] a accompli 416h40 heures supplémentaires en 2012 et 888h10 heures supplémentaires en 2013.
La société [F] CONSULTING et la société SEDAD seront en conséquence condamnées in solidum à payer à Madame [M] [V], au titre des heures supplémentaires réalisées, les sommes suivantes :
- 5.933,94 € bruts au titre des 144 heures supplémentaires majorées à 25% de 2012 ;
- 13.482,89 € bruts au titre des 272h40 heures supplémentaires majorées à 50% de 2012 ;
- 1.454,47 € bruts au titre des 22h04 heures supplémentaires majorées à 100% (dimanches et jours fériés) de 2012 ;
- 12.527,20 € bruts au titre des 304h heures supplémentaires majorées à 25% de 2013 ;
- 28.886,40 € bruts au titre des 584h10 supplémentaires majorées à 50% de 2013 ;
- 5.397,24 € bruts au titre des 81h52 heures supplémentaires majorées à 100% de 2013,
Soit un total de 67.682,14 euros bruts.
Elles seront en outre condamnées à payer à la salariée une indemnité de 6.768,21 euros bruts au titre des congés payés y afférents.
Le jugement du conseil des prud'hommes sera infirmé sur ce point.
Sur le travail dissimulé
L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.
Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Il convient de rappeler que le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut pas se déduire de la seule absence de paiement des heures supplémentaires, d'autant que Madame [M] [V] n'avait pas réclamé le paiement de ces heures à son employeur avant l'engagement de la procédure devant le conseil des prud'hommes.
Aucun élément ne permettant d'établir une volonté de dissimulation d'emploi salarié, la demande de Madame [M] [V] sera rejetée. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur le non-respect des durées maximales de travail et des temps de repos
Le salarié qui a été privé de repos hebdomadaire et de repos quotidien peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice tiré du trouble causé dans sa vie personnelle et des des risques pour sa santé et sa sécurité.
Il appartient à l'employeur de prouver que les dispositions relatives aux temps de repos ont été respectées.
En l'espèce, la société [F] CONSULTING et la société SEDAD n'apportent pas la preuve que ces temps de repos ont été respectés.
De surcroît, il résulte du nombre d'heures supplémentaires accomplies par Madame [M] [V] et des tableaux récapitulatifs de son emploi du temps de travail que ces temps de repos n'étaient pas respectés.
Dès lors, la cour confirmera le jugement déféré ayant condamné solidairement la société [F] CONSULTING et la société SEDAD à indemniser Madame [M] [V] du préjudice subi à hauteur de 5.000 euros.
Sur le harcèlement moral
Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Comme faits laissant présumer un harcèlement, Madame [M] [V] invoque :
- des propos agressifs et de mises en cause répétées de ses capacités professionnelles,
- des injonctions et l'exigence d'une disponibilité permanentes,
- une charge de travail disproportionnée et des attentes irréalistes et démesurées en matière de traitement de celle-ci,
- la négation de toute autonomie de décision et d'organisation, des demandes incessantes d'explications et de justifications et une pression permanente,
- la négation de l'investissement professionnel de la salariée,
- un déclassement caractérisé par l'assignation répétée de tâches d'employée de bureau et de secrétariat, l'interdiction faite à des salariés de moindre qualification de lui apporter leur assistance et de travailler avec elle sans y être préalablement autorisés et un placement sous la surveillance d'un prestataire extérieur chargé de contrôler en permanence ses activités et leur avancement.
Pour justifier des faits ainsi allégués, la salariée communique aux débats divers éléments.
Elle produit l'attestation de Madame [H], responsable juridique des ressources humaines, témoignant que Monsieur [Q] [F] confiait à Madame [M] [V], en plus de son poste, toutes sortes de tâches, de secrétariat ou d'employée de bureau, ou des missions relevant du poste de Madame [H]. Cette dernière indiquait également que Monsieur [Q] [F] la surveillait constamment et qu'il lui avait parlé à plusieurs reprises de manière agressive.
Monsieur [U] [T], contrôleur de gestion et salarié de la société [F] CONSULTING, atteste, en outre, que Madame [Y] [M] lui avait expressément demandé de ne pas travailler avec Madame [M] [V], sauf instructions contraires.
Il ressort par ailleurs des échanges de courriels produits par Madame [M] [V] que son employeur la sollicitait pendant les vacances, les week-ends et jours fériés, ou à des heures tardives, et qu'il lui a demandé d'envoyer des courriers ou des colis, ou de mettre à sa disposition des documents, tâches ne correspondant pas aux fonctions qu'elle exerçait. L'employeur a également reconnu une surcharge de travail (mails du 18 janvier 2013, du 3 octobre 2013) et a adressé à Madame [M] [V] de très nombreux courriels les 29 juillet et 30 juillet 2013 en lui demandant de répondre à de nombreuses demandes de manière urgente. L'organisation de son travail et les tâches réalisées étaient en outre contrôlées par un consultant extérieur à compter du mois de juin 2013 (courriels du 10 au 12 juillet 2013).
Enfin, Madame [M] [V] produit des éléments médicaux faisant état de troubles anxio-dépressifs en rapport avec une souffrance au travail.
Les faits ainsi décrits, matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement.
L'employeur conteste tout harcèlement en indiquant que Madame [M] [V] ne s'est jamais plainte de ses conditions de travail, que la société [F] CONSULTING était en droit d'être exigeante quant à la qualité du travail de la salariée, à laquelle étaient confiées des responsabilités importantes, et que la charge de travail n'était pas excessive.
Toutefois, l'absence de plainte de la salariée ou l'exigence d'un employeur à son égard ne sauraient justifier de manière objective les faits décrits qui pris dans leur ensemble sont de nature à constituer un harcèlement. Par ailleurs, la surcharge de travail est établie par les pièces produites aux débats.
Ainsi, la société [F] CONSULTING et la société SEDAD ne démontrent pas que les agissements à l'égard de Madame [M] [V] reposaient sur des éléments objectifs pertinents étrangers à tout harcèlement.
Le harcèlement moral est ainsi caractérisé.
En conséquence, le jugement déféré ayant débouté Madame [M] [V] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre sera infirmé et la cour condamnera in solidum la société [F] CONSULTING et la société SEDAD à payer à Madame [M] [V] la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi.
Sur la rupture du contrat de travail
Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.
Pour fonder une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, et produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de rapporter la preuve de manquements de l'employeur à ses obligations suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail.
Comme manquements graves invoqués au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, Madame [M] [V] fait état des faits de harcèlement qu'elle a subi et du non-respect par l'employeur de ses obligations en matière de durée du travail et de temps de repos.
Il ressort des éléments versés aux débats que les manquements invoqués, et démontrés, sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail. Il convient par conséquent de faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société [F] CONSULTING et de la société SEDAD à la date du 7 novembre 2013, date du licenciement.
La résiliation, fondée notamment sur des faits de harcèlement moral, produira les effets d'un licenciement nul.
Sur les conséquences de la résiliation
Seule une faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant une mise à pied conservatoire. Madame [M] [V] peut donc prétendre au remboursement des salaires qui ne lui ont pas été versés durant cette période, outre les congés payés y afférents. Le jugement déféré sera par conséquent confirmé sur ce point.
Le salarié dont la résiliation d'un contrat produit les effets d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable.
Ainsi, la société [F] CONSULTING et la société SEDAD se trouvent débitrices envers Madame [M] [V] d'une indemnité compensatrice de préavis dont elles sont tenues de lui verser le montant intégral pour toute la période où la salariée aurait dû l'exécuter, outre les congés payés y afférents.
Les sociétés [F] CONSULTING et SEDAD sont également débitrices de l'indemnité légale de licenciement prévue par l'article L.1234-9 du code du travail.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Par ailleurs, la société [F] CONSULTING sera condamnée à verser à Madame [M] [V] la somme de 35.000 euros en réparation du préjudice tiré du caractère illicite de la rupture du contrat de travail. Le jugement déféré sera en conséquence infirmé sur ce point.
Sur le licenciement vexatoire
Il résulte des pièces versées aux débats que la société [F] CONSULTING a été informée le jour de la visite médicale de Madame [M] [V] de son inaptitude temporaire, que la convocation à l'entretien préalable est datée du même jour et que la salariée était en arrêt maladie le jour où cet entretien devait se tenir.
Ainsi, la société [F] CONSULTING a mis en 'uvre de manière brutale la procédure de licenciement à l'encontre de Madame [M] [V] dès lors qu'elle a été informée de son inaptitude temporaire, en invoquant des manquements graves commis par son employée, alors qu'il ne lui avait jamais adressé auparavant d'avertissement sur la qualité de son travail.
L'employeur a ainsi commis une faute dans les circonstances entourant le licenciement, causant un préjudice moral distinct de celui qui résulte de la perte de l'emploi et que la cour éévalue exactemeny à la somme de 2.000 euros.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point et les sociétés [F] CONSULTING et SEDAD seront condamnées in solidum au paiement de cette somme.
Sur les demandes de dommages et intérêts formées par la société [F] CONSULTING et la société SEDAD pour procédure abusive
La société [F] CONSULTING et la société SEDAD ne démontrent pas le caractère abusif de la procédure entamée par Madame [M] [V] et ils seront déboutés de leurs demandes à ce titre.
Sur les frais de procédure
La société [F] CONSULTING et la société SEDAD, succombant à l'instance, seront condamnées in solidum aux dépens.
Elles seront, en outre, condamnées in solidum à payer à Madame [M] [V] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Paris le 12 août 2016, en ce qu'il a débouté Madame [M] [V] de sa demande au titre du travail dissimulé, reconnu la qualité de co-employeurs de la société à responsabilité limitée [F] CONSULTING et de la société par actions simplifiée SEDAD et les a condamnées in solidum à payer à Madame [M] [V], les sommes suivantes :
- 15.000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.500 euros au titre des congés payés y afférents,
- 2.914,47 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 3.231,76 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,
- 323,18 euros au titre des congés payés y afférents,
- 5.000 euros de dommages et intérêts pour non-respect des temps de repos,
L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [M] [V] à la date du 7 novembre 2013, aux torts de la SARL [F] CONSULTING et de la SAS SEDAD, et dit qu'elle a les effets d'un licenciement nul,
Condamne in solidum la SARL [F] CONSULTING et la SAS SEDAD à payer à Madame [M] [V] les sommes suivantes :
- 67.682,14 € bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et travail le dimanche et les jours fériés,
- 6.768,21 € bruts à titre de rappel de congés payés y afférents,
- 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif aux agissements de harcèlement moral,
- 35.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de la rupture illicite du contrat de travail,
- 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du caractère vexatoire de la procédure de licenciement disciplinaire,
Déboute la société à responsabilité limitée [F] CONSULTING et la société par actions simplifiée SEDAD de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l'arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
Condamne in solidum la société à responsabilité limitée [F] CONSULTING et la société par actions simplifiée SEDAD à payer à Madame [M] [V] 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne in solidum la société à responsabilité limitée [F] CONSULTING et la société par actions simplifiée SEDAD aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT