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02/05/2018 | FRANCE | N°14/11316

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 02 mai 2018, 14/11316


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 02 Mai 2018

(n° , 12 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/11316





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 12/00425





APPELANT



Monsieur [P] [P]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 2]
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br>représenté par Me Abdelhalim BEKEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB 10





INTIMEE



SA CORPORATE PROPERTY ACCOUNTING SERVICES (CPAS)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 02 Mai 2018

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/11316

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 12/00425

APPELANT

Monsieur [P] [P]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 2]

représenté par Me Abdelhalim BEKEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB 10

INTIMEE

SA CORPORATE PROPERTY ACCOUNTING SERVICES (CPAS)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Romain SUTRA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171 substitué par Me Sophie BAILLY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0346

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Christine LETHIEC, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoit HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Mme Laurie TEIGELL, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, Président et par Madame Laurie TEIGELL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et prétentions des parties

M.[P] [P] a été engagé par la SA Corporate Property Accounting Service, ci-après C.P.A.S, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 août 2007, pour y exercer les fonctions de comptable général, statut cadre autonome, coefficient 330, niveau 3, en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute de 2 231 € sur treize mois, pour une convention de forfait annuel de 218 jours de travail. Le salarié percevait, en dernier lieu,une rémunération mensuelle de 2 566.67 €.

Par courriel du 1er février 2011, M. [P] [P] a saisi M. [Q] [J], délégué du personnel et secrétaire du CHSCT pour «un droit d'alerte suite à des agissements de harcèlement , de discrimination ainsi que de menaces de licenciement proférées le 31 janvier 2011 avec Mme [D], responsable comptable et financière et Mme [K], comptable sénior conformément à l'article L. 2313 du code du travail».

Le salarié a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie du 2 au 16 février 2011, puis du 19 juillet au 27 novembre 2011.

Les conclusions du rapport de l'enquête réalisée le 3 mars 2011, en présence de Mme [Y] [M] [E], directrice des ressources humaines et de Mme [V], direction juridique CBRE conclut, le 4 avril 2011, que «l'accusation de harcèlement à l'encontre de Mmes [K] et [D] n'est pas fondée.» et que « M. [P] a un sentiment de rancoeur car il n'a pas été nommé senior. Il a alors refusé l'autorité de son responsable hiérarchique, Mme [K]».

Par lettre recommandée daté du 5 mai 2011, le salarié est informé qu'à compter du 9 mai 2011, il travaillera sous la responsabilité de M. [R] [N], responsable de groupe.

Par lettre recommandée du 2 août mai 2011, la société C.P.A.S, a notifié à M. [P] [P] un avertissement, rédigé en ces termes :

«Monsieur [N], votre responsable, vous a demandé d'apporter votre aide à une assistante afin que cette dernière puisse établir une procuration bancaire en faveur du nouveau directeur de la société CB Richard Property Manangerr.

Vous lui avez alors répondu que «ce n'était pas le boulot des comptables» et que «même s'il vous demandait de le faire vous ne le ferez pas». Puis vous vous êtes mis en colère, avez élevé la voix sur le plateau devant l'ensemble des collaborateurs du département et avez dénigré l'organisation de la société...

Vous employez un ton menaçant : «je te rappelle que je t'ai informé lors de mon affectation à ton équipe, que j'ai déclenché précédemment une procédure de droit d'alerte notamment pour des agissements néfastes répétés à mon égard nuisant à mon intégrité physique et moral» '

C'est donc le troisième supérieur hiérarchique que vous accusez d'agissements répréhensibles à votre encontre ce qui ne peut nous laisser sérieusement perplexe sur votre démarche

Il apparaît que vous avez décidé de vous opposer à votre hiérarchie et quelle qu'elle soit et tentez de faire croire au fait que vous seriez victime.

Une telle attitude n'est pas admissible.

Du fait du comportement adopté par vous à l'encontre de votre supérieur hiérarchique actuel, nous avons décidé de vous notifier un avertissement qui sera versé à votre dossier personnel ... ».

Lors de la visite de pré-reprise du salarié, le 2 août 2011, le médecin du travail indique «Prévoir une reprise à mi-temps thérapeutique».

Par lettre recommandée adressée le 29 novembre 2011, M. [P] [P] a pris acte de la rupture du contrat de travail en ces termes :

«Après avoir vainement tenté d'attirer votre attention et celle de Mme [M] [E], directrice des ressources humaines du groupe CBRE, sur la dégradation de mes conditions de travail et ses conséquences préjudiciables pour ma santé, je déplore qu'aucune démarche n'a été entreprise pour remédier à la situation.

En effet, en date du 1er février 2011, j'ai sollicité l'intervention du délégué du personnel suite à des agissements néfastes à mon encontre, des menaces de licenciement et une discrimination en matière de rémunération.

L'enquête réalisée le 3 mars 2011, dont les rapports de Mme [B] [E], directrice des ressources humaines et M. [J], délégué du personnel, vous ont été transmis, confirment les écarts de propos tenus par ma hiérarchie, la discrimination en matière de rémunération que je subis, le manquement à mes entretiens annuels d'évaluation non réalisés à ce jour pourtant obligatoires.

Malheureusement depuis, la seule solution a été de me subordonner à l'autorité d'un autre manager, M. [N], lui-même sous l'autorité de Mme [D], qui, je vous le rappelle m'avait préalablement menacé de licenciement et a tenu des propos à caractère vexatoire à mon égard à plusieurs reprises.

Ma lettre recommandée du 1er février 2011 adressée à Mme [D], les rapports d'enquête du 3 mars 2011, ainsi que mon courriel adressé à M. [N], le 7 juillet 2011, dont Mme [D], Mme [B] [E] et M. [J], ont reçu copie, décrivaient précisément les agissements répétés par Mme [D] dont je fais l'objet, lesquels ont pour objet et pour effet de dégrader gravement mes conditions de travail.

Les humiliations que j'endure chaque jour sont devenues insupportables et elles attentent gravement à ma santé physique et morale.

J'ai donc dû consulter mon médecin traitant. Ce dernier, au vu de l'importance de ma douleur morale, m'a orienté vers un Psychiatre, qui, au vu de l'importance de la pathologie, m'a prescrit l'arrêt de travail initial que je vous ai adressé le 20 juillet 2011, suivi de plusieurs prolongations qui vous ont été adressées le 1ert août 2011, le 16 août 2011, le 1er septembre 2011, le 3 octobre 2011, le 19 octobre 2011 et le 17 novembre 2011.

Je suis contraint de constater que, dans votre entreprise, les principes de prévention du harcèlement moral et de préservation de la santé des employés sont bafoués. Vous êtes donc principalement responsable des conséquences préjudiciables qui ont résulté des agissements de Mme [D] (et de ses subordonnées) sur mon état de santé physique et psychique.

Par conséquent, je ne reprendrai plus mon activité dans votre établissement car je considère que mon contrat de travail est rompu de votre fait à compter de la première présentation de présente lettre ».

L'entreprise qui employait, au jour de la rupture, plus de dix salariés, est assujettie à la convention collective des experts comptables.

Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [P] [P] a saisi, le 2 février 2012, le conseil de prud'hommes de Bobigny de diverses demandes indemnitaires et salariales.

Par jugement rendu le 18 septembre 2014, le conseil de prud'hommes a dit que la prise d'acte s'analysait en une démission et a débouté le salarié de ses demandes relatives aux indemnités de rupture et indemnisation pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, harcèlement moral, discrimination salariale, travail dissimulé, prêt illicite de main d''uvre et marchandage, ainsi que de ses demandes en rappel de salaires, heures supplémentaires,congés payés afférents et frais irrépétibles.

Le 16 octobre 2014, M. [P] [P] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 6 février 2018 et soutenues oralement, M. [P] [P] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

- dire que la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- constater l'illicéité du recours à la convention de forfait-jours,

- condamner la société C.P.A.S. à lui verser les sommes suivantes :

* 5 882 € à titre de rappel de salaire pour non application de la convention collective ( langue étrangère),

* 588.20 € au titre des congés payés afférents,

* 8 005 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 800.05 € au titre des congés payés afférents,

* 63 761 € au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées,

* 6 376.10 € au titre des congés payés afférents,

* 20 624 € à titre de dommages intérêts pour discrimination salariale,

* 2 181.67 € à tire d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 27 942 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 15 000 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,

* 20 000 € à titre de dommages intérêts pour prêt illicite de main d''uvre et marchandage,

* 15 400. 02 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

* 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 6 février 2018 et soutenues oralement, la société C.P.A.S sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la prise d'acte du salarié s'analysait en une démission, que la convention de forfait annuel en jours était licite, qu'il n'y a eu aucun prêt illicite de main d''uvre ou marchandage, ni travail dissimulé et que l'intéressé a été rempli de ses droits au titre de son salaire conventionnel. Elle conclut au rejet de l'intégralité des prétentions formées par M. [P] [P].

Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI LA COUR

Sur l'exécution du contrat de travail

a) Sur la convention de forfait

M. [P] [P] soulève la nullité de la convention de forfait jours aux motifs que cette convention ne s'applique qu'aux cadres autonomes classés N2 et N1, alors que lui-même est classé au niveau N3, et qu'il n'a pas bénéficié d'entretien annuel individuel à compter de l'année 2009.

La société C.P.A.S fait valoir que l'avenant à la convention collective, conclu le 12 septembre 2000, permet la conclusion de conventions de forfait annuel en jours, pour des catégories de salariés déterminés, qu'au regard de sa qualification, de ses fonctions et de son degré d'autonomie, la durée du travail du salarié pouvait être fixée dans le cadre d'un forfait annuel en jours et qu'au cours de la relation contractuelle de travail de nombreux entretiens ont bien eu lieu avec Mme [D] ou Mme [K] pour faire un point sur l'activité et la charge de travail de l'intéressé.

La convention de forfait résulte d'un accord entre un employeur et un salarié prévoyant une rémunération incluant le salaire habituel et les heures supplémentaires ou d'autres éléments de salaire.

L'article 6 du contrat de travail signé des parties, relatif à l'horaire de travail stipule :

« Compte tenu de son niveau de responsabilités, le cadre relève de la catégorie des cadres autonomes conformément aux dispositions de l'article L.212-15-3 du code du travail et à l'avenant du 12 septembre 2000 de la convention collective.

Le temps de travail du cadre est fixé à 218 jours par période de référence complète ( du 1er juin au 31 mai). Ce plafond de 218 jours est fixé sous réserve de la prise de la totalité des congés payés. Ce plafond de 218 jours ne peut être dépassé qu'à titre exceptionnel et à la condition de recevoir l'approbation écrite et préalable de la hiérarchie ou de la direction des ressources humaines.

Le cadre s'engage formellement à respecter les règles internes concernant les repos quotidiens et hebdomadaires ainsi que les modalités de suivi des jours travaillés, dont le cadre déclare expressément avoir pris connaissance. Ces obligations sont essentielles à la bonne exécution du présent contrat.

Les jours de repos sont pris conformément aux dispositions en vigueur dans la société».

Il résulte de l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, que toute convention de forfait en jours sur l'année doit être conclue en application d' un accord d'entreprise ou d'une convention collective. De surcroît, la validité de la convention de forfait suppose que les stipulations de l'accord applicable assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

En l'espèce, l'avenant à la convention collective des experts comptables, conclu le 12 septembre 2000 , intégrant l'article 8-1-2-5 prévoit :

« Conformément à l'article L. 212-15-3 du code du travail, les cadres dont la durée du travail ne peut être prédéterminée, à l'exclusion des cadres dirigeants, peuvent voir leur durée du travail fixée par convention individuelle de forfait établie sur une base annuelle en jours. Seuls les cadres visés au 8.1.2.3 peuvent être concernés.

La convention individuelle ne peut prévoir plus de 217 jours travaillés. Ce plafond ne remet pas en cause les jours de repos ou de congés déjà accordés au sein du cabinet. Afin de concrétiser cette réduction de la durée annuelle du travail, l'employeur et le cadre définissent les moyens permettant, par un effort permanent d'organisation, de maîtriser et d'adapter la nouvelle charge de travail et sa répartition dans le temps. La charge de travail confiée ne peut obliger le cadre à excéder une limite de durée quotidienne de travail effectif fixée à 10 heures et une limite de durée hebdomadaire de travail effectif fixée à 48 heures. Le dépassement doit être exceptionnel et justifié par le cadre. Au plus tard lors de l'appréciation du volume d'activité prévue par l'article 8.1.2.3, l'employeur et le cadre définissent la contrepartie liée à cette surcharge imprévue.

(...) L'employeur et le cadre définissent en début d'année le calendrier prévisionnel de la prise des jours ou demi-journées de repos sur l'année. A défaut de calendrier prévisionnel, ils déterminent au fur et à mesure la prise de ces repos et prennent les dispositions nécessaires pour que l'absence du cadre ne perturbe pas le fonctionnement du cabinet. En cas de désaccord, chaque partie prend l'initiative de la moitié des jours de repos.

L'employeur prend les dispositions nécessaires pour permettre le respect des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4 du code du travail (un repos minimum de 11 heures entre deux journées de travail, limitation à 6 jours par semaine et respect de l'obligation d'un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 35 heures consécutives)

(...) ».

Il ressort de ces dispositions et notamment de la référence à l'article 8.1.2.3 de la convention collective des experts comptables que ne peuvent bénéficier de la convention de forfait jours que les « cadres de niveau N2 et N1 eu égard aux fonctions d'animation , d'organisation et/ou de supervision, voire de direction qu'ils assument....» ou «.... tout autre collaborateur dont le degré d'autonomie, donc de responsabilité est comparable, en particulier dans la relation avec la clientèle ou dans la gestion d'équipe...».

En l'espèce, M. [P] [P], qui se prévaut lui-même de sa situation de statut de cadre autonome non soumis à l'horaire collectif dans les moyens qu'il développe au soutien du harcèlement moral qu'il invoque, et qui bénéficiait effectivement d'un degré d'autonomie comparable aux cadres de niveau 2 et niveau 1 dans la relation avec la clientèle, était éligible à une convention de forfait en jours en application des dispositions conventionnelles susvisées.

Le moyen tiré de la nullité de la convention de forfait doit donc être rejeté.

Aux termes de l'article L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, 'Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié'.

En l'espèce la société C.P.A.S ne justifie pas avoir respecté son obligation d'organiser un entretien individuel portant sur la charge de travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié.

Il s'ensuit que contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes la convention de forfait en jours conclue par M. [P] [P] est privée d'effet, de sorte que le salarié peut solliciter le paiement d'heures supplémentaires accomplies et non rémunérées.

b) Sur les heures supplémentaires

M. [P] [P] sollicite le paiement d'une somme de 63 761 € au titre des heures supplémentaires effectuées, outre les congés payés afférents.

La société C.P.A.S conteste le bien fondé de cette demande.

En application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié'; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

M. [P] [P] produit pour seule pièce un tableau établi par année, sur la période de 2007 à 2011, mentionnant un nombre d'heures supplémentaires «'moyen'» réalisées, soit en 2007 : «'244.125'», en 2008 «'651'», en 2009 «'651'», en 2010': «'651'» et en 2011 «'352.625'», le salaire brut annuel perçu, le taux horaire moyen de base pour 35 heures, les sommes correspondant aux heures supplémentaires majorées à 25'% et celles correspondant aux heures majorées à 50'%.

Ce tableau sommaire mentionne un horaire constant et théorique de 10 heures de travail par jour mais ne précise pas les horaires d'arrivée et de départ du salarié et ne tient pas compte des périodes de congés payés ou d'arrêt maladie. Il n'est en outre corroboré par aucun autre document, tels que courriels et attestations notamment. Il en résulte que la réclamation du salarié, qui présente un caractère global, général et non détaillée, ne permettant pas à l'employeur de présenter ses propres éléments, n'est pas étayée.

Il convient dès lors de confirmer le jugement déféré qui a débouté M. [P] [P] de sa demande en paiement à titre d'heures supplémentaires avec les congés payés afférents.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

M. [P] [P] sollicite une indemnité pour travail dissimulé à hauteur de 15 400.02 €, en application des dispositions de l'article L .8223-1 du code du travail.

Toutefois, le salarié qui est débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, faute de l'avoir étayée, ne peut prétendre à une telle indemnité.

Il y a lieu de confirmer le jugement qui a débouté M. [P] [P] de ce chef de demande.

Sur le prêt illicite de main d''uvre et le marchandage

M. [P] [P] demande le paiement d'une somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour prêt illicite de main d''uvre et marchandage.

Il fait valoir que le cabinet d'expertise comptable C.P.A.S est, en réalité la direction financière du groupe CB Richard Ellis, ci-après CRBE PM, qu'il est contrôlé par celui-ci avec lequel il forme une unité économique et sociale.

Le salarié affirme qu'il a fait l'objet d'un prêt illicite de main d''uvre à but lucratif au profit de la société CRBE, que cette opération a permis à cette société d'économiser des charges et des coûts salariaux , en le soumettant à une convention de forfait jours qui privait l'intéressé de réclamer des heures supplémentaires et à des dispositions conventionnelles moins favorables.

Il souligne que si sa hiérarchie est salariée de la société C.P.A.S, elle se trouve sous la subordination juridique de la société CRBE ainsi que l'établit le rapport d'enquête du 3 mars 2011, qu'en l'occurrence, Mme [V] [D] a souffert du commandement de M. Richard [R] de la société CRBE et qu'elle avait l'obligation d'en référer à la directrice générale de cette entreprise, Mme [I] [Q], laquelle s'est opposée à sa promotion au poste de comptable senior.

M. [P] [P] précise, en outre, que, suite à ses difficultés avec Mme [V] [D], c'est la directrice des ressources humaines de la société CRBE qui a décidé de sa nouvelle affectation.

La société C.P.A.S réfute cette argumentation en soutenant qu'elle est un cabinet d'expertise comptable tandis que la société CRBE PM a pour activité la gestion d'immeubles et que si les deux sociétés constituent une unité économique et sociale, impliquant une concentration des pouvoirs de direction et une complémentarité des activités avec une communauté de travailleurs ayant des conditions de travail similaires, chacune ayant son activité propre. Elle ajoute que le salarié ne rapporte pas la preuve de sa mise à disposition auprès de la société CRBE PM.

Aux termes de l'article L. 8241-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d''uvre est interdite.

L'article L. 8231-1 du même code interdit le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d''uvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail.

Il est constant que les sociétés CRBE PM et C.P.A.S forment une unité économique et sociale.

Le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions réglementées du 13 juin 2012 de l'assemblée générale d'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2011 fait état d' «une convention de prestations de services comptables avec CRBE Property Management».

En l'espèce, M. [P] [P] a été engagé par la société C.P.A.S et placé sous la hiérarchie de salariés de cette entreprise, Mme [V] [D], responsable comptable et financière, Mme [M] [K], comptable senior, puis M. [R] [N].

Le salarié ne verse aux débats que des échanges de courriels ou de lettres avec des salariés de la société C.P.A.S, principalement, Mme [V] [D] et Mme [M] [K] et il ne peut reprocher l'intervention de Mme [Y] [M] [E], agissant en sa qualité de directrice des ressources humaines de la société C.P.A.S, ni celle de Mme [I] [Q], membre du directoire du groupe CRBE, étant observé que les institutions représentatives du personnel, saisies par M. [P] [P] sont celles du groupe CRBE du fait de l'existence d'une unité économique et sociale entre les sociétés C.P.A.S et CBRE PM.

Les missions confiées au salarié résultent de l'activité spécifique d'expertise comptable de la société C.P.A.S et des mandants de ses propres clients ou des mandats que lui a sous-traités la société CBRE PM, dont l'activité est la gestion immobilière et l'intéressé ne démontre pas avoir travaillé sous le contrôle et la direction d'un salarié de la société CBRE PM.

Il n'est pas rapporté la preuve d'une quelconque mise à disposition de M. [P] [P] au sein de la société CBRE PM et il n'est pas davantage démontré le but lucratif allégué par la conclusion d'une convention de forfait en jours alors même que la convention collective nationale de l'immobilier prévoit, également, la conclusion de telles conventions.

Dans ces conditions, M. [P] [P] sera débouté de sa demande en indemnisation pour prêt illicite de main d''uvre et marchandage.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [P] [P] affirme que, depuis le départ en janvier 2009, du directeur financier, M. [R], ses conditions de travail se sont dégradées à l'arrivée de Mme [V] [D].

Il reproche à cette dernière de ne pas avoir tenu compte de ses courriels l'informant de sa surcharge de travail et d'avoir été contraint d'alerter, le 1er février 2011, la directrice des ressources humaines, Mme [Y] [M] [E] et le délégué du personnel, M. [Q] [S], circonstances ayant conduit ce dernier à émettre, le 3 mars 2011, un avis sur la réelle atteinte aux droits du salarié et à sa santé physique et mentale ainsi qu'à l'établissement d'un rapport d'enquête par Mme [Y] [M] [E], le 4 avril 2011, suite à l'audition des salariés concernés.

Le salarié reproche, également, à l'employeur de l'avoir humilié en lui désignant comme supérieur hiérarchique M. [N], fraîchement recruté, en période d'essai et sous la responsabilité de Mme [V] [D].

Il communique le rapport d'expertise sur les risques psychosociaux dans le groupe CBRE établi le 25 avril 2012 soulignant la problématique liée à la gestion de la quantité de travail quotidienne et des situations de surcharge en résultant.

Le salarié verse aux débats ses arrêts de travail pour la période du 2 au 16 février 2011 compte tenu de son état dépressif.

Les éléments de ce dossier, notamment les échanges de courriels, établissent que M. [P] [P] a exercé son droit d'alerte le lendemain d'une discussion qui a dégénéré avec Mme [V] [D] et Mme [M] [K], cette dernière ayant relancé le salarié, le 31 janvier 2011, au sujet d'un dossier [G].

Par courriel adressé le 19 août 2009, la supérieure hiérarchique directe de M. [P] [P], Mme [V] [D] avait rappelé au salarié la nécessité de respecter les délais impartis, en lui précisant qu'elle avait déjà émis ce reproche lors de l'entretien de fin d'année.

Par courriel du 4 juin 2010, elle a mis en garde le salarié du mécontentement d'un client [A], en lui indiquant la mise en place d'une nouvelle organisation, par courriel adressé le 6 décembre 2010, elle a réitéré cette mise en garde en ces termes :

«' [P],

Il faut que bous nous rencontrions cette semaine en privé car ton attitude générale et ton travail ne conviennent pas du tout, dons avant que je ne prenne des décisions, je te ferai part des différents griefs, je pense que tu sais très bien ce quoi je parle, à un moment, il faut savoir dire stop, trop gentille ne veut pas dire stupide.

Je préfère attendre la réunion plénière pour que tu comprennes le message de la direction. Je te convoquerai en temps voulu».

Suite à cet échange, une rencontre a eu lieu le 17 décembre entre les intéressés.

Dans son rapport d'enquête daté du 3 mars 2011, le délégué du personnel qui a rencontré M. [P] [P], Mme [M] [K] et Mme [V] [D] relève que ces deux dernières salariées ne sont que des «instruments de l'entreprise» et qu' «une charge de travail incontrôlée» a généré une réelle atteinte aux droits de l'intéressé. Toutefois aucun élément, autre que les propres doléances de M. [P] [P], ne corrobore cette affirmation d'une surcharge de travail infligée à ce dernier.

Ainsi il ressort des déclarations de Mme [M] [K] auprès de la directrice des ressources humaines, le 3 mars 2011, qu'un examen comparatif du nombre de lignes d'écritures comptables des dossiers gérés par M. [P] [P] et de ceux gérés par d'autres salariés, révèle que l'intéressé a le moins d'écritures comptables, ce qui est significatif du niveau de son volume d'activité.

Ces déclarations confirment les termes d'un courriel adressé au salarié le 24 février 2010, lui indiquant qu'il a des dossiers qui jusqu'à présent ne lui ont « pas imposé trop de deadline au contraire des autres» salariés et qu'il lui appartenait de faire son planning en intégrant ses congés.

Elle relève, également, que M. [P] [P] possède les compétences techniques mais qu'il ne sait pas gérer les gros dossiers et que ses défauts d'horaires relèvent davantage d'un défaut d'organisation dans son travail que d'une surcharge, étant observé que le salarié admet lui-même arriver tard le matin.

Mme [M] [K] reproche à M. [P] [P] d'avoir remis en cause son rôle de comptable senior lors de l'altercation ayant débuté dans l'open space, d'être entré dans le bureau de Mme [V] [D] «en disant que MM ne lui servait à rien et qu'elle ne s'investissait pas dans ses dossiers'» et elle déclare «'avoir fait le maximum et que c'est elle qui se sent harcelée'».

Lors de son audition le 3 mars 2011, dans le cadre de l'enquête, Mme [V] [D] reconnaît avoir dit au salarié «' Si tu n'es pas content, tu démissionnes'»': elle précise l'avoir reçu à plusieurs reprises mais sans résultat visible et elle demande qu'il soit sous l'autorité d'un senior masculin, car il ne supporte pas l'autorité d'une femme.

Dans son rapport d'enquête établi le 4 avril 2011, la directrice des ressources humaines, Mme [Y] [M] [E], déclare :

« Il ressort de l'enquête que M. [P] a un sentiment de ranc'ur car il n'a pas été nommé senior. Il a alors refusé l'autorité de son responsable hiérarchique, Mme [K]...'».

Compte tenu de la tension et de la souffrance exprimée par Mmes [K] et [D], elle a préconisé de placer M. [P], sous la responsabilité d'un autre senior.

S'il est constant que M. [P] [P] a été placé sous la responsabilité de M. [R] [N], aucun élément de ce dossier n'établit le caractère humiliant de cette situation, étant observé que le salarié ne demande pas l'annulation de l'avertissement qui lui a été notifié le 2 août 2011, suite aux demandes réitérées de son nouveau supérieur hiérarchique de modifier son comportement.

La cour déduit de l'ensemble de ces éléments que le salarié n'établit ni la surcharge de travail invoquée, les difficultés de M. [P] [P] dans l'organisation de son travail ayant été relevées à plusieurs reprises, ni avoir subi un «'management'» humiliant ou vexatoire, qui ne peut résulter de ce que le salarié a mal vécu le fait de ne pas avoir bénéficié d'une promotion en tant que senior. Enfin si la détérioration de l'état de santé de M. [P] [P] est avérée, elle ne peut caractériser à elle seule un élément permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] [P] de sa demande indemnitaire à titre de harcèlement moral.

Sur la «'discrimination'» matière de rémunération

M. [P] [P] fait valoir qu'il avait le plus faible salaire parmi les cadres et que des salariés engagés après lui, notamment de simples assistantes, étaient mieux payés.

Il reproche à la société C.P.A.S de ne pas avoir augmenté sa rémunération depuis son embauche et de ne pas lui avoir versé sa rémunération minimum conventionnelle, ni lui avoir versé de primes en janvier 2011.

Il soutient également qu'il n'a pas perçu la rémunération correspondant à la majoration de 20 points de coefficient dès lors qu'il parlait une langue étrangère dans l'exercice de son activité professionnelle.

M. [P] [P] sollicite en conséquence le paiement d'une part de la somme de 5 882 € à titre de rappel de salaire conventionnel, d'autre part de la somme de 20 624 € en réparation du préjudice financier subi du fait de la «'discrimination'» salariale en violation du principe «'à travail égal à salaire égal'» .

En premier lieu, ainsi que le soutient la société C.P.A.S, il ressort de la lettre qu'elle a adressée au salarié le 20 octobre 2011, que l'employeur a reconnu son erreur et a rectifié le coefficient hiérarchique du salarié en le faisant passer de 330 à 350, pour tenir compte de la pratique courante par M. [P] [P] de la langue anglaise, se conformant ainsi aux dispositions de la convention collective applicable.

Il résulte de cette même lettre et des bulletins de salaire que l'employeur a versé au salarié un rappel de salaire en régularisation de ce qu'elle lui devait au titre de sa rémunération et sa prime d'ancienneté.

Par ailleurs s'il est constant que l'employeur ne pouvait appliquer le salaire conventionnel applicable aux salariés soumis à une convention de forfait en jours, dès lors que la convention de forfait de M. [P] [P] a été jugée privée d'effet, le salarié ne justifie pas avoir perçu une rémunération inférieure au salaire conventionnel auquel il pouvait prétendre hors convention de forfait en jours.

Le jugement entrepris qui a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire conventionnel sera donc confirmé.

En second lieu, dès lors que M. [P] [P] n'invoque aucun motif illicite tel qu'énuméré limitativement par l'article L. 1132-1 du code du travail, sa demande au titre de la «'discrimination'» salariale s'analyse comme une demande fondée sur une atteinte au principe d'égalité de traitement.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe «à travail égal salaire égal» ou principe d'égalité de traitement, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération entre des salariés placés dans une situation comparable. Il incombe ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant cette différence de traitement.

En l'espèce, M. [P] [P] verse aux débats son courrier recommandé adressé le 11 juillet 2011, soulignant les irrégularités affectant sa rémunération.

Les éléments de ce dossier, corroborés par les bulletins de paie de M. [P] [P], établissent que ce dernier a perçu les rémunérations suivantes :

- en 2007, 11 415.03 €, pour un minimum conventionnel de 10 781.25 €, compte tenu de la période d'embauche au 16 août 2007

- en 2008, 29 731.50 €, pour un minimum conventionnel de 29 650 €

- en 2009, 29 950.08 €, pour un minimum conventionnel de 29 950 €

- en 2010, 30 066.73 €, pour un minimum conventionnel de 30 800 €.

Cependant, le 31 mars 2011, la société C.P.A.S justifie avoir versé au salarié la somme de 639.71 € à titre de régularisation du minimum conventionnel et le salarié ne verse aucun élément établissant qu'il a subi une différence de traitement avec un ou des autres salariés placés dans une situation comparable à la sienne.

M. [P] [P] reproche à la société C.P.A.S de ne pas l'avoir augmenté, en dépit de son ancienneté et de son investissement professionnel, de percevoir la rémunération la plus basse au sein de ses collègues de travail et de ne pas avoir bénéficié de la prime de janvier 2011.

Toutefois, le salarié s'abstient de verser le moindre élément quant au montant de cette rémunération moyenne d'autres collègues placés dans une situation comparable, alors que sa hiérarchie a décidé de ne pas le promouvoir comptable senior du fait de ses difficultés de traitement des dossiers dans les délais impartis et que l'entreprise établit avoir mené une politique de gel des salaires, au cours de la période concernée.

S'agissant du non-paiement de la prime en janvier 2011, l'employeur démontre que d'autres salariés n'ont pas reçu cette prime, dont M. [D] [W], et il justifie de l'absence de versement de ladite prime concernant M. [P] [P] en raison des difficultés rencontrées par l'intéressé quant à la qualité de son travail et son comportement, ainsi que relevé par Mme [V] [D] notamment dans ses courriels des 4 juin et 6 décembre 2010.

En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une atteinte au principe d'égalité de traitement n'est donc pas établie.

Le salarié sera donc débouté de sa demande en indemnisation à ce titre, conformément à ce qu'ont retenu les premiers juges dont la décision sera confirmée.

Sur la rupture du contrat de travail

Selon les dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié.

La prise d'acte permet au seul salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite des relations contractuelles.

Lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits imputables à son employeur, cette rupture produit, immédiatement, les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Les griefs reprochés par M. [P] [P] à son employeur sont les suivants :

- une surcharge de travail';

- des agissements constitutifs de harcèlement moral';

- une discrimination en matière de rémunération';

- une absence d'entretien annuel d'évaluation.

Il a été retenu supra que ni la surcharge de travail, ni le harcèlement moral, ni encore l'atteinte à l'égalité de traitement n'étaient établis.

M. [P] [P] reproche à l'employeur de ne pas avoir organisé, en 2010, d'entretien annuel d'évaluation alors même que les précédents entretiens effectués en 2008 et 2009 faisaient ressortir un bilan positif.

La société C.P.A.S fait valoir que le salarié a eu plusieurs entretiens informels avec sa supérieure hiérarchique mais que son attitude n'a pas rendu possible la tenue de cet entretien au début de l'année 2011.

En l'occurrence, par courriel adressé le 11 février 2010, Mme [V] [D] a informé l'ensemble de l'équipe comptable qu'elle n'avait pas le temps d'organiser les entretiens annuels d'évaluation.

Les divers courriels adressés au salarié au cours de l'année 2010, notamment les 4 juin et 6 décembre, traduisent le mécontentement de la supérieure hiérarchique sur la qualité des prestations effectuées par M. [P] [P] et ces échanges ont donné lieu à des entretiens informels en juin 2010, où l'intéressé a réclamé une augmentation, et le 17 décembre 2010.

Ces circonstances spécifiques et l'altercation survenue le 31 janvier 2011ont conduit Mme [V] [D] à reporter l'entretien annuel d'évaluation du salarié qui remettait en cause son autorité ainsi qu'il ressort des rapports d'audition effectuées le 3 mars 2011.

C'est d'ailleurs pour ce même motif de remise en cause de l'autorité de son nouveau supérieur hiérarchique, M.[R] [N], que M. [P] [P] s'est vu notifier un avertissement, le 2 août 2011 dont il ne demande pas l'annulation.

Le seul fait pour l'employeur de ne pas avoir organisé d'entretien annuel d'évaluation du salarié en 2010 n'est pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte que la prise d'acte de la rupture, notifiée par le salarié le 28 novembre 2011, produit les effets d'une démission.

La décision des premiers juges qui ont débouté M. [P] [P] de ses demandes relatives aux indemnités de rupture et à l'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit donc être confirmée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [P] [P], partie perdante, supportera les dépens d'appel. Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant';

DIT n'y a avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE M. [P] [P] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 14/11316
Date de la décision : 02/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°14/11316 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-02;14.11316 ?
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