Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 8
ARRET DU 13 AVRIL 2018
(n°122, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/02576
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/50078 et Ordonnance du 27 juin 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/55570
APPELANTE
SARL ONLEY KEYS
Agissant en la personne de tous représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
ayant pour avocat plaidant Me Nicolas LEREGLE de la SELASU ANSLAW AVOCAT - AREIMA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0416
INTIMÉE
Société civile COPIE FRANCE
prise en la personne de son gérant
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 338 .640.121
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
assistée de Me Carole BLUZAT de l'AARPI ASSOCIATION D'AVOCATS CHATEL - BLUZAT, avocat au barreau de PARIS, toque : R039
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sylvie KERNER-MENAY, Présidente et M. Thomas VASSEUR, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Sylvie KERNER-MENAY, Présidente
M. Thomas VASSEUR, Conseiller
Mme [I] [F]
Qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Véronique COUVET
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Mme Sylvie KERNER-MENAY, président et par Mme Patricia PUPIER, greffier
EXPOSE DU LITIGE
La loi n°57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique a prévu plusieurs exceptions au droit exclusif de l'auteur d'interdire ou d'autoriser la reproduction de ses 'uvres et a ainsi reconnu la possibilité de réaliser des copies réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective dite "exception de copie privée".
Le développement des nouvelles technologies a bouleversé l'équilibre entre les intérêts des titulaires des droits et ceux des consommateurs. La multiplication des copies, permises par les lecteurs de cassettes audio, puis par les magnétoscopes, a conduit le législateur à organiser le régime de cette exception de copie privée.
La loi n°85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteurs et aux droits des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle, codifiée sous les articles L.311-1 et suivants du code la propriété intellectuelle, a instauré au bénéfice des auteurs, des artistes interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes (les ayants droits), un mécanisme de compensation sous forme d'un droit à rémunération destiné à les indemniser de leur préjudice du fait de la réalisation de copies, toujours plus nombreuses, de leurs 'uvres dans un cercle privé. Elle a posé le principe que la rémunération pour copie privée est la contrepartie de l'exception de copie privée.
La loi a prévu que sont redevables de la rémunération pour copie privée, le fabricant, l'importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intra-communautaires au sens du 3° du I de l'article 256 bis du Code général des impôts, de supports d'enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d''uvres fixées sur des phonogrammes ou des vidéogrammes, lors de la mise en circulation en France de ces supports. Elle a prévu que le montant de la rémunération était fixé par catégorie de support et était acquittée par les fabricants ou les importateurs qui en répercutent le montant dans leur prix de vente.
La Société pour la rémunération de la copie privée sonore (SORECOP absorbée par COPIE FRANCE en juin 2011), créée en application de la loi précitée, est une société civile dont l'objet est de percevoir et de répartir la rémunération pour la copie privée sonore en application de l'article L. 311-6 du Code de la propriété intellectuelle.
La loi a précisé que les supports assujettis, ainsi que les taux applicables à chaque support sont déterminées par une Commission administrative dite "Commission de la copie privée" présidée par un représentant de l'Etat et composée pour moitié de personnes désignées par les organisations représentants les bénéficiaires du droit à rémunération, pour un quart, de personnes désignées par les organisations représentants les fabricants ou importateurs de supports et pour un quart de personnes désignées par les organisations représentant les consommateurs.
Le mécanisme repose sur un système déclaratif mensuel par les assujettis de l'état de sortie des stocks et le taux de rémunération en fonction des supports déterminé par la commission présente un caractère forfaitaire.
Au niveau européen, l'article 5 de la Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, a précisé que l'évolution technologique avait multiplié et diversifié les vecteurs de création, de production et d'exploitation et considéré que les règles actuelles en matière de droits d'auteur et de droits voisins devraient être adaptées et complétées pour tenir dûment compte des réalités économiques telles que l'apparition de nouvelles formes d'exploitation. Elle a ajouté que dans le cas de certaines exceptions ou limitations, les titulaires des droits devaient recevoir une compensation équitable afin de les indemniser de manière adéquate de l'utilisation de leurs 'uvres.
La SARL ONLY KEYS est une société de droit luxembourgeois dont le siège social est fixé au Grand-Duché de Luxembourg. Elle exploite via un espace réservé au sein du site amazon.fr, une boutique en ligne dénommée 'Espace Disque' proposant à la vente au public des supports d'enregistrements vierges.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 9 juillet 2015, la société Copie France a mis en demeure la société ONLY KEYS d'avoir à lui adresser les quantités vendues chaque mois à ses clients résidants en France, pour chacune des catégories de supports vierges d'enregistrements.
En l'absence de réponse, la société Copie France a, suivant exploit d'huissier du 21 octobre 2015, fait assigner en référé la société ONLY KEYS devant le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer à titre provisionnel la somme de 121.502,78 euros au titre de la rémunération pour copie privée pour la période allant du 16 juin 2011 au 31 juillet 2015 et à lui communiquer l'ensemble des déclarations mensuelles de sorties de stocks comportant les quantités vendues chaque mois à ses clients résidants, en France pour chacune des catégories de supports vierges d'enregistrements assujettis à la rémunération pour copie privée en France et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard.
La société ONLY KEYS a soulevé l'existence d'une contestation sérieuse en soutenant d'abord qu'elle n'est pas soumise aux dispositions des articles L.311-4 et suivants du code de la propriété intellectuelle n'étant ni fabricant, ni importateur ni acquéreur intra-communautaire de supports d'enregistrements et, en second lieu et subsidiairement que le montant de la créance n'est pas démontré.
Par une ordonnance du 29 mars 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :
- condamné la société ONLY KEYS à payer à la société Copie France, à titre de provision, la somme de 121.502,78 euros HT à valoir sur la rémunération de la copie privée due pour la période d'exploitation du 16 juin 2011 et jusqu'au 31 juillet 2015,
- ordonné à la société ONLY KEYS de communiquer à la société Copie France pour la période commençant le 13 juin 2013 jusqu'au jour de l'ordonnance, l'ensemble de ses déclarations mensuelles de sorties de stocks comprenant les quantités vendues chaque mois à des clients résidant en France pour chacune des catégories de supports vierges d'enregistrement assujettis à la rémunération de la copie privée à savoir :
- les cassettes audio
- les cassettes vidéo,
- les minidiscs,
- les disquettes 3 pouces et demi,
- les CD R et RW DATA,
- les DVD Ram, DVD R et DVD RW Data,
- les baladeurs Mp3,
- les baladeurs Mp4,
- les décodeurs enregistreurs ou box,
- les clés USB non dédiées,
- les cartes mémoires non dédiées,
- les disques durs externes standards,
- les disques durs externes dits multimédias,
- les téléphones mobiles multimédias,
- les disques durs intégrés à des systèmes de navigation ou à des autoradios destinés à des véhicules,
- les tablettes tactiles multimédias
Et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, l'astreinte débutant quinze jours après la signification de la décision et courant pendant 3 mois,
- réservé la liquidation de l'astreinte conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles.
Par une ordonnance rectificative rendue le 27 juin 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :
- ordonné la rectification de son ordonnance en date du 29 mars 2016 enregistrée sous le RG : 16/50078,
- remplacé au troisième paragraphe de la page 5 de son ordonnance '13 juin 2013' par '16 juin 2011',
- dit que la mention de cette rectification sera portée en marge de son ordonnance du 29 mars 2016.
Par déclaration du 2 février 2017, la société ONLY KEYS a interjeté appel à l'encontre des ordonnances du 29 mars 2016 et du 27 juin 2016.
Par dernières conclusions transmises le 23 février 2018, la société appelante demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau :
- dire n'y avoir lieu à référé,
- renvoyer la société Copie France à mieux se pourvoir,
- condamner la société Copie France à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner en tous les dépens.
Suivant dernières conclusions du 21 novembre 2017, la société Copie France demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance de référé du 29 mars 2016 rectifiée par celle du 27 juin 2016,
Et statuant à nouveau :
- condamner la société ONLY KEYS à lui payer, par provision, la somme actualisée de 188.499,64 euros HT, sauf à parfaire, à valoir sur la rémunération pour copie privée due au titre de la période commençant à courir le 16 juin 2011 jusqu'au 3 novembre 2017,
- ordonner à la société ONLY KEYS de lui communiquer l'ensemble des déclarations mensuelles de sorties de stocks comportant les quantités vendues chaque mois à ses clients résidants en France pour chacune des catégories de supports vierges d'enregistrement assujettis à la rémunération pour copie privée en France, pour la période à compter du 16 juin 2011 jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt à intervenir, dans le délai d'un mois suivant la signification dudit arrêt et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé ce délai,
- liquider le montant de l'astreinte prononcée par le premier juge et la fixer à la somme de 9.000 euros,
- condamner la société ONLY KEYS à lui payer la somme de 9.000 euros,
- condamner la société ONLY KEYS à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société ONLY KEYS aux entiers dépens.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
SUR CE, LA COUR
L'existence d'une contestation sérieuse sur le principe de créance
Aux termes de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal peut accorder une provision au créancier. Le montant de la provision susceptible d'être ainsi allouée n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
L'article L 311.4 du CPI indique que « la rémunération prévue à l'article L311.3 est versée par le fabricant, l'importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires (') de supports d'enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d''uvres, lors de la mise en circulation en France de ces supports ».
La question posée est en réalité de savoir si avec l'évidence requise en référé, il peut être dit que la société ONLY KEYS, société de droit luxembourgeois utilisant un site installé au Royaume-Uni, vendant via le site amazon.fr des supports d'enregistrements vierges à des consommateurs français et en les livrant sur le territoire national, est redevable de la commission pour copie privée et est ainsi soumise à une obligation déclarative.
La société ONLY KEYS affirme qu'elle n'entre dans aucune des catégories de redevables listées, qu'elle ne fabrique pas les supports litigieux, ne les importe pas et n'est pas un acquéreur intra-communautaire. Elle affirme que sauf à admettre un principe de compétence universelle en matière de copie privée que se serait octroyée Copie France, aucun texte ne vient à l'appui des demandes de Copie France dès lors que chaque Etat membre dispose de sa réglementation et que des mécanismes de compensation existent.
Elle ajoute que le système mis en place prévoit soit que la redevance est payée par le fabricant ou l'importateur qui l'intègre dans son prix de vente, soit c'est l'acquéreur qui a la responsabilité de faire la déclaration de ses achats en vue du paiement de la redevance. Elle ajoute que l'article 21 des conditions générales de vente figurant sur son espace de vente prévoit expressément que les taxes et redevances spécifiques à l'Etat de destination seront payées par le client final.
Elle conteste le raisonnement tenu par Copie France pour considérer qu'elle est assujettie à la redevance consistant à prendre en compte le fait que le site soit rédigé en français et les prix affichés en euros alors que c'est une langue officielle et la monnaie en cours au Luxembourg, qu'elle vend des supports d'enregistrements vierges ce qui n'est pas contraire à la loi nationale, qu'elle expédie en France ce qui ne lui confère pas le statut d'assujetti, que les achats peuvent être réglés par carte bancaire française ce qui conforte l'analyse que l'acheteur français est le seul importateur redevable.
Elle ajoute que le fait que son espace soit accessible à travers le site amazon ne lui confère pas plus cette qualité, la redevance étant alors due soit par Amazon s'il est considéré comme l'importateur soit par le client final.
Elle considère que la jurisprudence OPUS SUPPLIES de la Cour européenne de justice citée par son adversaire et par la décision de première instance n'est qu'une invitation faite à Copie France ou à l'Etat français de modifier ou clarifier la rédaction de l'article L.311-4 du code de la propriété intellectuelle qui est aujourd'hui sans équivoque sur le fait qu'il ne lui est pas applicable. Elle ajoute que l'existence de la directive 2001/29 et son éventuel rappel par un arrêt de la CJUE n'est pas suffisant pour la rendre applicable telle quelle.
La société Copie France rappelle que dans le contexte de la réglementation française de la rémunération pour copie privée, la question s'est posée de savoir si les sites de ventes en ligne installés à l'étranger et vendant via Internet sur le territoire français des supports éligibles à la rémunération pour copie privée, devaient être assujettis à la rémunération pour copie privée au sens de l'article L. 311-4 du Code de la propriété intellectuelle 13 ou si le redevable de cette rémunération demeurait le client français acquéreur du dit support. Elle soutient qu'après avoir dans un premier temps soutenu que l'obligation pesait sur le consommateur français en sa qualité d'importateur ou d'acquéreur intra-communautaire, la jurisprudence française a évolué à la suite de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne dit « OPUS SUPPLIES » en date du 16 juin 2011. Selon elle, aux termes de cet arrêt, la CJUE a estimé qu'en cas de vente d'un support d'enregistrement vierge éligible à la rémunération pour copie privée dans l'Etat où est situé le consommateur par un cybercommerçant installé à l'étranger, il y a lieu d'interpréter la loi interne en ce sens que c'est le cybercommerçant qui est redevable de ladite rémunération. Elle ajoute qu'il s'agit pour la juridiction européenne d'imposer aux Etats membres une obligation de résultat d'assurer aux ayants-droits une nécessaire contrepartie financière à toute exception ou limitation du droit de reproduction indépendamment de la localisation du vendeur concerné. Elle précise que l'arrêt « AMAZON » de la CJUE en date du 11 juillet 2013 a confirmé ce principe. Il en résulte en l'espèce, que la société adverse est redevable de la redevance pour copie privée sans qu'elle puisse se décharger de cette obligation sur ses acquéreurs finaux.
En l'espèce, la cour rappelle en premier lieu que la Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information a été transposée dans notre législation par la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information de sorte qu'elle en fait partie intégrante. Il en résulte encore que les décisions de la Cour de Justice de l'Union relative à ladite Directive participent aussi de notre positif.
Or, la Cour de Justice de l'Union européenne dans l'arrêt OPUS SUPPLIES qui opposait une société de gestion en charge de collecter la rémunération pour copie privée aux Pays-Bas à la société OPUS SUPPLIES dont le siège social se trouvait en Allemagne mais réalisant une activité de ventes de supports vierges d'enregistrement à des consommateurs situés aux Pays-Bas, la CJUE a dit que :
« La directive 2001/29, en particulier son article 5, paragraphes 2, sous b), et 5, doit être interprétée en ce sens qu'il incombe à l'Etat membre qui a institué un système de redevance pour copie privée à la charge du fabricant ou de l'importateur de supports de reproduction d''uvres protégées, et sur le territoire duquel se produit le préjudice causé aux auteurs par l'utilisation à des fins privées de leurs 'uvres par des acheteurs qui y résident, de garantir que ces auteurs reçoivent effectivement la compensation équitable destinée à les indemniser de ce préjudice. A cet égard, la seule circonstance que le vendeur professionnel d'équipements, d'appareils ou de supports de reproduction est établi dans un Etat membre autre que celui dans lequel résident les acheteurs demeure sans incidence sur cette obligation de résultat. Il appartient à la juridiction nationale, en cas d'impossibilité d'assurer la perception de la compensation équitable auprès des acheteurs, d'interpréter le droit national afin de permettre la perception de cette compensation auprès d'un débiteur agissant en qualité de commerçant. »
Confirmant l'importance de cette obligation de résultat mise à la charge des Etats membres, la CJUE est venue confirmer, aux termes de son arrêt AMAZON rendu le 11 juillet 2013 : « que l'obligation de résultat d'assurer une perception effective de la compensation équitable destinée à indemniser les titulaires du droit exclusif de reproduction du préjudice subi du fait de l'exception pour copie privée doit être respectée, la circonstance que le vendeur assujetti à cette rémunération réside sur le territoire d'un autre Etat membre que celui des utilisateurs finaux demeurant sans incidence sur cette obligation ».
Il résulte de ces décisions que dans l'hypothèse de vente d'un support d'enregistrement vierge éligible à la rémunération pour copie privée dans l'Etat où est situé le consommateur par un commerçant établi à l'étranger, il y a lieu d'interpréter le droit national en ce sens que c'est le commerçant qui est redevable de la rémunération pour copie privée. Il pèse sur chaque Etat membre une obligation de résultat d'assurer une perception effective de la compensation équitable destinée aux ayants droits.
Comme l'a parfaitement motivé le premier juge, il ressort des pièces versées aux débats et notamment du procès-verbal de constat du 29 avril 2015 que la société ONLY KEYS agit en qualité de commerçant à travers son site espace-disques.com hébergé au sein du site marketplace de la société AMAZON et que ce site est rédigé en français et est donc compréhensible du public français et permet le paiement des achat en euros.
Il est encore établi et non contesté par la société appelante que les commandes de supports d'enregistrements vierges assujettis effectués à partir de son site par des consommateurs français leur sont livrés sur le territoire national. Le fait que d'autres consommateurs francophones et notamment luxembourgeois procèdent de même est en l'espèce indifférent.
En sa qualité de commerçant vendant sur le territoire national des produits assujettis à la rémunération pour copie privée, la société ONLY KEYS est redevable de ladite compensation sans qu'elle puisse opposer l'existence, dans les conditions générales de vente, d'une clause transférant au client final en sa qualité d'importateur le paiement de « taxes spécifiques aux Etats comme par exemple des taxes sur les droits d'auteur » qui aurait pour effet d'annihiler l'effectivité de l'indemnisation due aux ayants droits au titre de l'exception de copie privée.
Il en résulte que le principe de l'obligation de la société ONLY KEYS à l'égard de Copie France n'est pas sérieusement contestable comme l'a justement admis le premier juge aux termes de sa décision qu'il convient de confirmer sur ce point.
L'existence d'une contestation sérieuse sur le montant de la créance
La société ONLY KEYS soutient que le calcul réalisé par Copie France ne repose que sur une analyse sommaire et invérifiable de variations supposées de stocks disponibles telles que figurant sur son espace de vente. Elle ajoute que les produits mentionnés ne sont pas, pour certains, commercialisés par elle ; que par ailleurs afficher sur un site un nombre de produits disponibles ne permet pas de déduire que les variations hebdomadaires de ceux-ci seraient exclusivement dues à des ventes ; qu'il est courant dans le monde de la distribution commerciale d'afficher des stocks en baisse pour inciter les visiteurs à devenir des consommateurs en faisant miroiter une promotion ou la crainte d'une rupture de stocks. Elle indique encore qu'il convient de tenir compte du fait que les clients qui achètent et se font livrer en France ne sont pas forcément français et donc à ce titre redevables de la redevance devant être acquittée par le vendeur.
La société Copie France indique que la société ONLY KEYS s'étant abstenue, tant spontanément qu'en dépit de l'injonction sous astreinte qui lui a été faite par le premier juge, d'effectuer ses déclarations de sortie de stocks auprès d'elle, elle demeure, par le seul fait de la société appelante, dans l'impossibilité absolue d'établir le montant exact de la rémunération pour copie privée éludée à son préjudice. Elle a élaboré une méthode empirique consistant, sur une période déterminée de 7 jours à comptabiliser quotidiennement le nombre de supports assujettis proposés à la vente puis à partir de la variation quotidienne de déterminer le nombre de supports vendus. Elle sollicite, sur la base de la même méthode une réactualisation de sa créance à la somme de 188.499,64 euros HT sur la période du 16 juin 2011 au 3 novembre 2017.
La cour constate que la société Copie France depuis juillet 2015 sollicite la société ONLY KEYS pour qu'elle lui transmette les informations relatives aux quantités vendues mensuellement par catégorie de supports vierges éligibles à la rémunération de copie privée.
Depuis lors, cette dernière n'a jamais, même à titre subsidiaire puisqu'elle conteste le principe de sa dette, fourni le moindre document de nature à permettre l'évaluation de la rémunération au regard des quantités de supports effectivement vendus.
Elle conteste la méthode empirique mise en place par Copie France sans en proposer une autre et en s'abstenant toujours de fournir les éléments qui auraient pu permettre un calcul plus précis de la provision due ou démontrer que le calcul ne correspond pas à la réalité des ventes.
Dès lors, il y a lieu de confirmer la décision entreprise qui a retenu l'évaluation résultant de cette méthode et de l'infirmer sur les montants et la période retenue au regard de l'évolution du litige. Au vu du tableau de chiffrage versé aux débats par Copie France en sa pièce n°22 il y a lieu d'actualiser le montant de la provision due par la société ONLY KEYS au titre de la rémunération pour copie privée pour la période du 16 juin 2011 au 3 novembre 2017 laquelle sera fixée à la somme de 188.499,64 euros HT.
La demande de communication des déclarations des sorties et stocks sous astreinte
La décision du premier juge qui a ordonné la communication de ces déclarations mensuelles de sorties de stocks comprenant les quantités vendues chaque mois à des clients résidant en France pour chacune des catégories de supports vierges d'enregistrement assujettis à la rémunération pour copie privée, sera confirmée en son principe et infirmée s'agissant de la période retenue et du montant de l'astreinte au regard de l'évolution du litige selon les modalités prévues au dispositif du présent arrêt.
La liquidation de l'astreinte
Aux termes de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées.
La société Copie France indique que son adversaire n'a pas exécuté la condamnation nonobstant l'astreinte prononcée et demande à la cour d'ordonner la liquidation de l'astreinte prononcée par le premier juge et d'ordonner une nouvelle astreinte.
La cour constate en premier lieu que le premier juge s'est réservé la liquidation de l'astreinte. Elle relève encore que la société ONLY KEYS ne conteste pas ne pas avoir exécuté la décision déférée en ce qu'elle l'a condamnée à transmettre les déclarations litigieuses dans les délais fixés. Elle ne formule aucune observation sur le non-respect de cette astreinte ni n'invoque aucune difficulté rencontrée dans son exécution.
Il y aura donc lieu au regard des circonstances décrites de liquider l'astreinte prévue dans la décision de première instance selon les termes du dispositif étant indiqué que l'astreinte a débuté le 27 janvier 2017, la signification de l'ordonnance étant intervenue le 13 janvier 2017 et s'est poursuivie jusqu'au 27 avril 2017.
L'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La société ONLY KEYS qui succombe sera condamnée à payer à a société Copie France une somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris du 29 mars 2016 rectifiée par celle du 27 juin 2016 en ce qu'il a condamné la société ONLY KEYS à payer à la société COPIE France à titre de provision des sommes au titre de la rémunération de la copie privée pour une période commençant à courir le 16 juin 2011 et lui a ordonné de communiquer sous astreinte, pour la période commençant à courir le 16 juin 2011, l'ensemble des déclarations mensuelles de sorties de stocks comprenant les quantités vendues chaque mois à des clients résidant en France pour chacune des catégories de supports vierges d'enregistrement assujettis à la rémunération pour copie privée à savoir :
- les cassettes audio
- les cassettes vidéo,
- les minidiscs,
- les disquettes 3 pouces et demi,
- les CD R et RW DATA,
- les DVD Ram, DVD R et DVD RW Data,
- les baladeurs Mp3,
- les baladeurs Mp4,
- les décodeurs enregistreurs ou box,
- les clés USB non dédiées,
- les cartes mémoires non dédiées,
- les disques durs externes standards,
- les disques durs externes dits multimédias,
- les téléphones mobiles multimédias,
- les disques durs intégrés à des systèmes de navigation ou à des autoradios destinés à des véhicules,
- les tablettes tactiles multimédias
Confirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris du 29 mars 2016 rectifiée par celle du 27 juin 2016 en ce qu'il a condamné la société ONLY KEYS à payer une somme de 3.000 euros à la société COPIE France sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamné aux dépens de la première instance,
Vu l'évolution du litige,
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Condamne la société ONLY KEYS à payer, à titre provisionnel, à la société COPIE France, la somme actualisée de 188.499,64 euros HT, sauf à parfaire, à valoir sur la rémunération pour copie privée due au titre de la période du 16 juin 2011 jusqu'au 3 novembre 2017 ;
Ordonne à la société ONLY KEYS la communication de l'ensemble des déclarations mensuelles de sorties de stocks comprenant les quantités vendues chaque mois à des clients résidant en France pour chacune des catégories de supports vierges d'enregistrement assujettis à la rémunération pour copie privée pour la période du 16 juin 2011 jusqu'au jour du prononcé du présent arrêt et ce au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant une période de 3 mois ;
Dit n'y avoir lieu à se réserver la liquidation de cette astreinte ;
Y ajoutant,
Liquide l'astreinte prononcée par l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris du 29 mars 2016 rectifiée par celle du 27 juin mise à la charge de la société ONLY KEYS à la somme provisionnelle de 9.000 euros correspondant à 90 jours de retard ,
Condamne la société ONLY KEYS à payer cette somme provisionnelle à la société COPIE France ;
Condamne la société ONLY KEYS à payer la somme de 4.000 euros à la société COPIE FRANCE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;
Condamne la société ONLY KEYS aux dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT