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12/04/2018 | FRANCE | N°17/11263

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 12 avril 2018, 17/11263


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 12 AVRIL 2018



(n°/2018 , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/11263 (dossier joint : RG n°17/12718)



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mai 2017 - Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2016003083 - 2014J52





APPELANTS



- Monsieur [S] [I]

né le [Date naissance 1] 1

980 à [Localité 1]

Demeurant : [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat pla...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 12 AVRIL 2018

(n°/2018 , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/11263 (dossier joint : RG n°17/12718)

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mai 2017 - Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2016003083 - 2014J52

APPELANTS

- Monsieur [S] [I]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1]

Demeurant : [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat plaidant : Me Philippe DE LA GATINAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2028

Appelant dans le dossier 17/11263 et intimé dans le dossier 17/12718

- Monsieur [U] [P] [T]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 2]

Demeurant : [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Mehdi TENOURI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 40

Appelant dans le dossier 17/12718

INTIMÉS

- SELARL [J]-[Y], prise en la personne de Me [V] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SN RECUP NORD (N° SIRET : 522 114 438 - MEAUX), désignée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de MEAUX en date du 3 février 2014

Exerçant ses fonctions : [Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : [Y] (MEAUX)

Représentée par Me Alain SEGERS de la SCP PINSON SEGERS DAVEAU, avocat au barreau de MEAUX, toque : 18

Ayant pour avocat plaidant : Me Mylène BERNARDON,, de la SCP PINSON SEGERS DAVEAU, avocat au barreau de MEAUX, toque : 18

Intimée dans les 2 dossiers

- Monsieur [S] [I]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1]

Demeurant : [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat plaidant : Me Philippe DE LA GATINAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2028

Appelant dans le dossier 17/11263 et intimé dans le dossier 17/12718

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Michèle PICARD, Présidente et Madame Christine ROSSI, Conseillère.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du Code de procédure civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle PICARD, présidente de chambre

Madame Christine ROSSI, conseillère

Monsieur Laurent BEDOUET, conseiller appelé d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du Code de l'Organisation Judiciaire

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC, auquel l'affaire a été communiquée, représenté lors des débats par Anne-France SARZIER-PAPILLON, substitut général, qui a fait connaître son avis,

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société SN Recup Nord est une Sarl créée en 2010. Elle avait pour activité principale la récupération de métaux. Elle employait de 6 à 9 salariés.

La gérance de la société était exercée conjointement par monsieur [U] [T] et par monsieur [S] [I], lesquels exerçaient dans des locaux acquis pour 740.000 euros par une Sci qu'ils avaient créée.

Le 2 septembre 2013, monsieur [S] [I] a démissionné de sa fonction de co-gérant de la société.

Sur requête du ministère public le tribunal de commerce de Meaux a placée la société en redressement judiciaire par jugement du 20 janvier 2014. Le 4 février 2014 le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire après que le tribunal a constaté l'impossibilité pour la société de présenter un plan de redressement.

La Selarl [J]-[Y] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

La date de cessation des paiements a été fixée au 22 novembre 2013.

Par arrêt rendu le 23 juin 2015, la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris a mis en examen monsieur [T] des chefs de faux et usage de faux, banqueroute, recel en bande organisée d'un bien provenant d'un délit et blanchiment aggravé.

La Selarl [J]-[Y] a saisi le tribunal de commerce de Meaux par assignation du 5 avril 2016 aux fins de voir prononcer à l'encontre de monsieur [U] [T] et de monsieur [S] [I], anciens dirigeants de la société SN Recup Nord des sanctions commerciales patrimoniales et personnelles.

Par jugement du 29 mai 2017 assorti de l'exécution provisoire le tribunal de commerce de Meaux a rejeté la demande de sursis à statuer, condamné monsieur [T] à une interdiction de gérer pendant une durée de 10 ans et à une contribution à l'insuffisance d'actifs de 250.000 euros et monsieur [I] à une interdiction de gérer pendant une durée de 5 ans et à une contribution solidaire à l'insuffisance d'actif de 150.000 euros.

Le tribunal a considéré que le sursis à statuer demandé par monsieur [T], dans l'attente de l'issue des procédures pénales engagées à son encontre, n'était pas justifié dès lors qu'à supposer que ces dernières soient écartées par une ordonnance de non-lieu ou une relaxe, la question de la responsabilité de Messieurs [T] et [I], au plan de leurs obligations en qualité de dirigeants au titre des articles L.651-2, L.653-5 et L.653-8 du Code de commerce demeureraient, que les défendeurs ont commis des fautes de gestion, que monsieur [T] a entretenu des flux financiers non conformes aux flux de marchandises portant ainsi préjudice aux créanciers, que monsieur [I] ne pouvait ignorer ces faits eu égard à la déclaration Tracfin effectuée par la banque le 3 mai 2012, que le grief de comptabilité fictive était constitué pour les deux, que les actifs de la procédure collective avaient été détournés au bénéfice d'une autre structure augmentant l'insuffisance d'actif de 100.000 euros environ et enfin que monsieur [T] n'avait pas déclaré la cessation des paiements dans le délai légal.

Par déclaration du 24 juin 2017, Monsieur [T] a interjeté appel de cette décision.

Monsieur [I] a interjeté appel de la décision le 7 juin 2017.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, signifiées le 6 décembre 2017 par voie électronique, monsieur [T] demande à la Cour':

- d'infirmer la décision rendue le 29 mai 2017 par le tribunal de commerce de Meaux ;

- de surseoir à statuer dans l'attente des investigations en cours et de la décision à intervenir devant le juge pénal,

A titre subsidiaire :

- de débouter la Selarl [J] [Y] prise en la personne de Maître [Y], agissant en qualité de liquidateur de la société SN Récup Nord en ses demandes, fins et conclusions';

- de prononcer à son encontre une seule peine d'interdiction de gérer,

En tout état de cause :

- de condamner la Selarl [J] [Y] prise en la personne de Maître [Y], agissant en qualité de liquidateur de la société SN Récup Nord à 3.000 euros au titre de l'article 700 de Code de procédure civile';

- de condamner la Selarl [J] [Y] prise en la personne de Maître [Y], agissant en qualité de liquidateur de la société SN Récup Nord aux entiers dépens.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 24 novembre 2017, M. [S] [I] demande à la Cour de :

- le recevoir en son appel du jugement rendu le 29 mai 2017 par le tribunal de commerce de Meaux et de l'y déclarer bien fondé ;

- y faisant droit, de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à contribuer à l'insuffisance d'actif de la société SN Recup Nord à hauteur de la somme de 150.000 euros et à une interdiction de gérer de 5 ans, et de le décharger de toutes condamnations ;

- subsidiairement, si par extraordinaire la Cour devait considérer que M. [I] a commis une faute de gestion, de dire et juger que sa contribution à l'insuffisance d'actif sera très limitée ;

Pour le surplus:

- de déclarer Me [V] [Y] ès qualités de mandataire judiciaire de la société SN Recup Nord mal fondée en son appel incident, de l'en débouter ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- de la condamner à payer à M. [S] [I] une somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que ces frais constitueront un passif privilégié de la liquidation judiciaire de la société SN Recup Nord et de la condamner aux entiers dépens de l'instance,

***

Dans ses dernières conclusions relatives à monsieur [T] auxquelles il est expressément référé, signifiées le 22 décembre 2017 par voie électronique, la Selarl [J] [Y] prise en la personne de Maître [Y], agissant en qualité de liquidateur de la société SN Récup Nord demande à la Cour :

Dans un premier temps, de joindre la présente procédure avec la procédure n°17/11263';

Dans un second temps :

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il condamne monsieur [T] à combler l'insuffisance d'actifs de la société SN Récup Nord par application de l'article L.651-2 du Code de commerce ;

- d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il limite cette condamnation à la somme de 250.000 euros';

- de condamner monsieur [T] à combler la totalité de l'insuffisance d'actifs de la société SN Récup Nord à hauteur de 276.177 euros ;

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a sanctionné monsieur [T] d'une sanction personnelle ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a limité cette sanction à une simple interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, ou toute personne morale ayant une activité économique pendant une durée de dix ans ;

- de prononcer la faillite personnelle de monsieur [T] en sa qualité de dirigeant de la société SN Récup Nord par application des dispositions des article L.653-5 et L.653-8 de Code de commerce,

- de condamner Monsieur [T] à lui payer la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile';

- de condamner Monsieur [T] aux entiers dépens.

***

Dans ses dernières conclusions relatives à monsieur [I] auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 15 novembre 2017, la selarl [J] [Y] prise en la personne de Me [V] [Y], liquidateur judiciaire de la société SN Recup Nord demande à la Cour :

- de joindre la présente procédure avec la procédure nº17/12718 ;

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné monsieur [S] [I] à combler l'insuffisance d'actif de la société SN Recup Nord,

- d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il limite cette condamnation à la somme de 150.000 euros,

- de condamner monsieur [S] [I] à combler, à titre principal, la totalité de l'insuffisance d'actif de la sociétee SN Recup Nord à hauteur de la somme de 276.177 euros, et à titre subsidiaire, l'insuffisance d'actifs de la société à hauteur de 176.177 euros' ;

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a sanctionné M. [S] [I] d'une sanction personnelle,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a limité cette sanction à une simple interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou tout personne morale ayant une activité économique pendant une durée de 5 ans, et de prononcer la faillite personnelle de M. [I] en sa qualité de dirigeant de la société SN Recup Nord ;

- de condamner M. [S] [I] à lui payer la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de le condamner aux entiers dépens.

***

Dans son avis en date du 20 décembre 2017, le ministère public demande à la Cour de joindre les procédures inscrites sous les numéros RD 17/12718 et 17/11263 et de confirmer le jugement entrepris du 29 mai 2017 en toutes ses dispositions.

SUR CE

Sur la demande de sursis à statuer

Après avoir rappelé les poursuites pénales dont il fait l'objet notamment pour banqueroute et blanchiment, monsieur [T] fait valoir que l'assignation ayant saisi le tribunal de commerce de Meaux se fonderait sur la commission de ces faits pour retenir des fautes de gestion à son encontre. Il en déduit que les décision de non-lieu ou de relaxe emporteraient nécessairement une incidence sur les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre par la présente instance et il conclut donc qu'il serait de bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'instruction ouverte à son encontre.

La Selarl [J] [Y] soutient qu'il importe peu que les fautes reprochées à monsieur [T] soient susceptibles de constituer ou non des infractions pénales, dès lors que les fautes de gestion de ce dernier seraient incontestables et en lien avec l'accroissement de l'insuffisance d'actif.

Elle conclut donc que rien ne justifierait la demande de sursis à statuer de l'appelant.

Le ministère public observe que les griefs reprochés à monsieur [T] concerneraient notamment le défaut de déclaration cessation des paiements et l'absence de comptabilité sincère, et non pas les faits objets de l'information judiciaire en cours. Il ajoute qu'en tout état de cause, la procédure pénale ne ferait pas obstacle à ce que la cour se prononce sur la présente demande au vu des pièces qui lui sont soumises. Par ailleurs, il précise que même en cas d'ordonnance de non-lieu ou d'une relaxe, la question des obligations qui s'imposent à Monsieur [T] en sa qualité de mandataire social, au titre des articles L.651-2, L.653-5 et L.653-8 du Code de commerce, demeureraient.

La cour observe avec le ministère public que les poursuites intentées à l'encontre de monsieur [T] devant les juridictions pénales n'ont pas le même fondement et le même objet que les sanctions commerciales de la présente procédure.

La demande sera donc rejetée.

Sur la demande de jonction des procédures d'appel initiées par Messieurs [T] et [I]

Dans l'intérêt de la bonne administration de la justice, il convient de joindre les deux procédures d'appel initiées par Messieurs [T] et [I], eu égard au lien de connexité les liant, et notamment au fait que les deux appelants sont poursuivis en comblement de l'insuffisance d'actif de la même société, dont il ont assuré la gérance.

Sur les fautes de gestion

Sur le défaut de déclaration de cessation des paiements

Monsieur [T] soutient que le défaut de déclaration de cessation des paiements ne peut lui être reproché. Il fait ainsi valoir que la durée de la période suspecte n'est que de 13 jours et que le liquidateur ne démontre pas que la gestion de la société pendant cette période aurait donné lieu à des fautes de gestion telles qu'une action en comblement de passif serait justifiée.

Par ailleurs, il indique que le liquidateur ne peut prétendre que la date de cessation des paiements de la société SN Récup Nord serait antérieure à celle fixée par le jugement en date du 29 mai 2017 du tribunal de commerce de Meaux, dès lors que ce dernier n'aurait pas jugé utile de saisir le tribunal d'une demande de report de la date de cessation des paiements.

La Selarl [J] [Y] soutient que le défaut de déclaration de cessation des paiements pourrait incontestablement être reproché à l'appelant, lequel serait responsable d'une poursuite d'activité fautive. Elle fait ainsi valoir que les gérants n'ont pas respecté leur obligation de déposer une déclaration de cessation des paiements dès lors que l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire n'est intervenue que le 20 janvier 2014 sur requête du Monsieur le Procureur de la République.

Selon le ministère public, le grief reproché à monsieur [T] et tenant au défaut de déclaration de cessation des paiements serait caractérisé dans la mesure où la procédure a été ouverte sur une requête émanant de ses services, conformément à l'article L.631-5 du Code de commerce, que l'omission de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal s'apprécie au regard de la seule date de cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture de la procédure collective soit au 22 novembre 2013'et qu'il appartenait à monsieur [T], mandataire social de la société SN Récup Nord, d'effectuer une déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours. Monsieur [T] ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements dans la mesure où il est à l'origine de man'uvres frauduleuses ayant porté préjudice aux créanciers.

La cour relève que le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société SN Recup Nord a été rendu le 20 janvier 2014 sur requête du ministère public et non sur déclaration de cessation des paiements et que la date de cessation des paiements a été fixée au 22 novembre 2013.

Ainsi s'il est exact que la période s'étant écoulée entre la date de cessation des paiements et l'ouverture de u redressement judiciaire il n'en demeure pas moins d'une part que monsieur [T] n'a pas saisi le tribunal et d'autre part que le délai légal de 45 jours a été dépassé.

Monsieur [T] ne pouvait ignorer être en état de cessation des paiements alors qu'il lui est reproché d'avoir opéré des détournements de fonds et de blanchir des métaux obtenus dans le cadre d'activités illégales.

En revanche la cour constate que monsieur [I] n'était plus co-gérant de la société à la date de cessation des paiements. Le jugement sera donc également confirmé sur son absence de responsabilité au regard de ce grief.

Le grief est donc bien constitué et le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

Sur l'absence de comptabilité sincère

Monsieur [T] soutient que le grief tenant à l'absence de comptabilité sincère ne peut prospérer compte tenu du fait qu'il a fourni tout document (archives, déclarations de TVA et d'impôt sur les sociétés, et même contenu des ordinateurs) permettant d'établir cette comptabilité. Le grief reproché résulterait uniquement des allégations de madame [R], comptable de la société SN Récup Nord actuellement entendue dans le cadre d'une procédure pénale en cours, et qui ne seraient confirmées par aucun élément probant. De plus le lien de causalité entre l'absence de tenue de comptabilité et la création ou l'augmentation de l'insuffisance d'actif n'est pas démontré.

Monsieur [I] fait valoir qu'il a démissionné de ses fonctions le 2 septembre 2013. Il conteste toute responsabilité dans le système de fraude mis au jour par Tracfin.

La Selarl [J] [Y] soutient que la comptabilité de la société SN Récap Nord n'aurait jamais été sincère et véritable et ce dès la constitution de la société en 2010, et que l'activité de cette dernière permettait de blanchir de très gros volumes de métaux obtenus dans le cadre d'activités illégales. Elle fait ainsi valoir que l'enquête diligentée en raison du signalement Tracfin du 3 mai 2012 aurait démontré l'ampleur du fonctionnement frauduleux de la société.

Elle ajoute que Madame [R], la comptable de la société SN Récup Nord aurait indiqué que les chèques de règlement auraient été établis à des identités tiers autres que celles des fournisseurs, et qu'une caisse noire était gérée par les dirigeants.

Le ministère public approuve le tribunal de commerce de Meaux d'avoir décidé que le fait d'avoir entretenu des flux financiers non conformes aux flux de marchandises se serait exercé au préjudice des créanciers. Il est ainsi d'avis que la comptabilité n'a pas été tenue de manière régulière au regard des articles L.123-12 et suivants du Code de commerce. Il ajoute enfin que cette faute de gestion aurait nécessairement été à l'origine d'une partie de l'insuffisance d'actif en privant le dirigeant d'un outil de contrôle de la situation financière de l'entreprise.

La cour note à la lecture du réquisitoire définitif de renvoi devant le tribunal correctionnel et de l'arrêt de la chambre de l'instruction de Paris que Tracfin a signalé au parquet de Meaux le 3 mai 2012 des opérations financières atypiques sur les comptes bancaires de la société SN Recup Nord.

Il ressort des informations recueillies et sans préjuger de l'issue pénale de l'affaire que la société SN Recup Nord a en fait récupéré de manière occulte l'activité d'une société Recup Nord immatriculée à [Localité 2]. Il a été constaté par la cellule Tracfin que la quasi totalité des apports de métaux provenait de particuliers qui étaient payés en numéraire puis en chèques, que ces particuliers pour certains n'étaient pas vraiment des apporteurs de matières tout en étant payés et prêtaient ainsi leur concours à des actes de blanchiment.

D'autres éléments ressortent de la procédure pénale qui montrent que, ainsi que l'ont observé les premiers juges, les flux financiers ne correspondaient pas aux flux de marchandises et en conséquence que la comptabilité n'était pas tenue régulièrement et ce au détriment des créanciers. .

Monsieur [T], gérant de la société est responsable de ces irrégularités. Le jugement sera donc confirmé sur ce point, le grief étant constitué.

Monsieur [I] était encore co-gérant de la société au moment de ces faits et le jugement sera donc également confirmé pour ce qui concerne sa responsabilité étant précisé que ces fautes de gestion ont nécessairement été à l'origine d'une partie de l'insuffisance d'actifs en privant le dirigeant d'un outil de contrôle de la situation financière de l'entreprise.

Sur le détournement d'actifs postérieurs à la liquidation

S'agissant du détournement d'actifs postérieurs à la liquidation judiciaire, Monsieur [T] soutient que le liquidateur ne fait état d'aucun élément probant. Il fait ainsi valoir que le liquidateur se fonderait sur des éléments portés à sa connaissance dans le cadre des procédures pénales dont il fait l'objet, notamment un interrogatoire. Or ces éléments seraient non vérifiés en ce qu'ils ne sont pas encore tranchés par le juge répressif. Par ailleurs Monsieur [T] précise que l'action en comblement de passif serait fondée sur des faits commis lors de la gestion de la société en liquidation judiciaire et non postérieurement à celle-ci.

Monsieur [I] fait valoir que ces faits sont postérieurs au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire et que ces fautes ne peuvent donc lui être imputées.

La Selarl [J] [Y] soutient que l'activité de la société SN Récup Nord aurait été poursuivie pour le compte d'une autre société Trade Fers et Métaux, créée le 10 juin 2014 et qui exercerait dans les mêmes locaux. Selon elle, cette poursuite d'activité serait établie par plusieurs éléments : une rupture conventionnelle serait intervenue le 1er avril 2015 entre monsieur [T] et ladite société après la mise sous contrôle judiciaire de ce dernier. Madame [R], comptable de la société SN Récup Nord, aurait indiqué avoir effectué des man'uvres destinées à détourner les paiements des dernières ventes vers la société Europe Fers et Métaux Nunes et Fils, et reconnu avoir participé au détournement de l'actif de la société SN Récup Nord après l'ouverture de la liquidation judiciaire, pour un montant de 100.000 euros.

Le ministère public estime pertinent l'argument du liquidateur judiciaire sur la poursuite de l'activité de la société SN Récup Nord pour le compte d'une autre société Trade Fers et Métaux, qui exercerait dans les mêmes locaux, et sur la rupture conventionnelle du 1er avril 2015 intervenue entre l'appelant et cette société, suite au placement sous contrôle judiciaire de ce dernier. Par ailleurs le ministère public approuve le tribunal de commerce de Meaux d'avoir estimé que les actifs de la procédure collective auraient été détournés au bénéfice d'une autre structure augmentant l'insuffisance d'actif d'un montant évalué à environ 100.000 euros par Madame [R], la comptable de la société SN Récup Nord.

La cour relève qu'il ressort des pièces de la procédure pénale qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société SN Recup Nord une autre société a été créée par monsieur [T], la société Trade Fers et Métaux, qui avait le même objet social que la société SN Recup Nord et qui en aurait détourné les actifs. En effet de nombreux paiements des dernières ventes opérées par la société SN Recup Nord ont été payés à la nouvelle société créée.

Ces détournements se sont opérés au détriment des créanciers de la société SN Recup Nord et peu importe en conséquence qu'ils aient eu lieu après l'ouverture de la procédure collective.

Le jugement sera donc confirmé en ce qui concerne monsieur [T] sur ce point.

Quant à monsieur [I], la cour constate qu'il n'était plus dirigeant de la société au moment de ces détournements qui ne peuvent en conséquence lui être reprochés dans le cadre de la procédure de sanctions commerciales. Le jugement sera donc également confirmé pour ce qui le concerne.

Sur la contribution à l'insuffisance d'actif

L'insuffisance d'actif de la société SN Recup Nord s'élève à 276.177 euros.

Les fautes de gestion relevées à l'encontre de messieurs [T] et [I] sont directement à l'origine de l'insuffisance d'actif, ces fautes ayant pour finalité directe l'enrichissement personnel des appelants.

La cour confirmera en conséquence le jugement attaqué

Sur la faillite personnelle

Monsieur [T] fait valoir qu'en application du principe de proportionnalité, si une sanction venait à être prononcée, ses revenus, sa personnalité et ses intentions actuelles devraient être prises en compte. À cet effet, l'appelant indique qu'il envisage de créer seul sa propre structure en tant qu'auto-entrepreneur. Il fait état d'une jurisprudence selon laquelle un dirigeant peut être condamné à une interdiction de gérer de six ans tout en étant autorisé à exercer la profession d'auto-entrepreneur. Monsieur [T] demande ainsi à titre subsidiaire que seule une peine d'interdiction de gérer soit prononcée à son encontre.

Monsieur [I] ne conclut pas sur ce point.

La Selarl [J] [Y] demande à la Cour de prononcer la faillite personnelle de monsieur [T] et de monsieur [I] eu égard à la gravité des fautes qui leur sont reprochées.

Le ministère public demande la confirmation du jugement pour l'un et l'autre.

La cour note que les fautes reprochées à messieurs [I] et [T] sont en effet d'une gravité manifeste. Ainsi la cour infirmera le jugement attaqué et prononcera à l'encontre de monsieur [T] une mesure de faillite personnelle.

En revanche le jugement sera confirmé pour monsieur [I] qui n'est pas responsable du retard dans la déclaration de cessation des paiements ni des détournement d'actifs.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

La Selarl [J] [Y] sollicite à ce titre le paiement par chacun de la somme de 7.000 euros.

Il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner solidairement monsieur [I] et monsieur [T] à lui verser la somme de 5.500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

ORDONNE la jonction des procédures ouvertes sous les numéros 17/11263 et 17/12718 sous le numéro 17/11263,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Meaux le 29 mai 2017 sauf en ce qu'il a condamné monsieur [U] [T] à une mesure d'interdiction de gérer pendant une durée de 10 ans,

Statuant à nouveau sur ce point,

CONDAMNE monsieur [U] [T] à une mesure de faillite personnelle pendant une durée de dix ans,

CONDAMNE solidairement monsieur [U] [T] et monsieur [S] [I] à payer à la Selarl [J] [Y], ès qualités de mandataire liquidateur de la société SN Recup Nord la somme de 5.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement monsieur [U] [T] et monsieur [S] [I] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Cécile PENG Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/11263
Date de la décision : 12/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°17/11263 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-12;17.11263 ?
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