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12/04/2018 | FRANCE | N°17/10342

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 12 avril 2018, 17/10342


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 12 AVRIL 2018



AUDIENCE SOLENNELLE



(n° 195 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/10342



Décision déférée à la Cour : Décision du 02 Mai 2017 - Conseil de discipline des avocats de PARIS



DEMANDEUR AU RECOURS



Madame [D] [N]

[Adresse 1]

Ile Saint Louis

[Localité

1]



Comparante en personne





DÉFENDEUR AU RECOURS



LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE PARIS ES QUALITE D'AUTORITE DE POURSUITE

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représenté et plaidant par Me Beno...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 12 AVRIL 2018

AUDIENCE SOLENNELLE

(n° 195 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/10342

Décision déférée à la Cour : Décision du 02 Mai 2017 - Conseil de discipline des avocats de PARIS

DEMANDEUR AU RECOURS

Madame [D] [N]

[Adresse 1]

Ile Saint Louis

[Localité 1]

Comparante en personne

DÉFENDEUR AU RECOURS

LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE PARIS ES QUALITE D'AUTORITE DE POURSUITE

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté et plaidant par Me Benoît [O], avocat au barreau de PARIS, toque : E291

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

- M. Christian HOURS, Président de chambre

- Mme Marie-Hélène POINSEAUX, Présidente de chambre

- Mme Dorothée DARD, Présidente de chambre

- Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

- Mme Anne LACQUEMANT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur Michel [S], Substitut Général, qui a fait connaître son avis et qui n'a pas déposé de conclusions antérieurement à l'audience.

Par ordonnance en date du 04 Septembre 2017, le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris a été invité à présenter ses observations.

DÉBATS : à l'audience tenue le 08 Février 2018, on été entendus :

- Madame HERVE, en son rapport,

- Madame [N],

- Maître [O],

-Monsieur [S],

en leurs observations,

Madame [N] a eu la parole en dernier.

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.

* * *

Par arrêté du 2 mai 2017, Le conseil de discipline de l'ordre des avocats de Paris a :

- dit que Mme [N] s'est rendue coupable de manquements aux principes essentiels de diligence, compétence, dévouement, courtoisie et confraternité de la profession prévus par les dispositions de l' article 1.3 du règlement intérieur national,

- prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de dix huit mois assortie du sursis,

- prononcé à titre de sanction accessoire, la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du Conseil national des barreaux, des autres organismes et de se présenter aux fonctions de bâtonnier ou de vice-bâtonnier pendant une durée de cinq ans,

- condamné Mme [N] aux dépens fixés forfaitairement à 250 €,

- ordonné la publicité de la présente decision et sa publication dans le bulletin du barreau.

Par déclaration reçue au greffe le 3 mai 2018, Mme [N] a formé appel de cette décision

Mme [N] a accepté que l'affaire soit examinée en audience publique.

Mme [N] dans ses conclusions déposées le 5 janvier 2018 et soutenues à l'audience, demande à la cour d'infirmer la décision entreprise, de prononcer la nullité de l'acte de saisine du 19 octobre 2017( en réalité 2016), de prononcer la nullité de la citation du 16 mars 2017, d'annuler la procédure disciplinaire ayant abouti à l'arrêté du 2 mai 2017, d'annuler l'arrêté du 2 mai 2017, subsidiairement au fond de dire qu'elle n'a pas commis de manquement à ses obligations à l'égard de Mme [F], de Mme [B], de M.[D] et du CAUE77 et en toutes hypothèses de dire qu'elle a été empêchée de répondre aux convocations du conseil de l'ordre par sa maladie et son traitement médical.

Le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, par des observations orales, demande à la cour de reconnaître l'ensemble de la procédure régulière et de prononcer la confirmation de la décision rendue par le conseil de discipline.

Le procureur général entendu en ses observations uniquement verbales, s'en rapporte aux observations du bâtonnier et est d'avis de confirmer la décision.

Mme [N] a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DECISION :

1 - Sur la validité de la procédure :

Mme [N] invoque :

- l'absence d'information dans l'acte de saisine du 17 octobre 2016 et dans l'acte de citation sur son droit d'accès au dossier disciplinaire avant son audition par le rapporteur en violation de l'article P72.3.2 al 2 du RIBP ainsi que de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- l'irrecevabilité de l'instruction disciplinaire en l'absence d'interrogatoire sur les faits reprochés,

- la partialité du rapport d'instruction disciplinaire,

- l'absence d'indication précise dans la citation des faits qui lui sont reprochés et de précisions quant aux obligations méconnues, qui a constitué une entrave à sa défense.

Le bâtonnier conteste le bien fondé de ces griefs.

Le ministère public fait valoir que les demandes de nullité sont irrecevables en cause d'appel et qu'en toute hypothèse, il n'existait aucune imprécision sur les faits reprochés à Mme [N] dans la citation et la décision entreprise.

Il ne ressort ni des dispositions particulières de la loi du 31 décembre 1971 et du décret du 27 novembre 1991 ni de celles du code de procédure civile que les moyens de nullité affectant les actes de procédure antérieurs à la décision du conseil de discipline seraient irrecevables comme étant nouveaux devant la cour d'appel.

- L'article P72.3.2 du RIBP dispose que l'acte de poursuite informe l'intéressé du droit d'accès au dossier disciplinaire et de la possibilité de se faire assister d'un avocat.

L'acte de saisine et d'ouverture d'une instance disciplinaire à l'encontre de Mme [N] par l'autorité de poursuites énonce de façon précise les faits qui lui sont reprochés à l'égard de Mme [B], Mme [F], du conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement de Seine et Marne (CAUE77) et de M.[D] en ajoutant que Mme [N] ne s'est pas présentée devant la commission de déontologie pour s'en expliquer et en précisant que ces comportements réalisent des manquements aux obligations de diligence, compétence, dévouement, courtoisie et confraternité de l'avocat.

Certes, l'acte de saisine n'informe pas Mme [N] de son droit de consulter son dossier mais uniquement de celui de se faire assister par un avocat. Néanmoins, l'acte de citation du 16 mars 2017 qui effectue un exposé complet de la procédure suivie indique que le 19 octobre 2016 une copie de l'intégralité du dossier disciplinaire lui a été remise en main propre avec l'acte de saisine et il ressort des débats que Mme [N] qui ne s'est pas plainte devant le conseil de discipline de ne pas avoir eu accès à son dossier, possède une connaissance complète des faits qui lui sont reprochés et qui concernent exclusivement les réclamations émises en 2015 par Mme [B], Mme [F], le conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement de Seine et Marne (CAUE77) et M.[D]. Aussi la seule omission de la mention de son droit d'accès sur l'acte de saisine n'a pas porté atteinte aux droits de la défense de Mme [N] et il n'y a donc pas lieu d'en prononcer la nullité.

- Mme [N] a été entendue par le rapporteur le 8 novembre 2016 sur son comportement à l'égard des quatre clients susvisés et l'instructeur a rapporté les explications de Mme [N]. Il appartenait à cette dernière de fournir des informations complémentaires si elle l'estimait utile et il ne ressort pas de la lecture du rapport que celui-ci soit partial au détriment de Mme [N] dans les dossiers de Mme [F] et de Mme [B] alors qu'il énonce les explications fournies par l'intéressée. Ainsi les moyens de nullité ou d'irrecevabilité tenant au déroulement de la phase d'instruction doivent être écartés.

- la citation énonce les faits reprochés à Mme [N] dans quatre dossiers : [B], [F], CAUE77 et [D], rappelle qu'elle est poursuivie pour avoir manqué aux principes essentiels de la profession d'avocat et particulièrement aux principes de diligence, compétence, dévouement, ainsi que de courtoisie et confraternité pour ne pas avoir répondu aux convocations et aux demandes d'observations qui lui ont été adressées par l'ordre des avocats de Paris puis résume en retenant qu'il est reproché à Mme [N] de ne pas avoir accompli 'les diligences requises en vue d'assurer la défense de ses clients' et en s'abstenant de répondre à son Ordre.

Si la formule 'pour la défense des intérês de ses clients' est générale, l'énonciation des faits reprochés à Mme [N] dans chacun des quatre dossiers susmentionnés était suffisamment explicite pour qu'il n'existe aucun doute sur les faits objet des poursuites disciplinaires. La défense de Mme [N] n'a ainsi pas été entravée par un manque de clarté ou de précision sur la nature et l'étendue des manquements qui lui étaient reprochés.

2 - Sur le fond :

Il est reproché à Mme [N] :

- dans le dossier de Mme [B], alors qu'elle avait reçu en janvier 2015 la somme de

7 176 € sur son compte Carpa en exécution d'un jugement du conseil des prud'hommes rendu au bénéfice de cette dernière, d'avoir attendu 5 mois avant de restituer les fonds en laissant Mme [B] dans l'ignorance du versement, de sorte que celle-ci a fait diligenter une saisie-attribution sur le compte bancaire de son ancien employeur.

Mme [N] explique que le débiteur lui avait demandé de ne se dessaisir des sommes que si Mme [B] renonçait à faire appel du jugement, que celle-ci lui avait manifesté sa volonté d'exercer un recours et qu'elle n'a appris que le 3 mai 2015 que le jugement était devenu définitif.

Néanmoins, Mme [N] s'est abstenue d'informer sa cliente du versement des fonds et de la condition que son ancien employeur mettait à leur remise puis ensuite de demander un certificat de non-appel, ce qui constitue un manquement à l'obligation de diligence qui était de nature à provoquer un légitime mécontentement de la cliente mais aussi de son ex-employeur qui a subi une mesure d'exécution injustifiée. Le fait que Mme [B] n'ait pas réglé elle-même les honoraires ou qu'elle ait exprimé sa colère par des propos violents, ne constituent pas des circonstances de nature à atténuer la faute de Mme [N].

- dans le dossier de Mme [F], il est reproché à Mme [N] qui était chargée par sa cliente de faire appel d'une ordonnance de non-conciliation, de s'être dessaisie du dossier par SMS le 5 septembre 2015 dix jours avant l'audience devant la cour d'appel.

Mme [N] répond que son état de santé ne lui permettait pas d'assurer la défense des intérêts de Mme [F] alors qu'elle s'est trouvée en arrêt maladie le 14 septembre 2015. Elle déclare en outre que Mme [F] lui avait indiqué son souhait d'effectuer une demande d'aide juridictionnelle auprès du tribunal de grande instance de Bobigny et qu'elle a donc formulé une demande de renvoi auprès du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bobigny pour désignation d'un avocat au titre de l'aide juridictionnelle. Elle verse aux débats un message électronique du 29 octobre 2015 sollicitant le renvoi de l'audience du 10 novembre 2015 devant le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bobigny

Il ressort de la lettre de Mme [F] adressée au bâtonnier le 2 octobre 2015 qu'elle avait fait appel de l'ordonnance de non-conciliation et qu'elle a été avisée par SMS le 5 septembre 2015 que Mme [N] ne souhaitait plus la représenter et qu'elle devait rechercher un autre avocat de sorte qu'elle a effectué une demande auprès du bureau de l'aide juridictionnelle de [Localité 3] alors qu'une l'audience était prévue pour le 15 septembre suivant.

Ainsi les explications de Mme [N] ne correspondent pas aux faits dont sa cliente s'est plainte auprès du Bâtonnier. En toute hypothèse, il y a lieu de retenir à l'encontre de Mme [N] un manque de courtoisie à l'égard de sa cliente à qui elle a fait connaître par SMS qu'elle mettait fin à son mandat sans que les circonstances permettent de retenir que Mme [F] en aurait été avisée par un autre moyen.

- dans le dossier du CAUE 77, il est reproché à Mme [N] qui a été dessaisie par ce dernier au profit de maître [I] [U] de ne pas avoir transmis trois dossiers à son confrère alors que celui-ci lui en avait fait la demande en décembre 2015 et de ne pas avoir répondu au conseil de l'ordre saisi de la difficulté.

Mme [N] invoque son état de santé à cette période et le fait qu'elle avait dû en urgence faire déménager ses dossiers dans des locaux situés à [Localité 4] et elle indique que les dossiers ont été transmis à maître [U] par colissimo le 20 octobre 2016 soit après qu'elle eut été entendue par le rapporteur dans le cadre de l'instance disciplinaire.

- dans le dossier [D] visé par la citation sous le nom de son conseil, maître [E], il est également reproché à Mme [N] de ne pas avoir restitué le dossier demandé par un confrère qui a informé le Bâtonnier du Val de Marne le 29 juillet 2015, lequel a saisi le Bâtonnier de Paris le 17 août 2015, alors qu'une audience de mise en état était prévue le 17 septembre suivant.

Mme [N] a répondu le 29 octobre 2015 à maître [E] que ses demandes étaient restées sans réponse en raison de la fermeture de son cabinet pour raison de santé et qu'elle transmettrait le dossier de M.[D] dès sa reprise à condition que celui-ci lui confirme sa volonté de changer d'avocat, ce qu'il n'avait pas encore fait.

Néanmoins il convient de relever que l'absence de réponse aux demandes de maître [E] est antérieure de plusieurs semaines à l'arrêt maladie de Mme [N] et que la réponse selon laquelle elle transmettrait le dossier dès sa reprise sans autre perspective n'était pas conforme aux intérêts du client.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les manquements de Mme [N] à ses obligations de diligence, compétence, dévouement, courtoisie et confraternité sont établis, néanmoins, il y a lieu de tenir compte du fait que la plupart des problèmes rencontrés sont liés au fait que celle-ci n'a pas su apporter une solution professionnelle provisoire adaptée aux graves difficultés de santé qu'elle a rencontrées à compter du 14 septembre 2015. Ainsi il y a lieu de prononcer à l'encontre de Mme [N] une interdiction temporaire d'exercice de six mois assortie du sursis, sans qu'il y ait lieu d'en ordonner la publicité. La décision du conseil de discipline sera donc réformée en ce sens.

PAR CES MOTIFS :

Rejette les moyens de nullité soulevés par Mme [N],

Confirme l'arrêt 2 mai 2017 sauf en ce qu'il a fixé à 18 mois la durée de l'interdiction temporaire d'exercice, et a ordonné la publicité et la publication de la décision,

Statuant à nouveau,

Prononce à l'encontre de Mme [N] une interdiction temporaire d'exercice pour une durée de six mois assortis du sursis,

Dit n'y avoir lieu à publicité ni à publication,

Dit que la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour, par lettre recommandée avec accusé de réception.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/10342
Date de la décision : 12/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°17/10342 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-12;17.10342 ?
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