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12/04/2018 | FRANCE | N°16/25792

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 12 avril 2018, 16/25792


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 12 AVRIL 2018



(n° , 11 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 16/25792 (jonction avec le RG 17/03312)



Décision déférée à la cour : jugement du 25 novembre 2016 - tribunal de commerce de PARIS - RG n° J2016000643



APPELANTS



- Monsieur [O] [P]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1] (53)


Demeurant : [Adresse 1]

[Localité 2] (ROUMANIE)



Représenté par Me Marion CHARBONNIER de la SELARL ALEXANDRE BRESDIN CHARBONNIER, avocate au barreau de PARIS, toque : D0947

Ayant p...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 12 AVRIL 2018

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/25792 (jonction avec le RG 17/03312)

Décision déférée à la cour : jugement du 25 novembre 2016 - tribunal de commerce de PARIS - RG n° J2016000643

APPELANTS

- Monsieur [O] [P]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1] (53)

Demeurant : [Adresse 1]

[Localité 2] (ROUMANIE)

Représenté par Me Marion CHARBONNIER de la SELARL ALEXANDRE BRESDIN CHARBONNIER, avocate au barreau de PARIS, toque : D0947

Ayant pour avocat plaidant Me Frédéric SCHNEIDER de la SELARL CLB Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1851

- Monsieur [K] [L]

né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 3] (02)

Demeurant : [Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Marc-Antoine PEREZ de la SELEURL PEREZ & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R178

- Madame [B] [R]

née le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 5] (92)

Demeurant : [Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Marc-Antoine PEREZ de la SELEURL PEREZ & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R178

INTIMÉS

- Madame [M] [C] div. [A]

Demeurant : [Adresse 3]

[Localité 6]

Régulièrement mise dans la cause mais non représentée

- Monsieur [P] [H]

né le [Date naissance 4] 1947 à PARIS 14ÈME

Demeurant : [Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me José Michel GARCIA de la SELARL ANTELIS GARCIA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0056

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle KRAEMER de la SELARL ANTELIS GARCIA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0056

- Monsieur [A] [U]

né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 8] (93)

Demeurant : [Adresse 5]

[Localité 9]

Régulièrement mis dans la cause mais non représenté

- Société FGIH - FRANCO GERMANIQUE INDUSTRIE UND HANDEL GMBH, société de droit allemand

Ayant son siège social : [Adresse 6]

[Adresse 7] (ALLEMAGNE)

N° SIRET : HRB 176793 (MÜNCHEN)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant Me Serge KIERSZENBAUM, avocat au barreau de PARIS, toque : U009

- Société MH INTERNATIONAL GMBH, anciennement dénommée OHE-OMEGA HOLDING EUROPA, société de droit allemand,

Ayant son siège social : [Adresse 8]

[Localité 10] (ALLEMAGNE)

N° SIRET : 127612 (HAMBURG)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Francine HAVET, avocate au barreau de PARIS, toque : D1250

Ayant pour avocat plaidant Me Béatrice BEAUDOIN, avocate au barreau de PARIS, toque: A984 substituée par Me Frédéric SCHNEIDER de la SELARL CLB Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1851

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Christine ROSSI, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michèle PICARD, présidente de chambre

Madame Christine ROSSI, conseillère

Monsieur Laurent BEDOUET, conseiller appelé d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du Code de l'Organisation Judiciaire

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIÈRE, lors des débats : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE

ARRÊT :

- rendu par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, présidente et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société GSM Engineering et Services (GE&S) au capital de 8.000 euros a été constituée en 2002 sous le nom de BR Audit et Conseils (ci-après BRAC). Elle est inscrite au RCS de Paris.

Par jugement du 14 juin 2010, le tribunal de commerce de Meaux a arrêté le plan de cession des actifs de la société Socratt Ingénierie à la société Groupe Second Marché (GSM), représentée à la barre par M. [P]. Le jugement prévoyait une possibilité de substitution de GSM au profit d'une société GE&S à créer.

Le changement de dénomination sociale de BRAC en GE&S a été décidé par une assemblée générale du 19 juillet 2010.

Les actionnaires de GE&S, Mme [R] et MM. [L], [H] et [M] sont supposés, aux termes d'un acte du 8 juin 2011, avoir vendu leurs parts sociales pour la somme totale de quatre euros à la société Franco-Germanique Industrie und Handel GmbH (FGIH). A la suite de cette acquisition de la totalité du capital de GE&S et par décision du même jour, FGIH a procédé à la dissolution-confusion de son acquisition, selon les termes de l'article 1844-5 alinéa 3 du code civil.

Deux ex-salariés de la société Socratt Ingénierie, Mme [C] et M. [U], contestant les conditions de leur licenciement, ont poursuivi leur ancien employeur devant le conseil des prudhommes et ont mis FGIH dans la cause. FGIH indique avoir alors découvert que nombre de documents étaient des faux et que le fonds de commerce et les salariés de l'ex-Socratt avaient été transférés sans acte à une « nouvelle » GE&S, immatriculée à Meaux, juste avant que la première GE&S, immatriculée à Paris, ne soit vendue à FGIH. C'est dans ce contexte que FGIH saisissait le tribunal de commerce de Paris.

Par un jugement en date du 25 novembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'annulation de la vente du capital de la société GE&S à la société FGIH, a dit nulle la dissolution-confusion de GE&S au sein de FGIH, a ordonné la réinscription au registre du commerce et des sociétés de la société GE&S, et a condamné in solidum M. [L], Mme [R], la société MH International venant aux droits de la société Groupe Second Marché et M. [P] à payer à la société FGIH les sommes de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts et 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. Le tribunal a également ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 21 décembre 2016, M. [P] a interjeté appel de ce jugement.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 5 décembre 2017, M. [P] demande à la Cour de le déclarer recevable et bien fondé en son appel, d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 25 novembre 2016 en ce qu'il l'a condamné ; statuant à nouveau, de le mettre hors de cause, de débouter la société FGIH de toutes ses demandes à son encontre, de condamner la société FGIH à lui payer la somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et de la condamner à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 12 décembre 2017, la société Franco Germanique Industrie und Handel GmbH (FGIH) demande à la Cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente du capital de la société GE&S à la société FGIH, dit nulle la dissolution-confusion de la société GE&S au sein de la société FGIH, ordonné la réinscription au registre du commerce et des sociétés de la société GE&S, condamné in solidum M. [L], Mme [R], la société MH International et M. [P] à payer à la société FGIH 15.000 euros au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 277,09 € dont 45,96 € de TVA,

- à titre infiniment subsidiaire, à défaut de prononcer l'annulation de la vente du capital de la société GE&S à la société FGIH, et par substitution de motifs, d'en prononcer la résolution pour défaut de délivrance de la chose vendue, toutes autres dispositions ci-dessus du jugement du tribunal de commerce de Paris étant maintenues ;

- y ajoutant, enjoindre expressément au greffier du tribunal de commerce de Paris la réinscription au registre du commerce et des sociétés de la société GE&S,

réformant partiellement le jugement entrepris pour le surplus :

- condamner solidairement M. [L], Mme [R], M. [P] et la société MH International anciennement dénommée Omega Holding Europa et venue aux droits de la société Groupe Second Marché à payer la somme de 286.119,56 euros à titre de dommages-intérêts à l'égard de la société FGIH, avec intérêts de droit à compter de l'acte introductif d'instance ;

- alternativement, condamner solidairement les susdits à payer la somme de 136.119,56 euros de dommages-intérêts à l'égard de la société FGIH, avec intérêts de droit à compter de l'acte introductif d'instance, et à garantir la société FGIH de toutes condamnations intervenues ou à intervenir du fait de l'emploi de personnels à quelque titre que ce soit par la société GE&S et, plus généralement, de toute suite procédurale pouvant venir toucher la société concluante du chef de la dissolution-confusion de la dite société GE&S, nonobstant l'annulation de cette dissolution confusion, et dire que les créanciers de condamnations prud'homales et plus généralement tout créancier de la société FGIH, du fait de la dissolution confusion intervenue en son sein de la société GE&S, auront un droit direct contre M. [L], Mme [R], M. [P] etla société MH International anciennement dénommée Omega Holding Europa et venue aux droits de la société Groupe Second Marché en tant que codébiteurs solidaires ;

- y ajoutant, condamner solidairement M. [L], Mme [R], M. [P] et la société MH International anciennement dénommée Omega Holding Europa et venue aux droits de la société Groupe Second Marché à payer la somme de 15.000 euros de réparation à l'égard de la société FGIH au titre des frais irrépétibles en cause d'appel, et les condamner aux entiers dépens de l'appel dont distraction au profit de Me Etevenard en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 12 juin 2017, la société MH International GmbH anciennement dénommée Omega Holding Europa, demande à la Cour de la recevoir en son appel incident et de la déclarer recevable, de confirmer le jugement du 25 novembre 2016 en ce qu'il a débouté la société FGIH de sa demande relative à la prétendue fictivité de la société MH International, d'infirmer le jugement du 25 novembre 2016 en ce qu'il a condamné la société MH International in solidum à la somme de de 50.000 euros ; en conséquence, de mettre hors de cause la société MH International ; subsidiairement, de déclarer l'action de la société FGIH dirigée à l'encontre de la société MH International mal fondée et de l'en débouter, de débouter toutes les parties de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions contraires à celles de la société MH International, de condamner la société FGIH à payer à la société MH International la somme de 10.000 euros en remboursement des frais non taxables en application de l'article 700 du CPC, ainsi qu'en tous les dépens.

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 22 novembre 2017, Mme [B] [R] et M. [K] [L] demandent à la Cour de réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;

- statuant à nouveau, de dire que la société FGIH ne conteste pas les signatures de Mme [R], ni de M. [L] ; par conséquent, de dire et juger que la société FGIH est cessionnaire des 3.920 parts de M. [L] et des 1.920 de Mme [R], qu'elle ne conteste pas avoir été présente et invitée lors des assemblées générales extraordinaires du 8 juin 2011 de 11h et de 11h30, que la société FGIH représentée par son gérant M. [Y] [O] est signataire de l'acte de cession de parts prétendument litigieux en date du 8 juin 2011 dans lequel figurent les cédants, MM. [L], [H], [M] et Mme [R], que MM. [H] et [M] ne se sont jamais opposés à la cession de leurs parts sociales à FGIH, que M. [Y] [O] ès qualité d'associé unique de la société GE&S a signé le 8 juin 2011 à 12h15 le PV de dissolution de GE&S, que la société FGIH n'a pas procédé à la moindre réclamation avant le 10 mai 2012 envers les cédants des parts sociales de la société GE&S, que la société FGIH ès qualité d'associé unique de GE&S est intervenue dans les procédures prud'homales initiées à l'encontre de GE&S ;

- par conséquent, de dire et juger que la demande de la société FGIH est infondée, et de débouter la société FGIH de sa demande de nullité ;

- en toute hypothèse, de dire et juger que la société FGIH ne démontre pas ne pas avoir été en possession des documents juridiques et fiscaux de la société GE&S, de la débouter de sa demande de résolution des cessions de parts sociales, de dire et juger qu'elle ne justifie pas de la cause de l'acquisition de l'intégralité des parts sociales de la société GE&S, qu'elle ne justifie d'aucun préjudice, qu'elle ne démontre pas le motif de l'acquisition de l'intégralité des parts sociales de la société GE&S, et par conséquent de la débouter de sa demande de dommages et intérêts ;

- au surplus, de dire et juger que l'action en nullité de la fusion entre FGIH et GE&S est prescrite ;

- en toute hypothèse, de condamner la société FGIH au profit de Mme [B] [R] et de M. [K] [L] au paiement des sommes de 10.000 euros pour procédure abusive, de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de la condamner aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés par la selarl Perez-Messager et Associés représentée par Me Marc-Antoine Perez en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 12 mai 2017, monsieur [P] [H] demande à la Cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 novembre 2016, de constater sa mise hors de cause, de débouter les parties de l'ensemble des demandes qu'elles pourraient formuler à son encontre, et de condamner monsieur [P] aux entiers dépens de l'appel.

SUR CE

La société FGIH, demanderesse devant les premiers juges et appelante incidente devant la Cour, demande, d'une part, l'annulation de la cession des parts sociales de GE&S ex-BRAC, d'autre part, l'indemnisation de divers chefs de préjudices nés des conditions de la cession. Il est relevé qu'elle ne sollicite plus devant la Cour la radiation de la société MH International en raison de son caractère prétendument fictif. Il convient donc d'examiner, suivant l'ordre des prétentions, la demande en annulation de la cession des parts de la société GE&S ex-BRAC, puis les diverses demandes indemnitaires, étant précisé que celles-ci sont formulées indépendamment de la validité de la cession.

Sur la vente des parts de GE&S à FGIH et ses conséquences

La société FGIH verse au débat l'acte de cession des parts sociales de GE&S, daté du 8 juin 2011 et portant les signatures attribuées à M. [O] en qualité de gérant de FGIH, ainsi qu'aux quatre associés Mme [R], M. [L], M. [M] et M. [H]. Elle produit également le procès-verbal, portant les signatures attribuées aux quatre associés de GE&S, de l'assemblée générale extraordinaire du 8 juin 2011 l'ayant agréée en qualité de nouvel associé. FGIH soutient, à titre principal, que les signatures de MM. [M] et [H] figurant sur ces deux actes ne seraient pas de la main de leurs auteurs prétendus et y auraient été apposées sans leur accord. Elle en déduit que tant le procès-verbal de l'assemblée générale que l'acte de cession de parts sont réputés non-avenus, et demande l'annulation de la vente de GE&S.

Il importe d'examiner ici si la vente des parts sociales de la société GE&S à la société FGIH est opposable à chacun des quatre associés Mme [R], M. [L], M. [M] et M. [H].

Les signatures de Mme [R] et M. [L] ne sont pas discutées et la cession de leurs parts est dès lors valable.

S'agissant de la vente des parts de M. [H], celui-ci affirme n'avoir jamais signé l'acte de cession de parts sociales du 8 juin 2011 ni participé à l'assemblée générale du même jour. Cependant, cette affirmation n'est justifiée que par une lettre adressée à M. [O], versée au débat par FGIH et dans laquelle le conseil de M. [H] indique que la signature figurant sur l'acte de cession de parts n'est pas celle de son client. Cette seule affirmation contestée et non étayée d'éléments probants ne permet pas de retenir que la signature serait un faux, de sorte que la vente des parts de M. [H] sera retenue valable et opposable à ce dernier.

A propos de la vente des parts de M. [M], FGIH verse au débat une attestation émanant de ce dernier et datée du 5 juillet 2012, dans laquelle il déclarait n'avoir jamais signé l'acte de cession des parts de GE&S. Mme [R] et M. [L] font valoir que M. [M] a par la suite rédigé une seconde attestation, par laquelle, selon les intimés, il déclarait avoir écrit la première sous des menaces émanant notamment de M. [O]. FGIH oppose que la seconde attestation ne permet pas de conclure à la validité des signatures de M. [M], puisque celui-ci ne dément pas les déclarations de sa première attestation, mais se contente de faire état de menaces qui, selon elle, n'en sont pas. Ni les intimés ni FGIH ne versent au débat cette seconde attestation, néanmoins ils en citent les mêmes passages, pour en tirer des conclusions différentes. Ces contradictions ne sauraient fonder d'invalider la cession.

Pour l'ensemble des motifs qui précèdent, doit être admise la validité des cessions faites à FGIH des parts de Mme [R], M. [L], M. [M] et M. [H].

FGIH soutient, à titre subsidiaire, que la cession de GE&S doit être résolue pour défaut de délivrance de la chose vendue. Elle verse au débat plusieurs lettres recommandées avec avis de réception adressées en mai et juin 2012 à M. [P] ainsi qu'à MM. [M], [H], [L] et Mme [R], par lesquelles FGIH demande à ce que lui soient remises la situation active et passive de GE&S à la date de la vente, la totalité de la comptabilité et l'ensemble des archives sociales. Il n'est pas contesté que les documents demandés n'ont jamais été délivrés, ce qui pour FGIH s'apparenterait à un défaut de délivrance de la chose vendue. Cependant, comme le relèvent à juste titre Mme [R] et M. [L], la délivrance des parts sociales de GE&S a été effectuée par la remise des titres et par l'usage qu'en a fait FGIH. Si cette communication était pour elle déterminante, il lui appartenait de ne pas conclure la vente avant d'obtenir les documents comptables. La seule circonstance que FGIH traitait habituellement avec l'intermédiaire de la cession, la société General Service, en qui elle expose avoir eu toute confiance, ne permet pas de retenir une autre analyse.

La demande de résolution doit donc également être rejetée.

Dès lors la dissolution-confusion de GE&S dans FGIH est valide, le jugement étant infirmé.

Sur les demandes de dommages et intérêts au profit de FGIH

La société FGIH demande à être indemnisée de divers chefs de préjudice, en premier lieu, de plusieurs condamnations liées à la reprise du fonds de commerce de Socratt Ingénierie et figurant au passif de la société GE&S, en deuxième lieu, du gain manqué correspondant à l'actif de la société Socratt Ingénierie, qu'elle n'a pas récupéré, et enfin de divers frais administratifs et de conseil occasionnés par l'absence de délivrance des documents comptables de GE&S. Elle sollicite pour tous ces postes de préjudice la condamnation solidaire de Mme [R], M. [L], la société MH International et M. [P].

La société FGIH étant ici demanderesse, il lui incombe de prouver une faute de chacun des auteurs visés et un lien de causalité avec les préjudices prétendus.

S'agissant du premier poste de préjudice, FGIH demande indemnisation au titre d'une condamnation prononcée à son encontre par le conseil des prud'hommes de Paris dans un jugement du 29 mars 2012 pour le licenciement de Mme [M] [C], ancienne salariée de Socratt licenciée par GE&S en décembre 2010, soit six mois avant que FGIH n'acquière GE&S. Cependant, sans qu'il y ait lieu à plus ample examen et comme le relèvent Mme [R] et M. [L], la société FGIH se limite à affirmer que la condamnation est devenue définitive sans en justifier. La demande sera rejetée.

FGIH demande également indemnisation pour une possible condamnation dans un litige actuellement en cours l'opposant à M. [E] [I], ancien salarié de Socratt licencié par GE&S avant que celle-ci ne soit cédée à FGIH. Elle ne verse cependant au débat que la convocation devant le bureau de jugement du conseil des prud'hommes pour le 2 septembre 2014 sans justifier des suites de la procédure, étant de plus relevé que M. [I] demandait dans l'acte introductif d'instance à titre principal la condamnation de la société GSM, et seulement subsidiairement des sociétés GSM et FGIH solidairement. La demande sera rejetée.

De même, ne présente aucun caractère de certitude le préjudice invoqué par FGIH concernant un risque de procédure lié à d'éventuelles réclamations nées de l'exercice de l'activité de Socratt par GE&S dans l'année précédant son rachat par FGIH. Surtout, il appartenait à cette dernière de s'assurer d'une garantie de passif et de ne pas se satisfaire d'une « convention verbale de bonne foi », étant ici rappelé la modicité du prix d'acquisition de quatre euros.

La demande de la société FGIH concernant sa condamnation solidaire avec la société GSM à indemniser M. [A] [U], ancien salarié de Socratt licencié par GE&S avant le rachat de ses parts par FGIH, présente un caractère certain puisque FGIH justifie de la confirmation en appel de la condamnation. Cependant, FGIH ne démontre pas que l'origine de son préjudice, comme elle le soutient en des termes généraux et non circonstanciés, serait la faute des intimés et proviendrait du licenciement sans cause réelle ni sérieuse de M. [U] ou d'une manoeuvre d'ensemble ayant conduit au transfert illicite de la société Socratt. Son préjudice est né du propre fait de FGIH qui n'a pas entendu solliciter de garantie de passif et a acquis les parts sans audit préalable ni vérification des comptes.

FGIH sera donc déboutée de toutes ses demandes d'indemnisation ou de garantie au titre des condamnations et risques de condamnations liées à la reprise du fonds de commerce de Socratt Ingénierie par GE&S.

En deuxième lieu, FGIH demande à être indemnisée de son gain manqué correspondant à l'acquisition du fonds de commerce de Socratt Ingénierie, qui selon elle a été repris par la société GE&S, puis transféré juste avant qu'elle n'achète les parts de GE&S vers une seconde société GE&S créée quelques mois auparavant. En effet, un jugement du tribunal de commerce de Meaux en date du 14 juin 2010 avait arrêté le plan de cession de la société Socratt Ingénierie à la société GSM, tout en prévoyant une faculté de substitution de GSM à une société GE&S à constituer. Il apparaît, au vu des condamnations prud'hommales de GE&S, que celle-ci s'est bien substituée à GSM ; par ailleurs, une seconde société GE&S, détenue par M. [P] et par la société GSM, a été immatriculée en mars 2011. Cependant, il ressort d'une lettre datée du 7 juillet 2012 adressée à M. [L] par M. [O] en sa qualité de gérant de FGIH que celui-ci ignorait que GE&S « avait procédé à la reprise, à la barrre du Tribunal de Commerce de Meaux, de SOCRATT INGENIERIE et d'une vingtaine de salariés ». FGIH ne peut donc pas prétendre avoir été privée d'un gain dont son dirigeant a reconnu lui-même avoir ignoré l'existence. De plus, comme le relèvent Mme [R] et M. [L], si le fonds de commerce de Socratt Ingénierie, d'une valeur estimée par FGIH à 85.000 euros, avait été inclus dans la cession des parts de GE&S, il est peu probable que celles-ci auraient été cédées pour la somme de quatre euros.

FGIH sera donc déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de son gain manqué, le jugement étant infirmé de ce chef.

En troisième lieu, FGIH demande à être indemnisée de divers frais nés de difficultés juridiques et comptables qui ont été, selon elle, causées par le défaut de communication des documents comptables et archives sociales de GE&S. Elle demande ainsi l'indemnisation de deux amendes administratives qui lui ont été réclamées par la justice allemande, selon FGIH pour défaut de publication légale des comptes de 2011 à 2015. Cependant et en tout état de cause, tel qu'opposé par M. [P], les deux courriers de réclamation de l'administration allemande, versés au débat par FGIH, sont difficilement exploitables du fait d'une traduction incomplète qui ne permet pas de connaître le fondement des créances réclamées. La demande sera rejetée.

FGIH demande également indemnisation d'une somme de 34.288,66 euros qui lui a été facturée par un cabinet de conseil Schloss Bützow pour des prestations d' « assistance et conseil, en relation avec votre avocat, dans le cadre des contentieux opposant votre société au « Groupe [P] », portant notamment sur l'annulation de la cession du capital de la société GE&S ». FGIH ne détaille pas plus la teneur de ces prestations, vraisemblablement juridiques et en rapport au moins pour partie avec le présent contentieux. Ces dépenses relèveraient le cas échéant de l'indemnisation au titre des frais irrépétibles et ne peuvent ouvrir droit à des dommages et intérêts, d'autant qu'en tout état de cause la société FGIH a été déboutée de sa demande en annulation de la cession.

Enfin, FGIH demande à être indemnisée de la somme de 4.125 euros facturée par le cabinet d'avocat Leclerc de Hautecloque Poncins, en soutenant que ces sommes sont dues dans le cadre des instances prud'hommales l'ayant opposée à Mme [C] et à M. [U]. La condamnation de FGIH dans ces procédures n'étant pas indemnisable, les frais d'avocat qui lui ont été facturés ne le sont pas davantage.

FGIH sera donc déboutée de ses demandes d'indemnisation au titre des difficultés juridiques et comptables, le jugement étant confirmé de ce chef.

FGIH, qui avait la charge de la preuve, s'est limitée à dénoncer les circonstances troubles dans lesquelles les cessions auraient été conclues, et a été défaillante à démontrer des fautes imputables à ses adversaires en lien causal avec ses préjudices prétendus. Elle sera donc déboutée de toutes ses demandes d'indemnisation, la décision déférée étant infirmée.

Sur les demandes de procédure abusive

FGIH ayant pu se méprendre de bonne foi sur la portée de ses droits, il ne sera pas fait droit aux demandes de condamnation pour procédure abusive émanant de M. [P], de la société MH International et de Mme [R] et M. [L].

Sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel

La solution retenue fonde de condamner la société FGIH aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'équité justifie, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner FGIH à payer au titre des frais irrépétibles les sommes de 3.000 euros à M. [P], 3.000 euros à la société MH International et 3.000 euros à Mme [R] et M. [L].

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement rendu le 25 novembre 2016 par le tribunal de commerce de Paris,

Y substituant,

DÉBOUTE la société FGIH de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société FGIH aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Marc-Antoine Perez dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société FGIH à payer au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, à M. [P] la somme de 3.000 euros, à la société MH International la somme de 3.000 euros, et à Mme [R] et M. [L] la somme de 3.000 euros,

REJETTE toute autre demande.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

Cécile PENG Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 16/25792
Date de la décision : 12/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°16/25792 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-12;16.25792 ?
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